Je n'ai pas consulté Miss Miller depuis la séance de musicothérapie, quelques mois plus tôt. Il faut dire que les vacances d'été sont passées entre deux, et j'étais même avant ça très occupé par mon quotidien et la préparation des examens de fin d'année. Trop absorbé par mille et une occupations, ma santé mentale passant comme à l'accoutumée en second plan, j'ai laissé la chose éclore doucement à l'intérieur de moi. Comme une fleur que je n'avais pas vue venir, un bourgeon oublié dans un coin de mon cœur. Elle a continué à prendre de la place et piétiner mes pensées pour s'imposer. Elle est venue là où je ne l'attendais pas, m'empêchant de dormir la nuit et me réveillant avec ardeur au petit matin. Elle a grandi, atteignant un stade où il m'était impossible de l'ignorer tant elle existait dans chaque élément de mon quotidien, comme une image de fond, une pensée tendre qui revient en boucle.

L'été est passé. Avec lui, je pensais que la chose disparaîtrait, et que la fleur fanerait aussi vite qu'elle avait éclos. Je pensais retrouver le sommeil, le rythme de mes pensées et mon quotidien bien organisé.

Loin de là.

Le manque s'est installé. Je ne l'ai pas vu venir non plus -il faut dire que je n'ai pas l'habitude de ce genre de choses, moi. Aussi sournois que la chose, il est venu me coller à la peau chaque jour, suivant chacun de mes pas. Il est entré sans y être invité, et s'est forgé une place dans mon cœur pour mieux le serrer douloureusement. La fleur s'est couverte d'épines, et chacune n'a cessé de tourmenter ma poitrine comme un rappel constant de son absence.

Oh, je l'ai revu, mais c'était pire encore. Une femme se tenait à son bras. Belle, souriante, ces deux-là sont bien assortis. Elle est parfaite pour lui mais surtout, elle a son âge. Car voilà un problème majeur, au-delà de cette tempête sentimentale que je n'ai pas demandé : celui que mon cœur a choisi est un homme adulte. Six ans d'écart ce n'est pas grand chose, mais le discours n'est pas le même quand on est un adolescent de dix-sept ans et que l'adulte en question travaille dans son établissement scolaire -ma raison ne cesse de me le rappeler et de me tourmenter, aussi incisive que la fleur d'épine dans mon cœur.

J'ai besoin d'aide. M'occuper l'esprit, la distance et la raison n'ont pas été suffisants ces dernières semaines -il me faut de l'aide, mais je n'ai personne à qui parler. Alfred ne répond pas, c'est bien le problème d'avoir une plante comme confidente. Et que dirait Sybil si elle savait ? Aussi sympathique soit-elle, elle se moquerait sans nul doute de moi. J'ai besoin d'aide, et c'est pourquoi je frappe à la porte de miss Miller ce mercredi après-midi, plein d'espoir mais déjà aussi plein de peine.

Les grandes vacances avaient laissé place à la rentrée. Le soleil se faisait déjà un peu plus discret et le vent soufflait encore plus, faisant danser les feuilles des arbres au passage. L'été finira bientôt et laissera sa place à l'automne, ma saison préférée. Cette nouvelle année n'était pas comme la précédente, cette fois-ci je savais ce qui m'attendrait dès que j'aurais à nouveau franchi les portes menant à la Grande Salle, je connaissais en grande partie mes collègues ainsi que plusieurs élèves. Assister à la répartition était tout autant divertissant que d'observer les premières années découvrir le château. J'espérais profondément que les élèves avaient passé des vacances plus reposantes que les miennes. Bien que je fus heureuse de retrouver Dakota, passer deux mois à s'occuper d'une enfant de 3 ans et demie c'est assez prenant. Elle est dans un âge où elle coure de partout et touche à tout. Les élèves du château sont finalement assez calme et discipliné en comparaison.

Quelle bonheur de retourner dans ce bureau qui m'avait tant manqué ! Les premiers jours avaient été relativement calme, c'est une bonne chose non ? J'en profitais pour réarranger les livres sur les étagères et reclasser mes dossiers. J'entendis toquer à la porte, après avoir rangé un livre de psychomagie, je me suis précipitée vers la porte.
"Bonjour, Coelestin. Entre je t'en prie. J'espère que tu as passé de bonnes vacances."

Quand Miss Miller m'ouvre la porte, je reste un moment interdit à la fixer avant de me souvenir tant de la raison de ma visite que de la profession de l'adulte. Son questionnement sur mes vacances bien qu'indirect me laisse hésitant. Il y a en réalité beaucoup de choses que je pourrais aborder si on me laissait le temps de déballer tout ce que j'ai sur le cœur, si bien que je me demande encore où je dois placer mes priorités. Mon cœur lui m'indique que Diarmuid O'Belt ferait une très jolie priorité. C'est un problème aussi.

« Bonjour, madame. » Avant d'entrer dans la pièce suite à son invitation, je ne peux m'empêcher de regarder par-dessus son épaule s'il n'y a pas d'autres âmes errantes au bureau des pleurs. Rien à signaler. Rassurée, j'entre dans le bureau.

« Excusez ma venue sans rendez-vous, je... mes vacances... » Que dire, après tout ce qu'il s'est passé ? Il y a ce voyage dans lequel j'avais posé beaucoup d'espoir et qui s'est montré merveilleux, mais signe évident que je ne suis pas encore prêt pour être un adulte totalement fonctionnel et indépendant. Cette crémaillère de la professeure Valerion où je n'aurais jamais du mettre les pieds -et ce que j'y ai vu. Ce jour à Gringotts dont je fais encore des cauchemars -depuis je n'ai toujours pas été capable de remettre les pieds au Chemin de Traverse. Diarmuid, qui a occupé toutes mes pensées et dont le manque a rythmé chacune de mes journées. Ni même la venue d'Ennis chez moi ou les moments partagés avec Sybil n'ont pu atténuer ces sentiments.

« Compliqué. » Du moins, je risquerais de trop m'éparpiller. « Je voulais parler d'un sujet bien particulier. Avez-vous un peu de temps devant vous ? Puis-je m'asseoir ? » Je prends une grande inspiration, et lâche en détournant le regard. « C'est une affaire de cœur. Et de raison. »

Après m'avoir saluer. Il semble hésiter un instant et je peux sentir son regard qui semble se diriger derrière moi. Il n'y a rien à craindre pourtant mais nombreux sont ceux qui jettent un coup d'oeil avant d'entrer dans le bureau. Je ne sais pas vraiment pourquoi... peut-être de l'appréhension ? Pourtant j'essaye de rendre la pièce accueillante. Il finit quand même par entrer dans la pièce, sans s'assoir pour le moment.

Puis le jeune homme s'excusa de sa venue. Il n'en a pourtant pas besoin. Je suis là pour ça, écouter ceux qui en ont besoin. Un indice : ses vacances. Il me semble l'avoir aperçu lors de mon passage chez ma collègue Sixtine. J'avoue n'avoir fait guère attention à lui, est-ce que quelque chose c'était passé à ce moment là ? Ou peut-être plus tard. Il me demanda si j'avais du temps et si il pouvait s'assoir.
"J'ai pas mal de temps devant moi oui. Oui bien sûre ! Assis-toi je t'en prie. Mets toi à l'aise."

Ouch ! Une affaire de coeur. C'est toujours délicat comme situation, tout va dépendre du contexte, de la façon dont la personne régit ses émotions mais aussi de la nature exacte de la relation. Tout ça peut-être beau voir idyllique ou le rêve peut être un véritable cauchemar.

"Ah les histoires de coeur ! C'est jamais facile. Ne t'inquiète pas, je ne dirais rien. Dis moi tout, qu'est-ce qui te tracasse au juste ?"

Une fois proprement invitée je m'assois, tâchant de me mettre parfaitement à l'aise comme on m'incite à le faire. Difficile cependant, puisque je reste tendu comme un piquet comme si Diarmuid O'Belt lui-même pouvait franchir la porte à n'importe quel moment pour nous interrompre.

Elle ne dira rien. Je hoche la tête avec approbation -le message est compris, la voie est libre. Mes secrets ne s'ébruiteront pas, je peux donc parler librement. C'est bien pratique d'avoir une Psychomage à l'école, Maman m'en faisait voir de temps en temps quand j'étais petit mais je n'avais pas l'impression que tous mes secrets restaient entre le docteur et moi. C'est probablement différent maintenant que je suis presque adulte.

« Alors voilà. Que se passerait-il madame si hypothétiquement -et il s'agit bien là d'une simple hypothèse et non d'un fait avéré évidemment, un ou une élève de Poudlard -pas moi forcément, ça peut être une autre personne ! tombait amoureux.se ou du moins ressentais des sentiments s'y apparentant -c'est le flou dans la tête de cette personne qui n'est pas moi, c'est une amie. Bref, que se passerait-il si cette amie en question éprouvait de telles choses pour admettons une personne adulte ? Et si la personne adulte en question travaillait à Poudlard ? » Ah mince, ça peut porter à confusion. Je secoue aussitôt la tête avec gêne, les joues pourpres. « Ce n'est pas vous madame ! Enfin je veux dire, ça ne serait pas vous dans cette situation qui relève de la simple hypothèse et qui est simplement un cas de figure fictif que j'évoque pour une amie imaginaire. Ça serait des sentiments.. enfin, de l'affection vous voyez.. pour un homme, pas si vieux c'est presque l'âge de mon amie, ils ont même été élèves en même temps à une période, il y a six ans.. vous pouvez m'aider ? »