Le style du château appartenant à la famille Cox rappelait étrangement celui d'une forteresse médiévale. Hélas, ce type d'architecture était trop répandu au Pays de Galles pour être réellement digne d'attention. Quatre tours reliées par un rempart – construites à l'aide de pierres à la teinte similaire à celles de Poudlard, nota Elfie – se dressaient fièrement aux quatre points cardinaux, à l'instar de quatre soldats zélés. L'une d'entre elles était partiellement détruite, ce qui n'enlevait rien à sa majesté d'antan. Les yeux brillants, Elfie s'imaginait déjà franchir l'impressionnant pont-levis lorsque la mère de Roberta, Soo-Soon, lui apprit que la famille avait déménagé dans l'ancienne maison de maître, à la suite de l'attaque dévastatrice des Mangemorts en mille neuf cent quatre-vingt seize. La voiture dépassa donc l'imposante entrée, imperturbable. Contrariée, l'imagination de la fillette tempêta : pas d'explorations à la nuit tombée, rythmée par le chant du hibou ou de la chouette ; pas de courses effrénées à la poursuite d'un supposé fantôme, le long d'infinis couloirs glacials aux murs couverts de tapisseries dépeignant je-ne-sais-quels glorieux faits d'armes, enveloppée dans une lourde cape noire. Elfie cacha sa désillusion du mieux qu'elle le put ; Roberta, assise à côté d'elle, roula des yeux, moqueuse.

La présence d'une Née-Moldue dans son entourage au vu du contexte actuel l'indignait – la répugnait ; la tolérer durant deux longs mois était au-dessus de ses forces. Roberta considérait déjà son propre sang comme trop impur – sa maison, trop faible – pour prendre le risque de ternir davantage la réputation de sa famille (et surtout la sienne) en accueillant directement l'ennemi chez elle. Au-delà du fait qu'il soit complètement stupide, inutile, voire dangereux de provoquer le nouveau gouvernement sorcier, cet acte ouvertement politique incarnait également (toujours selon elle) la volonté de nier éhontément les événements de l'année scolaire écoulée, ainsi que le rôle fondamental – primordial – que les Moldus avaient joué dans la ségrégation des Sorciers, et plus récemment, dans la Chasse lancée après ces Derniers. À Poudlard, l'adolescente se battait à la sueur de son front avec l'objectif unique de redorer l'image et le blason de sa famille, et alors que cinq années de travail portaient enfin leurs fruits, les Cox se tiraient une balle dans le pied. Au volant de sa Golf grise, le patriarche les conduisait justement dans l'allée bordée de cyprès menant à la maison. Il possédait une société de comptabilité sorcière, mais s'ouvrait également à la clientèle moldue, plus nombreuse. Roberta désapprouvait fortement cette décision. Elle regrettait son passé de secrétaire de cabinet au Ministère de la Magie. Certes, il ne s'agissait pas de la profession la plus éminente mais ce n'était pas non plus la plus ingrate. Elle ne lui pardonnerait jamais d'avoir refusé de s'allier au Conseil des Sorciers – d'avoir refusé d'associer le nom souillé de Daffyd Dewey¹ Cox à celui d'Ursula Parkinson à cause de sa génitrice – ce qui aurait permis de laver définitivement leur honneur. On voyait où cela menait...

La voiture s'arrêta enfin devant le perron de la maison aux dimensions cossues. Toutefois la façade ressemblait plutôt à celle d'un simple cottage anglais : briques rouges enduites à la chaux la plus rudimentaire. Roberta s'empressa de sortir en claquant la portière, comme si elle étouffait soudain dans l'atmosphère viciée de l'habitacle. Elfie baissa les yeux, honteuse. Mr Cox descendit à son tour, sans un regard, et alla déverrouiller la porte d'entrée. La rousse ne bougea pas d'un cil, comme pétrifiée par le silence suffoquant. Elle voulait qu'on l'oublie, qu'on l'abandonne à tout prix. Elle voulait disparaître dans la confortable mousse de la banquette arrière.

La dénommée Soo-Soon lui lança alors un regard désolé dans le rétroviseur.

« Bienvenue à la maison, Elfie.

Son ton se fit maternel. Un léger accent inconnu ourlait chacun de ses mots.

— Merci, répondit l'intéressée avec un sourire timide mais poli. »

¹ : Oui, il s'appelle David David à cause d'une (petite) erreur de ma part.
628 (sans compter la légende et les dialogues)