J'ai fait une mauvaise chute dans les escaliers -rien de grave en soi puisque ça m'arrive en moyenne deux fois par semaine, mais cette fois mon pied gauche semble ne pas avoir apprécié l'expérience, continuant à me tirailler à chaque pas jusqu'à ce que je n'arrive plus du tout à me poser dessus. En somme, j'ai écopé d'une journée à l'infirmerie, ce qui me contrarie un peu. Ce n'était pas dans mes plans, et je rate une journée de cours, mais j'ai sur moi quelques livres pour rentabiliser le tout.

L'autre point contrariant se trouve à ma gauche, possède un crâne rasé d'après ce que j'ai pu apercevoir derrière le paravent et la mine défaite d'un malade de plusieurs jours. Prenant appui sur mes bras, je me décale dans mon lit pour me placer en position assise contre le mur, et tire délicatement sur le paraven pour mieux apercevoir le garçon.

« Il est confortable, ce matelas. » lui dis-je à voix basse. « Je l'aime bien, je le connais bien. C'est là que je m'installe d'habitude. » Et j'aime mes habitudes. Mais pour une hospitalisation de quelques heures, ce n'est pas bien important. Peut-être que lui aussi apprécie ce lit -à en juger par les quelques affaires installées, on dirait qu'il est là depuis un petit moment. « Et l'oreiller, il est moins abîmé que d'autres. Confortable. Des plumes, pour l'intérieur, je crois. »

Je n'ai pas l'intention d'imposer quoi que ce soit à une personne qui n'a peut-être pas envie de discuter -à vrai dire, je tiens moi aussi à ma tranquillité et je ne sais même pas pourquoi je lui ai adressé la parole. Je laisse le paravent légèrement tiré en guise d'invitation s'il le souhaite, mais retourne à mes occupations. Sont déposés sur ma table de chevets trois livres sur mes sujets d'intérêt du moment ; « Vous n'êtes pas binaire (personne ne l'est) » ; « Histoire queer et sorcellerie » et « Queer et sorcier, le double secret. »

Dans mes mains, un livre intitulé « L'amour arc-en-ciel » laisse apparaître une couverture où deux garçons -un portant l'uniforme de Gryffondor et l'autre celui de l'école Durmstrang, sont enlacés dans une étreinte passionnée.

Clairement, Eugène avait une sale gueule. Il n'était pas au meilleur de sa forme et il avait passé la pire journée à devoir supporter la repousse de ses os. La douleur était insupportable et rien ne pouvait être fait pour le soulager, car les antidouleurs rentraient en conflit avec le sortilège Poussos. Alors, Eugène comate à moitié dans son lit, à attendre que ça se termine. C'était long, très long. Il s'ennuyait à mort. Il trouve néanmoins du réconfort : bientôt, il pourra user de l'entièreté de ses jambes sans craindre un problème de hanche.

Quelqu'un tire sur le paravent. Eugène croire le regard d'un garçon qui, clairement, avait bien plus de cheveux que lui ! Eugène se demande ce qu'il voulait et il craignait que l'adolescent veuille papoter. Eugène n'était pas en état de papoter. Malheureusement, l'autre était partie pour. Il parle du lit dans lequel Eugène était installé et le coussin sur lequel sa tête était reposée. Cela amusait Eugène, il faut bien l'avouer.

— c'est moi, ou tu dévores du regard mon lit ? Dit-il sur le ton de l'humour, bien que la douleur se faisait ressentir dans sa voix. Désolé de te l'avoir piqué.

Eugène également aimé les habitudes et le confort du quotidien. La moindre perturbation l'angoissait. L'inconnu se remit correctement dans son lit et Eugène put zieuter sur les différents livres qu'il possédait. Tous attisaient sa curiosité.

— Ils parlent de quoi ses livres ?

« Ne t'en fais pas. Tu es vraiment très laid -je veux dire, tu as l'air épuisé et très douloureux. Il te faut bien le lit le plus confortable de l'infirmerie pour te reposer correctement. » dis-je avec une pointe d'empathie pour l'élève. C'est vrai qu'il est moche, j'ignore la raison de sa présence à l'infirmerie mais à en juger par son état, je suis au final plutôt content pour lui s'il peut se reposer. Reprenant sur le ton de la confidence, j'ajoute : « J'ai testé presque tous les lits ici, ces six dernières années. Crois-moi, c'est bien le plus confortable. » Pour ce que ça vaut et si ça peut l'aider à relativiser sur son état -moi, c'est quelque chose que j'aimerais savoir si j'avais aussi mauvaise mine que lui. Mais il est vrai que je suis un peu envieux : je me console dans le fait qu'étant présent pour une très courte durée, je n'ai pas un si grand besoin de confort.

De nouveau bien calé dans mon lit, je m'apprête à repartir dans une session lecture quand vient une question sur les différents ouvrages ramenés. J'aime les livres et naturellement, j'aime aussi en parler même si les occasions se font rares.

« Ils sont tous autour des problématiques LGBTQI. Celui-là, » commencé-je en indiquant la couverture de « Vous n'êtes pas binaire (personne ne l'est) » « est apparemment très mal écrit d'après la critique que j'en ai lu mais il est aussi fort instructif -je ne sais pas si c'est vrai, je n'y ai pas encore touché. C'est écrit par des personnes moldues, ce qui n'est pas le cas de ces trois-là » fais-je en montrant les autres ouvrages. « Les deux qui sont posés là sont surtout des livres informatifs, c'est écrit par des sorciers queers qui évoquent la difficulté de vivre en tant que tel quand on est en plus de ça sorcier -divers noms et personnages historiques sont aussi cités, c'est très intéressant. » Concernant le dernier livre, je suis un peu moins à l'aise à l'idée de le montrer.. mais avec le paravent ainsi tiré, il est évident que mon jeune interlocuteur a déjà aperçu la couverture. Un peu intimidé et les joues rouges d'embarras, je penche légèrement l'ouvrage dans sa direction pour qu'il puisse mieux en apprécier la couverture. « Et lui c'est.. juste un roman. Une fiction avec, tu sais, deux garçons qui se font des bisous sur la bouche, et... » non, c'est indécent : mon interlocuteur est beaucoup trop jeune pour avoir ce genre d'images dans la tête. Moi-même, ça me fait me sentir tout drôle. Je vois mes lecteurs froncer les sourcils : non, il ne se passe rien de spécial. Il est juste mentionné une nuit partagée mais aucun détail supplémentaire, mais quand on a dix-sept ans et les hormones en ébullition, l'imagination est fertile et on se pose beaucoup de questions. « mh, des bisous sur la bouche. Tu peux emprunter l'un des trois qui sont posés là si tu veux un peu de lecture. »

Le serdaigle indique qu'il était très vraiment très laid, à quoi Eugène fronce les sourcils. Très bien, il n'était certes pas au meilleur de sa forme, mais tout de même ? Son interlocuteur essai de se rattraper à coup de "je voulais dire que tu semblais épuisé et très douloureux". Eugène se contente de hausser les épaules et de grimacer quand une pointe de douleur le pique. Dire qu'il avait simplement mal serait un pur euphémisme. Pendant ce temps, son camarade d'école continue dans sa lancée. "Il te faut bien le lit le plus confortable de l'infirmerie pour te reposer correctement." venait-il de dire et encore une fois, Eugène hausse les épaules. C'est vrai qu'il était confortable, mais honnêtement, ça ne faisait aucune différence à l'heure actuelle. Il souffrait toujours autant. L'adolescent, qui était clairement bien plus vieux qu'Eugène, assure sur le ton de la confidence qu'il avait déjà testé chacun des lits présent au cours de ses dernières années. "Crois-moi, c'est bien le plus confortable." conclut-il alors.

— Certainement, articula Eugène pour unique réponse.

Enfin, la discussion tourne autour des livres que son interlocuteur avait ramenés avec lui. Ils étaient tous autour des problématiques LGBTQI : l'un devait causer de la non-binarité au vu de son titre, un deux autres qui sont écrites par des sorciers queers, évoquent la difficulté de l'être en plus d'être sorcier. "Pas étonnant" songea Eugène. Quand on voit comment la plupart des sangs-purs sont très ouverts et tolèrent (vous ressentez son sarcasme ?). Et le dernier livre, celui qu'il lisait à cet instant, était une romance fictionnelle homosexuel.

— Cela fait beaucoup de lecture, tu penses lire tout ceci aujourd'hui ?
— Tu peux emprunter l'un des trois qui sont posés là si tu veux un peu de lecture.
— Merci.

Avec un peu de chance, ça l'aidera à penser à autre chose qu'à la douleur latente. Il choppe donc le premier livre de la pile, celui qui concerne la non-binarité. Eugène rehausse son coussin et ouvre l'ouvrage.

— C'est quoi ton nom, au fait ? Moi, c'est Eugène.

C'est bien mignon tout ceci, mais Eugène appréciait le fait de pouvoir mettre un nom ou un prénom sur un visage.

« Oh non, je voulais juste avoir un peu de choix. Je change souvent d'avis en cours de route et entame un nouveau livre, » expliqué-je pour justifier la présence de plusieurs ouvrages. Du coin de l'œil, j'aperçois l'adolescent se saisir du premier livre de la pile. S'il en lit un petit morceau, peut-être pourra-t-il me faire un retour ensuite. Je me demande s'il a consenti à cette session lecture par pur ennui -ce serait fort probable après un moment passé à l'infirmerie, ou par réel intérêt pour les sujets évoqués par ces livres. J'ai envie de lui poser la question, mais l'impression de l'avoir déjà dérangé me retient.

« Noestlinger. » dis-je en réponse à sa question. Techniquement, il a juste demandé mon nom -j'en conclus que le prénom n'est pas utile. En plus, je n'ai jamais aimé ce prénom, le prononcer à voix haute est déjà toujours un calvaire pour moi.

Le dénommé Eugène semble désormais bien installé pour entamer sa lecture. La mienne m'attend aussi, j'ai envie de savoir ce qui va arriver à Elliot et Oskar maintenant qu'ils ont été surpris par un professeur de Durmstrang au beau milieu d'un baiser passionné.

« Bonne lecture à toi, Eugène. » reprends-je avant de plonger à nouveau totalement dans mon livre. Bien sûr, quelques péripéties permettent aux deux protagonistes de ma fiction de se sortir de cette situation embarrassante, et je suis agréablement surpris quand au chapitre suivant ils se rendent au bal du Tournoi des Trois Sorciers ensemble. Au bout d'une petite demi-heure, mes yeux commencent déjà à picoter, signe qu'une pause est nécessaire. Glissant un marque-page pour marquer ma progression, je ferme le livre et repositionne mes coussins pour me mettre en position mi-assise mi-allongée.

« Alors, ce livre ? » demandé-je à l'élève à côté de moi entre deux bâillements.

Le Serdaigle indique qu'il aimait avoir du choix de lecture, surtout parce qu'il changeait d'avis en cours de route et préfère alors d'entamer un nouveau livre. Entre-deux, Eugène s'était emparés du premier livre de la pile, avant de s'installer correctement pour pourquoi lire. Le garçon s'était également présenté et le dénommé Noestlinger en avait fait de même, avant de lui souhaitait une bonne lecture. Sans plus de cérémonie, Eugène s'y plonge et lut les premières pages. Il ne dit rien pendant les trente prochaines minutes, concentré, jusqu'à que Noestlinger lui demande son avis. Eugène hausse les épaules et referme le livre.

— Bah, c'est sympathique, mais ça ne casse pas trois pattes à un canard. C'est instructif, mais disons que j'ai lu des témoignages beaucoup plus intéressants et percutants.

Il repose le livre, pas décidait de le continuer, ni même d'en commencer un autre. De toute manière, il n'était pas en forme, si bien qu'Eugène n'arrivait pas à se concentrer convenablement.

— Je crois que je vais me reposer, mais merci pour la lecture, ça m'a un peu changer les idées. Mais bon, si j'insiste, je risque de finir par vomir sur ton livre...

Eugène grimace pour appuyer son propos, alors qu'il s'allonge de nouveau. Sa tête lui faisait mal, sans parler de la nausée qui revenait à grand pas. Il n'aimait pas être malade, si bien qu'il n'avait qu'une hâte : être de nouveau en forme.

« Mais les canards n'ont que deux pattes. » Je ne peux m'empêcher d'imaginer le jeune garçon frapper un pauvre oiseau à l'aide dudit bouquin, l'assénant de coups jusqu'à ce que la créature retombe pattes brisées. L'image me fait frissonner mais je n'en dis pas plus sachant pertinemment que c'est encore moi qui ai mal compris les propos de l'adolescent. Je note mentalement son avis, un peu déçu mais guère étonné qu'il rejoigne celui des quelques critiques trouvées. « Une prochaine fois, je te prêterai L'amour arc-en-ciel, c'est très mignon comme histoire. »

À la mention d'un éventuel renvoi de son déjeuner sur mon livre, je ne peux m'empêcher de tirer légèrement la petite pile d'ouvrages vers moi au cas où, soudainement très inquiet non pas pour le garçon mais pour mes possessions.

«Je te laisse te reposer alors. Moi aussi, j'ai bien besoin de dormir un peu. » La lecture m'a fatigué. Alors que je m'apprête à tirer le paravent pour nous redonner à chacun notre intimité, il me vient une autre petite pensée anxieuse. « Si tu vomis s'il te plaît, ne le fais pas de mon côté ? » Et sans attendre de réponse, je tire sur le paravent et me glisse à nouveau sous les couvertures. Même si mon corps est un peu douloureux et que je hais rater des cours, il n'est pas aussi désagréable que je l'imaginais de rester un peu au lit. Très vite, le sommeil m'emporte pour une courte sieste, et s'invitent les rêves sur Elliot et Oskar qui y vivent de nombreuses aventures pleine de romance et de baisers.

Fin du RP pour moi. Merci !