Ça faisait une semaine que les cours avaient repris, et c'était avec joie qu'Ellana avait recommencé à prendre des cours d'Astronomie. Après une année entière à voir des personnes s'y rendre à la nuit venue, c'était enfin au tour de la jeune fille de s'y rendre de nouveau. L'après-midi, après son cours de soins aux créatures magiques, elle avait fait une sieste pendant une ou deux heures, pour ne pas s'écrouler de fatigue lors de son cours nocturne.

Ce dernier venait de se terminer, et la troisième année commença à descendre les marches pour aller vers sa salle commune quand une idée l'avait prise. Si sa mémoire était bonne, elle avait une demi-heure pour retourner dans sa salle commune, ce qui était largement suffisant, et c'était sûrement le but pour que les élèves puissent prendre tranquillement le chemin de leur salle commune. S'arrêtant brusquement de marcher pour se retrouver immobile au milieu des escaliers, l'enfant réfléchit. Elle avait une demi-heure, et si elle se dépêchait pour rentrer, elle en avait pour même pas cinq minutes. Et puis, elle avait envie d'aller voir les étoiles, d'admirer ces points lointain. Cessant de tergiverser pour prendre une décision, la brune se remit en marche, mais cette fois, dans le sens inverse : elle remontait, vers le sommet de la tour.

Discrète, elle essayait de ne pas faire trop de bruit, se mettant sur la pointe des pieds pour marcher le plus silencieusement possible. Se mouvant en silence, elle arriva au sommet de la tour, éclairée par le ciel clair qui laissait passer les lueurs des milliers d'étoiles présentes. Le silence de la nuit était envoûtant, et appréciable. Elle n'entendait nul bruit, et dans sa tête, les étoiles au ciel lui criaient de venir avec elle. Emerveillée, elle s'assit sur le sol en pierre, fermant peu à peu les yeux, dans cette obscurité lumineuse. Si elle avait eu l'heure, elle aurait pu voir que cela faisait dix minutes que son cours était terminé, mais là, elle s'en moquait bien.

Assise en regardant les étoiles, Ellana se sentait bien. Cela faisait un petit bout de temps qu'elle se s'était pas retrouvée en compagnie de ses amies nocturnes, le ciel souvent masqué de nuages qui rendaient difficile l'observation. A vrai dire, elle aurait pu s'endormir là si elle n'avait pas eu sur la conscience qu'elle enfreignait le règlement de Poudlard, chose qu'elle ne voulait tout de même pas faire dès la deuxième semaine. La brune trouvait que ce couvre-feu était embêtant, c'était bien difficile d'y voir quelque chose la journée pour observer les étoiles : le véritable moment où on pouvait le faire, c'était la nuit, et le couvre-feu était imposé trop tôt à son goût. Pas qu'elle viendrait voir les étoiles tous les soirs, seulement, elle aimait bien le faire de temps à autre quand la météo était favorable, et là, elle en était empêchée.

Des pas retentirent derrière elle, accompagnés d'une voix, la faisant légèrement sursauter. Vraiment, soit, elle ne savait pas venir silencieusement et secrètement observer les étoiles, soit, elle n'avait pas de chance. En tout cas, elle allait se faire passer un savon pour ne pas avoir respecté le règlement, et elle s'en voulait déjà de faire perdre son temps à cette fille qui était sûrement préfète. Se tournant vers la nouvelle arrivante, la jeune fille la regarda, ses yeux émerveillés virant soudainement vers quelque chose de plus froid, n'exprimant pas grand chose.

- Est-ce... est-ce que j'peux te d'mander quelque chose, avant d'retourner dans mon dortoir ? demanda-t-elle d'une petite voix.

Elle ne comptait pas rester longtemps au sommet de cette tour - et ne le voulait pas. Mais, si elle avait envie de dormir, le ciel qui s'offrait à elle était idéal pour encore quelques minutes d'observation, si clair et peu nuageux, que c'en était presque un rêve en Ecosse. Juste deux minutes.

Décrochant son regard de l'inconnue, la brune regarda fixement le ciel, profitant de ces deux ou trois secondes à voir des myriades de points blanchâtres, la lumière lui parvenait et réchauffant son cœur et son âme qui avaient peur de la punition d'être dehors, si tard le soir. La fille, après avoir un peu hésité, lui demanda ce qu'elle voulait, puis comment elle s'appelait. Ellana n'avait pas l'habitude de demander à avoir du temps, ça lui paraissait étrange... Après tout, si elle restait muette quelques instants avant de donner son nom, elle pourrait observer une petite minute les étoiles ? Alors qu'il y avait beaucoup de chances qu'en demandant à cette fille, elle obtienne comme réponse qu'il fallait qu'elle rentre dans sa salle commune. Mais, si la fille acceptait de lui laisser une ou deux minutes, alors, elle gagnerait du temps par rapport à la trainerie pour dire son identité. Décidément, elle avait bien du mal à se décider, ce soir-là. Après trois secondes à se repasser en boucle les différents arguments qu'elle avait, elle murmura quelques mots, incertaine.

- Euh... est-ce que j'peux rester deux minutes de plus, puis j'descends ? Mmh...

Devait-elle donner un argument pour appuyer ses propos ? Elle n'en savait rien, ne connaissant pas la personne se trouvant là avec elle, en haut de cette tour. Elle ne pouvait savoir ce qui était bon à rajouter ou non, et réfléchit donc de nouveau, le regard toujours fixé sur le ciel. Elle avait du mal à se décider, puis finalement trancha, se disant que sa raison, bien que pas tout à fait valable, était honnête, et poursuivit.

- ... Le ciel est pas couvert ce soir, j'ai envie d'regarder un tout p'tit peu les étoiles... et j'm'appelle Ellana Duchêne.

Sur ces mots, elle regarda l'autre fille, espérant silencieusement qu'elle voudrait bien lui laisser deux minutes de plus. Et au pire, la troisième année avait d'autres arguments dans sa manche, qu'elle pourrait toujours sortir si besoin.

La préfète ne semblait pas vouloir rester deux minutes de plus en haut de cette tour, pour ne pas dire qu'elle ne voulait pas. Et ses arguments n'étaient pas très développés, comment ça Ellana pourrait venir observer les étoiles à 6h30, en hiver ? D'accord, à cette heure, il faisait encore nuit, mais il fallait patienter jusqu'à novembre ou décembre, et le ciel ne serait sans doute pas aussi beau qu'en cette soirée de septembre. Moyennement convaincue par l'argument, la jeune fille regarda d'un mauvais œil l'autre fille qui voulait rentrer dans le château. Savait-elle au moins que c'était apaisant de regarder les étoiles, avant de s'endormir ? Que ça aidait la brune à rêver plus sereinement ? Sûrement pas, non.

Le problème, c'est que là, elle n'avait aucune envie d'insister, et de perdre du temps. Peut-être que cette personne n'était pas inflexible sur ce qu'elle pensait, mais sortir des tas d'arguments pour la convaincre n'était pas ce que la troisième année avait envie de faire. Cette dernière avait choisi d'y aller honnêtement, mais à présent, elle avait l'impression qu'elle aurait mieux fait de faire les choses avec fourberie, en laissant du temps s'écouler avant de répondre, que de dire honnêtement ce qu'elle souhaitait faire. Mécontente que la fille ne se rendait pas compte que ce qu'elle disait été sans mensonge, la brune hésitait. Il était vrai qu'elle aurait du rentrer dans sa salle commune, et elle ne pouvait nier ce qu'elle avait fait et n'avait aucune honte d'être venue ici, après son cours. Mais, d'un autre côté, le ciel était vraiment joli en cette soirée, et si elle pouvait observer les étoiles d'une fenêtre de sa salle commune, au coin du feu, sentir l'air contre son visage lui semblait encore mieux qu'être au chaud.

- Ça sert à rien d'insister ? demanda-t-elle, n'attendant pas réellement de réponse.

Profitant deux secondes de plus de l'air nocturne, elle se leva en silence, prenant appui sur ses pieds pour ne plus être en position assise. Généralement, elle n'était pas têtue, influençable si on avait des arguments de taille, et ce soir-là ne faisait pas exception. Ses hésitations avaient cessées, elle allait redescendre, ne pas énerver cette fille. Elle avait d'ailleurs hésité à venir, et maintenant, elle n'avait plus qu'à retourner dans sa salle commune, ne se voyant pas insister pour rester au sommet de cette tour, minuit approchant. Avant de dormir, il fallait qu'elle soit calme, pour réussir rapidement à sombrer dans le sommeil, et généralement, elle lisait quelques pages d'un livre, pendant une dizaine de minutes.

- J'redescends.

Passant le pas lent devant la préfète, comme si elle profitait des derniers instants de la nuit et de l'air sur son visage, la jeune fille se glissa dans l'escalier, tout aussi silencieuse que quand elle était venue, posant ses pieds de sorte à ne pas les entendre claquer contre la pierre. Soupirant intérieurement devant la question de la fille - celle-ci n'avait-elle jamais voulu voir les étoiles, autrement qu'en étant enfermée dans une pièce ? - Ellana réfléchit deux secondes à ce qu'elle allait dire. Ce ne serait pas cohérent qu'elle ne puisse pas voir le ciel, puisqu'elle allait se diriger vers la salle commune des Aigles, située en haut d'une tour. Mais est-ce qu'elle comprendrait si la brunette lui disait que ce n'était pas pareil de regarder par la fenêtre, ou d'être dehors ? Sûrement pas, au vu de ses réactions précédentes.

Ennuyée de cette rencontre nocturne et de ces questions qui la mettait bien mal à l'aise, elle pressa le pas dans les couloirs : sa salle commune n'était pas bien loin et plus vite elle y arriverait, plus vite elle pourrait s'éloigner de la préfète.

- On voit le ciel mais... elle hésita, avant de continuer : mais c'est pas pareil. On sent pas la nuit, quand on est dedans.

L'autre adolescente ne comprendrait pas certainement ce que voulait dire l'Aiglonne : les étoiles, ça ne se regardait pas seulement, ça se sentait, se touchait. Les regarder depuis une vitre leur faisait perdre tout un charme, tout une dimension, cette dimension de la nuit. C'était un ensemble : essayez un peu de séparer une fleur de sa pousse pour admirer la fleur. Cette dernière fanera plus rapidement, et la pousse sera privée du bourgeon qu'elle aura vu grandir. Voir seulement ne suffisait pas, et en quelque sorte, dès que la préfète était arrivée, l'anglaise avait perdu sa proximité avec les étoiles.

Les couloirs, déserts à cette heure-ci, se traversaient rapidement, et c'était avec une bien rapide cadence de marche pour l'heure qu'il était qu'Ellana avançait : elle n'avait aucune envie de dormir.