Depuis qu’elle les avait laissés, il y avait cette étrange sensation qui lui enserrait le cœur. C’était bizarre, quand même. Elle avait déjà dormi chez des amis, elle était déjà partie quelques jours en sortie scolaire, mais jamais rien de comparable. Peut-être parce que, cette fois, ce serait beaucoup, beaucoup plus long. Ou parce qu’elle n’avait aucun ami avec qui partager ce qui lui arrivait, et ce qui allait lui arriver. Là, au milieu des allées de ce train vers le lointain inconnu, elle se sentait seule. Pas la douce solitude qu’elle appréciait quand elle se plongeait dans ses pensées. Une solitude pesante qu’il ne lui semblait pas avoir déjà ressentie. Au milieu des élèves de ce train, elle se sentait… différente. Elle n’était plus si sûre d’être à sa place.

Oh, bien sûr, elle avait tous ces livres de magie, ces outils de potionniste, ces vêtements de sorciers et cette baguette magique qui l'attendait elle ne savait trop où. Comme eux, sans doute. Mais était-ce suffisant pour faire d’elle une sorcière, comme eux? Était-ce vraiment suffisant? Est-ce qu’il y en avait d’autres comme elle? Sans doute, de ce qu’avait dit Mr. Dawson. Mais combien? Autant que les autres? Plus? Une poignée?

Au milieu des allées de ce train, elle ne se sentait pas à l’aise. Elle s’engouffra dans le premier compartiment vide qu’elle trouva, et souffla. Tu es comme les autres, il n’y a pas de raison qu’ils te rejettent. Elle rangea sa valise et sortit un livre. Couverture rouge, avec du noir ici et là, dont le titre était caché par les doigts de la jeune fille. Un personnage, peut-être, des symboles sur le tour aussi. On pouvait deviner la fin du nom de l’auteur en haut: “ringer”

Originalité, bonjour.

Mais c’est que la lecture, ça occupait bien lors des trajets, et ça lui permettait de penser à autre chose qu’à sa famille qu’elle ne reverrait pas avant… trop longtemps. De toute façon, que faire d’autre dans ce compartiment vide? Et, au fond, elle espérait un peu que d’autres élèves passent cette porte, si possible des jeunes gens avec qui elle pourrait commencer à tisser des liens. Histoire de ne pas être complètement seule dans cette nouvelle vie qui allait commencer.

Elya ressentait un mélange d'appréhension et d'excitation dans ce train. Appréhension, car le trajet de l'an dernier s'était plutôt mal passé. Elle avait espéré y faire de belles rencontres, mais n'avait obtenu que des disputes avec deux harpies de Serpentard.
Et puis, ce n'était pas comme si le reste de l'année avait été meilleur. La solitude l'avait beaucoup pesée, elle avait eu de la peine à sortir de sa coquille et à parler avec autrui.

Cependant, en fin d'année, elle avait passé ses examens avec brio, et son été fut doux et paisible. Elle se sentait ainsi pleine de force et était donc également tout excitée à l'idée de continuer la nouvelle page de sa vie, qu'elle espérait différente de la précédente.

En effet, Elya avait pris plein de petites résolutions, dont la première était de choisir un compartiment qui ne serait pas vide, cette fois... Dès lors, elle pourrait devenir maîtresse de son destin : ce serait elle qui choisirait avec qui parler, et non l'inverse !

Elya regarda quels élèves se trouvaient dans les différents compartiments... Toutes les jeunes sorcières et tous les jeunes sorciers étaient en grande discussion les uns avec les autres, et même si elle avait parfois envie de s'incruster, elle n'en ressentit jamais le courage. Ça y est, ça va être comme l'an passé, je vais m'asseoir seule quelque part et je vais être rejointe par des gens insupportables ! Mais comme si cette pensée avait conjuré un mauvais sort, Elya trouva enfin un compartiment... intéressant. Il s'y trouvait une petite fille qui était seule, lisant silencieusement un livre. Elya eu un pincement au cœur : cette petite fille, c'était elle l'an dernier. Elle aussi s'était occupée avec de la lecture, avant d'être rejointes par les filles de Serpentard. Cela dit, physiquement, aucune ressemblance n'était apparente : l'autre était rousse, avec de très beaux yeux bleus, alors qu'Elya était plutôt typée italienne, brune aux yeux foncés.

Prenant son courage à deux mains, la jeune Serdaigle entra doucement dans le compartiment, puis bégaya un peu, comme à son habitude :

- Euh... salut... Je m'appelle Elya et... Enfin, je ne voudrais pas te déranger, mais si t'es d'accord est-ce que... est-ce que je peux ?... Enfin, je peux m'asseoir avec toi ou tu attends des amis ?

Elle tournait les pages, avide de mots, impatiente de savoir la suite, si bien qu’elle n’avait aucune conscience du temps qui s’était écoulé depuis qu’elle était montée dans ce train. L’astuce marchait bien, elle le savait pour l’avoir souvent employée lors de longs voyages. Elle oubliait le temps, et l’absence de ses parents. L’astuce marchait peut-être trop bien, même, puisqu’elle n’avait pas entendu la Serdaigle approcher.

C’est donc un sursaut qui accueillit sa prise de parole. Elle releva la tête vers la jeune fille aux cheveux courts. Elle avait espéré de la compagnie, mais l’histoire l’avait embarquée dans sa bulle, et elle en avait oublié son souhait. Oups.


Tout en parlant, elle fouilla précipitamment dans les plis de son sweet favori: un pull bleu sombre avec, dessiné en blanc, un serpent en cercle se mordant la queue entourant trois triangles entrelacés.


Mais où était donc caché ce fichu marque-page? Pourquoi est-ce qu’elle le perdait à chaque fois? À côté? Sur la banquette?


Par terre, peut-être? Ah! Oui! Elle le ramassa, se demandant comment il s’était retrouvé entre ses pieds, l’essuya rapidement sur son pantalon, et le glissa dans son livre qu’elle referma et posa sur ses genoux. Enfin, elle releva la tête vers Elya, et lui adressa un petit sourire gêné.


Elle rit doucement, en espérant quand même que l’autre fille ne lui en voudrait pas trop. Dans son ancienne école, il n’y avait pas forcément tant d’élèves qui lisaient autant qu’elle, alors peut-être qu’elle ne comprendrait pas. Elle enchaîna ensuite sur sa question, lui désignant les places libres.


Elle ne put retenir une grimace. Zut. Maintenant elle allait croire qu’elle la prenait pour un choix de secours, pour ne pas rester seule.


Heu… Mouais. Un sourire? Un sourire. Ça passait toujours avec un sourire! Pendant qu’elle s’installait, la rousse se présenta à son tour:

Elya regretta instantanément son incursion dans le wagon : la jeune fille qui lui faisait face semblait très perturbée par son arrivée. Est-ce que la rousse aurait préféré rester seule ? C'était probable, mais en même temps la Serdaiglenne pouvait pas lui en vouloir : elle-même aimait bien faire de longs voyage en train seule avec son roman du moment. Mais pas aujourd'hui : aujourd'hui, elle voulait vraiment commencer l'année sur de bonnes bases et pouvoir se faire une nouvelle amie. Au moins, là, elles avaient un petit point commun.

Quand la jeune fille s'excusa de toujours perdre son marque-page, cela fit sourire Elya. Cette dernière s'empressa de la rassurer :


Elle espérait cependant pouvoir faire au moins un peu connaissance avec la rousse. Celle-ci accepta qu'Elya s'installe, même si, sans trop que la Serdaigle ne comprenne pourquoi, elle semblait gênée par sa propre sa tournure de phrase. Mais le fait qu'elle ajouta "avec plaisir" avec un sourire craquant réchauffa le cœur d'Elya...

Alors que la Serdaigle déposait sa valise au-dessus de la place située en face de celle de la rousse, cette dernière se présenta : elle s'appelait Astrid. En voilà un prénom original ! Elya n'avait jamais eu d'amie ou de connaissance se nommant ainsi.
Elle savait que la meilleure technique pour retenir un prénom était de se le répéter trois fois dans sa tête, ce qu'elle fit, puis de le prononcer de vive voix trois fois également, en interaction avec la personne concernée.


Hum, elle voudrait sûrement rester seule, il ne faut pas trop l'accaparer ! se dit Elya, paniquée.


Elya eut soudain très honte : répéter trois fois le même prénom, ça semblait quand même un peu idiot... Et puis, Astrid aurait-elle vraiment le courage de reprendre sa lecture ou allait-elle se forcer à répondre à ses questions ?...

Astrid avait laissé l’aînée finir de s’installer, souriant quand elle complimenta son prénom. Elle l’aimait bien aussi, ses parents avaient bien choisi. Voyant que l’arrivante souhaitait engager la conversation, elle posa son livre à côté d’elle pour lui signifier qu’elle n’avait pas l’intention de reprendre sa lecture toute seule dans son coin. Mais… Et si elle, elle voulait lire? Non. Elle disait qu’elle voulait apprendre à mieux la connaître, on ne disait pas ça quand on ne voulait pas parler! On se contentait d’un “salut, moi c’est machin”, voire d’un “comment ça va?”, mais pas plus. Et la rousse, elle était partante pour discuter!

Mais sa bonne volonté fut un peu douchée par sa camarade. Pourquoi répétait-elle son prénom comme ça? Il ne lui plaisait pas? Elle lui avait juste dit ça pour être sympa? Elle décida de laisser cette question de côté. Après tout, ce n’était pas pour un prénom qu’on aimait quelqu’un ou non, et elle n’avait pas envie de laisser une mauvaise impression à la première personne qu’elle rencontrait dans sa nouvelle vie.


Elle supposait que ce n’était pas la maison de ses parents, mais est-ce qu’on lui avait déjà parlé de ça? Peut-être, elle ne savait plus, avec toutes ces informations qu’ils avaient eues depuis un mois. Est-ce qu’elle lui disait qu’elle ne comprenait pas vraiment sa question? Ou sinon, elle changeait de sujet de conversation? Deux clignements des yeux plus tard, elle opta pour la deuxième solution.

La petite Elya se rendit compte qu'effectivement, répéter trois fois le prénom de quelqu'un, même si c'était très utile à la mémoire, pouvait fortement perturber la personne en face. La rousse paraissait étonnée, peut-être même effrayée ! La deuxième année se dit qu'elle allait tout lui expliquer, elle paraîtrait sans doute moins stupide. Surtout que la perturbation fut telle qu'Astrid ne comprit absolument pas la question que la brune lui avait posée. C'était pourtant simple, dans laquelle des quatre maisons Astrid voulait-elle aller ? Serdaigle, Serpentard, Poufsouffle ou Gryffondor ?


Elya fit un grand sourire, et elle espérait secrètement qu'Astrid soit désormais un peu plus... apaisée. Elle ajouta :


Elya faillit ajouter "et toi ?" mais elle se retint au dernier moment, il ne fallait quand même pas l'assommer dès le début du trajet !

Une grimace étira un instant les traits de la fillette lorsque la plus grande la reprit. Elle allait se moquer parce qu'elle avait répondu à côté ou...? Oh. Elle précisa plutôt ce qu'elle attendait, ravivant à peine les souvenirs de l'Irlandaise. Une seconde maison à l'école, où elle serait avec des filles de son âge, quelque chose comme ça. Elles avaient donc des couleurs? C'était intéressant, sans doute.

Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir plus en détail qu'Elya enchaînait en expliquant sa petite astuces pour les prénoms. Au début, Astrid la regarda avec de grands yeux emplis d'une curiosité à peine dissimulée. Elle goba chacun de ses mots, toujours ravie d'en apprendre plus sur un sujet ou un autre. Lorsqu'elle termina en affirmant que son nom était gravé dans sa mémoire, elle sourit en retour.


Le compliment de sa camarade sur son pays natale fit bomber légèrement le torse à la future première année. Elle l'aimait beaucoup, son chez-elle, et elle était fière de pouvoir raconter l'histoire de certaines villes et lieux emblématiques. De son héritage paternel, elle était également fière d'être Irlandaise.

Question famille, elle reprit une posture plus neutre, son sourire s'atténuant un peu, et elle se contenta de secouer négativement la tête. A part ses jeunes cousins côté maternel, elle était la seule enfant de la famille étendue, et se demandait parfois comment sa vie aurait été si elle avait eu des frères et sœurs.


Un nouveau petit rire amusé. Elle ne s'attendait pas vraiment à ce qu'elle lui répondre ça, mais elle n'avait pas pu s'empêcher de vanter son pays.


Elle sourit ensuite, toute fière, et ravie de tenter cette nouvelle expérience.