Dimanche 22 septembre 2047
En début d'après-midi.

Ok j'ai tout prévu.
J'ai fabriqué des affiches, des petits mots que j'ai glissé dans les poches de mes camarades ou dans les sacs. J'ai fait passé le message à plusieurs personnes donc normalement, en matière de promotion, c'est ok, je suis bien.

Je m'installe dans le parc je commence à m'assoir sur une chaise que j'ai embarqué et je sors de mon sac un morceau de parchemin et une plume. Histoire de pouvoir noter le nom des personnes que je vais embrasser parce qu'il ne faut pas oublier le but premier de ce stand, c'est d'obtenir le plus de bisous possible et en plus, c'est pour la bonne cause. Je sors l'affiche que j'ai fabriqué ou c'est écrit "Ici pas de discrimination, qu'importe ton sang ou ton apparence je prends tous les baisers." Quel beau message de paix j'envoie là. Sur les petits mots que j'ai glissé dans les poches et les sacs de mes camarades c'était écrit : "Retrouvez moi dimanche après-midi au parc pour un stand à bisous. Le but est de prouver que malgré nos différences, l'amour est capable de tous nous unir."

Au delà du pari fait avec Narcisse, j'espère vraiment avoir du monde et voir que les gens peuvent s'entendre malgré nos différences. J'ai vraiment à cœur qu'on puisse se dire qu'une personne à le droit d'être ce qu'il est et que personne n'est apte à le juger. Sincèrement, j'espère ne pas me planter en ouvrant ce stand qui me pourra soudain très ridicule. Est ce que je peux vraiment appeler ça un stand ? J'en suis pas certaine.

Pas besoin de hibou, venez simplement

Orla s'ennuyait ferme en ce dimanche après-midi. Elle n'avait pas la tête à faire ses devoirs, qu'elle avait entrepris d'ignorer depuis le début du week-end. Elle se rassurait elle-même en se répétant que de toute façon, elle travaillait mieux sous la pression (oui, oui). En parcourant à grandes enjambées la pelouse du parc, elle shootait dans un caillou ici et là (mais elle arrêta quand elle manqua d'envoyer valser une rainette qu'elle avait pris pour un bout de rocher particulièrement énorme). Quel ennui, mais quel ennui mes aïeux ! Quand est-ce que ça va finir ?

Elle avisa un peu plus loin une jeune fille rousse qui semblait bien affairée. En plissant les yeux, elle se rendit compte qu'il s'agissait de Kelly, la personne réputée la plus drôle de Poudlard. Elle aurait bien aimé lui piquer son titre, mais au vu de la tournure des événements de la dernière fois, Orla avait abandonné son idée de devenir la joyeuse luronne de Poudlard, saison 2047. Ce n'était que partie remise, elle aurait bien d'autres occasions de défier la Serpentard !

Mais en attendant, Orla se mit en tête d'aller voir ce que pouvait bien fabriquer Kelly. Elle avança vers elle et put déchiffrer une affiche qu'elle avait placée devant. Eh bien, elle n'aurait pas soupçonné que Kelly était aussi portée sur le combat contre les discriminations ! Orla eut une tendre pensée pour sa tante, qui menait le même combat en Indonésie.

Une fois parvenue à la hauteur de Kelly, Orla la salua :

– Salut Kelly ! C’est Orla, je sais pas si tu te souviens de moi, je t’ai défiée en duel y’a une semaine. Je peux te tenir compagnie en attendant qu’y ait plus de monde ?

Je me demande ce que ça fait d'embrasser quelqu'un. C'est une question que je me pose depuis quelques temps et plus le temps passe et plus je m'interroge. Parfois en pensant à Diarmuid le soir, j'embrasse le miroir de la salle de bain en imaginant ses lèvres à la place de la fraîcheur du verre et dans mon sommeil, mon oreiller fait office de bras douillets où me blottir. En direction des serres pour visiter Alfred et chasser ces pensées inopportunes de mon esprit, j'aperçois une drôle de scène sur mon chemin. Une chaise dans le parc déjà -d'où vient-elle, d'une salle d'étude ? Empruntée dans la salle commune de la personne qui l'occupe ? puis son occupante, arborant une affiche dont le contenu m'est familier. Oui, j'ai effectivement retrouvé il y a peu dans mon sac une invitation aux baisers.

Ce stand à bisous me paraît drôlement vide. En même temps, l'après-midi vient de débuter : la jeune fille s'est certainement tout juste installée. Il ne serait pas non plus étonnant que personne ne souhaite lui offrir un baiser. A côté d'elle, la gamine à la chaussette est là. Je ne lui ai pas reparlé depuis l'échange à l'heure du petit-déjeuner, deux semaines plus tôt.

Intrigué par cette histoire de baiser, je m'approche un peu timidement après avoir jeté un regard autour pour vérifier l'absence de témoins.

Quand même, qu'est-ce que ça fait quand ses lèvres touchent la peau d'une tierce personne ? J'ai déjà embrassé ma mère sur la joue, mais la dernière fois remonte à plusieurs années. Et si ma petite-sœur est plutôt démonstrative sur son affection, c'est toujours elle qui prend l'initiative de venir coller ses lèvres sur ma joue ou me voler une câlin.

Je ne perds rien à tenter l'expérience. J'espère juste que l'adolescente s'est lavée les mains après le déjeuner.

« Madame, » fais-je sobrement une fois face à Fullbuster. « puis-je ? » demandé-je poliment en lui tendant ma main gantée, paume ouverte pour qu'elle y pose la sienne avec l'intention hésitante de lui offrir un baise-main.

C'était une belle journée d'automne aujourd'hui. Le ciel était bleu, presque sans nuages et ceux qu'on voyait par-ci par-là était blanc. Le paysage était désormais taché d'orange, de rouge de jaune... Toutes les belles couleurs de cette saison. Sandra se promenait dans le parc regardant les magnifique couleurs de l'automne en pensant à ce qu'elle allait faire après avoir fini le livre qu'elle tenait à la main, quand elle vit une affiche. Comme elle était loin elle s'approcha un peu et lu :

« Ici pas de discrimination, qu'importe ton sang ou ton apparence je prends tous les baisers... » fit-elle à voix haute. Qu'est-ce que ça pouvait bien être ? Intriguée, elle s'approcha du stand, même si on ne pouvait pas appeler ça un stand. Une fille s'y trouvait, assise sur une chaise, un septième année lui tendant la main et Orla à côté. À quoi pensait-il ?

« Ça doit être un serdaigle, il a l'air intelligent. » pensa-elle. « Bon, je dois me présenter moi... »

« Bonjour ! Il marche comment ton stand ? Au fait, moi c'est Sandra Miller. Y a pas encore beaucoup de monde... Je peux te tenir compagnie si tu veux ! Et toi, tu t'appelles comment ? » dit Sandra en souriant, la main tendu en attendant que la fille rousse la sert.

Que voilà une belle journée. Narcisse avait fait sa gymnastique matinale et avait bien sué malgré la fraicheur ambiante, et rien n'était plus agréable que de sentir l'effort physique payer. Il avait pris un copieux petit-déjeuner et un déjeuner tout aussi copieux, quel plaisir de manger sans se retenir, il adorait vraiment manger. Il avait passé les deux derniers jours à essayer de trouver une stratégie pour battre Kelly, en vain. Il avait quelque peu relativisé toutefois, ce pari.

En effet, même si gagner était important, il n'était pas prêt à toutes les extrémités pour atteindre son but. Il se sentait mal à l'idée d'embrasser sans sentiments. Cela pouvait paraître bizarre, mais pour lui, ce genre de manifestation d'affection était réservé au minimum à ses amoureuses. Et plus encore, il ne voulait pas vraiment que son premier bisou soit simplement pour gagner un pari... Il voulait que cela signifie quelque chose. Alors il était bien coincé maintenant le petit Narcisse. Il se torturait l'esprit pour savoir quoi faire, il n'allait certainement pas déclarer forfait, mais il se trouvait indéniablement dans une impasse.

Et depuis sa rencontre avec Kelly, quand quelque chose le tracassait, il aimait bien aller se poser dans le parc pour s'allonger dans l'herbe et regarder le ciel. Il prit donc tout naturellement le chemin de l'extérieur. Il semblait y avoir du monde aujourd'hui, ce n'était pas bien grave, il allait juste s'éloigner et... Kelly ??? Mais qu'est ce que c'était que... Un stand de... bisous ???

« Sapristi ! » Il se cacha derrière un arbre quand il vit la scène. Cette fille était une vraie tueuse, il n'avait aucun moyen de lutter. Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire ?? Il fallait lui reconnaître qu'elle en avait des idées, au contraire de Narcisse, et malgré tout le courage dont il pouvait faire preuve, quand il en arrivait aux filles, il était facilement intimidé.

C'était une dure épreuve pour lui, d'un côté renier ses principes et gagner, de l'autre garder ses principes et se faire humilier... Dilemme Cornélien. Il jeta un coup d'oeil du côté du stand, bon sang ! Il n'allait jamais pouvoir rattraper le retard... Il hésita pendant un instant à exploiter le vide juridique du pari : à aucun moment il n'était précisé que les bisous devaient être sur la bouche. Mais c'était de la mauvaise foi pure et dure, et Narcisse détestait ça. Non, il était bel et bien coincé. Il haussa les épaules, tant qu'il n'avait pas d'idée, cela ne servait à rien de se triturer les méninges pour rien.

Il s'assit donc sous l'arbre derrière lequel il était caché, non sans avoir salué Kelly de loin, un sourire moqueur aux lèvres, il n'allait certainement pas aller la voir, ce serait lui donner un point gratuit !

Sandra attendait patiemment la réponse de la fille rousse quand elle vit quelque choses bouger du coin de l'œil. Elle tourna la tête, intriguée, puis remarqua que ça venait de derrière un arbre qui se trouvait pas loin du stand.
« Qu'est-ce que c'est ? On dirait qu'il y a quelqu'un derrière... » se demanda-t-elle.
Elle se retourna vers la rousse :
« Je reviens ! Et il est sympa ton stand ! » fit-elle avec un petit signe de la main. Elle se tourna à nouveau vers l'arbre et couru dans sa direction.
« Sympa le stand ! Je sais même pas ce que c'est... » Quand elle en fut plus près elle se mit à marcher, le plus silencieusement possible, puis elle regarda discrètement derrière, ne pouvant résister à sa curiosité. Elle vit que ce n'était que l'attrapeur de son équipe pour le match découverte.
« Bon, bah ok. Mais qu'est-ce qu'il fait là ? Il se cache ? Il a bien l'air de se cacher... Enfin, je crois ? »
« Sandra arrête, tu te poses trop de questions ! »
Elle sortit de ses réflexions.
« Ok, faisons connaissance. »
Elle surgit de l'autre côté de l'arbre comme si elle venait d'arriver et dit à l'adresse de l'attrapeur en se penchant vers lui :
« Salut ! Qu'est-ce que tu fais là ? Tu te caches ? » fit-elle avec un sourire.

Ah, quel plaisir de s'asseoir sous un arbre tranquillement et d'écouter les discussions des camarades à proximité. Il ne cherchait même pas à distinguer les mots, mais simplement s'imprégner de l'ambiance et du bruit des bavardages. Il pensait même à faire une petite sieste bien méritée, quand il fut soudainement interrompu. Il manqua de faire une crise cardiaque, à cause du bruit, il n'avait absolument pas entendu sa camarade arriver.

« Sapristi !! Pfiou... Désolé tu m'as fait peur... Attends j'te reconnais toi, Sandra c'est ça ? T'étais poursuiveuse au match ! » Il se redressa, en veillant à bien rester caché derrière l'arbre et jeta un coup d'oeil avant de tendre sa main. « Yo ! J'suis Narcisse ! Narcisse Brando ! Euh... Il se peut que j'me cache ouais... Faut pas que Kelly me voit ici, une histoire de pari ce serait long à expliquer ! »

Il se gratta l'arrière de la tête avec sa main libre. Cette situation était délicate pour lui, il n'allait pas révéler immédiatement les véritables intentions de Kelly. Il trouvait que ce serait un coup bas, elle avait bien joué et avait eu une bonne idée, c'était pas correct de tout détruire juste pour gagner. Narcisse voulait gagner bien sûr, mais pour lui, les moyens importaient autant que le but, et il préférait nettement conserver une bonne relation avec la personne plutôt que de tout ruiner simplement pour une victoire.

Il sursauta et s'exclama :
« Sapristi !! »
Elle failli éclater de rire. Elle avait parlé un peu fort quand même... Et en plus elle avait fait presque aucun bruit en s'approchant de sa cachette... Elle l'écouta et lui serra la main. Il l'avait reconnu ? Tant mieux, elle aurait pas à se présenter.
« Il est drôle ! Et sympa ! Je comprends pourquoi il est à Poufsouffle... » se dit-elle en se souriant à elle-même.
« Oui, c'est bien moi ! Désolée de t'avoir fait peur Narcisse, c'était pas mon intention... Ravie de faire ta connaissance ! Et t'inquiète pas, je dirais à personne que t'es là, promis ! » Puis elle réalisa : un pari ? Avec la fille rousse ? C'était quoi ce pari ? Parce que franchement, un stand à bisous c'est pas commun...
« Donc elle s'appelle Kelly... » fit-elle à voix basse. Elle demanda au garçon :
« C'est quoi ton pari ? T'as parié que tu ferais plus de bisous qu'elle en deux semaines ? » dit-elle ironiquement avec un sourire.
« Ce serait un drôle de pari ! » se dit-elle. Mais justement, ce serait très drôle !
« Si un jour quelqu'un fait un pari comme ça je l'aiderais sûrement. Ce serait pour s'amuser, ça poserait aucun problème... » se dit-elle.

Elle était forte celle-là. Fort heureusement, elle avait l'air également gentille. Narcisse était sûr qu'il ne risquait rien à lui dire la vérité, une partie du moins.

« Mais... comment... wouah... Comment t'as d'viné ? Enfin, j'avais parié que j'arriverais à avoir mon premier bisou de ma vie en première année pour la battre, et elle a surenchéri avec cette idée de celui qui arrive à avoir le plus de bisous. En une semaine. »

Il regarda du côté du stand, secouant légèrement la tête. Il n'avait aucune chance, sa stratégie était parfaite, et puis, il y avait quelque chose qui le dérangeait au-delà de simplement perdre. Mais il n'arrivait pas encore à mettre le doigt dessus.

« La situation m'a un peu échappé haha... J'suis dans la mouise. J'ai zéro expérience, et elle, elle est jolie, drôle, gentille, et vachement audacieuse ! J'aurais jamais osé faire ça ! » Il pointait du doigt le stand où Kelly était, avant de se rasseoir, l'air résigné. « Espérons qu'une idée lumineuse me vienne avant mercredi, même si j'pense qu'c'est foutu... »

Il rigola tout seul en imaginant devoir lui faire face, et il se frotta le menton, une petite idée germait doucement dans son esprit. Il croisa les bras derrière sa tête, sa mère lui avait appris que dans une situation où on avait le dos au mur, il valait mieux laisser la solution venir à nous-même que la chercher désespérément. Cela n'apportait rien de bon de se hâter, au risque d'aboutir avec une fausse bonne idée qui pouvait se retourner contre nous.

« Et puis... J'crois qu'ça me mets un peu mal à l'aise d'embrasser quelqu'un sans qu'ça veuille rien dire... J'sais pas... Pas toi ? » Il tourna son regard vers Sandra.

Elya avait décidé, et ce depuis quelques semaines, d'aller courir régulièrement dans le parc. En effet, la jeune Serdaigle caressait l'idée d'intégrer l'équipe de Quidditch, sans oser toutefois passer les sélections. Elle se disait qu'il fallait d'abord qu'elle soit en forme physiquement avant de pouvoir postuler. Et puis, il fallait également qu'elle s'entraîne au vol, mais sans balai personnel cela semblait compliqué...

Pleine d'entrain, elle commença ainsi son petit footing du dimanche, quand soudain elle aperçut son ami Lest faire un baise-main à une jeune fille de Serpentard. Elle s'arrêta net. Faut que je me pince, je dois être en train de rêver ! Lest... qui touche quelqu'un ? Impossible !

La jeune Serdaigle s'approcha et lut alors la pancarte à côté de la jeune (et jolie) fille que Lest avait embrassée avec tant de courtoisie.

"Retrouvez moi dimanche après-midi au parc pour un stand à bisous. Le but est de prouver que malgré nos différences, l'amour est capable de tous nous unir."

Le cœur d'Elya se mit à battre très, très fort. Elle en oublia instantanément la drôle de scène qui venait de se dérouler sous ses yeux. "Malgré nos différences"... Ces mots lui plaisaient... L'an dernier, elle avait ressenti quelques émois envers d'autres filles. Cela l'avait perturbée, mais elle avait vite chassé ses pensées de son esprit. Les pensées, on peut les bloquer, certes... Mais pas les émotions. Émotions qui revenaient au galop, là, maintenant. Un stand de bisous ? Se pouvait-il que cette fille serait d'accord de... l'embrasser ?

Elle décida pour le moment d'ignorer la Serpentard, et s'adressa à son ami :

- Coucou Coelestin ! Tu fais des baise-mains maintenant ?!

À côté d'eux, une jeune Poufsouffle de sa promo était également présente.

- Salut Orla !

Puis, osant finalement s'adresser à la fille à la pancarte :

- Toi euh... Je... ne te connais pas. Tu... enfin, tu fais des bisous, c'est ça ? C'est cool de... de... promouvoir l'amour... pour toutes et tous !

Les joue d'Elya devinrent pourpres, mais elle espérait que personne ne s'en apercevrait...