Trop de bruit.

Elle percevait le son de ses chaussures qui grinçait sur le goudron gris, elle sentait une odeur âcre d'humidité et de transpiration flotter dans l'air, mais surtout elle entendait ces bruits !
Le bruit insupportable des cris d'enfants, des roulements des valises sur le sol dur et froid et celui incessant du tic tac éternel de l'horloge géante suspendue dans les airs. Ces bruits... c'était des bruits de départ, des bruits d'adieu, des bruits de larmes.

Meg bourdonnait de l'intérieur, elle contenait sa colère dans un coin de son ventre, la bête noire avait entrouvert un œil.

_ Au lieu de te morfondre, tu ferais mieux de vérifier une toute dernière fois que tu n'as rien oublié !

_ Oui, maman... Meg avait répondu sur un ton las et détaché.

_ Ne m'appelle pas maman mais Mère ! Et je te prierais de me répondre sur un autre ton jeune fille !

_ Bien, mère.

Cette femme, bien qu'elle soit sa mère, méprisait la jeune enfant comme tous les autres membres de sa famille, elle était tellement aveuglée par la réussite qu'elle en oubliait ces proches. Meg la détestait, mais elle n'avait ni le courage, ni l'envie de lui tenir tête.
L'œil du monstre était grand ouvert à présent.

Le convoi était à quai, les jeunes se bousculaient pour arriver le plus vite possible devant les portes du train, devant l'entrée des enfers. Meg soupira, sa mère se fraya un passage jusqu’à l'une des portes de la locomotive. La femme poussa sa fille à l'intérieur sans autres formes de ménagement, son père lui adressa un petit geste d'encouragement avant de se perdre dans la foule.
Meg traversa la moitié de ce tas de ferraille, elle finit par trouver un compartiment presque vide.
La jeune fille s'installa sur un siège près de la fenêtre et scruta le quai pour identifier sa famille dans cette masse grouillante de parents d'élèves.
Meg aperçut son père : il avait les yeux rouge et gonflée. Sa mère quand à elle ne montrait aucun signe de tristesse, pas même un petit geste serait à même de la trahir. C'était une véritable machine faite de chair et d'os. La jeune fille referma le store d'un coup sec, sa tête vibrait.

Trop de bruit.

Dans son esprit, ces pensées s'entrechoquaient dans une balade infernale.
Dans sa poitrine, son cœur cognait à lui en faire mal.
Dans son ventre, La bête noire était réveillée.