Gryffs était bien en avance devant la porte des cuisines. Il avait convoqué Aelle Bristyle la veille, lui faisant parvenir par hibou un message qu'il avait rapidement griffonné sur un bout de parchemin. Dans sa quête pour apprendre la Legilimencie, il s'était vu offrir par miss Valerion une place au sein du Prodigium. Bien qu'il l'ai décliné pour ne pas faire parti d'une forme d'élite, elle n'avait pas exclu de l'aider dans son apprentissage. Mais pour qu'elle accepte, elle l'avait mis au défi de vaincre chacun de ses membres en duel. Gryffs avait accepté confiant dans ses capacités mais il ne sous estimait pas pour autant la qualité de ses futurs adversaires. Il fallait qu'il établisse une stratégie pour chacun d'eux et pour qu'elle soit imparable il lui fallait un avis extérieur. Mais les élèves au moins aussi bon que les Prodiges ne courrait pas les rues. Gryffs avait alors pensé à Aelle envers qui il nourrissait une secrète rivalité. L'ayant dépanné l'an dernier pour accéder à sa salle d'examen il lui avait extorqué un service et il comptait bien en profiter aujourd'hui.

Un coup d'œil à sa montre lui indiqua qu'il lui restait 5 minutes avant l'heure du rendez vous. Il n'était pas particulièrement inquiet. Même si elle n'avait pas accusé réception de son hibou, Gryffs ne doutait pas de la parole de sa camarade. C'était une Poufsouffle, ça faisait inévitablement parti de ses valeurs.

@Aelle Bristyle

11 octobre 2047
Proche des cuisines (pour le moment) — Poudlard
7^ème année


Flanquée de Zikomo adroitement installé sur mon épaule gauche, je quitte la Salle Commune quelques minutes avant le rendez-vous et me dirige vers les cuisines. Si j'ai l'air maussade, c'est parce que je le suis : le hibou reçu la veille au soir m'a drôlement affligée. C'est contre mon gré que j'honore la requête du garçon et que j'accepte de le rencontrer. Je le fais parce que je me suis endettée auprès de lui dans un instant de grande perdition. Il faut dire qu'il y a des choses importantes dans la vie et que les examens en font partie. Je ne regrette pas de lui avoir demandé de me faire traverser le marécage sur son balai, en juin dernier. Sans cela, je serai arrivée en retard — inadmissible. Je regrette seulement ne pas avoir été capable de me débrouiller sans lui à ce moment-là puisque je suis désormais entravée par cette dette idiote.

Puisque je n'ai pas le choix, autant y aller franchement, voir ce qu'il veut, régler ma dette au plus vite et oublier toute cette histoire. Faire autrement est impensable pour moi. Même si son hibou n'était pas encourageant... Pourquoi cet abruti a-t-il refusé d'intégrer le petit club privé de notre professeure de Défense s'il a besoin de son aide ? Et battre tous les membres en duel ? Je reconnais qu'il n'y a pas que des lumières dans ce club, certains de ses membres s'attirent même de ma part un profond mépris, mais les chances de battre en duel les sept membres sans compter un seul échec... C'est perdu d'avance. Je ne connais pas le niveau de Sorrow mais c'est bien ça le problème : s'il se démarquait de la foule, je le saurais déjà.

Je l'aperçois d'ailleurs au loin. Figure familière de mes années à Poudlard, peut-être, mais ce n'est pas pour autant que je le porte dans mon coeur. Sorrow est trop décontracté pour moi. Je trouve que ça le rend arrogant. Il vit dans un monde différent du mien, il n'a absolument rien à m'apporter. Le contraire ne semble pas valable — encore un qui va me demander de lui enseigner ce qui ne s'enseigne pas : le talent.

« Sorrow, » dis-je d'une voix plate en arrivant près de lui.

Je le toise silencieusement, essayant en vain de décrypter ses expressions.

« Pourquoi t'as refusé t'intégrer le Prodigium si tu as besoin d'aide de Valerion ? » demandé-je sans transition en pensant à son hibou.

-"Moi aussi Aelle je suis ravi de te voir, tu es très en beauté ce matin. Tu as fait quelque chose à tes cheveux?" Demanda ironiquement Gryffs en constatant qu'elle était pile à l'heure.
Son petit renard niché sur sa clavicule, cet bestiole l'avait toujours mis mal à l'aise. D'évidence, Bristyle n'était pas d'humeur et elle ne faisait pas d'effort pour le cacher. Le sixième année n'en avait absolument rien à faire, du moment qu'elle lui apportait un point de vue extérieur intéressant. Aussi il resta évasif sur le motif de son refus.
-"Parce que je n'ai pas prévu d'me pignoler avec le titre de prodige ni même d'être associé à ceux qui l'on endossait. Et aussi parce que j'ai un égo démesuré qui s'est senti obligé de relever le défi de miss Valerion mais ça, c'est mon problème! Le tiens c'est que tu m'en dois une."
Gryffs avait achevé son argumentaire avec un sourire satisfait. A force d'entendre tellement de gens parler d'Aelle il s'était forgé une secrète rivalité et cette petite ascendance sur elle le ravissait. Il profitait de ce plaisir éphémère mais n'en oubliait pas pour autant son objectif.

-"Pour commencer faut qu'on se trouve un endroit tranquille pour discuter. Je n'ai pas envie d'être écouté, moins de gens connaissent mon objectif moins on tentera de me coller des Povrebines dans le dos."
Il pris quelques instants pour réfléchir. La tour d'Astronomie était probablement vide à cette heure ci.
-"Qu'est ce que tu penses d'un peu sport en ce début de journée? Un petit tour en haut de la tour d'astronomie?"

À ses premières paroles, je me renfrogne puis j'affiche une moue compréhensive, tout cela en moins d'une minute. L'idée générale que j'en retire c'est que j'avais raison à propos de ce garçon : arrogant et avec la bonne dose d'humour pour que cela le rende très insupportable. Son impertinence me donne envie de le planter sur-le-champ et si je ne le fais pas, c'est parce que j'ai toujours honoré mes dettes et que ce n'est pas prêt de changer. Mais je sens que le moment va être très, très douloureux. D'autant plus quand je remarque le sourire qui lui étire sournoisement les lèvres, un sourire qui veut dire : je sais que tu sais que tu me dois une dette et je ne risque pas de te lâcher avec ça. Et bien mon gars, ne t'en fais pas parce que dès ce soir, cette histoire sera réglée et je n'aurai plus besoin de me coltiner ta sale tronche quand je n'ai pas envie de la voir.

La seule chose qui trouve un écho en moi dans ses paroles c'est sa réticence assumée d'être associé au club de Valerion. Je ne peux que le comprendre puisque c'est l'une des raisons pour lesquelles je ne l'ai pas intégré malgré mon niveau évident qui m'aurait permis d'y entrer sans la moindre difficulté.

Je soupire profondément, suffisamment fort pour qu'il comprenne bien que son fonctionnement m'agace et que je ne compte pas faire le moindre effort avec lui. Zikomo remue sur mon épaule ; j'ai hâte de pouvoir discuter de tout cela avec lui pour entendre son avis à propos de Sorrow.

Sa proposition, comme une douche froide, me fige tout à fait. La tour d'astronomie me fait songer à des choses auxquelles je n'ai pas envie de penser. D'ailleurs, ma pommette se rappelle à moi en me piquant, signe que la blessure que m'a infligé le poing de mon agresseure n'est pas tout à fait guérie. Je l'imagine encore, pour la millième fois depuis que j'ai quitté la tour, foncer vers moi en profitant de l'obscurité de la pluie pour me frapper, moi. Qui aurait cru cela d'elle ? Je ne parviens pas à l'accepter et encore moins à lui pardonner. Ma rage macère depuis ce jour au sommet de la tour d'astronomie, renforcée par une tristesse presque aussi grande.

Je serre les mâchoires et les poings, et plante mon regard dans celui du Poufsouffle.

« Non, tranché-je sans la moindre hésitation, la voix froide. Pas la tour d'astronomie. Une salle de classe vide, ça suffira. T'as déjà entendu parler du sortilège d’Impassibilité ? » le raillé-je.

Je dresse le menton, persuadée qu'il est incapable de le lancer.

« Et arrête un peu de te la ramener : ouais je t'en dois une et je vais régler ma dette. C'est tout. Pas besoin d'en faire tout un sujet. »

Après un regard d'avertissement, je fais demi-tour et m'enfonce dans les couloirs à la recherche d'une salle de classe. Je sais qu'il va me suivre. S'il pouvait se taire sur le chemin, cela m'arrangerait beaucoup. En attendant, je me concentre sur le coeur du problème pour éviter de me lamenter de perdre du temps en si mauvaise compagnie : quelle stratégie mettre en place pour battre sept personnes et s'assurer la victoire ?

Gryffs savait pertinemment qu'il lui tapait sur le système, en même temps elle ne faisait rien pour le cacher c'était l'une des rare chose que le sixième année appréciait chez elle. Pour le reste, il trouvait qu'elle se la jouait trop personnage torturé. Gryffs aimait les gens directs et facile à cerner, du genre d'Alienor avec qui il était devenu copain comme cochon. Le soupir d'Aelle lui indiqua qu'il avait fait mouche. L'adolescent prenait un malin plaisir à la provoquer et elle le savait parfaitement.
Sa proposition ne parut pas convenir, Gryffs ne s'en formalisa pas.
"-Va pour une salle de classe. Pour ta gouverne je le maitrise déjà depuis l'an dernier."
L'adolescent avait eu l'occasion de s'y exercer dans le cadre de la préparation de la soirée du bureau des élèves clandestin qu'il avait créé avec Alienor. Bien que la première n'avait pas été une réussite il en avait au moins acquis quelques compétences dans le domaine des sortilèges de dissimulation.
Pour ce qui était de la requête de sa camarade, il décida d'y accéder avec un moue malicieuse. Inutile de la torturer d'avantage, il voulait qu'elle soit en pleine possessions de ses moyens pour discuter stratégie.

Gryffs prit alors les devants, il trouva rapidement une salle vide et après avoir tenu la porte à Aelle en jeune homme bien éduqué, il sortit sa baguette et se fit un plaisir d'appuyer son précédent propos.
-"Passibilis."
Une drôle de sensation lui confirma que le sortilège avait fonctionné et il tira un chaise pour s'assoir face à son ainé.
-"Bon je ne te cache pas que les élèves plus jeunes du club ne m'inquiètent pas. Je me fais plus de soucis pour Aliosus, Jeffrey, Bad et Ennis. Je n'ai pas le temps de tous apprendre à les connaitre pour les battre. Je dois mettre au point une stratégie rapide et efficace qui me permette de me défaire de tous. J'aimerais qu'on discute combinaison de sortilèges. Pour que tu me connaisse un peu mieux, mon sortilège favori c'est Avis." Lui confia Gryffs.
Ses illusions d'oiseaux étaient impressionnantes, il pouvait en produire une grande quantité et le vacarme provoqué par les battements d'ailes et les cris étaient assourdissant.

Plus on s'approche de la salle de classe, plus mon humeur dégringole. Je savais déjà que je n'appréciais pas Sorrow. Que malgré son intelligence évidente, son arrogance, sa moquerie et son humour douteux gâchent tout ce qu'il pourrait y avoir de bon en lui — il m'agace et je déteste le fait qu'il m'agace. L'idée de passer la prochaine heure en sa compagnie me déplaît particulièrement et je commence à fomenter l'idée de lui proposer un petit duel pour tester ses capacités, juste comme ça, pour avoir l'occasion de l'envoyer valser — le plaisir de le voir s'écraser sur le sol atténuera ma mauvaise humeur : rien que de l'imaginer me fait un bien fou.

Je coule un regard froid comme la glace dans sa direction lorsqu'il m'ouvre la porte et pince les lèvres quand il lance parfaitement le sortilège d'Impassibilité. Plutôt bien réussi, je l'accorde, mais ce ne sera pas suffisant pour s'attirer mon respect. Je m'éloigne de lui pour m'adosser à un mur, les mains dans les poches et le regard braqué sur les fenêtres qui laissent voir un jour naissant aussi brumeux que mon humeur.

Je l'écoute déblatérer à propos de ses futurs adversaires, secrètement d'accord avec lui. « Mh, » fais-je en réponse à son petit discours, sans ne rien dire de plus, sans même lui demander une petite démonstration. Je le laisse ensuite dans le silence pour me consacrer pleinement à ma réflexion. Je me fiche de savoir si mon mutisme le dérange ou non.

Les quatre qu'il cite sont certainement les seuls qui pourraient réellement lui donner du fil à retordre. Enfin, cela dépend de son niveau, ce n'est pas parce qu'il lance parfaitement bien quelques sortilèges qu'il est bon en duel. C'est un art complet et complexe. Il ne suffit pas d'être doué avec sa baguette pour se débrouiller face à un adversaire coriace. Quoi qu'il en soit, je connais quelques détails concernant le caractère de chacune de ces personnes, ce qui pourrait l'aider à les cerner, mais je sais par avance qu'il y en a au moins une sur laquelle je ne dirai rien. Je n'ai pas rejoint la SSSS pour aider l'un de mes camarades, aussi insupportable soit-il, à se faire battre en duel. Nerrah a lui aussi tendance à me sortir par les yeux et à m'agacer mais c'est différent de Sorrow. J'ai du respect pour le Serpentard et si je reconnais bien plus facilement ses défauts que ses qualités, cela n'empêche que j'ai conscience de son intelligence et de sa débrouillardise. Je n'ai aucune intention d'aider Sorrow à le battre.

« C'est pas forcément les sortilèges qui importent, dis-je enfin d'une voix traînante et désintéressée. C'est ta capacité à les enchaîner ou non. C'est ton inventivité. C'est ton contrôle des distances entre toi et ton adversaire. C'est ton endurance magique. »

Toutes ces choses auxquelles ne pense pas le sorcier lambda, persuadé que la puissance est la seule chose qui compte — alors que c'est certainement le détail le moins important d'un duel. C'est pour ça que cet art n'est pas mon préféré, d'ailleurs. Ce n'est pas sur une piste de duel que je vais pouvoir utiliser mes Reducto à leur pleine puissance. Battre d'autres sorciers ne m'intéresse pas. Moi, je veux saisir la magie dans toute sa complexité et la connaître sur le bout des doigts, la connaître entièrement et passionnément.

« Avis est un sortilège intéressant. Pour l'attaque, la défense, la déstabilisation. C'est déjà une bonne carte que tu as en main. Mais ça suffira pas. »

Aelle avait ignoré la chaise face à Gryffs et préféra s'adosser au mur. La réponse qu'elle lui fit ne lui apprenait rien. Le Poufsouffle ne se targait pas de connaître plus de sortilèges que la moyenne mais il était assez retors et stratège pour imaginer des enchaînements plus surprenant. Seulement le duel n'était pas son domaine de prédilection. Il posa sa tête sur la table se servant de ses bras croisés comme oreiller, dévisageant son aîné.
-" J'aime pas les duels, dans un vrai combat il y a des paramètres à prendre en compte. Une stratégie est plus facile à mettre en place en fonction de l'environnement. Si il n'y avait pas de risque de mort imminent je me contenterais d'faire s'écrouler le plafond sur leurs têtes."
Gryffs se fit la réflexion que bien trop souvent la solution qu'il trouvait à ses problèmes étaient d'abattre les murs du château. Ça le fit sourire.
-" Finalement l'idéal serait encore que je puisse lire d'en leurs petites têtes pour découvrir leurs secrets et les forcer à se rendre. Tu crois que je réussirais à lancer un sort de Legilimencie sans l'aide du professeur Valerion? J'ai déjà épluché les livres de la bibliothèque sans réel succès mais je vais bientôt m'attaquer à la réserve. Enfin disons que je réfléchis à un plan pour les consulter sans me faire prendre..."
Gryffs n'avait pas peur de confier ses projets à Aelle comme il n'avait pas eu peur non plus de lui confier son objectif. C'était la seule à être au courant pour l'instant mais le sixième année était serein. Aelle n'était pas le genre à raconter ce qu'on lui confiait. D'ailleurs il pensait même qu'elle n'était pas le genre à parler tout court.
-"On m'a dit que tu te rendais parfois au club de duel pour prendre des notes sur les participants. Tu me les montrerais?"

J'accueille d'un petit mouvement de tête les paroles du Poufsouffle. Nous voici donc avec un point commun si lui aussi est du genre à vouloir faire s'effondrer les choses pour parvenir plus rapidement à ses objectifs. Dans mon cas précis, j'aime les faire exploser. Tout dévaster d'un sortilège plutôt que de passer par des stratégies souvent inefficaces destinées à perdre l'adversaire. Souvent, on oublie que le plus efficace est d'être direct. Pas toujours, évidemment, mais souvent. La brutalité empêche beaucoup de duellistes de terminer leur combat, parce qu'ils s'empêchent justement de trop l'être. La morale veut après tout que l'on ne fasse pas sérieusement de mal à la personne en face de nous, que l'on soit dans un duel ou non. Aodren, qui a étudié à la GEAD, m'a déjà raconté en détail que l'enseignement de son école était plutôt différent de ce que l'on apprend à Poudlard et qu'il a été forcé de faire taire ses idées préconçues pour parvenir enfin, après des mois d'entraînement, à gagner ses duels contre des adversaires qui avaient bien moins peur que lui de lui faire du mal.

Les propos de Sorrow me donnent à réfléchir. Sous ses airs nonchalants se cache semble-t-il un garçon à la fois observateur et capable de poser les bonnes questions aux bonnes personnes. Je me demande qui lui a parlé de ma tendance à prendre des notes lorsque je vais observer les duels des autres élèves.

Je prends plaisir à ignorer sa question pour pointer la seule incohérence que j'ai trouvée dans son discours ; incohérence suffisamment grosse et idiote pour que je trouve nécessaire de la relever.

« Déjà, arrête de perdre du temps à rêver de faire des choses que tu pourras pas faire. Ça sert à rien de te faire croire que tu pourras apprendre à utiliser la Legilimencie d'ici qu'arrive l'heure d'affronter les prodiges : tu perdrais du temps. Concentre-toi sur ce que tu sais faire. »

Est-il donc idiot pour vouloir maîtriser une forme de magie aussi difficile et complexe que la Legilimencie en quelques semaines ? Si je dois me coltiner un idiot aux rêves aussi grands qu'irréalisables, cette affaire sera plus douloureuse que prévue. Je lui lance un regard sévère avant de me concentrer sur le reste. Peut-être que si je lui donne ce qu'il veut, nous pourrons être quittes ?

« Si je t'aide à aller dans la réserve sans te faire prendre et que je te partage mes notes... Uniquement celles qui concernent Eaven, O'Belt et Hunter... On sera quitte ? »

C'est une affirmation sous la forme d'une question. Je considère que ce serait plus que suffisant pour le remercier de m'avoir fait traverser un marécage, ce qui lui a littéralement pris quelques minutes à peine et qui ne l'a pas empêché d'aider d'autres personnes dans la foulée.

« Je peux aussi te dire ce que je sais d'eux même si tu dois sûrement en connaître plus que moi, au moins sur Hunter. J'ai pu un peu côtoyer Eaven : il est plutôt imprévisible, il faudra être prudent avec lui. Qui sait ce qui pourrait sortir de son esprit détraqué..., » marmonné-je entre mes dents.

Ma rancœur envers le Serdaigle a pris des proportions énorme après ce qu'il s'est passé il y a quelques jours avec sa meilleure amie. Je déteste tout ce qu'il est, encore plus depuis qu'il a le droit de passer du temps en sa compagnie alors que moi... Je repousse difficilement ces pensées : pourquoi voudrais-je passer une seule seconde de mon précieux temps avec cette idiote qui m'a trahie comme on l'a rarement fait par le passé ?

« Quant à O'Belt, continué-je d'une voix dure, son sérieux est sa plus grande force. Elle laissera rien passer mais je suis pas sûre qu'elle sorte facilement de sa zone de confort. »

Il soupira bruyamment d'exaspération.
-"Tu n'as pas tord, ça me fait mal de le reconnaitre je dois le dire. Je n'arriverais pas à m'improviser Legilimens. Tu es affreusement terre à terre. Je suis sûr que tu serais beaucoup plus sympathique si tu t'affranchissais un peu des limites de la raison..." Acheva Gryffs pour la titiller.
C'est plus fort que moi. Constata l'adolescent. Il la scrutait du regard pour essayer de percer sa coquille. Se cachait il au fond de ce personnage froid une personnalité plus chaleureuse? Gryffs se promit d'explorer les recoins de l'esprit de cet étrange personnage s'il parvenait un jour à réaliser son objectif. Il était persuadé que la lecture des pensées de la jeune fille serait absolument fascinante. Gryffs avait très envie de connaitre l'origine de toute la ménagerie qui l'accompagnait en permanence.
-"J'accepte ton marché. Pourquoi tu ne me donnes pas celle sur Nerrah? L'inapprochable Aelle aurait elle un coup de cœur pour le préfet en chef?" L'interrogea le Poufsouffle en se penchant un peu au dessus de la table pour se faire plus insistant. Il ne connaissait pas grand chose de la vie personnelle de sa camarade et il était près à parier que l'ensemble de la maison était dans son cas.

Quoiqu'il en soit il était heureux d'avoir obtenu les fameuses notes dont Mike Conwell lui avait parlé. Il se demandait tout de fois à quel point étaient elles complètes? S'agissait il que de simples observations ou étaient elles plus fournies?
-"Par contre je me demande comment tu peux m'aider pour me rendre à la réserve? Je veux dire si c'est juste pour m'accompagner il vaut peut être mieux que j'y aille seul ce serait plus discret." S'enquit l'adolescent. Il avait sa petite expérience des vadrouilles nocturnes et bien qu'il ne doutait pas que son ainé avait surement son propre historique il doutait qu'elle lui fournisse une cape d'invisibilité pour se déplacer à sa guise.

Un haussement de sourcils et une moue désabusée, voilà ce que j'offre au garçon lorsqu'il parle de dépasser les limites de la raison. Je détourne brièvement le regard pour me forcer à garder le silence alors que j'aimerais tant lui dire que je passe mes journées, mes mois, mes années années même, à dépasser les limites de la raison en tentant d'abolir les limites de la magie. Lui qui essaie de s'améliorer et faire mieux que ce dont il est actuellement capable, qui est prêt à affronter un plus grand nombre que lui pour parvenir à ses fins, il devrait avoir l'intelligence nécessaire pour voir que je suis capable de dépasser les limites. Que ce n'est pas parce que je suis terre à terre, comme il dit, que je reste bornée dans mon petit train train sans pouvoir en sortir. J'ai envie de lui balancer toutes ces vérités et d'autres encore, de lui dire des choses qui lui feraient peur, de lui parler de mes recherches, de ce que j'essaie d'atteindre, avec la magie mais aussi à l'intérieur de moi. Il ne ferait plus le malin s'il pourrait entendre tout cela. Il ne me croirait plus incapable de dépasser les limites de la raison.

Il n'a pas idée à quel point c'est parfois tentant de la perdre, la raison.

Un haussement de sourcil, une moue. Il suffit de ça pour que passent mes pensées et mes idées, pour que j'abandonne l'idée d'avouer quoi que ce soit à ce Poufsouffle naïf, ignorant mais surtout bien trop arrogant.

Je fais des efforts, je l'assure. Mais ce qu'il dit sur Nerrah m'ébranle tout à fait. C'est si soudain, si incohérent ! J'ouvre de grands yeux et avant même que je ne puisse tenter de me contrôler, je m'arrache du mur sur lequel j'étais appuyée et crache un juron grossier. Puis je me rends compte que mon comportement pourrait s'apparenter à un aveu ; je me calme, mais le mal est déjà fait. Je poursuis ma route vers les fenêtre pour faire comme si et tente de garder la face. Moi, un coup de coeur pour Aliosus Nerrah ? Je n'avais même jamais envisagé le garçon sous cet angle mais le faire me met très mal à l'aise. Tant bien que mal, j'efface son visage froissé et sévère de ma tête. Le Serpentard ne m'inspire rien d'autre qu'une envie, parfois déraisonnable c'est vrai, de l'agacer et de le faire sortir de ses gonds. L'idée même d'avoir davantage avec lui m'horrifie.

« T'es incapable de rester concentré deux secondes, répliqué-je durement à Sorrow pour le punir des idées folles qu'il m'impose. Va falloir bosser ça avant tes duels. »

Je croise les bras et prends une profonde inspiration pour calmer mes nerfs. Réfléchir au problème actuel. Sorrow, la réserve, mes notes sur les duels. Je pense rapidement à un plan : d'abord, demander à Nyakane s'il accepte de faire le guet pour nous ; Zikomo pourrait l'y aider, deux fois moins de chances de se faire prendre. Comme un coup de masse dans les cotes, ma mémoire me rappelle que l'an dernier, j'avais droit aux courtes autorisations de la directrice pour me rendre dans ce lieu. Certes, seulement dans les endroits choisis par elle, pour consulter les ouvrages que madame souhaitait, mais tout de même... Aujourd'hui, personne ne m'autoriserait à cela. Quoi que... Priddy ? Je n'ai aucune envie de lui demander quoi que ce soit, je me le refuse.

« Si c'était juste pour t'accompagner, je t'aurais pas proposé, réponds-je enfin en coulant un regard froid dans la direction du Poufsouffle. Aucune envie de me faire prendre là-bas avec toi, j'ai pas trop confiance en ta discrétion si tu vois ce que je veux dire. Laisse-moi gérer pour la réserve : si je te dis que je peux t'aider à y aller sans te faire prendre, c'est que je peux le faire. Si t'es pas capable de me faire confiance, c'est pas mon problème. »

@Aliosus Nerrah, parce que le sous-entendu de Gryffs et les pensées d'Aelle pourront te faire sourire.