Si je m’attendais à ce que mes explications rassurent ou fassent hésiter la rouquine, c’est beaucoup moins le cas de l’enchaînement de questions qui s’ensuit. Comment ça fonctionne, un tri, comme ce que je devine être le choixpeau ? Hein ? Je dois admettre qu’elle me pose de sacrées colles, et je ne suis pas mécontente de la voir s’interrompre pour s’excuser.

« C’est pas grave, » souris-je en secouant doucement la tête, lui laissant reprendre la parole pour éviter soigneusement d’avoir à trouver des réponses à toutes ses interrogations.

En plus, la suite m’arrange bien plus : avec mon exemple de Londres - ou de Belfast, ça fonctionne aussi - elle en vient également à la conclusion que ses parents ne la laisseraient pas déambuler toute seule dans une grande ville.

« Tu vois ? Donc pour le moment tu peux rester au bord ou si tu veux aller un petit peu dans l’eau, mais fais attention quand même ; et quand tu seras plus grande tu pourras prendre les barques. » Tout simplement. Mon regard se porte un instant sur le fameux lac noir avant que je ne continue. « Mais déjà, voir le calmar géant d’ici, c’est super impressionnant. T’as pas vu ses tentacules, encore ? »

Après un peu plus d’un mois passé au château, j’admets que ça m’étonnerait grandement. Sans les montrer à la surface en permanence, le calmar est quand même régulièrement visible, et il suffit simplement d’être un peu attentif pour ne pas rater les apparitions de la créature. Ou alors, j’ai juste eu de la chance de la voir à plusieurs reprises…

« Tu voulais faire quelque chose aujourd’hui ? Enfin, à part aller sur le lac. »

Ma question à première vue plutôt anodine me permet surtout de m’assurer que la première année ne compte pas quand même prendre les barques : une fois que je serai moi-même dedans, il me sera bien plus difficile de vérifier qu’elle ne se rend pas à Pré-au-Lard. Ou alors ce sera si je la croise sur place, mais à ce moment-là il sera trop tard…