Enfin, l’heure de manger était arrivé. Veronica avait une faim de loup, et ce, malgré le petit déjeuner qu’elle s’était déjà enfilé au matin. Elle n’y pouvait rien, c’était à cause de sa croissance.

La salle de banquet était en train de se remplir, mais elle était déjà tranquillement installée, sans grand monde autour d’elle. C’était donc parfait, et sans attendre elle remplit son assiette de tout un tas de chose, en évitant soigneusement le plat de poisson. Elle se versa également un verre de jus de citrouille, boisson qu’elle avait rapidement appris à apprécier, malgré une certaine perplexité. Et la présence des décorations d’Halloween donnait une tout autre ambiance au repas.

Ça lui donnait l’impression d’être un vampire, buvant le délicieux nectar des congénères des nouvelles habitantes de la Grande Salle. Un crime délicieux.

Alors qu’elle était en pleine dégustation – et gavage – elle observa avec attention l’arrivée des hiboux, qui venaient distribuer lettres et colis. Elle ne s’attendais pas vraiment à recevoir quoi que ce soit, ayant envoyer une lettre à peine quelques jours avant à ces parents. Mais le ballet des volatiles avait un certain charme curieux.

Elle ne prêta donc plus vraiment attention à son environnement quelques secondes, avant d’être rappelé à l’ordre par son estomac intransigeant. Abritait-elle un kraken dans son système ? C’était un mystère. Veronica reprit sa fourchette et continua de manger.

Avant d’être interrompu par un grand « bam », juste devant elle. Un colis venait de lui tomber dans l’assiette.

Et elle était couverte de nourriture. Elle n’aurait pas dû se moquer des citrouilles.

Tamsin arriva dans la Grande Salle au moment même où la nuée de hiboux passait par les hautes fenêtres. C'était l'heure de la distribution du courrier ! L'un des moments qu'elle préférait le plus dans la journée. En tant que grande amatrice de l'art épistolaire, elle écrivait à un membre de sa famille, une fois par jour. Chacun avait sa lettre hebdomadaire qu'elle rédigeait le matin et montait poster l'après-midi. En retour elle ne recevait pas toujours de lettre, à l'exception de sa mère qui elle aussi lui envoyait une missive par semaine.

Courant pour atteindre sa table avant que le courrier ne reparte dans l'autre sens ou ne se perde chez un autre élève, Tamsin se rua sur le banc le plus proche, dès qu'elle y trouva une place. L'effet boule de neige fut immédiat, elle s'installa comme une bombe, manquant de donner un coup de coude à son voisin, s'excusant à demi-mot avant de voir une volée de plume piquer vers la table des Serpentard. Un colis explosa au milieu de l'assiette qui lui faisait face, aspergeant Nyx qui lui faisait face. Ne pouvant se retenir, Tamsin parti dans un éclat de rire tonitruant, accompagnée par une partie de la tablée, spectatrice de l'événement désastreux qui venait de se passer. Se sentant coupable de se moquer de la seule personne avec qui elle avait un semblant d'amitié dans sa maison, elle lui tendit sa serviette immaculée pour seul remède, un sourire en guise de grimace compatissante sur le visage. Peut-être était-il temps d'apprendre le sortilège Recurvite comme elle avait vu de nombreux élèves le pratiquer, afin de palier à ce genre de désastre. Décidément, elle n'était pas encore une sorcière très expérimenté en sortilèges.

La curiosité l'emportant rapidement sur son attente de courrier. Tamsin jeta un œil discret au colis adressé à Veronica. « C'est Noël avant l'heure Miss Blackburn ? » lui demande-t-elle avec un sourire malicieux.

C’était la honte totale pour Veronica – elle était couverte d’aliment en tout genre. Et les rires ne l’aidaient pas vraiment. Mais il fallait qu’elle relativise… Elle aussi aurait rigolé si c’était arrivé à quelqu’un d’autre. Elle prit la première serviette qui lui venait sous le nez et commença à s’essuyer. Décidément il fallait qu’elle se mette à apprendre plus de sorts utiles. Son regard, qui s'était fixé sur ces vêtements, se tourna à nouveau vers la table et ses voisins.

Tamsin ?

Elle ne l’avait pas vu arriver, ni même s’installer en face d’elle. Elle aussi avait ri de la situation déplorable de Veronica. Mais la blonde se rattrapa en lui tendant une autre serviette, qu’elle prit en marmonnant un « merci » inintelligible. Tous les aliments étaient à présent retirés de son uniforme, mais les tâches étaient une tout autre histoire. Jamais elle n’arriverait à enlever la graisse et les petits morceaux… C’est à ce moment que sa camarade lui adressa la parole.

« Très drôle, Tamsin », répondit-elle ironiquement, « je sais même pas pourquoi j'ai reçu un colis ».

Son attention se porta sur la fameuse boite en carton. Dessus il y avait bien son prénom et son nom, écrit avec un style qui lui était familier. Sans prendre la peine de lire la lettre, elle s’attaqua tout de suite à la tâche complexe qu’était l’extraction du scotch. Qu’est-ce que sa mère pouvait bien lui avoir envoyé ? Elle ne lui avait rien demandé de particulier dans sa dernière lettre.

Quand la brune l’eut ouvert, elle comprit immédiatement. Et elle pesta intérieurement.

« Sérieusement maman ? », dit-elle à voix haute.

Sa mère avait osé. Elle avait OSE.

Elle souffla d’un désespoir quelque peu exagéré, puis regarda Tamsin. Et sans un mot de plus, elle lui tendit le colis, tout en prenant la lettre qui lui était associée, pour l’ouvrir furieusement et commencer à lire.

EDIT : j'ai oublié d'indiquer le contenu du colis... Alors : un vieux jeu de tarot, fausses bougies, des dés a multiples faces, une carte du ciel toute pliée, un pendule, un jeu de carte normal.

Retenant un gloussement de plus, Tamsin se pinça les lèvres. Si la situation inverse était arrivée, il est probable qu'elle aurait couru se cacher dans les toilettes abandonnées, au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire. Veronica semblait prendre l'incident avec beaucoup plus de recul et de flegme. Les restes du repas disparurent en quelques coups de serviette, mais il allait probablement falloir passer par la case machine à laver. Tamsin se demandait d'ailleurs, comment diable à Poudlard les vêtements étaient-ils lavés. Son interrogation fut bien vite balayée par la curiosité insatiable qui s'empara d'elle à la vision de désespoir que lui offrit le visage de Nyx. Oh, oh, ça sent le colis piégé. Sa camarade de chambrée avait-elle reçu une nouvelle petite culotte, avec des trèfles à quatre feuilles cette fois, pour lui porter chance lors de leurs futurs examens ? Un long soupir et voilà le colis devant ses yeux d'enfant émerveillée. Nyx blasée, Tamsin en pâmoison.

Sous ses petits doigts, elle farfouille dans le bric à brac, au fur et à mesure, dévoilant de plus en plus d'objets qui lui tiennent si fort à cœur. Un pendule, des dés, des bougies de pacotilles. Et là, une carte du ciel pliée (qu'elle s'empresse évidement de déplier). Tamsin est aux anges. Un petit cri d'excitation incontrôlé lui échappe. « On est le 24 octobre, pas le 24 décembre ! » se marre-t-elle. Certes le colis ne lui est pas destiné directement, mais avec toutes les folies qui s'y trouvent, la fanatique de divination semble aussi gâtée qu'une môme à Noël. « Qui t'envoie ça ? Une prêtresse obscure ? » Elle continue de farfouiller, le nez perdu dans le colis, en tirant un jeu de cartes à jouer ainsi qu'un magnifique jeu de tarot. Ses petits doigts d'enfant tremblent, n'ayant jamais eu l'occasion d'en toucher un ni même encore de pratiquer l'art de la tarologie. Elle n'ose pas ouvrir le jeu qui n'est manifestement pas à elle. Après l'avoir observé quelques instants à la lumière des bougies de la Grande Salle, elle repose le contenu du colis dans son emballage et le repousse doucement vers Nyx, comme prise en flagrant délit de gourmandise. Ce n'est pas son cadeau après tout.

Coucou ma chérie,

Comme tu peux le voir, j’ai été acheté pleins d’objet dans une boutique qu’un de mes collègues m’a conseillé… C’est un fan d’astrologie aussi ! Montre-les à cette jeune fille dont tu as parlé dans ta dernière lettre, celle qui est à Serpentard. Je suis sure que tu pourras t’en faire une amie ! Je suis si fière de toi en tous cas, avoir enfin parler à quelqu’un… Et ne gâche pas tout avec ta mauvaise humeur, essaie d’être un peu gentille, parce que j’en ai mis un petit budget pour le jeu de tarot.

Gros bisous,

Maman.

Veronica ne prêta pas attention à l’exclamation de Tamsin, son regard fixé sur la missive. Sa mère aimait lui écrire en français, comme un rappel de ses origines mixtes. Mais ce n’était pas tant la langue qui la marqua, elle avait l’habitude, mais plutôt le contenu. Elle avait parlé de Tamsin dans une seule phrase, sans même dire son nom, en disant qu’elle était fan d’astrologie. Pour leur prouver qu’elle avait parlé à au moins une personne dans sa promo… Et voila le résultat. Elle se retrouvait avec tout un bric-à-brac d’objet lié aux étoiles et aux cartes.

Elle souffla une nouvelle fois, avant de répondre à la question de sa camarade, qui semblait être aux anges.

« Ça la décrirait assez bien, mais non », lui dit-elle en posant la lettre sur la table, « c’est une manœuvre à peine cachée de ma mère… de me faire des amis. »

Comme si ça changerait quoi que ce soit.

« Mais bon je pense que tout ce qu’elle a réussi, c’est de me salir mon uniforme », grommela-t-elle en regardant à nouveau ces vêtements, « et me couper l’appétit. Je vais retourner aux dortoirs je crois. »

Les yeux de Tamsin s'ouvrirent comme deux ronds de flanc. La mère de Nyx avait également un penchant pour l'astrologie et les arts divinatoires alors ? La petite gamine de Serpentard ne comprenait pas encore la supercherie et la manœuvre dont parlait Veronica. Pour elle, l'amitié était quasi acquise, elle ne se doutait pas que pour d'autre, il fallait plus de temps, plus de confiance et probablement plus de preuves. Elle n'osa pas jeter un œil à la missive qui atterrit sur la table. Premièrement elle n'y aurait rien compris, ne captant pas un mot de français, et deuxièmement, l'air blasé de Nyx indiquait qu'il ne valait mieux pas remuer le couteau dans la plaie. Néanmoins cet incident, si l'on pouvait le dénommer ainsi, ne devait pas gâcher la soirée de sa camarade. Et les jolies babioles que contenaient ce colis ne devaient pas être abandonnées comme ça. « Oh, je t'accompagne si tu veux ? » proposa-t-elle, déjà prête à se lever pour accompagner sa camarade de maison, au dortoir. Elle s'empressa de ranger ce qu'elle avait éparpillé sur la table pour remettre en ordre le colis. Elle y ajouta discrètement quelque biscuits aux pépites de chocolats, ainsi qu'une brassée de friandises. À l'approche d'Halloween, les banquets regorgeaient de sucreries sorcières appétissantes, qu'elle n'avait pas encore eu l'occasion de goûter. « Je n'ai plus très faim non plus en fait » se permit-elle d'ajouter, comme pour justifier sa soudaine envie de remonter aux dortoirs sans paraître trop collante. D'autant plus que le mensonge était aussi gros que le nez au milieu de la figure, elle venait d'arriver dans la Grande Salle et n'avait donc touché à aucun plat. Elle referma le colis pour garder les friandises secrètes et se permit de le prendre dans ses bras, tout en s'extirpant de la table des Serpentards. Peut-être allait-elle trop vite en besogne et Nyx n'avait aucune envie d'avoir un petit chiot à ses côtés, qui la suivait comme son ombre. Ou peut-être au contraire aurait-elle besoin d'une camarade à ses côté pour traverser la Grande Salle, et assumer sa robe tâchée.

Veronica s’était déjà préparer à se lever pour rassembler les éléments de son colis, mais Tamsin l’avait devancée. Elle la regardait faire sans rien dire, et esquissa un léger sourire en la voyant ajouter des sucreries, bien qu’elle ne cachait pas sa perplexité. La blonde voulait l’accompagner au dortoir, mais elle n’avait même pas encore manger. Et même si elle disait qu’elle n’avait pas très faim, la brunette n’était pas dupe.

« Tu es sur de vouloir venir avec moi ? », lui demanda-t-elle malgré tout, « t’es pas obligée, mais je ne vais pas t’en empêcher… »

Regardant à droite puis à gauche, elle ajouta également d’autres bonbons dans la boite, ainsi que toutes sortes de friandises chocolatées ; c’était son péché mignon après tout, le chocolat. Veronica espéra secrètement que sa camarade y verrait une invitation, même si elle ne le verbalisa pas.

« Je vais prendre le colis, en espérant qu’il cache un peu mon uniforme…taché. On se rejoint au bout de la table ? »

Comme si une petite boite pouvait cacher l’ampleur des dégâts. Sans attendre la réponse de Tamsin, elle se leva du banc, et tout en y ajoutant un dernier bonbon, elle se saisit du colis en carton. Elle n’avait qu’une hâte, c’était de pouvoir se changer, la sensation de graisse à travers le tissu était pour le moins… désagréable.

Comment dire que son petit cœur fit un léger bon quand Veronica insista. Était-elle sûre de vouloir venir avec elle ? Bien sûr que oui. Mille fois oui. Elle était probablement la seule camarade avec qui elle passait autant de temps, ou du moins qui la laissait passer du temps avec elle. Et qui plus est, l'attrait de ce colis plein de babioles divinatoires lui faisait de l'œil (pas autant que la volonté d'accompagner Veronica pour l'aider bien évidemment). Acquiesçant d'un léger signe de tête, elle laissa donc Nyx reprendre ce qui lui était dû, remontant de son côté l'allée d'élèves attablés à leur table respective. Le banquet battait son plein et l'esprit de Tamsin résonnait de nombreuses petites anxiétés qui venaient s'y inviter. Elle a du se rendre compte que j'étais collante. Je n'ai rien mangé ce soir, elle a forcément du voir que je n'avais rien mangé. Évidemment qu'elle l'avait vu, et elle n'avait pas manqué d'ajouter du chocolat au colis. Tamsin ne savait dire si le comportement de Nyx lui offrait le champ libre pour rester avec elle, ou si elle la prenait en pitié et la laissait la suivre. Décidément, se faire des amis n'était pas chose aisée, encore moins quand on se sentait différente et pas à sa place dans ce monde inconnu. Elle espérait secrètement pouvoir rester encore un peu avec la petite sorcière brune, passer un bout de sa soirée avec quelqu'un plutôt que d'être seule, encore une fois. Tamsin avait besoin de parler, d'exprimer des choses, de révéler des secrets peut-être aussi ? Secrètement, elle croisa les doigts sous sa robe de sorcière, faisant le vœu silencieux que ce soir elle puisse faire de Nyx sa nouvelle grande copine.

La boite en carton dans les bras, Veronica traversa la Grande Salle d’un pas rapide. Elle ne voulait pas passer plus de temps dans la pièce, avec un uniforme aussi propre. Les rires de ces camarades de tables lui avaient largement suffit, elle n’avait pas besoin que toutes les tablées s’y mettent. La jeune Blackburn ne savait pas trop quoi attendre de cette soirée improvisée qui s’annonçait. Elle n’avait pas réagit sur le moment, mais ce serait la première fois qu’elle passerait l'après-midi en compagnie de quelqu’un depuis la rentrée. Veronica avait pris l’habitude de s’enfermer entre les rideaux de son lit avec pour seule compagnie, ses livres et sa baguette.

C’était peut-être une mauvaise idée.

Quoi qu’il en soit, Tamsin n’avait pas l’air horrible, et son idée de mettre des friandises dans son colis, avant même qu’elle ne lui propose de venir avec elle, n’était pas passé inaperçue. La jeune Serpentard aimait le sucre, surtout le chocolat, et cet acte avait largement racheté son rire quand le colis était tombé dans son assiette. Quand elles se sont rencontrées la première fois dans les dortoirs, elle avait été claire. Son concept de l’amitié était très différent de la normale. Mais bon, un moment sans prise de tête, à découvrir comment fonctionner un jeu de tarot ou les autres bidules du colis… cela ne pouvait pas lui faire de mal.

Probablement.