C'était la première fois que nous allions apprendre un sort, un vrai. Comme à mon habitude, sabotant mon apprentissage, j'avais laissé ma baguette sous mon lit depuis déjà quelques jours. Enfin, lorsque les elfes de maison ne la ramassaient pas pour la replacer sur ma petite table de chevet, elle était à nouveau abandonnée. Je ne pouvais pas la voir, je ne supportais même pas de la toucher. Je repensais sans arrêt à ce que M. Ollivander m'avait dit, et je n'avais pas envie de me voir comme un sorcier paresseux, alors autant ne plus y toucher. Au moins ainsi, je n'étais même pas un sorcier.

La professeure avait présenté le premier sort que nous allions étudié. Silencieux, j'avais observé les autres démontrer une certaine joie à l'idée de commencer. Mon attitude n'était pas vulgaire, mes bras n'étaient pas croisés signalant un désintérêt, non, j'étais même plutôt intéressé. Mais leur joie m'agaçait. J'avais envie de les secouer, de leur faire prendre conscience de tout ce qu'ils perdaient en s'adonnant à la magie. Mais mes cris restaient silencieux et résonnaient uniquement dans ma tête.
Je m'étais glissé près d'un groupe pour les observer, j'étais envieux de les voir s'appliquer, échouer et puis réussir. Je leur mentais en disant que oui, j'étais vraiment bête d'avoir oublié ma baguette, que oui, j'aurais aimé m'entraîner moi aussi. Je feintais d'observer pour apprendre, pour que Miss Valerion ne dise rien. J'offrais mon air le plus intéressé. Je souriais et applaudissais mes camarades qui réussissaient, je riais avec eux pour me fondre dans la masse, mais je me retournais pour voir les aiguilles s'avancer. J'attendais la fin, la libération, le moment où il n'y aurait plus de magie, plus de mot "Flipendo" sur toutes les lèvres. A l'intérieur, j'enrageais. Je voulais être des leurs, et dès que je l'étais, je fuyais. Mon père en mémoire, je le rassurais, je rentrerais comme lui. En moldu, comme ils disaient. Car si j'apprenais, je signais pour être sorcier. Et je n'en étais pas un. Je ne pouvais pas en être un.

La fin du cours annoncée, les élèves se ruaient vers la sortie en commentant leurs essais, leurs échecs et leur victoire. Je ne me ruais pas, je ne commentais pas mes essais, mes échecs et ma victoire. Je me fondais dans la masse, remerciais ma professeure, la saluai et pensai qu'au moins pour le cours de cet après-midi, la baguette ne serait pas requise.

La première vraie rentrée de Sixtine en tant que professeure de défense contre les forces du mal se passait plutôt bien. Une vieille connaissance à elle avait également fait sa rentrée cette année, c'était assez incroyable pour elle de le revoir entre les murs de Poudlard. Lorsqu'elle avait parlé de ce poste vacant à son ami, elle ne se doutait pas une seconde qu'il prendrait sa proposition au sérieux, mais finalement, elle était heureuse de pouvoir le revoir tous les jours comme à l'époque de leurs années d'études.

Pour cette rentrée, les élèves de première année allait commencer fort en apprenant le sortilège Flipendo. Ce sortilège qui permet de donner un coup à son adversaire annonçait la couleur de cette matière et c'était l'effet recherché. La semaine précédente ils avaient travaillé la partie théorique du sort et aujourd'hui, il était temps de passer à la partie pratique. La plupart des élèves semblaient impatient mais un élève, semblait n'en avoir rien à secouer de ce cours. Pire encore, il n'avait pas jugé nécéssaire d'apporter sa baguette. Après une grande inspiration et un "Vous n'aurez qu'à regarder", Sixtine avait poursuivi son cours pour ne pas prendre de retard sur le programme. Malgré tout, il était hors de question pour elle de laisser cet enfant repartir ainsi.

A la fin du cours il s'était fondu dans la masse et avait remercié Sixtine. Il tentait réellement de prendre la poudre d'escampette ? La professeure qui s'était positionnée à côté de la porte de sortie observa le garçon avant de lui demander de rester. Une fois tous les élèves sortis, elle put entamer la discussion.

- Mister Sharp, un sorcier ne sort jamais sans sa baguette magique, vous l'avez oublié par mégarde ou volontairement, ne me mentez pas ou j'irais chercher l'information au fin fond de votre esprit d'enfant.

Ma sortie s’était écourtée par un appel de Miss Valerion qui me demanda de rester. Il était plus facile de la regarder depuis le fond de la salle qu’à trente centimètres, et pris donc le soin de me reculer davantage pour laisser au moins un mètre entre elle et moi. Il est de ces gens impossibles à savoir si leur regard s’apprête à vous éliminer ou à vous proposer un thé. Le sien n’avait pas l’air de pencher pour cette dernière option, et lorsque tous les autres élèves furent sortis, sa prise de parole me confirma mon hypothèse.

Elle avait visiblement remarqué que je n’avais pas apporté ma baguette avec moi, et m’interrogea dessus. Avant même que mon cerveau ne se mette à chercher un mensonge adéquate pour une sorcière de son âge (quel âge avait-elle d’ailleurs ?), je fus prévenu de ne pas mentir sous peine de… Pouvait-elle vraiment fouiller au fond de mon esprit ? J’avais déjà plus tôt dans l’année cru que Miss Priddy en était capable lorsqu’elle m’avait surpris avec Éli dans les dortoirs, voilà maintenant qu’une deuxième sorcière pouvait lire dans mes pensées ? J’essayais de me raisonner en pensant que si elle me posait cette question, c’est qu’elle n’avait pas pu obtenir l’information plus tôt. La peur qu’elle avait instaurée en quelques secondes me fit déglutir, je ne pouvais clairement pas lui mentir. J’avais beau joué le petit mec fier de lui qui savait ce qu’il faisait, à cet instant, je n’en menais pas large. Par précaution toutefois, j’essayais de réitérer l’expérience du Choixpeau, cherchant à bloquer mon esprit en imaginant des briques rouges et en ne pensant qu’à cela. Cette idée m’était venue d’un vieux film que mon père m’avait montré où les humains tentaient d’empêcher les aliens de lire dans leurs pensées. J’étais l’humain, Miss Valerion était l’alien.

- Je… Je l’ai pas prise.. Je l’ai pas oubliée, bafouillai-je en prenant soin de ne pas répéter le mot qu’elle avait choisi, pensant atténuer mon acte. J’avais presque bloqué ma respiration à la fin de ma phrase, essayant de retrouver un ton clair et calme. Je n’arrivais pas à soutenir son regard, et préférais regarder ses pieds et les miens, alternant entre les deux, tout en pensant à mes briques rouges. Mais je l’aurai au prochain cours, terminai-je en n’étant moi-même pas certain de la fiabilité de ce que j’avançais.

Je jetais un regard à ma gauche, observant les tables vides et cherchant à me distraire et penser à autre chose. Je sentais que le sujet de la baguette n’était pas fini, mais je cherchais à retarder le moment.

Sixtine en était sur, ce jeune garçon était en train de se payer sa tête. Si il avait simplement oublié sa baguette alors il l'aurait signalé dès le début du cours et la professeure aurait pu charger un elfe de Poudlard de l'amener jusqu'à sa salle commune pour qu'il puisse récupérer son catalyseur, élément indispensable du cours d'aujourd'hui. Le problème auquel elle faisait fasse était assez simple, le garçon n'avait l'envie ou l'intention de lui dire la vérité. Elle allait donc devoir faire preuve d'ingéniosité pour lui faire cracher le morceau.

- Vous ne répondez pas à ma question. Vous l'avez oublié par mégarde ou volontairement. Pourquoi ne pas avoir signalé cet oubli dès le début du cours ? A moins que vous pensiez être capable d'utiliser la magie sans baguette magique vous devez toujours l'avoir sur vous.

Sixtine s'accorda un moment de réflexion, elle n'était pas encore certaine de ce qu'elle devait faire de l'élève. Elle avait quelques doutes, devait elle le punir pour cet oubli ainsi que le mensonge qu'il avait sorti à la professeure ou, devait elle lui accorder le bénéfice du doute et le laisser se repentir en étant attentive à cet élève lors du prochain cours.
Après quelques minutes de réflexion, elle avait finalement trouvé une solution, une idée. Elle n'avait qu'un seul cours le vendredi matin et elle disposait donc de son vendredi après midi et par chance, les élèves de 1er année n'avaient pas cours le vendredi après midi.

- Je vais vous demander de venir dans ma salle de classe vendredi de 14h30 à 15h30, nous aurons l'occasion de pouvoir reparler de votre "oublie" de baguette.

Visiblement, éluder la question n’avait pas été très concluant, puisqu’elle insistait à nouveau sur celle-ci. Je me retrouvais non seulement avec sa première question à laquelle il me fallait répondre, mais aussi avec une nouvelle qui me piégeait totalement. Je ne voyais pas d’autres issues que de lui offrir une justification, car oui, j’aurais pu très bien signaler cet oubli et je n’en avais pas eu envie.

Sa dernière phrase fit écho en moi, je venais d’apprendre que la magie pouvait se faire sans baguette. Mon imagination s’était empressé d’inventer des scenarii tous plus extravagants les uns que les autres, permettant à mon père l’usage de la magie, me permettant d’être dans son monde. Je confondais les notions, sans ne rien y comprendre et je me promettais de l’interroger sur cette bombe qu’elle venait de lâcher, mais plus tard. Il aurait été bien trop irrespectueux de ma part de la faire changer de sujet pour une curiosité trop grande et mettre de côté le fait que j’étais en train d’être réprimandé.

Le temps de mes rêveries lui offrit la possibilité de proposer - ou plutôt d’ordonner vu l’absence de ton interrogatif à la fin de sa phrase - un autre rendez-vous. Je n’avais évidemment rien prévu, mais je ne me voyais pas déjà finir dans un énième bureau. Mes parents allaient forcément finir par en entendre parler, et ils n’y comprendraient rien. D’ailleurs, est-ce que mon père comprenait ce que je faisais là ? Je n’en étais même pas sûr.

Lorsque Miss Valerion imposa cet entretien, je l’avais observée, tentant d’analyser ce qu’elle pouvait bien penser de moi. Elle respirait une autorité sans agressivité, qui ne se négociait pas. Je ne pouvais que déglutir, me taire et hocher la tête en guise d’accord. Au moins, d’ici demain, j’aurais un peu de temps pour réfléchir à ce que j’allais pouvoir lui dire, et même comment. Comprenant qu’elle n’avait plus envie de me faire parler à cet instant, je me raclai la gorge et demandai une autorisation à être congédié.

- Est-ce que cela veut dire que je peux partir ?, demandai-je quelque peu hésitant, ma main droite me grattant l’arrière de la tête, craignant d’avoir tout mal interprété et de subir un regard noir.

360

Cet espèce de gnome sans cervelle n'avait apparemment rien compris des consignes de la professeure. Soit, elle n'allait pas le forcer à répondre à ses questions alors qu'elle avait encore une journée bien chargée qui l'attendait. Ce petit monstre était en train de lui faire perdre du temps et elle fit une liste mentale de toutes les tortures qu'elle aurait voulu lui faire subir tout de suite puis, elle respira longuement pour se calmer.

Il fallait qu'elle garde son calme et qu'elle le laisse vivre au moins jusqu'à vendredi. Quitte à lui donner une bonne leçon autant faire les choses correctement et préparer la scène. Elle fut rappelé à la réalité lorsqu'elle se rendit compte qu'elle n'avait toujours pas répondu à l'interrogation du garçon. Lui donnait elle le droit de quitter la pièce ? Plutôt deux fois qu'une.

- Oui, vous ferriez mieux de partir tout de suite effectivement. Je vous dis à vendredi et soyez à l'heure.

Et le poussa gentiment vers la sortie de la salle de classe et referma la porte à l'aide de son catalyseur. Maintenant qu'elle était enfin seule dans sa salle de classe elle avait pouvoir remettre un peu d'ordre dans cette pièce avant de descendre dans la grande salle pour se restaurer.

Quelques minutes plus tard, elle descendit les escaliers de l'école et entra dans la grande salle.

Même si j’avais eu des dons pour lire dans l’esprit des gens, il ne m’aurait pas été utile à ce moment précis, tant l’évidence de la situation se suffisait à elle même. Le soupire d’exaspération qu’elle m’offrit en disait long sur ce qu’elle devait penser de moi et de mon comportement. Je déglutis, silencieux face aux bruyantes accusations qui devaient courir dans son esprit, et attendais patiemment qu’elle m’en libère.

Je m’étais attendu à une absence d’intérêt, à une réprimande ou à toute autre forme de punition, mais c’était une date que j’avais obtenue. Elle ajoutait à cet agacement du jour un autre rendez-vous qui ferait sûrement sortir les pensées obscures qu’elle avait dû avoir à mon encontre. De plus, attendre une journée, passer une nuit à y réfléchir n’était pas une idée très plaisante. Si elle gardait cet état d’esprit, elle aurait tout le temps d’exploser face à moi, et la punition n’en serait que plus terrible. Je n’avais pas d’autre choix que de m’y préparer et offrir ce qu’elle attendait de moi : des explications et sûrement des excuses.

Poussé vers la sortie, je dus aller chercher bien loin en moi pour répondre à sa demande.

- D’accord. A demain, Miss, fis-je d’une petite voix.

A peine étais-je sorti que la porte se ferma derrière moi, comme si la salle n’attendait que mon départ pour redevenir elle-même : sombre et scellée.

Bon, et bien, ça s’est fait. A bientôt x) Merci