Pendant un instant, alors que je cours à toute allure dans la direction opposée pour rejoindre mon ancien abri, j'ai l'impression d'être de retour des années en arrière. De nombreuses années. Lorsque nous faisions des batailles de neige avec mes frères. J'étais alors incapable de lancer le moindre sortilège. Je n'avais que mes mains pour jouer face à des jeunes hommes (notamment un — Zakary) qui n'hésitaient pas à user de magie pour nous harceler moi et Aodren. Je me rappelle des courses affolées sur les terrains qui entourent le Domaine, de la crainte de recevoir une boule dans le dos. Aujourd'hui, je vis les mêmes sensations : le coeur qui bat, le froid qui s'incruste dans mes poumons, mes bottines qui s'enfoncent dans la neige et la crainte qui fait bourdonner mes oreilles, celle d'être la cible d'une vilaine petite sphère blanche.

Très vite, j'observe les alentours en quête de mon adversaire. Je n'ai aucun mal à la trouver, elle court dans ma direction, une munition au bout de sa baguette magique. Elle me rate évidemment lors de son premier essai hasardeux, ce qui me fait sourire sans bruit. Je serre les doigts autour de ma baguette magique et recule à petits pas rapides en direction de mon arbre. Je la vois façonner une autre boule de neige, prendre de l'élan, la lancer vers moi. Cela ne m'empêche pas de me la prendre en plein dans l'épaule ; j'aurais pu la dévier magiquement mais pourquoi se fatiguer pour si peu ?

« C'est tout ce que tu sais faire ? » braillé-je.

Ma mine froissée en réponse à son cri de victoire. C'est ça, songé-je intérieurement, réjouis-toi tant que tu le peux encore. En attendant, j'ai le temps d'atteindre ma cachette. J'y retrouve trois boules abandonnées, encore soumises au sortilège d'Invisibilité. Elles ne le seront pas toujours, autant m'en débarrasser maintenant. Une stratégie prend forme dans ma tête. Prenant garde à être visible par la Poufsouffle, je façonne sans aucune discrétion une boule de neige et enchaîne rapidement deux mouvements : un lancer de sortilège sur l'une des trois munitions invisibles et, ramenant mon bras en arrière, je balance de toutes mes forces celle que j'ai encore dans les mains en direction de Nelson.

La boule vole, vole dans les airs ; invisible, sa sœur suit une trajectoire beaucoup plus directe : mon Locomotor connait sa cible. () Un cri réjouit traverse mes lèvres lorsque la seconde boule de neige, beaucoup plus rapide que l'autre, frappe la Poufsouffle — la troisième depuis que Nelson est dans les parages, ce qui me m'amuse énormément. Tellement que je n'éprouve aucune frustration lorsque la seule boule visible lancée à la moldue retombe sur le sol sans avoir touché qui que ce soit ().

Zikomo a totalement disparu du paysage vierge qui nous entoure. Du bleu sur du blanc ça devrait pourtant se voir facilement. Je sais très bien qu'il attend que notre méfiance s'endorme avant de nous attaquer soudainement. Zikomo, je le connais depuis plusieurs années maintenant, je sais qu'il est plus malin que n'importe qui d'autre. J'ai hâte de voir Nelson tomber dans son piège.

En attendant, je m'accroche à ma baguette comme je peux et je surveille les mouvements de la Poufsouffle, bien déterminée à repousser n'importe quel projectile qui s'approchera de moi à l'aide d'un Expulso brillamment réussi — après tout, Nyakane ne me répète-t-il pas qu'un entraînement régulier à la visée est nécessaire pour s'améliorer ?

Je coure, je coure. Ma respiration un peu saccadée, du fait de l'adrénaline et de la situation de jeu, dessine de petites volutes de buée devant moi.
Aelle me nargue, j'entend sa voix tandis que je m'éloigne d'elle.
Mais bien évidemment, j'ai beau courir, Aelle est bien plus douée en magie, et surtout bien plus avancée que moi dans ce domaine, de sorte que c'est sans peine qu'elle m'atteint. PAF ! Une boule de neige sur le haut de mon dos. "Hiiiii" je pousse un petit cri tout en rentrant la tête dans les épaules, me doutant qu'une seconde ne va pas tarder. J'entend un petit bruit mat, elle m'aurait raté ? Enfin, pour la deuxième tentative ?
Un petit rire commence à fuser de mon côté, je saute de côté sur ma droite, me rapprochant d'un arbre, me retourne, jette un coup d'oeil à mon adversaire. Très bien, elle semble chercher Zikomo du regard. Ce qui me laisse le temps de...
Vite, je ploie les genoux, attrape plein de neige avec mes deux mains, la tasse tout en me redressant et reculant le bras droit loin derrière moi, je la jette avec le plus de force possible vers la grande brune. Yihaaaa !! Mais j'ai une chance in-croy-able !!
Vite, je me renfonce contre l'arbre, précipitamment je vais derrière son tronc, me penche et prépare une nouvelle munition, me redresse et me concentrant sur ma magie, en tentant de calmer ma respiration, je prononce un nouveau "WinGARdium leviOsa" et jetant un regard furtivement de derrière mon tronc pour repérer Aelle, je tente de guider ma boule - bien visible- jusqu'à Aelle. Crotte ! La boule semble se heurter à quelque chose et tombe lamentablement au sol.
Crotte !
Du coin de l'oeil, sur ma droite, j'aperçois un mouvement fugace. Qu'est-ce que... ??
Je tourne la tête et... zzou ! Un éclair bleu ! Zikomo ?!

Inutile de le nier : la fille ne manque pas de talent mais seulement lorsqu'elle me vise sans sa baguette magique. Quand elle lance à la moldue la boule de neige me heurte de plein fouet ; elle avait réussi son précédent coup, comme elle réussit celui-ci. En plein dans l'épaule alors que j'ai cherché à me baisser. L'impact amène, en plus du froid, une nuée de souvenirs qui me font sourire dans le secret de ma capuche qui s'est rabattue sur ma tête. Je ne les laisse pas me déconcentrer, aussitôt je me redresse, à raison : j'évite un autre projectile qui frappe l'arbre près duquel j'ai installé ma base. Je jette un coup d'oeil à la fille et un sourire moqueur m'étire les lèvres lorsque je la vois une baguette à la main. Quand est-ce qu'elle comprendra que ce n'est pas avec un sortilège de Lévitation qu'elle m'aura ? Ce sortilège manque bien trop de force et de précision ! Enfin, tant qu'elle continue comme ça je ne risque pas grand chose.

D'un coup de baguette, j'ensorcelle les deux munitions invisibles qui me restent et m'éloigne de l'arbre, baguette cachée dans le revers de ma manche pour ne pas attirer l'attention de la fille... Attention qui est de toute manière occupée par autre chose. Je tourne la tête dans la même direction et grimace en apercevant l'éclair bleu traverser à toute allure le champ blanchi par la neige. Sa vitesse est assez folle, tout comme son agilité. Il saute, virevolte, plonge dans la neige pour n'en ressortir que quelques secondes plus tard. Il fonce vers moi, ses pattes fourageant le sol, l'éclat de son regard doré luisant par dessus la neige ; ses moustaches s'agitent follement au-dessus de son museau ouvert sur un sourire vorace.

« Zik ! » crié-je pour l'arrêter.

Mais il ne s'arrête pas et que puis-je faire d'autre ? Déconcentrée par cette attaque, j'en oublie mon sortilège et je sens plus que je ne vois mes deux boules de neige invisibles tomber sur le sol. Je n'ai pas le temps de me défendre, Zikomo saute par dessus moi. Je lève les bras pour me protéger mais nul besoin, il se contente de me survoler. Et moi, je tombe en arrière sur le sol. Le cul dans la neige, j'entends résonner son rire moqueur. Je jure à voix haute sans la moindre honte en l'insultant vertement de tous les noms imaginables.

Cela ne l'atteint pas, il continue de rire. Il continue également de courir. Le voilà qui file dans la direction de la Poufsouffle, prêt à lui faire subir exactement la même chose. Je m'accroche à ma baguette. « Accio boule de neige invisibles, » murmuré-je en tendant la main. Je souris en sentant les projectiles glacer atterrir dans ma paume. C'est parti.

Un sortilège, le même que précédemment, et voilà que les deux boules de neige foncent en même temps ; leur cible ? Nelson. Ma visualisation leur a créé un chemin parfait.

Zikomo va courir sur Constance et lui sauter dessus au dernier moment. Rien de bien dingue mais il est très, très rapide.
Je n'ai pas joué mes deux dernière boules de neiges aux dés, j'estime que c'est à toi de savoir si Constance arrive à les éviter ou non. Elles sont sous sortilège et prennent pour cible Constance, celle-ci devra bouger rapidement ou longtemps pour les éviter.
Excuse-moi pour ce retard !

C'est bien Zikomo qui semble prendre de la vitesse. Après un large virage il fonce droit, droit sur nous. Enfin, sur Aelle. D'ailleurs, elle aussi l'a vu et s'est figée alors qu'elle l'appelle d'un ton ferme, dans l'idée de l'arrêter sûrement. Mais le renard ne faiblit pas son allure et quelques bonds gracieux plus tard, appuie sur ses pattes et se projette sur elle. Whoua ! Mais il ne la touche même pas car en fait au fait moment Aelle tombe à la renverse comme dans un ultime effort pour l'éviter et atterit sur ses fesses tandis que le renard bleu atterit souplement et ... oh... oh !
Mes yeux s'écarquillent tandis que je comprends ce qu'il s'apprête à faire.
Je ne sais pas si c'est un réflexe ou une tentative désespérée mais mon cerveau ne m'appartient plus, je me baisse vivement, ramassant de la neige et faisant un pas de côté, rejette mon bras en arrière et lance le plus fort possible la boule en direction du renard.
Au même moment, je sens une boule glacée s'écraser contre ma poitrine et j'ai le réflexe de me recroqueviller en me baissant à moitié, et une deuxième s'écrase sur mon épaule.
Je me retourne et cours, cours, cours, essayant de mettre de la distance entre le duo et moi. Zikomo n'aurait pas été là, elle n'aurait pas réussi à me toucher de plein fouet comme ça. Elle allait voir ce qu'elle allait voir !
Je me penche, la respiration un peu saccadée, mon coeur battant à un rythme éffréné, et attrape le plus de niege possible, la divise en deux et la tasse. Okay !
Je me retourne et lance le plus fort possible une des deux vers Aelle crotte ! Je lance la deuxième dans la foulée et me retourne et cours brusquement vers la droite, vers la plaine, comme si j'avais le diable à mes trousses. Je ne sais pas si Aelle me suit ou bien si Zikomo s'est remis de sa boule de neige. Je me rends compte que s'ils s'allient contre moi... ben ... ça va être deux fois plus dur !
Je m'arrête, le souffle court bien qu'un sourire se peint sur mes lèvres alors que mes yeux cherchent mes adversaires. Jaugeant la distance que j'ai réussi à mettre entre nous, je sens une joie monter, monter...
Je me met donc à préparer de nouvelles boules de neiges, 1, 2, 3...
Il faut que je me prépare ! Il faut que je me défende ! Bon, je commence par qui ? Aelle ou Zikomo ?

@Aelle Bristyle -432 - Bon, Constance n'a pas pu éviter les boules d'Aelle par contre réussit tout juste à éviter Zikomo en lui lançant une boule. Il devait être assez prêt d'elle pour qu'elle puisse le surprendre de cette manière j'imagine... Bon en tout cas, elle est remontée à bloc ma petite
c'est à mon tour de m'excuser pour le délai

Agile comme pas deux, Zikomo évite la boule de neige de la fille et prend aussitôt une autre direction ; son intention n'avait été que de la perturber après tout, comme il l'a fait avec moi, ce qui semble avoir plutôt bien réussi. Le voilà reparti à toute vitesse.

Je ne perds pas de temps à observer les dégats que font mes deux dernières boules de neige invisibles, même si elles atteignent fort bien Nelson, ce qui me réjouit secrètement. Non, moi j'ai une nouvelle cible désormais et alors que la jeune Poufsouffle s'enfuit loin de moi, j'essaie tant bien que mal de viser Zikomo du bout de ma baguette. Nous nous sommes souvent entraînés comme ça l'hiver dernier pour améliorer ma visée. Habituellement je ne réussis à le toucher qu'une fois sur trois, parfois sur quatre, mais l'entraînement porte ses fruits puisqu'il m'est désormais beaucoup plus facile de toucher une cible en mouvement.

Le problème quand on se concentre sur autre chose que les boules de neige lorsque l'on fait une bataille de boules de neige, c'est que l'on prend le risque de se prendre un projectile que l'on a même pas vu arriver. C'est ce qui m'arrive. Une première boule blanche me passe devant le nez mais la seconde explose contre mon épaule. Je pousse un juron bien senti et à voix haute, insensible à l'idée de choquer qui que ce soit, et fouille la plaine blanchâtre du regard jusqu'à trouver la coupable. Regardez-là qui court comme un lapin tentant d'échapper au loup... L'image m'amuse assez et je ne cherche pas à me protéger ou me cacher alors que je vois bien que la jeune fille est en train de façonner de nouvelles boules de neige.

Le temps que j'observe la Poufsouffle, Zikomo a évidemment disparu de mon champs de vision. Je baisse ma baguette, dépitée. Je jure une nouvelle fois, cette fois-ci entre mes lèvres, et réfléchis à une solution pour me débarrasser de ces deux créatures fort encombrantes.

« Eh, Nelson ! lancé-je tout à coup tout en restant à distance raisonnable de la fille. Temps mort, ok ? »

Je m'approche prudemment en me marmonnant à moi-même : « Si elle me lance une foutue boule, j'la noie dans la neige. »

Je hausse de nouveau la voix histoire de ne pas me faire canarder :

« On fait équipe pour essayer d'avoir Zikomo ? » Merlin, ces mots m'arrachent la bouche. « À deux y'a moyen qu'on lui fasse bouffer de la neige, il fera plus le malin après ça. »

Ca y est ! Avec satisfaction je regarde mes 4 boules de neiges bien tassées, prêtes à s'exploser sur toute cible vivante.
Mon nom retentit dans l'air, reportant mon attention sur la situation quelques pas plus loin.
Aelle demande un "temps-mort". Bien sûr que je sais ce que cela veut dire mais... est-ce que je peux lui faire vraiment confiance sur ce coup-là ?
Elle m'a quand même balancé 2 boules de neige à la suite alors que Zikomo me fonçait dessus il y a une poignée de minutes à peine.
Est-ce que c'était pas là une sorte de stratégie ?
Si elle croyait que la petite première année pouvait être bernée aussi facilement, ha ! elle se mettait le doigt dans l'oeil !
Soupçonneuse, je cherche machinalement du regard des boules de neige en train de léviter. Quoique, les siennes sont invisibles, il ne faut pas que j'oublie ça. Mes oreilles à l'affût, je me sens plus près du lapin que de l'humaine en cet instant. Qu'à cela ne tienne ! Le lapin, il va devenir renard !
Accroupie, je ramasse une de mes munitions, la soupesant dans ma main machinalement en voyant s'approcher mon adversaire. Elle marche prudemment, pourquoi ? Est-elle concentrée sur l'acheminement de boules de neiges invisibles vers moi ?
Par réflexe plus que je ne m'en rends compte, je déglutis en espérant que cela ne soit pas le cas.
Ma main armée, je suis immobile et j'ai la sensation que de ne pas la lancer... serait une mauvaise idée. Elle se rapproche drôlement quand même.
Je lève le bras tout en me relevant, prête à me défendre lorsque Aelle hausse la voix et me propose de faire équipe contre Zikomo, en mode "l'union fait la force".
Je m'arrête dans mon geste, dans une posture défensive qu'elle devait peut être trouver risible.
Cette idée affute mon envie irrésistible de lui faire passer l'envie de me juger comme telle : je suis pas un lapin !
Une petite voix me susurre Lance, lance, lance...
Mais une autre parte de moi, la partie plus gentille, plus naïve aussi, me fait penser que Aelle est peut être sincère et que lui lancer la boule tournerait la situation en ma défaveur.
Tiraillée entre ces deux parties de moi, je m'écris : "N'approche plus !"
Je croise son regard et l'espace d'un court instant, j'y cherche la sincérité dont j'ai besoin.

Son regard déterminé est froid et perçant. Si elle me souriait, je ne sais pas si je la croirait davantage.
" Si tu me l'as fait à l'envers..." prévins-je d'un menaçant.
Inspirant l'air froid par le nez, j'expire en relâchant mon bras. Je vais agir telle une Poufsouffle, et lui donner sa chance. Si elle me canarde, je saurais à quoi m'en tenir et ne me ferais pas avoir une nouvelle fois.
"Il est parti où ?" demandais-je en faisant des va et vient des yeux à travers la plaine.

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Mince alors, si ça ce n'est pas une posture défensive, je ne sais pas ce que c'est. Je me retiens de rire tout en continuant d'avancer vers elle ; elle a vraiment l'air ridicule à se méfier de moi comme ça, même si je ne dirais pas que son comportement manque d'utilité. Ses yeux qui surveillent le moindre de mes mouvements, ses pieds plantés dans la neige comme si elle s'apprêtait à s'enfuir, ou me canarder au choix, et ces paroles qu'elle me lance et qui me figent sur place : n'approche plus ! Ah oui, oui c'est donc ça, elle a peur de ce que je pourrais lui faire. Une peur toute enfantine, certes, pas de la vraie peur qui étouffe, mais une forme d'effroi malgré tout qui me fait secrètement jubiler.

Extérieurement je lève les yeux au ciel et étire mes lèvres dans un sourire qui n'a pas grand chose d'amical, même si je n'en ai pas conscience. Sa méfiance me fait glousser et pour lui prouver que je ne vais rien lui faire, promis-juré-craché, je me détourne un peu, comme si je ne craignais pas qu'elle aussi me la fasse à l'envers.

« Ça va, Nelson, détends-toi un peu ! »

N'empêche, je suis drôlement rassurée lorsqu'elle baisse son bras armé et ne me menace plus de m'envoyer une boule de neige qui serait douloureuse si elle me percutait alors que je suis aussi proche.

Je lance un regard moqueur à la jeune fille avant de parcourir la plaine enneigée du regard. Je ne remarque aucun éclat bleu, ce qui ne me perturbe pas outre mesure car Zikomo a été relégué au second plan dès que je me suis approchée de la fille. Cela ne m'empêche pas de plisser les yeux et de pointer du doigt l'arbre qui m'a servi de base de préparation de boules de neige durant la première partie de cette bataille que je gagnerai bientôt. Arbre près duquel je n'ai vu absolument aucun éclair bleuâtre mais il y a une chance sur deux pour que la fille ne regarde pas dans cette direction et qu'elle me fasse confiance. Ou pas.

« Là ! m'exclamé-je. Derrière l'arbre, je l'ai vu s'y jeter. Rah, la saleté, il se cache comme un lâche ! »

J'ai mon avis bien tranché à propos de la lâcheté et cet acte, celui de se cacher en pleine bataille, n'est certainement pas un comportement de lâche.

Aelle semble indécise quant à me prendre au sérieux ou non. Je vois bien ses yeux rouler vers le ciel tandis qu'elle m'enjoint de me détendre d'un air désinvolte. Mais je sais que j'ai affaire à une sorcière bien plus expérimenté que moi et je sens qu'elle peut être tout à fait capable de me la faire à l'envers.
Toutefois, je me suis décidée à lui laisser sa chance.
Alors, sans quitter pour autant ma position, les bras le long du corps avec tout de même ma boule de neige bien tassée dans ma main droite, je regarde par réflexe du côté qu'elle m'indique. Celui des arbres où on était tout à l'heure. Où elle avait aussi une provision de boules de neige dont elle n'avait pas hésité à me canarder.
Mais pas de renard bleu à l'orée, en tout cas, pas visible de là où on est.
Je lui jette un coup d'oeil soupçonneux.
Dis donc, elle est sacrément encline à le fustiger son ami, Aelle. Elle ne lésine pas sur le vocabulaire. "Saleté", "lâche"...
Mmh... si elle croit que parler de lui ainsi va m'inciter à la croire, elle pourrait être surprise.
Bien droite sur mes pieds, je la regarde bien en face tout en lui posant ma question, reprenant ses mots :
- Ah oui ? Tu l'as vu s'y jeter ?
Une légère brise souffle sur mes joues tandis que je regarde Aelle. Bien que j'ai décidé de ne pas la canarder là maintenant, je sais que je suis sur une pente glissante, enfin, façon de parler. Si j'avance et que c'est faux, et qu'elle n'a pas vu Zikomo, elle va me canarder. Encore. Mais si elle dit vrai et que je n'avance pas, elle pourrait bien soit changer d'avis par rapport à sa "trêve" soit s'agacer et dans tous les cas me canarder.
Il faut que je la joue fine si je veux m'en sortir pas trop mal de notre bataille de boules de neige improvisée - enfin, celle à laquelle je me suis jointe.
Un plan commence à se dessiner sous mon crâne et je lui lance d'un air plein d'assurance :
- Bon, d'accord ! Je prends mes boules et je te rejoins. Vas-y ! Faudrait pas qu'il s'échappe !
Je commence à m'agenouiller tout en la regardant d'un oeil, ma main gauche attrapant une boule à mes pieds. Au regard qu'elle me lance, je lui adresse mon sourire le plus confiant.
- Vas y, vas y t'inquiète ! J'en ai pas beaucoup.

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Le temps semble se suspendre alors que nous nous affrontons du regard, sa phrase flottant dans le silence soudain. La façon dont elle a insisté sur le verbe voir montre bien qu'elle n'est pas aussi naïve qu'elle en a l'air. Cela m'agace, elle aurait dû me croire et se précipiter comme l'enfant qu'elle est sur l'endroit désigné pour aller débusquer le grand, le terrible, l'effroyable Zikomo ! Mais non, elle piétine dans la neige et son assurance est une insulte pour moi.

Hop, un coup de baguette et c'est terminé, me dis-je. Ce serait si simple, j'ai déjà la formule en tête et rien ne m'est plus facile que de visualiser ce moment qui pourrait être absolument hilarant. Malgré tout, je me retiens. Il n'y a plus le moindre intérêt à faire ça maintenant. Ce ne serait plus aussi marrant que ce que j'avais en tête. Je voulais la surprendre, moi.

Que faire désormais ? Feindre une confiance arrogante : jouer à celle qui se sait si sûre d'elle-même qu'elle tourne le dos sans crainte à une gamine en laquelle elle n'a absolument pas confiance ? Ou attendre qu'elle ait récupéré ses fameuses munitions ? Oh, me dis-je, dans tous les cas j'aurais ce que je veux : qu'elle m'attaque par derrière et ma vengeance n'en sera que plus méritée.

Je hausse les épaules.

« Ouais bah bouge-toi, il va pas rester là-bas pendant mille ans. »

Puis je me détourne et fais quelques pas en direction de l'abre.
Quelques pas terriblement angoissant, j'ai honte de l'avouer. Chacun d'eux me crispe plus que le précédent, si bien que j'enfonce ma main dans ma poche pour m'accrocher à ma baguette magique. J'ai l'impression de sentir le regard calculateur de l'enfant posé sur moi. Mon corps me pèse tandis que mes pensées s'affollent : elle va m'attaquer, elle va m'attaquer, elle va m'attaquer. Et plus cela me pèse, plus s'élèvent d'autres pensées en réaction : attaque-moi, attaque-moi, me retrouvé-je à prier, fais-le pour que je puisse passer ma frustration sur toi.

Quoi qu'il en soit, j'avance comme si de rien n'était. Comme un pantin tout de bois fait tant j'ai l'air coincée dans ma démarche, avide de l'espoir de voir bientôt l'enfant me rejoindre pour enfin m'assurer de l'incroyable naïveté dont je la crois toujours coupable.

Aelle semble hésiter, me jaugeant du regard puis hausse les épaules avant de s'en aller, se diriger vers l'orée des arbres où elle avait hypothétiquement vu Zikomo.
Son dos me faisant face tandis que ses pas l'éloignent malgré l'épais tapis de neige, l'absurde et très fugace idée de la canarder maintenant me traverse. Sûrement d'ailleurs que c'est pour ça qu'elle a hésiter. Mais ce serait un mouvement lâche et bas. Un coup par derrière : où est l'intérêt ?

Tout en zieutant de temps à autre qu'elle ne fait pas demi-tour, je ramasse mes quelques boules de neige, les gardant contre moi avec mon bras gauche tout en gardant celle dans ma main droite.
Je me redresse. Aelle se trouve à quelques pas de moi. Je prend une grande bouffée d'air frais et souffle le plus longtemps possible, mes yeux faisant des aller-retours sur la lignes d'arbres apparents.
Zikomo est-il vraiment caché là ? A nous attendre, tel un petit prédateur. Ca se trouve, il nous observe depuis tout ce temps, attendant le bon moment pour pousser sur ses pattes et avec agilité et vitesse nous surprendre.
Sauf qu'avec ses petites pattes, il est incapable de former des boules de neige. Et ça, c'est clairement un avantage. Oui, c'est plutôt Aelle dont il faut que je me méfie. Enfin, sur qui je dois rester prudente. Après tout, j'ai décidé de lui laisser sa chance... n'est ce pas ?
Comme indiqué à Aelle, je reprend la marche mais contrairement à ce qu'elle croit, je ne cherche pas à marcher dans ses traces. Non, je marche effectivement vers les grands pins tout en laissant ma trajectoire dessiner une légère diagonale. Ainsi, si Aelle me l'a fait à l'envers, j'aurais une assez grande distance - bien que tout est relatif avec la magie - entre elle et moi.
Le silence se fait bien qu'il soit troué par le bruit de nos pas. Crac, crac, crac...

Ma main resserrée sur ma boule de neige, je zieute partout à la recherche d'un éclat bleu. Zikomo. Où diable te caches-tu ?
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