Ivy m'a dit qu'elle devait me parler. Enfin, elle m'a écrit. L'année
2047 va se terminer, et tellement de choses avec que je ne sais plus où donner la tête. C'est souvent durant le mois de décembre que me revienne tout plein de souvenirs, ce qui me rend plus active que jamais. Je passe beaucoup de temps avec Lydia et Gianna, et aussi avec Fred. Nous parlons des vacances qui arrivent, et des nombreux contrôles que nous avons. Fred essaye de m'effrayer en me parlant des BUSEs, même si celles-ci n'arrivent que l'an prochain. Je n'arrive pas à croire que lorsque je passerai les BUSEs il en sera à ses ASPICs. Il a plutôt bien réussi ses BUSEs l'année dernière, mais je pense que les ASPICs c'est une autre paire de manches.

Je suis en avance à l'heure du rendez-vous parce que j'ai hâte. J'ai hâte, mais je stresse un peu. Peut-être qu'elle veut simplement me souhaiter de bonnes vacances parce que dans une semaine je quitterai Poudlard pour n'y revenir qu'en 2048. J'ai hâte de rentrer à la maison, retrouver Maman, Papa - enfin beau-papa - Galadriel, et puis Mariana qui viendra fêter Noël avec nous. Pour le nouvel An, j'aimerai inviter Zoey, mais j'ai peur que la faire venir à Godric's Hollow ne soit pas une bonne idée...

Alors que le sapin de la grande salle est illuminé, je scrute les environs à la recherche de la Bleue.

Cela faisait quelque temps que j’avais envoyé un hibou à la Verte. Mes mains tremblaient : et si elle ne venait pas ? Après tout, elle ne m’avait jamais répondu, et puis, peut-être que ses sentiments pour moi s’étaient éteints depuis la dernière fois. Je sentais mon corps trembler et ma cage thoracique se gonfler irrégulièrement – j’avais tellement peur qu’elle n’explosât que je posai deux mains sur ma poitrine et tentai de calmer ma respiration.

Je passai les portes de la Grande Salle en me tortillant les doigts, le regard effleurant simplement les détails autour de moi. Je craignais le vide, l’abandon. Chaque seconde qui passait sans que sa silhouette n’attire mon regard alimentait un peu plus mon angoisse.

Je ne pus retenir un sourire soulagé lorsque mes pupilles rencontrèrent enfin la chevelure de mon amie. Je me dépêchai auprès d’elle, toute trace de stress ayant quitté ma poitrine et mon ventre. Si je n’avais pas été entourée d’autant d’élèves, j’aurais certainement versé les larmes que je tentais désespérément de retenir.

« Hey, soufflai-je, car un nœud dans ma gorge m’empêchait de parler. Ç-ça va ? »

Tous les mots que je m’étais imaginé lui offrir s’étaient envolés. Toutes les heures que j’avais passées à me répéter tout ce que je voulais lui dire s’étaient enfuies. Mais cette fois-ci, je ne laissai pas la panique prendre le dessus : je plantai mes pupilles dans celles d’Erza et lui demandai avec le plus d’assurance dont je pouvais faire preuve :

« Je peux t’prendre la main ? »

Je parvins à ne pas rougir, à ma grande surprise, et je tendis ma main droite à la Verte pour compléter mes paroles.

Les Autres me gênent. Ils courent, rient, parlent fort et j'ai l'impression que lorsqu'Ivy arrivera - si elle arrive - je ne la verrait pas. Et bien évidemment, il en sera de même pour elle. *J'veux plus la perdre*.

C'est alors que je la vois. Et elle me voit aussi. Elle s'approche, et je dois me retenir de courir à sa rencontre pour la serrer dans mes bras, afin de ne plus jamais la perdre. Mon coeur de déchire à chaque fois que je la vois partir. Même si c'est simplement parce qu'elle a tourné dans un autre couloir. Et parce que je ne peux pas accepter de perdre ceux que j'aime, maintenant que j'ai accepté d'ouvrir mon coeur.

— Hey

C'est tout ce que j'ai trouvé à répondre. Hey. Je suis vraiment ridicule à chaque fois que je lui parle. Je suis incapable d'aligner trois mots correctement, et surtout, trois mots qui ont un sens. Elle me demande si ça va, et j'y vois par là une manière de me rattraper.

— Ouais ça va plutôt bien, les fêtes approchent, donc ça va être vraiment sympa ! Et toi ?

Je me retiens d'ajouter que ça fait longtemps qu'on s'est pas vues. C'est vrai, mais c'est autant sa faute que la mienne. Je n'attends plus qu'une chose, c'est quelle me dise ce qu'elle a sur le coeur. J'ai bien senti que c'était important, dans sa lettre, et je ne veux donc plus attendre. Alors que je m'apprêtais à le lui dire, elle demande à me prendre la main. Mes joues virent au rouge, et sans ouvrir la bouche, je sers sa main. ce contact me rempli d'une douce chaleur, et je décide d'attendre quelques secondes de plus avant de lui parler. Pour ne pas gâcher ce moment. Parce que tout est éphémère. Qui se souviendra de nous dans 100 ans ? Personne, à part peut-être nos proches. Nous serons simplement deux élèves de Poudlard, ayant un an de différence, sans lien particulier. L'une aura été joueuse de Quidditch. L'autre simplement à Serdaigle. C'est tout. Je me décide enfin à poser ma question.

— Tu voulais me parler ?

Plus qu'à attendre.

Je souris à son ‘hey’ et laissai mes cheveux tomber devant mes joues. J’aurais eu envie de rire de mon état si je n’étais pas piégée dans celui-ci. Je n’aimais pas cette sensation de joie immense qui m’avalait dès que je croisais le regard de la Verte. Je voulais être libre ! Libre et ne jamais dépendre de personne !

« Chouette, dis-je bêtement. Euh, ça va, merci. »

Mes mots tombaient comme des pierres dans mon ventre. Ils ne semblaient pas miens, ils sonnaient si différents de ceux que je posais sur le papier. Je n’avais plus l’impression d’être moi… Et — oh, Merlin — toutes mes pensées rejoignirent mes mots dans mon estomac. Erza venait de me prendre la main et voilà que j’en avais presque les larmes aux yeux.

Je détournai mon regard et baissai la tête vers le sol. Je devais avoir l’air d’un pantin inanimé, plantée ainsi au milieu de la Grande Salle. J’entendis sa question, mais n’y répondis pas immédiatement, submergée d’un torrent de sensations printanières.

« Je, hum, oui. Hum, c’était à propos d’ça, » dis-je désignant nos mains jointes. « J-je crois que j’ai des sen-sentiments pour toi, mais je suis pas sûre, c’était pas clair sur internet… J’ai… peur. »

Ma langue s’était finalement décidée à se délier. J’avais déballé mes paroles d’une traite, fixant toujours mes pieds agités. Ma main était moite dans la paume de la brune. Je ne sus dire si mes pensées s’étaient tues ou si elles étaient si bruyantes que je ne parvenais plus à les entendre.

Je me demandais ce qu’il se passerait lorsque nous partirions chacune de notre côté. Nous serions-nous serrées dans nos bras ? Combien de temps aurions-nous passé à sottement rougir ou à bafouiller des paroles incompréhensibles ? Arriverais-je à m’endormir cette nuit ? Ma tête en devenait douloureuse — mes peurs tournaient en rond.

Je crois que j'ai peur de ce qu'elle va me dire. J'ai peur d'être déçue, j'ai peur qu'elle me dise quelque chose que je n'arriverai pas à accepter, ou bien quelque chose qui me brisera. Une part de moi n'a qu'une envie, s'enfuir avant qu'elle ne parle. Evidemment, l'autre part de moi est bien plus forte. Je ne peux pas décoller mes yeux de ceux d'Ivy et ma main est comme fixée à la sienne. Je pourrais me noyer dans ses yeux. Ivy brisa cette connexion en détournant le regard, et les battements de mon coeur s'accélérèrent. A-t-elle honte de me parler ? Veut-elle m'annoncer que l'on ne peut plus se voir ? Elle me lâcha la main, et finit par ouvrir la bouche pour me répondre.

*J'crois que j'ai des sentiments pour toi*. Ses paroles résonnent en continu dans ma tête, se répercutant dans chaque parcelle de moi. Elle m'aime, elle m'aime, elle m'aime. Mais alors que je devrais être joyeuse, une autre pensée me vient en tête. Lorsqu'on s'attache aux gens, qu'on les laisse entrer en nous, leur départ fait encore plus mal. *Embrasse la, fais quelque chose bordel !*

— Tu-tu m'aimes ?

J'ai besoin de sa confirmation. Je sais que cela sera dur a répéter, mais j'ai besoin d'en être sûre. J'ai besoin qu'elle me dise qu'elle m'aime. Je fais un pas vers elle, la regardant, des larmes de bonheur perlant au bout de mes yeux.

Mon cœur battait tel des lames déchaînées dans ma poitrine. Je n’osais plus relever mon regard et croiser celui de la brune. J’avais peur d’y trouver de la colère, du dégoût, de la moquerie, … Le temps d’une fraction de seconde, je me dis que la fuite était la meilleure solution mais, avant que je n’eusse le temps de mettre mon plan à exécution, sa voix m’interrompit.

Je clignai des yeux et fronçai les sourcils : n’avais-je pas été claire ? Je me mordis la lèvre. Erza s’approcha de moi mais je ne relevai toutefois pas mon regard. J’inspirai calmement une bouffée d’air réconfortante et ouvris à nouveau la bouche pour parler.

« Ouais, » dis-je, ma voix flanchant. « J’suis amoureuse de toi. »

Mes mots sonnaient étrangement à l’extérieur de ma tête ; ils prenaient une forme réelle, une dimension possible. Je ne voulais pas savoir si ses sentiments pour moi étaient toujours vivants, si ma déclaration ― que ce mot est étrange ! ― l’avait mise en colère. Que n’aurais-je pas donné pour qu’un grand vent m’emporte loin de cet étrange échange !

Je me décidai finalement à plonger mes iris droit dans celles d’Erza. Mes pensées s’enroulèrent autour de ses pupilles puis s’éteignirent. Une musique me revint subitement en tête : Maman la chantait en se balançant, déchaînée, et son sourire était éblouissant. Je ne me rappelais que de quelques-unes des paroles qui mentionnaient de la pluie à un mariage. Je souris, l’image de Maman dansant derrière mes paupières.

Mon coeur bat à cent à l'heure. Je crois que je vais exploser, ici même devant tout le monde. Mon esprit n'est plus connecté à mon corps, et c'est dans ces moments là que je fais des bêtises. Comme au bal. Comme dans les couloirs. Comme à chaque fois que je la vois. Même si depuis quelques temps déjà, nous nous voyons plusieurs fois par semaine, mon état d'esprit n'avait pas changé, surtout que cela faisait feux semaines que nous nous ne voyions plus.

Elle fixait toujours un autre endroit que mes yeux mais c'était peut-être mieux ainsi. Sinon, je me serais perdue encore plus. J'ai envie de l'embrasser — je crois que c'est ce que mon coeur me dicte — mais malheureusement la présence de tous ces Autres m'en empêche. Elle relève ses iris et les plonge dans les miennes. Je lui souris, d'un doux sourire joyeux. Je reprends sa main et me glisse près de son oreille pour lui chuchoter trois mots.

— Je t'aime Ivy

Ivy, ce doux prénom qui sonne comme l'éclosion d'une fleur depuis que je la connais. Depuis que je l'ai rencontrée, ma vie a changée. J'ai réappris à aimer. Mais surtout, j'ai laissé quelqu'un m'aimer. Je l'ai laissée apprendre à me connaître. Je voudrais m'enfuir avec elle, loin du monde, peu importe où, mais là où l'on serait en sécurité. Là où je n'aurais plus peur de la perdre à chaque seconde. Et si une nouvelle menace se présentait, et qu'elle me prenait Ivy ? *Profite de l'instant présent*

Erza se pencha vers moi. Son souffle chatouilla doucement mon oreille, ses paroles, mon cœur. Je sentis le chaud me monter aux joues. Ma peau devait avoir pris sans aucun doute la teinte du pire coup de soleil que j'eus pu avoir un jour.

« E-Est-ce qu'on est amoureuses, maintenant ? » demandai-je.

Ma voix était étouffée par une tonne d'émotions que j'essayais de contenir. Je savais que la Verte ne me jugerait pas, qu'elle partageait mes sentiments. Je ne pouvais décrire l'ampleur du soulagement qui me traversait en ce moment. Si Erza m'aimait en retour, alors nous pourrions rester amies — ou peut-être plus ? — sans gêne. Soudain, une pensée vint faire taire toutes les autres :

« Oh zut ! Faut que j'te présente à Maman ! »

Je resserrai ma poigne autour de la paume de celle que j'aimais sans m'en rendre compte. Mes doutes et mes peurs avaient repris le dessus dans le conflit que menaient mes pensées en moi. Aussi, je me sentis obligée d'ajouter :

« Enfin, si tu veux. J'veux pas t'obliger. »

Peut-être que la Verte ne voulait pas que nous devînmes amoureuses, après tout. Je tentai de faire taire mes trop nombreuses pensées en me concentrant sur les iris sombres de la brune. Ils avaient un drôle de reflet vert que je notai minutieusement dans un coin de mon esprit.