Dotée d’un manque très claire de motivation, Tiffanie essayait tant bien que mal de se concentrer sur son devoir de sortilège… Ayant été trop occupée à préparer une certaine potion durant ses vacances de noël, la rouquine n’avait pas prit le temps de finir tous ses devoirs, et ceux de sortilèges n’avaient pas fait exception à la règle! Mais têtue comme elle était, la Serpentard avait préféré procrastiner durant la grande majorité de son début de semaine et se retrouvait maintenant à tenter d’achever son devoir, qui était à rendre pour après-demain en première heure. En temps normal, elle aurait simplement fait le choix de le bâcler pour ensuite retourner à des occupations bien plus intéressantes. Mais depuis sa rentrée en deuxième année… La fillette enchaînait les mauvaises notes et se devait donc absolument de remonter sa moyenne!

Elle était ainsi venue se réfugier ici, en salle d’études, afin de se mettre au travail. Elle aurait pu aller à la bibliothèque, mais elle aurait été bien trop distraite par tous les livres se trouvant autour d’elle. Cet endroit était donc la meilleure option. Et puis, elle aimait cette pièce. Du moins, lorsqu’elle n’était pas infestée de sang-purs, se faisant toujours une joie de bousculer les né-moldus étant assez inconscients pour penser qu’ils seraient épargnés…

En parlant de né-moldus, le garçon en face de Tiffanie semblait en être un. Ce dernier écrivait avec ce qu’elle reconnu comme étant un stylo, plutôt qu’une plume. Et voilà, t’es encore déconcentrée! Poussant un long soufflement d’exaspération, la rousse tenta de se replonger dans son devoir. Et si quelqu’un venait l’embêter? Il risque d’attirer les sang-purs comme un aimant. Tant pis pour son devoir, elle le finirait demain au pire!

"Hé!"

À voix basse, Tiffanie tenta d’attirer l’attention du Poufsouffle se trouvant face à elle, tout en claqua des doigts devant le visage de ce dernier. La délicatesse n’était vraiment pas son fort!

"Range ça, tu veux. Crois moi t’as pas envie que des p’tits bourges de sang-purs ne viennent t’embêter juste parce que t’as un stylo de moldu."

Sortilèges ? Défense contre les forces du mal ? L'hésitation était palpable en sortant de son cours avec Miss Priddy. Même s'il préférait la Défense en raison de son application pratique et tactique, son père lui avait appris qu'il valait toujours mieux retravailler son cours en sortant de ce dernier. Quand le cerveau était encore bien frais et bien imprégné des notions et de l'ambiance du cours. Diffindo allait donc être le sortilège à réviser et travailler pour cette session en salle d'étude. Il connaissait bien ce sort, il s'en était servi de nombreuses fois pour construire son étui à baguette, attaché à son avant-bras gauche. S'il n'appréciait pas ce sort au début, il avait été obligé de reconnaître son utilité et son efficacité, mais il ne l'appréciait toujours pas. Pour lui, ce sort était trop dangereux. Si quelqu'un avait la folie de l'utiliser sur un être vivant... Il en tremblait rien qu'à y penser, c'était beaucoup trop de pouvoir dans les mains d'enfants de 11 ans.

Il était en train de mordiller son stylo, plongé dans ses réflexions, se repassant la gestuelle et étudiant précisément les effets, quand un claquement le fit sortir de sa concentration. Il sursauta, regardant en direction de ce bruit. Une rousse aux yeux gris le regardait avec une impatience et un énervement manifeste, ce qui plongea le petit Narcisse dans une confusion encore plus grande. Et comme si c'était encore possible, l'avertissement qu'elle lui adressa acheva son incompréhension. Qu'est-ce qu'elle racontait ? Il regarda autour de lui, puis son stylo, puis la jeune fille, puis à nouveau son stylo.

- Un stylo de non sorcier ?..

Il regarda son stylo avec curiosité. Il était vrai que la majorité des élèves utilisaient une plume, mais étant gaucher, il avait rapidement basculé sur son stylo quatre couleurs, au point d'en oublier que ce n'était pas la norme. Il se refusait toujours à employer le terme de moldu, mais c'était désormais devenu un réflexe chez lui. Aussi, il tiqua quand elle employa le terme.

- En quoi mon stylo t'pose problème ? Et pourquoi on viendrait m'embêter ? Les profs m'ont rien dit.

Il fronçait les sourcils d'incompréhension. Et puis il se rendit compte qu'il ne ressentait pas de sympathie pour cette fille, c'était quoi ces manières de traiter les gens de bourges ? Et cette histoire de sang-pur... Qu'est-ce que c'était que ça ? Ce n'était pas la première qu'il venait ici, et on ne l'avait jamais embêté sur son stylo ! C'était quoi le problème ? Les autres élèves étaient jaloux de son stylo ? Mais c'était hyper courant comme truc, ça se trouvait partout. Non, décidément, il ne comprenait pas un traître mot.

L’interlocuteur de la rouquine semblait perdu, ce dernier ne comprenant pas bien les problèmes qu’il encourait simplement en tenant ce petit bout de plastique entre les doigts… La Serpentard ne put s’empêcher de laisser s’échapper un soufflement disgracieux de son nez, retenant un rire tout aussi grossier, face à la naïveté du garçon. Cette dernière roula les yeux au ciel.

"Logique que les profs ne t’ai rien dit! Ils doivent rester neutres sur leurs opinions."

Le souvenir de son interaction à l’infirmerie avec Mr O'Belt lui revint à l’esprit. Aussi doux et compressif avait-il put être avec elle ce jour là, Tiffanie ne le voyait toujours pas comme un homme ouvert d’esprit, mais restait bloquée sur son statut de sang…

"Ton stylo ne me pose aucun problème. C’est aux sang-purs qu’il va en poser un. Je n’fais que t’avertir pour essayer de t’éviter des problèmes, tu pourrais me remercier au moins."

Bon, pas vraiment… En réalité la seule raison pour laquelle elle l’avait prévenue était pour éviter qu’un sang-pur quelconque ne se pointe et ne l’énerve en insultant le Poufsouffle. Se connaissant, elle savait pertinemment qu’elle aurait traité l’agresseur de tous les noms ce qui, aussi satisfaisant soit-il, ne lui attirerait que des problèmes! Et il fallait se l’avouer: la rouquine avait déjà bien assez de problèmes comme ça.

"Donc, je te le répète: range ça, avant que des p’tits malins de sang-pur ne viennent s’acharner toi. Et crois moi, une fois qu’ils t’ont dans le viseur ils ne vont plus jamais te lâcher …"

Oui. Ça sentait le vécu.

Narcisse regarda à nouveau son stylo, totalement désemparé face à l'affirmation que ce dernier pourrait devenir source de problème. C'était un stylo, un stylo Bic. Mais il y avait autre chose qu'il ne comprenait pas.

- Mais... "Sang-pur" ça veut dire quoi ça... Ca peut pas être pur du sang... C'est plein d'trucs, pleins de... y'a des globules rouges, des blancs, des plaquettes, et puis y'a pleins d'bactéries.

Non vraiment, il n'arrive pas à comprendre le terme même de pureté. Comment du sang pouvait être pur ? C'était peut-être une maladie ? Une maladie qui faisait que certaines personnes détestaient les stylos Bic ? C'était vraiment tiré par les cheveux. Pourquoi détester arbitrairement quelqu'un en fonction de ça ? C'était ridicule non ?

- Et puis... Mais c'est quoi l'problème avec mon stylo en fait ? J'embête personne avec d'abord !

Il écrivait tranquillement dans son coin, et pour le moment, la seule personne qui l'embêtait par rapport à son stylo, c'était elle. Drôlement culottée quand même cette fille. Du genre "Faite ce que je dis, pas ce que je fais ?" Bon, elle avait l'air gentille quand même, de toute évidence, et ça faisait sourire Narcisse, mais il allait falloir qu'elle soit plus claire, plus explicite. Parce que là il n'arrivait pas à suivre, et ça l'énervait. Il n'avait jamais entendu parler de racaille des stylos... C'était une nouvelle mode ? Et bien si c'était le cas, il allait défendre chèrement son stylo préféré ! A bas les plumes !

La rouquine fixa le jeune garçon, la bouche grande ouverte, comme un poisson. Comment pouvait-on ne pas savoir ce qu’était un sang-pur? Ces parents ne lui avaient-ils pas d… Aaaaah! Une ampoule s’alluma de la tête de la Serpentard, comprenant enfin pourquoi le Poufsouffle avait posé toutes ces questions stupides. Il doit être paumé, le pauvre.

Comprenant que la conversation qui allait suivre risquait d’être longue, elle referma son pot d’encre et rangea sa plume à l’intérieur de son étuis. Puis, elle s’avança légèrement sur la table, pour pouvoir mieux parler à son interlocuteur. Elle n’aurait jamais cru avoir à être celle qui donnerait la conversation à un né-moldu, mais il valait mieux que cela sorte de sa bouche plutôt que celle d’un sang-pur…

"Par où commencer? Heu… En gros chez les sorciers, il existe quatre statuts de sangs."

Tiffanie montra quatre doigts de sa main droite pour mieux illustrer ses propos.

"Enfin cinq avec les cracmols mais ils ne vont pas à Poudlard de toute façon… Bref! Il y a les né-moldus, comme toi j’suppose, qui sont nés de deux parents moldus; les sang-mêlés qui ont un parent moldu et un parent sorcier; les né-sorciers, comme moi, qui ont leurs deux parents sorciers; et les sang-purs. Un peu débile comme nom vu que le seul truc pur chez eux, c’est leur débilité…"

La fillette marqua une pause, le temps que le brun puisse assimiler toutes ces informations. Cela devait être compliqué pour lui… Il y a à peine quelques mois on lui avait annoncé qu’il pouvait faire de la magie, et maintenant il devait apprendre l’existence de différents statuts de sang. Nicholas, le parrain de la rouquine, lui avait déjà raconté à quel point il était totalement perdu durant son premier trimestre…

Après quelques secondes, elle reprit:

"Les sang-purs sont des gens qui n’ont QUE des sorciers dans leur famille depuis des générations et des générations. Ils tiennent absolument à rester à 100% sorciers. Certains se mariaient même entre cousins avant. Enfin ils sont complètement tarés t’sais."

Des geste de la main, elle tapota son crâne du bout de son index pour accentuer l’adjectif de « taré ».

"Sauf que du coup, ils pensent que vu qu’ils sont "purs" bah ils sont au dessus de tous l’monde et surtout des né-moldus. Ils pensent que parce que tes parents n’ont pas de pouvoir, t’es pas un vrai sorcier. Ce qui est débile vu que tu sais faire de la magie… Et donc ton stylo là, il hurle « je suis un né-moldu » alors si ils le voient… Bon courage!"

Narcisse fixait en retour sa camarade, totalement confus. Il eut un infime mouvement de recul quand elle se rapprocha, incapable de prévoir la réaction de la serpentard. Puis il se rassura lentement quand elle commença à lui... expliquer quelque chose ? Il ne se posa pas de question, et tourna une page de son cahier pour commencer à noter ce qu'elle lui racontait. Ok, quatre statuts de sang... Comme les groupes sanguins ? Cracmol ? Ce mot lui disait quelque chose, sans aucun doute, mais là tout de suite, il n'était pas sûr. Il connaissait vaguement la question des statuts de sang, mais cette idée de sang-pur était vraiment inédite pour lui. Il rigola à sa blague sur la débilité, même s'il n'était pas sûr de la comprendre, mais l'enchaînement était beau.

- C'est pas gentil d'porter des jugements juste à cause d'un statut d'sang...

Il faisait référence à sa blague sur la débilité, mais il avait l'impression que sa réflexion avait en réalité une plus grande portée. Il eut soudainement un air dégoûté en entendant parler du mariage entre cousins, elle devait forcément se payer sa tête ! Puis il rigola à nouveau en la voyant faire le mouvement du doigt sur sa tempe, avant de se forcer à se calmer. Ce n'était pas bien de faire des blagues sur une communauté de cette manière. Puis les propos de sa camarade commencèrent à réellement le choquer. Cela lui paraissait tellement absurde, sans fondement. Mais comme il était particulièrement naïf, il n'arrivait tout simplement à concevoir l'idée qu'on pouvait l'oppresser simplement à cause de sa naissance.

- Mais... Enfin c'est... Mais c'est ridicule... J'veux dire, j'ai des pouvoirs, j'm'en sors même plutôt bien avec la magie, voire même très bien. Pourquoi ils pensent ça ? Faut pas faire d'généralités comme ça... J'suis sûr que les sangs-pur comme tu dis, ils sont pas tous comme ça non plus.

Les premières paroles du garçon eurent pour effet de faire lâcher un rire bref de la part de Tiffanie. Qu’est-ce qu’il est naïf celui-là! Il disait que porter un jugement sur le statut de sang des sang-purs n’était pas gentil, alors que c’était cette même catégorie de personnes qui risquaient sans doute de lui mener la vie dure pour les sept prochaines années qu’il passerait entre ces murs… La jeune fille ne put, par ailleurs, s’empêcher de lâcher un sourire face à l’expression faciale de son interlocuteur lorsqu’elle évoqua brièvement l’existence des anciennes pratiques incestueuses de certaines familles de sang-purs.

La rouquine se tut ensuite, pour écouter la réponse de son camarade. C’était sans grand étonnement qu’il avait trouvé cette discrimination envers les né-moldus injuste. Enfin, il allait malheureusement bien falloir qu’il s’y habitue.

"Mais oui, c’est ce que j’te dis! Ils sont purement débiles." Elle insista sur le « purement », afin de s’assurer qu’il ai bien remarqué sa tentative de jeu de mots. "En plus, l’une des sorcières les plus intelligentes de tous les temps était une née-moldu, ça prouve bien que vous n’êtes inférieurs à personne!"

L’ex Gryffondor étant l’idole incontestée de Nicholas, la Serpentard en connaissait un rayon sur Hermione Granger. Une sorcière qu’elle admirait tout autant que son parrain. Puis, repensant à la dernière phrase du brun, le tond de la voix de Tiffanie perdu de son éclat…

"Y’a bien des exceptions, ouais. Mais ils se font insulter par les autres sang-purs de "traîtres à leur sang"… Et ils se font parfois même jeter de chez eux…"

Comme papa.

"Les sang-purs ne sont pas des gens biens. Évite les au maximum si tu veux rester loins des problèmes."

- Héhé... Purement débiles... non non, c'est pas bien ! Faut pas s'moquer comme ça !

Narcisse commença à rire avant de secouer la tête, sous l'effet de la morale inculquée par ses parents. Se moquer d'inconnus, c'était mal, surtout si la blague les englobait tous sans distinctions et était purement méchante. Il n'était pas sûr de voir de qui sa camarade parlait, mais elle n'avait pas besoin de lui citer des noms pour qu'il la croie : les capacités n'étaient absolument pas liées à la naissance.

Mais quelque chose d'autre le dérangeait : l'idée d'avoir à changer son comportement à cause de ça.

- J'vois pas pourquoi j'devrais changer la manière dont j'vis à cause d'eux... Et puis... Ils sont pas tous comme ça c'est sûr. Et puis, t'as dis "vous", ça veut dire qu'tes parents sont sorciers ? Bah pourtant t'es pas du tout méchante avec moi. J'peux pas baser mon comportement sur l'agissement de certains, tu comprends c'que j'veux dire ?

Narcisse cherchait ses mots, ce n'était pas la première fois qu'il avait cette conversation. Son père lui avait appris à garder la tête haute, et sa mère voulait qu'il se protège. Mais dans son esprit buté et fier, c'était la conception de son père qui l'avait emporté. Combien de fois aurait-il pu éviter une claque d'un camarade ou une bousculade s'il s'était simplement poussé ou s'il avait simplement baissé les yeux ? Mais il se refusait catégoriquement à le faire. Et il en était certain, au fond, que même sa mère était fière de ce comportement.

- T'imagine si j'refusais d'parler à c'genre de personne simplement par peur qu'elle soit comme ceux qu'tu décris ? Ce serait... mal non ?

La jeune fille soufflât bruyamment du nez… Pourquoi ce garçon ne voulait-il pas comprendre que les sang-purs n’étaient pas ses amis? Bon! Il n’y avait pas 36 solutions. Il allait falloir qu’elle lui donne des exemples l’affectant directement. Peut-être qu’en touchant à ses sentiments, il comprendrait qui étaient ses ennemis.

"Bon ok. Je t’ai menti."

Fixant le Poufsouffle droit dans les yeux, elle voulait avoir toute son attention. Hors de question qu’il ne commence à être distrait par l’un de ses commentaires.

"Quand je t’ai dit que tu étais un né-moldu. C’était faux. En réalité… Tu n’as pas de statut. Tes copains sang-purs ont fait passé une loi disant que les sorciers nés de deux parents moldus ne méritaient pas un statut quelconque, car vous êtes selon eux trop faibles. Ils vous ont aussi interdit l’accès au chemin de travers il y a quelques années de ça, pour ne pas que vous soyez trop mélangés à ceux qu’ils voient comme étant de vrais sorciers. Et il y a plusieurs dizaines d’années, les né-moldue étaient massacrés par un groupe de sorciers s’appelant « mangemorts », simplement à cause de leurs origines. Alors si tu veux aller faire copain copain avec eux, ce n’est pas mon problème, mais sache que tu ne vas en ressortir avec un grand sourire sur les lèvres, car ils vont se faire un plaisir de te rabaisser encore plus que tu ne puisses te l’imaginer."

Sa tirade terminée, la rouquine marqua une pause. Elle ne s’en était pas rendu compte, mais en parlant, elle s’était légèrement rapprochée du brun et son regard s’était assombrit. Parler des sang-purs était loins d’être son passe-temps favori… Elle se remit donc dans sa position initiale, bien moins menaçante, avant d’achever son discours:

"Comme je te l’ai dit, il en existe bien quelques uns qui ne partagent pas tous ces opinions tordus. Mais ils sont une minorité et sont souvent rejetés par les leurs, alors n’espères pas en rencontrer à tous les croisements d’couloirs…"

Narcisse posa son stylo. Comment cela, elle lui avait menti ? Sur quoi ? Incapable de percevoir clairement le changement d'ambiance soudain, il y réagit malgré tout, en plongeant ses yeux couleur obsidienne dans ceux de la serpentard. Et plus il l'écoutait, plus au fond de ses iris se mirent à danser les reflets légèrement blancs, détonnant sur le noir. Il soupira longuement, sans même remarquer qu'elle s'était rapproché de lui. Tant de choses lui déplaisait dans ce qu'elle venait de dire, et l'une d'entre elle étant qu'il avait la ferme conviction qu'elle disait la vérité. Tout du moins sa vérité, et c'est ce qui importait. Son regard se perdit dans le vide quelques instants. Moldu. Ce mot qu'il se refusait à employer, qu'il se refusait à utiliser, il méprisait ce mot. Pour une raison assez évidente à ses yeux : il créait une distance abyssale entre lui et ses parents, ainsi que ses anciens amis. Il fut horrifié quand il se rendit compte qu'il les considérait désormais comme des "anciens" amis.

Sa conversation avec Melissandre lui revint à toute allure, galopant dans son esprit. Il allait devoir choisir entre le monde de ses parents et le sien. Il s'y refusait toujours autant, avec une véhémence renouvelée. Pourquoi les gens répétaient encore et encore les mêmes erreurs de l'histoire ? Les sorciers n'avaient-ils donc rien retenu de l'holocauste ? Ne savaient-ils pas que stigmatiser toute une communauté ne pouvait que conduire au désastre ? Mais quelque chose clochait dans le raisonnement de sa camarade, et il se mit lentement à sourire, un sourire redoutable, plein de confiance et de défi, puis il plongea ses yeux dans ceux de la serpentard.

- Et donc, selon toi, j'devrais changer la manière dont j'vis juste à cause de deux-trois sapajous aux idées arriérées ? Tst-tst.

Il laissa échapper un cliquetis dental, plein de circonspection et de doute, mais en même rempli d'assurance.

- Pour commencer, j'peux pas approuver c'que tu dis, ni l'infirmer, parce que j'ai jamais vécu cette oppression qu'tu décris. On ne juge pas les choses qu'on ne vit pas.

Il s'inclina sur le dossier de sa chaise, glissant son stylo derrière son oreille, l'œil brillant.

- Au final, ces sang-purs qu'tu décris... Ils m'ont l'air bien ignorants, biens perdus et probablement très malheureux. Ça m'ferait presque de la peine. Mais c'qui compte, c'est qu'j'suis là, maintenant. Et je refuse de changer mon comportement pour une menace fantôme, et encore moins injuste comme celle qu'tu décris.

Ses yeux avaient l'éclat de ceux de sa mère, mais il l'ignorait bien évidemment. Se tenir droit, être digne, et ne pas baisser les yeux étaient des valeurs qu'il avait plus ou moins appris seul mais qui se retrouvaient chez ses parents. Plus particulièrement chez sa mère, qui avait connu quelques discriminations en tant que femme gradée dans l'armée. Elle avait appris à Narcisse à résister, à ne jamais renoncer, et surtout à rester intègre. Son père lui avait appris à ne pas renoncer à ses valeurs, à ne pas se pervertir à cause de menaces extérieures, et que parfois, mieux valait se prendre un bon coup plutôt que reculer face à une idiotie.

Mais si Narcisse était certes très courageux, il n'en demeurait pas moins têtu. Aussi, il se sentait parfaitement capable d'aller défier toute une communauté simplement parce qu'elle niait son existence.

- Tout le monde peut être raisonné. Personne n'est un cas désespéré.

Les termes de son père, mot pour mot.