Orlaith était sortie de la salle commune quelques temps avant le couvre-feu, autour de 20h. Cela faisait depuis son arrivée au château qu'elle réfléchissait à un moyen de retrouver une trace de sa mère qui, normalement, devrait également avoir étudié à Poudlard. Elle en avait conclu qu'il y avait forcément des registres de tous les anciens élèves, mais pour y avoir accès, il faudrait demander l'autorisation d'un professeur, voir de la directrice, et elle ne l'obtiendrait jamais.
L'enfant s'était donc repliée sur deux solutions de secours : fouiller la salle des trophées pour, avec un peu de chance, tomber sur une mention de sa mère, ou fouiller la bibliothèque dans le cas où sa mère serait mentionnée dans un ouvrage. Mais la deuxième idée serait, selon elle, probablement excessivement longue à mettre en place et la Gryffone se replia donc sur la première.

Il y a quelques jours, elle en avait discuté autour d'un repas dans la Grande Salle avec sa sœur, et si celle-ci ne semblait initialement pas emballée par l'idée, elle finit par se laisser convaincre par la véhémence de sa jumelle. Ainsi, Aisling n'avait jamais été aussi attachée au souvenir de leur mère qu'Orlaith. Elle éprouvait même plutôt une forme de rancœur et de mépris envers cette femme qui les avait élevées à la dure avant de les abandonner lâchement.
Mais l'espoir qu'elle avait lu dans les yeux de la Gryffondor la fit céder, et les deux rouquines acceptèrent de se retrouver, un mardi soir, devant la salle commune des Jaunes afin de partir à la découverte des traces qu'Eimear Ó Súilleabháin aurait pu laisser dans le château.

Cela faisait donc près de 15min que la jeune fille attendait devant la porte ronde des Poufsouffle, et elle commençait réellement à s'impatienter. Ces quelques mois à Poudlard lui avaient fait oublier la manie de sa sœur de toujours être en retard.
La porte s'ouvrit une nouvelle fois et c'est une jeune fille emmitouflée dans un long manteau noir et dans une écharpe aux couleurs des Blaireaux, ses longs cheveux roux dégringolant jusqu'à sa taille, qui en sortit.
"C'est pas trop tôt..." lâcha Orlaith avant de décerner un large sourire à sa sœur, démentissant ainsi son prétendu agacement. "Ça va... Je finissais un devoir pour demain" lui répondit-elle d'un ton enjoué avant de lui attraper la main.

Aisling passa ainsi devant et entraîna sa sœur vers l'escalier qu'elles commencèrent à gravir. "Orlaith... T'es sûre que tu veux pas qu'on aille chercher Niall ? Je sais que t'as pas envie de le voir, mais je me sens un peu mal de faire ça sans lui : c'est aussi sa mère quoi..." lâcha la Poufsouffle tout en s'arrêtant.
La Gryffone fulmina. Elles avaient discuté 100 fois de ce sujet ! Elle n'était déjà pas à l'aise de le croiser en salle commune ou dans les couloirs, elle faisait tout pour l'éviter tandis qu'il lui lançait des regards moqueurs dès qu'il l'apercevait... Elle n'allait pas l'emmener maintenant. En plus, elle était sûre qu'il avait déjà mené ses recherches dans son coin et que même s'il a trouvé quoi que ce soit il ne leur a pas raconté !
"S'te plaît, recommence pas ! Je vais déjà devoir le supporter toutes les vacances de Noël en plus de l'avoir dans les pattes à Poudlard ! Je veux pas le voir, c'est bon. Et puis au pire si t'as vraiment envie d'y aller avec lui, vous le faites sans moi !"

Aisling leva les yeux au ciel et souffla, mais recommença à monter les escaliers. Les deux sœurs avancèrent en silence jusqu'à arriver devant la salle des trophées. Elle marquèrent une pause et se regardèrent avant d'ouvrir la porte.
Elles entrèrent dans la pièce plongée dans le noir avant que la Poufsouffle ne lève sa baguette et ne souffle un discret "Alohomora...". Orlaith lui jeta un regard de reconnaissance. Ce n'était pas elle qui aurait pensé à réutiliser ce sort dans ce genre de situation. Par mimétisme, elle sortit également sa baguette et la pointa devant elle, comme si elle pouvait en avoir utilité...
La pointe de l'instrument s'alluma, plongeant la salle dans un doux halo doré et découvrant l'endroit, vide de toute personne mais garni de coupes et de médailles sur les multiples étagères, présentes sur tous les murs.

"On commence par où..." chuchota la jeune sorcière, comme si quelqu'un pouvait les entendre. Elle était impressionnée par la solennité de la pièce. Impressionnée et inquiète. Et si elle ne trouvait rien ? Et si ce pour quoi elle priait depuis le début de l'année était réduit à néant par cette excursion, et avec elle tous ces espoirs de retrouver trace de sa mère...
Elle inspira calmement, retint son souffle quelques instants, puis le relâcha en un soupir. Au moins elles seraient fixées. Elle tourna son visage vers la Poufsouffle et lui sourit.
"On peut commencer par la droite si tu veux. Faut bien commencer quelque part." Elle serra la main de la Gryffone, la soulageant un peu.

Cette quête de racine avait visiblement moins d'importance pour elle, qui semblait en paix avec ce pan de son histoire, mais Orlaith appréciait son soutien. Elle se dirigea alors vers les premières coupes. Elle imita sa sœur et alluma l'extrémité de sa baguette.
Elle s'approcha alors des plaques, félicitant d'anciens élèves aux noms qui ne leur évoquaient rien. "Aisling... T'imagines si elle nous a menti et qu'on connaît pas son vrai nom... On la retrouva jamais" La phrase avait été déclarée sur le ton de la blague, mais elle retranscrivait une peur sincère de l'enfant. Mais le rire cristallin d'Aisling brisa le silence qui les entourait et elle fut obligée de sourire à son tour. "Eh... Détends toi, on va la retrouver hein ! Et au pire on ira d'mander les registres aux profs." la rassura-t-elle. "Mouais, c'est ça..."

L'enfant sourit en secouant la tête. Elle stressait pour rien. Au pire elles la retrouvaient pas, et alors ? C'est elle qui avait choisi de les abandonner ! Elle poursuivit son examen des différentes plaques de commémoration. Les maisons étaient citées : Gryffondor, Serpentard, Serdaigles... La rouquine ne put s'empêcher de relever que les Verts étaient surreprésentés... Enfin, selon elle.
Les sorcières continuèrent leur examen attentif des noms égrenés et oubliés dans cette salle depuis des siècles, dans le silence complet offert par l'heure tardive.

L'examen de toute la salle se fit sans que les deux jumelles ne s'adressent la parole, sûrement trop occupées et stressées par leur travail. Mais elles voyaient bien que les derniers trophées arrivaient et que le nom d'Eimear Ó Súilleabháin n'apparaissait toujours pas.
Les espoirs d'Orlaith s'amenuisaient au fil des coupes et des médailles sur lesquelles ses yeux s'abimaient. Les rouquines finirent par se retourner devant la porte, simplement du côté gauche. La Gryffone releva ses yeux et observa la pièce. Il n'y avait ni recoin caché ni étagère en suspens qu'elles avaient oublié d'inspecter. C'était fini. Pas de mention de leur mère ici. Les recherches retournaient à zéro.

L'enfant se laissa retomber sur le sol, et elle déposa sa tête dans ses mains, essayant d'empêcher ses larmes de couler de ses yeux. Aisling s'agenouilla, avant de prendre sa sœur dans ses bras. Elles ne parlaient toujours pas, se contentant de sentir la présence de l'autre apaiser leurs sentiments.
Orlaith ne savait pas combien de temps passa avant qu'elles ne se relèvent, s'appuyant l'une sur l'autre pour se mettre debout. Elles se sourirent, laissant le silence se prolonger avant que la Poufsouffle ne reprenne la parole, d'une voix incertaine. "On... On fait quoi maintenant ? Tu veux aller voir les profs pour savoir si on peut trouver quelque chose dans les registres ?"
Orlaith la regarda en fronçant les sourcils avant de soupirer. Elle n'en savait rien. Elle n'en savait rien de ce qu'elle voulait... D'ailleurs, la seule chose qu'elle savait c'est qu'Aisling était là simplement pour lui faire plaisir, et que ça ne l'intéressait pas vraiment. "Je... J'en sais rien. Fin j'ai pas envie d'aller voir les profs. Ils en auront rien à faire et ils vont pas nous aider. Et j'ai pas envie de leur aide de toute façon. J'avais une autre idée, mais... Je sais pas si c'est possible."

Elle plongea son regard dans celui de sa jumelle. Elle savait qu'elle avait l'air terrorisée, mais elle ne savait même pas par quoi. De ce qu'elle pouvait découvrir, retrouver... De ce qu'elle ne retrouverait jamais. Tout à la fois... Elle n'en savait rien.
Aisling prit sa main dans la sienne et la serra, le regard interrogateur. "Les fantômes. On est d'accord que ça fait super longtemps qu'ils sont là. Et ils doivent se souvenir des élèves quand même. Tu penses que y'aurait moyen d'aller leur demander s'ils se souviennent de maman ?" La Poufsouffle semblait hésiter sur la réponse à donner. "C'est vrai non ? Y'en a forcément qui s'en souviennent ! Il suffit d'aller leur demander... Tu penses pas ?"
L'enfant haussa les épaules. "Franchement Orlaith... J'en sais rien. Ça se tente j'imagine. De toute façon on a rien à perdre. Mais te fais pas trop d'espoirs, c'est tout."
C'était tout ce qu'elle voulait entendre ! La Gryffone sourit, se remotivant d'un coup. "Super. Super ! Ok, on fait ça ! Viens !"

Les deux sœurs coururent hors de la salle des trophées, impatientes de trouver des fantômes près à répondre à leurs questions.

Les rouquines déboulèrent à toute vitesse hors de la salle des trophées, avant de se souvenir qu'il devait maintenant être plus de 22h et que le couvre-feu était depuis longtemps dépassé. Elles durent se retenir de rire alors qu'elles avançaient à tâtons dans les couloirs, se cachant derrière tous les coins, à tous les tournants pour vérifier qu'aucun professeur, qu'aucun préfet, ne se situait devant elles.
L'avancée fut donc assez laborieuse, mais elles finirent par atteindre le rez-de-chaussée.
Heureusement, Aisling avait eu la bonne idée de laisser sa baguette allumée et elle guida sa sœur à travers le château, se plaçant en quelque sorte en protection de sa jumelle qui aurait eu tendance à simplement courir n'importe où en criant à voix haute afin de tenter d'attirer les fantômes.
Mais la Poufsouffle avait un peu plus de jugeote, et elle n'avait aucune envie d'être attrapée au milieu des couloirs et d'écoper de 2 mois de retenues avec la simple compagnie de M. Kohler.

A peine arrivées dans le hall d'entrée, elle se tourna vers sa jumelle. "Orlaith ! On cherche un fantôme précis ou pas ? Parce que bon, j'pense pas qu'Mimi Geignarde se souvienne de maman... Et puis ils sont tous dans des endroits précis du château donc faut mieux pas s'balader au hasard." murmura-t-elle.
Faut avouer que la Gryffone y avait pas vraiment réfléchi... Oui, peut-être. Mais quel serait le meilleur fantôme ? Assez logiquement, il serait logique de s'orienter vers le Baron Sanglant. Eimear Ó Súilleabháin était à Serpentard, ça devait donc être le fantôme de sa maison qui la connaissait le mieux. Et qui avait des chances de s'en souvenir.
"Ok... On part sur le Baron alors. Il devrait se souvenir des élèves de sa maison. J'espère. On descend au sous-sol ?" Orlaith se dirigea discrètement vers l'escalier menant vers les cuisines, la salle de Potions, les cachots, mais aussi vers la salle commune des Verts.

Elle ne pouvait s'empêcher de redouter l'interaction qui allait suivre. Et si elles ne réussissaient même pas à trouver le Baron ? Et s'il les méprisait car elles n'étaient pas de sa maison, car c'était des enfants, car il n'en avait rien à faire de leur mère et qu'il l'avait déjà oubliée...
Et si tout ce qu'elles savaient étaient des mensonges, et que leur mère n'était pas à Serpentard. Ou même qu'elle n'était pas à Poudlard...
Le souffle de la petite sorcière s'intensifia. Elle ne savait pas comment ça allait se passer, et elle avait placé tellement, tellement d'espoirs sur cette soirée. Et si elles rentraient simplement se coucher, bredouilles. Elle ne pourrait le supporter...

Aisling semblait assez détachée de toutes ces préoccupations. Elle avançait en tête, éclairant le chemin et empêchant sa jumelle de simplement se prostrer dans un coin en boule à imaginer tous les pires scénarios.
C'était elle qui menait la danse, alors qu'elle était pourtant celle qui était le moins concernée, qui se sentait la moins impliquée. Elles dépassèrent la salle commune des Serpentard sans que la Gryffone ne s'en rende compte, concentrée sur ses pensées. Le silence les environnant était des plus total.

Avant de rejoindre la Tour d’Astronomie pour hanter le lieu et effrayer les élèves de cinquième année, le Baron Sanglant errait dans les sous-sols de Poudlard. Habitué à la solitude, il aimait particulièrement cette partie du château pour son silence et les pierres qui constituaient les murs. Deux points qui permettaient aux cliquetis de ses chaînes de résonner dans l’ensemble des souterrains.

Alors qu’il s’approchait de la salle commune de son ancienne maison, le fantôme aperçut une lueur vacillante s’éloigner. En s’avançant, il vit deux élèves bien loin de leur dortoir…

"Si vous cherchez le sommeil je peux vous aider à le trouver, jeunes filles." lâcha-t-il d’une voix froide, son apparence translucide brillant à la lumière de la baguette.

Alors que les enfants avançaient, à l'affut du moindre bruit, elles sentirent une vague de froid les assaillir. Aisling se retourna alors aussitôt, pointant sa lampe torche sur sa jumelle puis se replaçant face au couloir. Ce n'était pas normal : il n'y avait pas de courants d'air dans les sous-sols de Poudlard puisqu'il n'y a pas de fenêtre.
Incertaines, les fillettes continuèrent à marcher plus lentement, scrutant chaque coin de mur avant de poser un pied en avant. Mais toutes ces précautions ne les empêchèrent pas de sursauter de frayeur au son d'une voix froide et grave, presque menaçant, surgissant de nulle part. Alors que la Poufsouffle, tremblotante, tourna sa baguette dans la direction du bruit, elle se retrouva face à une silhouette pâle, presque transparente à l'exception de larges traces d'un rouge sanglant. Pourtant bien habillé, il portait avec lui de larges chaînes qui ne semblaient pas l'encombrer plus que ça.

Les jumelles frissonnèrent. Bien qu'elles soient volontairement parties à la recherche de fantômes, elles ne s'attendaient peut-être pas à en croiser un aussi rapidement, et surtout pas celui qu'elles venaient de mentionner mais qui hantait les cauchemars de tous les élèves. Le Baron Sanglant. Une bien triste réputation que celle qu'il avait auprès des élèves, mais son arrivée ne semblait pas la démentir.
Qu'est-ce qu'il entendait par aider à trouver le sommeil d'ailleurs ?! Est-ce qu'il voulait vraiment parler de les tuer ? Ou simplement de les raccompagner au dortoir ? Peut-être qu'il se voulait volontairement menaçant pour qu'elles fuient...
Volontairement bravache, Orlaith avança de quelques pas et se posta directement devant sa sœur, retrouvant l'attitude protectrice qu'elle avait si souvent arboré à son égard. Elle se campa sur ses deux jambes, prête à se défendre face au fantôme. Elles n'étaient pas là pour fuir, mais bien pour trouver des solutions, et elles n'allaient pas abandonner maintenant !

Elle prit une voix assurée et déclama, comme pour égaler la menace présente dans la déclaration du Baron - bien que cela n'ait pas le même effet de la voix fluette d'une enfant de 11 ans : "Baron, fantôme de Serpentard ! Te souviens-tu de tes précédents élèves ? Sais-tu ce qu'ils sont devenus ? Nous cherchons des informations sur notre mère, Eimear Ó Súilleabháin, qui était dans ta maison il y a maintenant près de 30 ans. Te souviens-tu d'elle ?"
Sa voix trembla sur la fin de sa déclaration. C'était vraiment le dernier espoir des enfants et elles n'avaient pas envie de le gâcher. Et s'il refusait de simplement de leur parler ? Et s'il leur disait qu'il n'en avait rien à faire et que ce n'était pas la question de gamines dans leur genre qui le préoccupait ? Et s'il leur faisait vraiment du mal...
Aisling garda le silence, terrée derrière sa sœur. Elle n'était vraiment pas rassurée par la situation mais la présence d'Orlaith la rassurait et lui donna le courage nécessaire pour prendre la parole. "C'est important... Et je suis sûre qu'un grand personnage comme toi ne pourrait oublier un de ses élèves, quelqu'il soit. Tu dois avoir trop bonne mémoire pour cela."
Un peu de flatterie ne pourrait pas faire de mal, et puis elles n'avaient rien à perdre. Autant tenter au maximum de le faire parler.

Le Baron toisa les enfants qui lui faisaient face d'un regard mauvais. Il s'attendait à ce que les deux jeunes filles prennent la fuite après sa prise de parole, mais il n'en fut rien. Il leva un sourcil en constatant que la plus téméraire des deux, semblait-il, l'apostrophait d'une manière à la fois ridiculement datée et affreusement familière – le Baron tiqua en effet à l'usage du tutoiement.

Le spectre fit un mouvement comme pour faire demi-tour et traverser le mur qui le séparait de la salle commune des Serpentard. Il n'avait pas de temps à perdre avec de pareils enfantillages, et menacer des élèves, aussi distrayant était-ce, avait aussi ses limites. Mais les derniers mots de la tirade de l'enfant le fit s'arrêter net dans son élan. Il prit un temps pour réfléchir, puis se tourna à nouveau vers les deux jeunes filles, un mince sourire étirant ses lèvres. Si l'on passait outre la nature de fantôme du Baron, une étincelle aurait pu être aperçue dans ses yeux.

"Ainsi donc, Eimear Ó Súilleabháin a eu des enfants… J'en suis fort déconcerté. Moi qui pensais qu'elle passerait sa vie à provoquer en duel toutes les personnes qui oseraient se mettre au travers de sa route…"

Clairement, le fantôme était étonné par l'attitude des fillettes. Et elles ne savaient pas si c'était bon signe ou non... La Jaune recula d'un petit pas lorsqu'elle rencontra son regard. Elle n'y lisait rien de bon, ni pour elle ni pour sa sœur... Si elle avait un don de télépathie, elle aurait rapidement demandé qu'elles lui faussent compagnie.
Mais elle n'osait pas reprendre la parole devant lui. Elle se recroqueville derrière sa jumelle, comme pour faire oublier sa présence. Orlaith, toujours bravache, bomba le torse. Elle était plutôt fière de son petit discours et s'attendait à ce qu'il fasse effet.
Après tout, c'était un vieux bourgeois non ? Il devrait être sensible au langage soutenu... Si on pouvait appeler ça comme ça. Elle ne comprit donc pas quand son visage restait aussi fermé. Aucune sympathie, alors qu'elle avait donné le meilleur d'elle-même ! Honteux...

Elle ne put que l'observer faire demi-tour et se diriger vers le mur. Il souhaitait déjà partir ?! Sans leur répondre ?! Non, elles ne pouvaient pas le laisser faire... Pas alors qu'elles avaient passé la soirée à errer à la recherche d'informations sur leur mère !
La Gryffone fit un pas en avant, comme pour le suivre. Elle ne savait pas quoi dire pour le retenir. Non, de toute façon ça serait inutile. Elle serra ses poings de frustration. Même les fantômes sont méprisants dans ce château !
Mais il revint vers elle alors que la voix d'Aisling s'atténuait. Pourquoi ? Est-ce que c'était ce qu'avait dit la Poufsouffle, ou est-ce qu'il avait simplement changé d'avis ? Peu importait. Quoique... Il revenait peut-être pour les embrouiller, ou pour se moquer d'elle...

Il affichait un petit sourire en coin. Qui n'augurait rien de bon... Intrépide, Orlaith ne bougea pas, le fixant d'un regard dur. Mais elle ne put rester impassible devant ce qu'il leur dit. Provoquer en duel les personnes qui se mettraient en travers de sa route ? Leur mère ?
Elle se souvenait qu'elle était intransigeante, qu'elle leur disait souvent de ne pas accorder leur confiance facilement... Forcément, elle était brillante. Mais en duel, la petite sorcière n'aurait pas forcément parié dessus. En même temps, elle n'avait pas eu de nombreuses occasions d'observer sa mère pratiquer la magie en dehors de leurs cours particuliers...
Et même de ça, elle n'en avait que peu de souvenirs. Mais peut-être que le Baron parlait au figuré, qu'elle n'était pas vraiment douée en duel, qu'elle aimait juste confronter les autres...

Argh ! Elle n'y comprenait rien ! "Oui bah elle a p't'être continué à faire ça vu qu'elle nous a abandonnées..." La Gryffone se retourna d'un coup. Comment osait-elle dire ça ?! C'était pas un abandon, elle s'était faite virer par leur père ! Mais ce n'était pas le moment pour avoir à nouveau ce débat. Alors elle se contraint à l'ignorer.
"Elle était forte en duels ? Elle les battait ? Les... Les personnes qui s'mettaient dans sa route ?" Impatiente, la Rouge n'avait qu'une envie, enchaîner toutes ses questions. Mais elle devait s'en empêcher, sinon il n'en pourrait plus. Et il répondrait pas.
Elle s'en autorisa une dernière, celle qui pourrait peut-être lui fournir une suite pour l'enquête. "Elle a fait quoi après Poudlard M'sieur ?" Peut-être que si elle savait ça, elle pourrait... Pourrait quoi, en fait ? Elle ne savait même pas.

Le Baron haussa un sourcil. "J'ignore la raison pour laquelle elle vous a abandonnées. Enfin, si vous étiez aussi insolentes il y a quelques années que vous l'êtes maintenant, ça ne m'étonne pas vraiment." Le fantôme eut à nouveau un sourire mauvais, puis se tourna vers la jeune fille qui semblait avoir le plus de jugeote. "Je ne sais pas, jeune demoiselle, je n'étais pas avec elle au moment de ses exploits. Mais je me souviens de la manière dont elle s'en vantait en salle commune, oui. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, j'ai à faire..."

Les chaînes attachées aux membres du spectre émirent un cliquetis sinistre alors qu'il s'apprêtait à quitter les lieux pour la dernière fois, pensait-il. Une dernière question, cependant, l'interpella. Sans prendre la peine de se retourner, cette fois-ci, le Baron prit le temps de réfléchir avant d'articuler : "Si je savais ce que devenait chaque membre de ma maison, je n'aurais plus souvenir de rien d'autre. Toutefois, miss Ó Súilleabháin avait ceci de particulier qu'il était impossible de rester indifférent à ses projets. Elle a poursuivi ses études à la Grande École de l'Art du Duel."

Sans même un signe d'au revoir, le fantôme glissa le long du couloir des cachots, en route pour la Tour d'Astronomie.