Inscription
Connexion

02 avr. 2023, 22:16
L'effet papillon  SOLO++ 
10 août 2035
Camp de Curragh
Reducio

Honor Brando, 29 ans
Et bien, il était temps. Enfin, Honor Brando, militaire professionnelle depuis désormais plus de 10 ans, venait enfin d'être promue au grade de commandante. Elle ne cachait pas sa satisfaction, certaine d'avoir amplement mérité cette promotion. En cet instant, elle avait finalement l'impression que ses efforts avaient payé. Tout ce qu'elle avait fait, tout ce qu'elle avait accompli, d'une manière bien plus brillante, plus efficace, et plus brutale que les autres, enfin les vieux croûtons croulants daignaient le lui faire savoir. Ses nouveaux galons impeccablement neufs brillants presque, accrochés à ses épaules, ses médailles, elles, scintillaient bel et bien, sur sa poitrine. Elle passait rarement du temps devant le miroir, mais aujourd'hui était un jour exceptionnel, alors pourquoi pas un peu de fantaisie ?

En sortant de ses quartiers, désormais enfin plus grand qu'une simple chambre étudiante, elle prit la direction du terrain d'entraînement. La chaleur était étouffante, et malgré toute la joie qu'elle ressentait, la tête lui tournait, et elle avait la nausée. Mais hors de question d'arriver sans sa tenue. Certes, elle comptait la retirer la minute où elle arriverait face aux cadets, mais elle voulait provoquer son petit effet en sortant des baraquements. Un sourire mauvais et satisfait lui déforma les lèvres. S'époussetant une dernière fois la poitrine, par principe, elle carra les épaules, s'apprêtant à sortir, mais ressentit soudainement une grande envie de vomir. Incompréhensible, violente et brutale, elle sentit les sucs gastriques remonter jusqu'à l'arrière de sa bouche. Déposant sa main gantée sur ses lèvres, elle sentit son cœur s'accélérer.

Plusieurs longues secondes s'écoulèrent, durant lesquelles sa montre tiqua inlassablement, marquant, à chaque coup d'aiguille, une seconde de retard par rapport au moment où elle aurait dû commencer l'entraînement de son bataillon. Elle se frappa la poitrine, manquant de cracher ses poumons, la douleur la prenant au bas du ventre redoublant de violence, mais l'envie de vomir passa. En se redressant, elle rajusta son béret, se raclant la gorge, avant de sortir, l'air de rien, sous le soleil brûlant, ses rangers claquant le béton. Cent-cinquante bottes de cadets toquèrent à l'unisson. Elle se positionna face à eux, raide comme la justice, les bras croisés dans le dos, les parcourant du regard.

- Repos les enfants.

Sa tête lui tournait encore un peu, mais elle ne laissait rien paraît. Toutefois, elle commença à déboutonner sa veste militaire, avant de retirer son béret pour le déposer sur un poteau non-loin. Le soleil était vraiment cuisant. Elle posa ses mains sur les hanches, faisant craquer ses vertèbres.

- Regardez-vous, comme vous êtes mignons.

Elle commença à faire les cent pas devant le premier rang, s'approchant de temps à autre d'un ou d'une cadette aléatoire. Elle ne dissimulait pas son sourire carnassier, fière du petit effet qu'elle provoquait. Elle sentait également les regards sur ses tatouages, dont chaque trait décomptait un macchabée. En temps normal, Honor se serait amusée avec eux. Elle les aurait fait attendre, les aurait provoqués, secoués, moqués, bref, tout ce qu'il fallait pour tester les limites des cadets. Et aussi, accessoirement, parce que cela l'amusait. Mais en l'occurrence, son envie de vomir lui reprit, et elle ne voulut pas perdre de temps. Elle claqua dans ses mains.

- Bien, je n'ai pas que ça à faire, alors vous allez me faire le plaisir de bien gentiment vous ranger par groupe de dix, et que ça saute !

Aujourd'hui, elle était supposée enseigner les bases du Coup de vitesse.

- Bon, comme votre niveau s'élève probablement aussi haut que ma chaussette...

Elle sourit, c'était gratuit.

- Je ne vous reprocherai ni votre forme, ni votre technique. Tout ce que je vous demanderai, c'est d'essayer de mettre hors de combat votre adversaire. La seule exigence sera que vous devrez essayer de le faire avec une seule de vos mains ! Allez hop hop hop ! Au boulot !

L'initiation au Coup de vitesse était toujours extrêmement pénible et laborieuse. Étant donné que la technique n'était pas primordiale dans cet art, il n'y avait pas vraiment de manuel parfait. Et le meilleur moyen d'apprendre restait tout bêtement la pratique. Elle comptait sur cette journée pour séparer ses cadets en groupes, par niveau et potentiel. Tout en passant de groupe en groupe, elle se sentit suer à grosses gouttes. D'habitude, les intempéries ne lui faisaient ni chaud ni froid, mais elle n'y prêta, à nouveau, que peu d'attention.

Après plusieurs dizaines de minutes, il était temps de passer à la deuxième partie de l'entraînement. Honor siffla entre ses doigts pour remettre tout de petit monde en rang. Un nuage passa devant le soleil, et le soulagement des troupes était palpable.

- Pensez bien à boire surtout, je n'ai pas envie de traîner votre corps inanimé à l'infirmerie aujourd'hui. À présent, j'aurais besoin de deux, non, quatre volontaires. Toi, toi, toi et toi.

Honor n'avait pas choisi au hasard, et avait désigné les deux meilleurs et les deux pires cadets. De ce qu'elle avait pu observer du moins. Elle passa sa main dans ses cheveux avant de venir se positionner face à eux, les mains le long du corps, mais droite.

- Votre but, me toucher. Où vous voulez, comme vous voulez. Vous avez deux minutes.

Ce petit exercice était très intéressant. Déjà, il permettait de renforcer les liens entre les cadets, puisque voir un officier supérieur un peu vache se faire rouer de coups était toujours plaisant, et aussi, car il permettait aux meilleurs d'apprendre à tolérer les plus faibles. Et accessoirement, ces derniers apprendraient mieux et plus vite. En croisant ses mains dans le dos, elle commença à esquiver, mais elle sentit que quelque chose n'allait pas. Son corps était lourd, et lent. Elle serra les dents, sentant un poing lui effleurer la joue. Ce n'était pas normal, et plus elle s'activait, plus sa tête lui tournait, et plus son envie de vomir grandissait, la nausée l'empêchant de se concentrer. En temps normal, cet exercice n'aurait même pas accru le nombre de battements de son cœur, mais là, il menaçait d'exploser.

Elle arrêta les bras de deux cadets en les tenant entre ses mains, essoufflée, coinçant la main d'un autre avec son genou, et esquivant finalement un dernier. Elle s'éloigna, la main sur la poitrine, avant de se redresser et de désigner le cadet le plus musclé.

- Toi ! Frappe ici !

Elle désigna son ventre, écartant les bras le long de son corps, il hésita.

- C'est un ordre !

Après quelques regards inquiets, que ses cadets et tous les autres semblaient par ailleurs partager, il s'élança, et cogna aussi dur qu'il put sur les abdos d'Honor. Le bruit sourd résonna dans toute la cour. Et si voir le visage du cadet se déforme de douleur réjouit Honor, la régurgitation qui s'ensuivit sur le sol de la cour beaucoup moins. Elle s'effondra sur les genoux, sentant une douleur distordre son ventre, qui n'avait pourtant rien à voir avec le coup, et sa vision se flouta, ses mains devinrent moites. Elle sentit les cadets affluer autour d'elle, et ne supporta pas cette sensation, ce qui la poussa à se redresser, aveuglée par la colère et la honte.

- Foutez-moi le...

Le noir, le silence, elle ne sentit même pas les paires de mains de ses cadets qui l'empêchèrent de heurter violemment le pavé alors qu'elle sombrait dans l'inconscient.
Dernière modification par Narcisse Brando le 11 avr. 2023, 23:09, modifié 1 fois.

0131b4
2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

05 avr. 2023, 15:09
L'effet papillon  SOLO++ 
Fraicheur. Ce fut la première chose qu'Honor ressentit en se réveillant, suivi immédiatement par l'odeur infâme de la stérilité de l'infirmerie du camp. Elle y avait été plus d'une fois, mais elle ne s'y habituerait jamais : elle n'aimait pas cet endroit. Il était toujours synonyme à ses yeux, de faiblesse et d'échec. Elle ouvrit les yeux, observant rapidement ce qui se passait autour d'elle. Les lits à côté d'elle étaient vides, parfaitement faits, les draps impeccables. La lumière blanche du plafond l'aveugla quelques instants, et elle cligna des yeux, sentant une lourde migraine lui battre les tempes. Honte. Embarras. Qu'est-ce qui lui était arrivé ? Elle se redressa souplement, droite, les dents serrées. Elle ne comprenait pas, elle était faible comme un nouveau-né, et détestait cette sensation. D'autant que le petit spectacle qu'elle avait offert aux cadets avait probablement sapé sa réputation auprès d'eux à tout jamais.

- Ah, commandante, vous êtes réveillée.

Honor ne l'avait même pas sentie arriver. L'infirmière. Elle tourna son regard vers elle, sa tête lui tournant légèrement, quelque peu exaspérée, tandis que des mains douces et fines vinrent se poser sur ses épaules pour la faire se rallonger, tandis que l'infirmière secouait sa tête dans un geste de désapprobation.

- Tsk tsk tsk, vous, vous restez allongée, vous avez flanqué une peur bleue aux cadets.

Elle se redressa, les mains dans la poche de sa blouse.

- C'est nouveau, ces étourdissements ?

Honor claqua de la langue en détournant la tête, avant de se redresser à nouveau. La poussée de l'infirmière de fit plus forte, intransigeante, et si la commandante avait appris quelque chose, c'est qu'il fallait obéir à son médecin. Elle se résigna en s'allongeant, à moitié redressée, en repliant l'oreiller pour le mettre contre son dos, défiant la soignante du regard. Cette dernière leva les yeux au ciel avant de faire rouler un tabouret sous ses fesses pour s'y asseoir gracilement, Honor croisa les bras sur sa poitrine.

- C'est la première fois. Mais ça fait des jours que je suis ballonnée, et j'ai... je...

Elle leva les yeux au ciel en grognant, passant ses mains sur le haut de son corps rapidement.

- J'ai mal partout. Comme si c'était hypersensible, j'ai tout le temps envie de vomir, dès que je mange, et ça commence à me faire chier.

L'infirmière claqua de la langue, lançant un regard noir à Honor.

- Langage s'il vous plaît.

La militaire ne put s'empêcher de sourire après un instant, pouffant de rire en détournant la tête alors que la soignante sourit à son tour après quelques secondes, croisant ses jambes sur le tabouret, avant de poser son coude sur son genou et sa main sur sa cuisse. Le temps de quelques respirations silencieuses.

- Rien d'autre ?

- Vous voyez ? C'est rien.

L'infirmière plissa les yeux, un sourire taquin déformant ses lèvres. Puis dans un mouvement vif et souple, elle tendit brusquement la main vers la poitrine d'Honor, pour pincer légèrement la peau de son sein, juste à côté de l'aréole. Cette dernière se redressa brusquement, rougissant, sa voix tonnante, tandis que ses bras se croisèrent sur sa poitrine dans un mouvement protecteur.

- Bloody hell ! Mais ça va pas la tête ?!

- Ça fait mal ?

- Mais évidemment ! Qu'est-ce qui vous a pris ?

- Sur une échelle de un à dix, dix étant insoutenable et un étant une douleur à peine perceptible, combien ?

Honor fixait l'infirmière, qui la fixait en retour, incrédule. Elle se détendit lentement, convaincue qu'elle savait ce qu'elle faisait, et familier avec ce côté taquin de sa personnalité, qu'elle appréciait particulièrement au passage.

- Sept, ça faisait vraiment mal.

Le sourire de la soignante s'agrandit, découvrant des dents parfaites dans un sourire carnassier, et elle rajuste ses lunettes rondes, l'air satisfaite. Elle tira de la poche de sa blouse un thermomètre auriculaire.

- Tournez la tête.

De plus en plus confuse, Honor poussa un soupir exaspéré en obéissant, pinçant ses lèvres sous le froid du métal du thermomètre. Quelques secondes s'écoulèrent.

- C'est bon je vous dis, c'est rien. J'ai juste eu... un truc, un étourdissement, avec tout ce qui vient de se passer et la chaleur, c'est normal non ?

- Mhm... D'ailleurs, j'ai eu vent de votre promotion... Il était temps, vous la méritiez.

Aucune émotion ne se dégageait de la voix de l'infirmière, qui fixait d'un air concentré et professionnel les résultats du thermomètre, appuyant sur un bouton pour faire taire le bip insupportable. Perdue dans ses pensées, sans regarder Honor, elle demanda :

- Rappelez-moi votre température normale ?

- Euh, 37,5°C. Pourquoi ?

Un sourire de l'infirmière, elle posa sa main sur l'épaule d'Honor, un regard complice, avant de tapoter le haut du bras de son amie.

- Vous êtes à 38°, toutes mes félicitations.

La femme d'arme ne comprit pas, son visage trahissant sa perplexité, avec désormais une touche d'inquiétude, elle posa par réflexe sa main sur son oreille, puis sur son front. Elle eut un rire nerveux.

- Félicitations ? De quoi ? J'ai quoi ?

- Vous êtes enceinte.
Dernière modification par Narcisse Brando le 05 avr. 2023, 16:00, modifié 1 fois.

0131b4
2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

05 avr. 2023, 15:59
L'effet papillon  SOLO++ 
Un silence assourdissant suivit la déclaration de la soignante, les deux femmes se regardèrent longuement, l'une parfaitement confuse et perdue, l'autre se délectant de la situation, un sourire jusqu'aux oreilles. Cette dernière se leva souplement, avant de ramener une machine à échographie. Elle dégaina la sonde avant d'y apposer le gel, puis claqua des doigts.

- Relevez votre haut.

Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'Honor ne commence à se mouvoir, exécutant les instructions de la soignante, bouche-bée, le regard dans le vide. Ne prêtant pas attention à ce qui l'entourait, elle n'arrêta pas son mouvement à temps. L'infirmière lui claqua le dos de la main.

- Pas si haut. Vous êtes mariée, il me semble.

- Pardon.

Le gel froid fit frissonner Honor tandis que l'infirmière fixait l'écran en promenant la sonde sur le ventre de sa patiente. Elle frissonna, fixant le plafond, n'arrivant pas à comprendre ce qui lui arrivait. Tout allait trop vite. Quelques secondes s'écoulèrent, le silence régnait toujours.

- Mais, c'est impossible...

- Vous êtes active sexuellement ?

- Euh... Oui, enfin, normalement, enfin, tout va bien.

- Et bien vous êtes enceinte.

Elle commença à chantonner en murmurant, pianotant les touches du clavier, baladant la sonde sur la peau du ventre d'Honor, passant de temps à autre sur les hanches.

- Vous vous protégez ?

- Oui.

- Comment ?

- Préservatif, c'est plus pratique.

- Je vois. Ce n'est pas étonnant alors. Vous savez que les préservatifs n'ont une efficacité pratique que de 85%. Aha !

La soignante appuya sur une touche, figeant l'image, alors qu'elle sourit à nouveau, laissant échapper une petite onomatopée de satisfaction. Elle tourna ensuite le moniteur vers sa patiente, désignant un point flou sur l'écran en gloussant de rire.

- Il a vos yeux.

Honor demeura interdite, un long moment, avant de regarder l'écran, puis plissa les yeux avant de s'approcher.

- Je ne vois rien.

L'infirmière fit rouler son tabouret plus près, avant de sortir un pointeur laser.

- Là, regardez mieux. Le sac gestationnel juste ici... Et juste là... On voit déjà la vésicule ombilicale. Je vous passe les détails, mais il doit déjà avoir 4 semaines, 4 semaines et demie.

Le silence s'étendit à nouveau entre les deux femmes, la main d'Honor venant se poser devant sa bouche sous le choc, son autre main se posant sur son ventre. Jamais elle n'avait envisagé cette situation. Elle avait son opinion sur les enfants, et elle se disait que ce n'était pas pour elle. Cette femme qui passait sa vie à répandre la mort et la souffrance pour protéger celui qu'elle aimait et pour accomplir son devoir, voilà qu'elle portait la vie à son tour. Elle avala difficilement sa salive. Sa main vint trouver son bras, passant sur ses tatouages, qui semblaient désormais la brûler, directement sous la peau, tel un charbon ardent. Pourrait-elle s'en occuper ? En avait-elle seulement envie ? Elle l'ignorait. Elle n'y croyait pas encore tout à fait, malgré l'image qui lui apparaissait désormais clairement sur le moniteur.

Un portable atterrit sur sa couverture, celui de l'infirmière, ainsi qu'un dossier et une petite boîte, Honor leva les yeux, incrédule. La soignante mima un téléphone avec sa main.

- Je te laisse appeler Oscar, voici une pilule abortive, et le formulaire pour le congé maternité. Tu choisis. En trois exemplaires le formulaire si c'est ton choix. Je reviens dans deux heures.

Elle commença à s'éloigner, le bruit de ses talons claquant sur le carrelage blanc et froid de l'infirmerie, seulement interrompu par la voix de la militaire.

- Merci, Claire.

Cette dernière ne répondit même pas et se contenta de secouer distraitement sa main, l'air de dire "ce n'est rien", avant de retourner dans son bureau. Un temps infini sembla s'écouler. Temps durant lequel Honor observa les éléments en face d'elle, se mordillant la lèvre. Puis sans se poser la moindre question, avec un sourire, elle s'empara du téléphone et composa le numéro d'Oscar. Des dizaines de pensées passèrent dans l'esprit d'Honor dans l'attente qu'il décroche. Et si elle ne l'avait pas remarqué avant de partir en mission ? Et si elle l'avait découvert sur le terrain ? Dans d'autres conditions ? Elle coupa court à tout cela lorsque la voix d'Oscar résonna à l'autre bout du fil, caractérisé par une perplexité certaine face à un numéro inconnu. Honor prit une grande inspiration, se préparant à la discussion qui allait suivre.

0131b4
2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

07 avr. 2023, 22:47
L'effet papillon  SOLO++ 
TW : Mention d'une légère blessure, sang.
8 février 2036, 23h
Maison des Brando

Les mains d'Oscar appuyèrent de nouveau fermement sur les épaules de celles de sa femme, assise au fond d'un canapé. Son coude était posée sur l'accoudoir, et son visage plongé dans sa tête, tandis qu'elle laissa échapper un long soupir de soulagement. Elle sentit sa tension diminuer, lentement, mais sûrement, alors que les doigts de son mari massaient ses épaules et sa nuque. Le feu crépitait dans la cheminée, laissant échapper les senteurs de bois de pin qui avaient envahi le salon. Honor, enceinte jusqu'aux yeux, de sept mois depuis trois jours, n'en pouvait plus. Si Oscar avait déjà vu sa femme dans de nombreux états, jamais elle n'avait été autant affaibli et à fleur de peau. Et pourtant, il avait été là chaque fois qu'il l'avait pu. Il avait préparé son congé paternité, prêt à ne plus aller travailler pendant six mois une fois que l'enfant serait né. Son poste de professeur lui laissait une relative liberté pour s'occuper de sa femme.

- Bloody hell... Il va falloir que tu m'apprennes à faire ça un jour mon chéri... Oooh...

La tête d'Honor partait en arrière alors que les pouces d'Oscar appuyaient là où il le fallait, glissant et circulant habilement.

- Ah ah ah... Secret d'Etat, il faudra me passer sur le corps...

Oscar se pencha vers elle pour l'enlacer délicatement, venant poser ses mains sur le ventre de sa femme en déposant un baiser sur sa joue. Honor tourna sa tête vers lui pour l'embrasser tendrement, un sourire aux lèvres. Elle rouvrit des yeux malicieux, affichant un sourire taquin, caressant la joue de son mari.

- Quand tu veux, où tu veux.

Oscar rit doucement, avant de se redresser en déposant un baiser sur le front de sa femme, la repoussant avec ses mains sur ses épaules.

- Ce ne serait pas raisonnable, tu dois te reposer et tu le sais.

L'ambiance se refroidit, Oscar le perçut. Mais tout alla trop vite, tout fut trop bref, et trop irrationnel pour qu'il puisse l'anticiper. Il se mordit la langue en fermant les yeux, crispant sa main alors qu'Honor l'éloigna de son épaule en se redressant sèchement. Il l'observa partir vers la cuisine, croisant ses bras sur sa poitrine dans un geste protecteur, souhaitant n'avoir jamais dit ça. L'eau du robinet coula dans un verre, qu'Honor porta à ses lèvres pour le vider d'une traite, manquant de le briser en le déposant brutalement sur le comptoir. Elle demeura un instant les mains sur l'évier, fixant un point imaginaire sur le côté.

Après quelques instants, Oscar s'approcha d'elle, sans la toucher, ni même la regarder, et se contenta de prendre le verre avec l'intention de le nettoyer. Les réflexes d'Honor furent plus vifs, elle s'empara du verre, et rouvrit l'eau en s'emparant de l'éponge. Des gestes secs et brutaux, pas un regard, pas un mot, l'ambiance pesante, tel du plomb sur les épaules, un caillou pesant sur le cœur. La gorge d'Oscar se noua alors qu'il sentait l'irritation monter.

En cet instant, il avait envie de lui dire ses quatre vérités, il avait envie de lui dire comment il se sentait, que son comportement était exagéré et ridicule. Il sentit cette envie grandir en lui, sa volonté d'être blessant, volontairement, de dire les premières choses qui lui passaient par la tête, sans ménagement. Durant un bref instant, il voulut être quelqu'un qu'il n'était pas. S'appuyant sur le comptoir à côté d'elle, il attendit qu'elle ait fini, quand un bruit de verre brisé retentit, suivi immédiatement par un juron renfermé.

- Et m...

Rien de plus, elle se mordit la lèvre, serrant sa main sanguinolente, avant de passer les doigts de sa main intacte dans ses cheveux mi-longs, la rage au cœur et la colère au ventre. C'est à cet instant que le peu d'irritation contenue d'Oscar s'évapora. Prenant sur lui, il la mit de côté, éclairant les bordures de sa vision obscurcie par les émotions. Le silence s'installa, durant plusieurs dizaines de secondes, seulement ponctué par les quelques gouttes de sang perlant dans le lavabo. Les mains d'Honor tremblaient imperceptiblement. Oscar sentit qu'elle n'était pas prête à se calmer. Il sortit calmement un mouchoir propre pour lui tendre.

Elle s'en empara vivement, sèchement, sans le regarder, projetant sur lui toute sa frustration et sa rage accumulée, avant d'entourer sa main du mouchoir et de s'éloigner pour aller s'affaler dans le canapé, la tête tournée dans la direction opposée à Oscar. Ce dernier rajusta ses lunettes, se faisant aussi petit que possible, temporisant ses actes. N'ouvrant pas l'eau trop pour ne pas faire trop de bruit, prenant un à un les morceaux de verre brisé, délicatement, pour ne pas les faire tinter, il les glissa ensuite doucement dans la poubelle de verre. Il ne voulait pas qu'elle prenne cela pour une provocation, il ne voulait pas qu'elle se dise qu'il agissait plus rationnellement qu'elle. Il voulait simplement faire ce qu'il fallait, sans lui mettre ses agissements sous le nez.

Le vent faisait siffler les arbres non loin de là, la bise glacée se heurtait aux vitres solidement fermées de la maison. Mais aucun froid extérieur n'aurait pu égaler celui qui régnait à l'intérieur, et qui n'avait pourtant rien à voir avec les intempéries. Finissant d'essuyer le lavabo avec un torchon, Oscar le rangea sur son support avant de passer dans le salon, glissant face à sa femme sans un bruit, ignorant le fait qu'elle tourna à nouveau la tête alors qu'il passait. Cela lui fit mal, il sentit son cœur se serrer. Mais il savait qu'il ne devait pas le prendre pour lui, et il monta dans la chambre, avant de s'asseoir sur le lit, poussant un grand soupir en retirant ses lunettes, avant de plonger son visage dans ses mains, reprenant contenance. Et il attendit.
Dernière modification par Narcisse Brando le 11 avr. 2023, 15:24, modifié 3 fois.

0131b4
2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

07 avr. 2023, 22:52
L'effet papillon  SOLO++ 
Une éternité sembla s'écouler, durant laquelle les pensées d'Oscar tournèrent en boucle dans sa tête, se repassant les événements. Soudainement, une vibration sur la table de nuit, son cœur s'allégea, plein d'espoir, alors qu'il s'emparait vivement de son portable en remettant ses lunettes. Un SMS d'Honor, quelques mots, brefs, affichés au-dessous de son surnom : "Superwoman <3", au-dessus de son fond d'écran, une photo d'elle.

- "Tu peux venir ? S'il te plaît."

Il poussa un soupir, mêlé à la fois de soulagement et d'inquiétude. Mais c'est avec une légère bulle dans la poitrine qu'il se leva avant de descendre prudemment les escaliers menant au salon. Il demeura accoudé à la rambarde, les bras croisés sur le bois, à observer Honor. C'était puéril, mais il voulait qu'elle l'invite. Les joues brillantes de larmes de sa femme chassèrent bien vite ces pensées infantiles, et il se précipita dignement à ses côtés, s'asseyant à côté d'elle, passant un bras autour de ses épaules alors qu'elle s'appuyait sur lui, reniflant sans ménagement. Il lui tendit un mouchoir, il avait désormais l'habitude d'en avoir sur lui à tout instant. Et il attendit, la berçant doucement contre elle.

- Désolée...

Oscar sourit doucement, frottant le dos de sa femme, tendant son autre main pour essuyer ses joues, un sourire apaisé sur les lèvres.

- Pourquoi tu t'excuses ?

Elle renifla en pouffant de rire, s'appuyant lourdement sur lui, en s'essuyant compulsivement le dessous des yeux.

- Je suis une idiote. Je me suis vexée, pour rien. Désolée. Et j'ai été blessante.

Oscar secoua doucement la tête, se penchant vers elle pour embrasser longuement ses cheveux. Il lui parla contre sa tête, doucement.

- Non, c'est moi aussi, je sais qu'un rien peut t'irriter. Je n'aurais pas dû dire ça.

Elle le repoussa gentiment, le frappant dans l'épaule. Il l'invita à s'allonger sur ses cuisses. Alors qu'elle se préparait à se mettre sur le dos, il l'arrêta.

- Attends, sur le côté, gauche, tu te souviens ?

- Oui oui, pardon, tu as raison.

Oscar ressentit à nouveau une petite tension, mais rapidement chassée par le sourire de sa femme, alors qu'elle posait sa tête sur ses genoux. Il lui caressa longuement les cheveux, tandis qu'elle regardait les flammes, dos à lui. Le silence s'installa, mais apaisant cette fois-ci. L'horloge sonna minuit, dans l'indifférence totale du couple. La main gauche d'Oscar caressait toujours les cheveux d'Honor, et sa main droite entrecroisant les doigts de celles de sa femme, posées sur son ventre, son pouce caressant sa peau. Ils profitèrent tous deux de cet instant de paix, le cœur léger, empli de joie et d'amour. La voix d'Honor brisa le silence.

- Je suis une garce hein ?

Oscar eut un sourire contenu, inclinant sa tête sur le côté.

- Oh oui. Mais j'ai épousé cette garce, alors je n'ai plus le choix.

Il se trouvait particulièrement drôle avant qu'Honor ne ramène la main sur son ventre pour lui mordre, il la retira rapidement en rigolant. Elle ne le montrait pas, mais elle souriait également. Un petit instant s'écoula.

- En fait, je n'ai pas aimé que tu me dises quoi faire. Je sais que tu ne voulais pas le faire, mais je l'ai vécu comme ça, j'ai eu l'impression d'être traitée comme une gamine.

- Je sais. Tu n'as pas à t'excuser de ton ressenti. C'est toujours légitime. Mais je suis content que tu te sois excusée. Et je te pardonne, au fait. Je ne voulais pas te dire quoi faire, je m'inquiète, c'est tout.

- Oui, je... Je comprends bien, ne t'inquiète pas.

Elle soupira, embrassant le dos de la main d'Oscar, avant de la glisser sous sa joue posée sur ses cuisses. Il se trouvait désormais dans une drôle de position.

- Je me sens moche. Et grosse. Et pataude. Et tout est dur, je peux rien faire. J'ai mal partout, j'en ai marre...

Le cœur d'Oscar se serra en l'entendant se plaindre. Mais si d'un côté, cela le rendait triste de la voir dans cet état, de l'autre, il était heureux qu'elle s'ouvre ainsi à lui. Il était rare, malgré leur complicité, qu'elle accepte de s'afficher dans un tel état. Les doigts d'Oscar se dégagèrent du visage de sa femme pour venir lui pincer le nez. Elle se débattit légèrement en retenant un éclat de rire.

- Et ça fera trois euros de plus dans le bocal de dévalorisation.

Il l'aida à se redresser pour pouvoir la regarder en face, une main sur son épaule, et l'autre sur sa joue.

- Tu es magnifique. Vraiment. Je ne dis pas ça que parce que c'est ce que je dois dire. Mais tu seras toujours la plus belle femme que j'ai jamais rencontré. Et la plus drôle, et la plus gentille, et la plus délicate, et la plus raffinée...

Honor tenta de repousser la main sur sa joue en rigolant, avant de déposer un baiser sur sa paume.

- Arrête ! À la longue, je n'y croirai plus ! Raffinée et délicate... j't'en foutrais moi du raffiné...

Ils pouffèrent tous deux de rire, leurs fronts collés l'un à l'autre. Ils restèrent ainsi plusieurs longues secondes, se regardant simplement avec douceur et envie, patience et bienveillance. Ils se frottèrent ensuite le bout du nez dans un mouvement d'une telle intimité à leurs yeux qu'ils rougirent tous deux. Oscar se recula et regarda l'horloge en rajustant ses lunettes.

- Sapristi... Il est tard. Allez, au lit.

Il se leva, et Honor sourit en restant assise, le regard joueur, se retenant d'éclater de rire. Elle croisa ses mains sur ses genoux en se dandinant comme une gamine.

- Tu me portes jusqu'à la chambre ?

- Même pas en rêve. Allez, tu viens ?

Oscar cogna doucement le sommet du crâne de sa femme, qui prit l'air le plus choqué du monde, ouvrant grand la bouche en inspirant. Il tendit ensuite la main, et elle ne fit semblant d'hésiter qu'une seconde, avant de se lever péniblement, s'aidant sans vergogne de la tendue. Alors qu'ils prenaient le chemin de la chambre, Honor s'appuyant sur lui, la main d'Oscar autour de sa taille, elle lui murmura :

- Merci...

- Merci pour rien oui, allez, au lit j'ai dit.

0131b4
2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

11 avr. 2023, 20:13
L'effet papillon  SOLO++ 
5 avril 2048
21h12
City General Hospital, Cork
L'infirmier terminait de nouer l'attelle autour de la main d'Oscar, qui se remettait à peine de ses émotions, rajustant ses lunettes en tremblant, le visage trahissant une émotion palpable suite à la scène qui venait de se dérouler. Honor, quant à elle, tenait un gros bébé dans les bras, au comble du bonheur, se retenant de rire en observant son mari se faire bander la main. Une pointe de culpabilité jaillit du fond de ce rire, mais en cet instant, bercée par les hormones, elle était incapable de se départir de son sourire désarmant. Oscar le lui rendit tandis que l'infirmier se levait en donnant les dernières consignes. Une fois sorti de la pièce, Oscar fit rouler le tabouret juste à côté du lit de sa femme, qui vint lui caresser la nuque avec un sourire compatissant et un regard désolé.

- Oh mon pauvre chéri... Si tu savais comme je suis navrée... Je t'avais dit de me lâcher.

Oscar rigola doucement en déposant un baiser sur le dos de la main d'Honor, avant de venir avec sa main indemne caresser le front du bébé enroulé dans son lange, parfaitement endormi.

- Et moi, je t'avais dit que tu pouvais serrer aussi fort que tu aurais besoin.

Il leva sa main attelée, pouffant de rire, anesthésié par les hormones et le médicament donné par le médecin. Il y a plusieurs dizaines de minutes, sous le coup de la douleur, Honor avait tout simplement broyé la main de son mari.

- Ils ont dit que seule une phalange de l'auriculaire était fêlée, avec le métacarpe. Je pourrais allonger mon congé grâce à ça au moins.

Tous deux rirent, incapables de mesurer l'ampleur de la situation. Honor s'apaisa, se laissant aller contre l'oreiller, totalement décoiffée, son visage trahissant son immense fatigue, mais son profond soulagement et son bonheur infini. Aucun des deux parents ne pouvait détacher le regard de leur enfant. Honor brisa finalement le silence, sans regarder Oscar.

- Alors ? Pour le nom ? On avait dit qu'on ne tarderait pas trop.

Elle tourna enfin son regard vers lui, toujours avec son sourire, et Oscar se frotta le menton avant de sortir une longue liste sur une feuille de papier.

- Passons-les en revue ma très chère, voulez-vous ?

Honor rigola face au petit spectacle de son mari, et s'adossa de nouveau, sans plus se soucier de rien.

- Bien, que dirais-tu de... Tom ?

- Pour qu'il ait autant de personnalité qu'un caillou ? Bloody hell Oscar, choisis mieux le prochain.

Oscar raya le nom en rigolant avec sa femme, lui jetant un regard complice, avant de faire semblant de réfléchir en rajustant ses lunettes, prenant un air savant et érudit. Elle pouffa d'un rire cristallin.

- Mhm... Et pourquoi pas Dylan ?

Honor mima un reflux gastrique en rigolant.

- Mais par pitié mon chéri ! Tu veux que notre fils soit une brute sans cervelle ?

- Il serait à l'image de sa mère au moins... Alors...

Oscar se protégea la tête tandis qu'Honor mimait de le frapper violemment en rigolant. Il raya un nouveau nom.

- Madame est exigeante... Matthew ?

- Il ne colle pas à sa tête.

- Jamie ?

- Pour qu'il finisse comme son père ? Non merci.

- Eoin ?

- C'est un vrai prénom ça ?

- Oscar Jr ?

- Je ne répondrais même pas à ça...

- Callum ?

- Tu as vu le Seigneur des Anneaux mon chéri ?..

- Oui oui... Oublions ça...

Oscar rayait au fur et à mesure les noms qu'ils rejetaient. Il se frotta l'arête du nez avec son index et son pouce, avant de soudainement froisser sa liste pour la jeter à la poubelle, sous le regard circonspect de sa femme. Il s'approcha d'elle, saisissant sa main libre avec la sienne pour la regarder dans les yeux.

- Mon amour, est-ce que tu as lu Les Métamorphoses d'Ovide ?

Honor demeura un instant immobile avant de pouffer de rire, incrédule.

- Euh... Il doit y avoir au moins dix ans, quelle horreur ce livre, vraiment. Pourquoi ?

- Ok, suis-moi bien...

Oscar rajusta ses lunettes, son regard passant de sa femme à son fils.

- Tu es magnifique, mon amour, et tu sais ce qui est aussi magnifique que toi ?

Honor arqua un sourcil sans pour autant se départir de son sourire, tentant de cacher la rougeur de ses joues sous le compliment spontané de son mari.

- Choisis avec parcimonie tes prochains mots mon amour, ou bien ta main libre connaître le même funeste destin que l'autre.

- Une nymphe, mon cœur. C'est toujours une légende qui me faisait penser à toi. Et bref, là où je voulais en venir, l'un des passages de ce livre parle en ces termes : "Très jolie, la nymphe, devenue grosse, avait mis au monde un enfant, qui déjà à ce moment pouvait inspirer l'amour, et elle l'appela..."

Oscar encouragea sa femme à continuer d'un moulinet de la main, mais cette dernière nageait visiblement en pleine confusion. Elle se retint d'éclater de rire avant de détourner le regard.

- Mais je n'en ai aucune idée moi ! Il n'y a que toi pour connaître ça par cœur Oscar.

- Narcisse.

Il termina d'un mouvement des deux mains, telle une démonstration mathématique qu'il venait de mener, avant de rajuster ses lunettes, un grand sourire aux lèvres. Honor le regarda, avant de regarder à nouveau son bébé.

- C'est vrai que c'est joli...

Elle fronça les sourcils avant de le regarder à nouveau.

- Attends, c'est pas celui qui s'est noyé dans son reflet ?

Oscar laissa un petit instant de silence flotter, visiblement très embarrassé, et Honor fit de son mieux pour ne pas éclater de rire. Il se racla la gorge en haussant les épaules.

- C'est aussi une très jolie fleur ?

C'en était trop pour elle, et elle éclata finalement de rire, tentant de ne pas trop secouer son bébé, qui demeurait le plus impassible du monde malgré tout ce qui se passait autour de lui. Elle se calma en prenant Oscar par la nuque pour l'amener vers elle et l'embrasser. Se détachant de lui en laissant glisser sa main sur sa joue, elle lui sourit.

- Au pire, je compte sur toi pour le remettre dans le droit chemin ?

- Tu veux être le parent méchant ? Ça me va...

- Tant que je ne suis pas celle qui doit lui expliquer comment on a choisi le prénom, tout me va.

0131b4
2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

11 avr. 2023, 23:24
L'effet papillon  SOLO++ 
6 avril 2048
3h02
City General Hospital, Cork
TW : Description de légères hallucinations sensorielles, fausse réalité.

Honor était incapable de trouver le sommeil, et ce, malgré son incommensurable fatigue. Cette fatigue chronique qui la suivait depuis des mois désormais, partout où elle allait, peu importe le temps qu'elle consacrait au repos, rien ne semblait pouvoir soulager cet épuisement. Et pourtant, malgré tout cela, alors qu'elle pensait enfin pouvoir dormir sans avoir l'impression d'être une baleine, le sommeil ne venait pas. Narcisse dormait sur le dos, sous la surveillance acérée de la femme d'arme qui ne le quittait pas des yeux, et le sommeil semblait se refuser à elle. Et ce, malgré le somnifère prodigué par le médecin.

Ses mains vinrent frotter ses bras, cuisant sous une brûlure lancinante et indicible. Elle ignorait si cette sensation de brûlure était réelle ou si elle devenait folle, mais en cet instant, ses bras auraient tout aussi bien pu être fait de magma en fusion. Honor savait. Elle savait la cause de son tourment. Mais elle avait passé les dernières heures à le nier, à faire comme si elle se trompait, comme si elle était suffisamment stupide pour pouvoir ignorer l'origine de cette impression.

Chacun de ses tatouages semblait vouloir s'échapper de dessous sa peau. Ils voulaient lui déchirer l'épiderme, s'enfuir, ramper hors d'elle, s'arracher à son corps qui maintenait ces amas d'encres fait à l'aiguille. Les ongles d'Honor crissaient sur son épiderme, elle cherchait à tout prix à atténuer ces brûlures. Elle sentait un miasme de panique et d'effroi monter au creux de sa poitrine, envahissant chacun de ses sens, brouillant sa vision, étouffant sa perception. Au moment où elle se préparait à se recroqueviller sous ses draps, Narcisse bougea légèrement.

Imperceptiblement, un infime mouvement de jambe ou de bras, frottant le tissu du berceau d'hôpital. La vision d'Honor se clarifia, le bourdonnement sourd de ses oreilles disparut, et elle récupéra l'usage de ses bras, se ressentant désormais que l'irritation de ses ongles ayant griffé sa peau. Elle respirait compulsivement, reprenant peu à peu son calme et sa contenance, tiraillée entre un reste de panique et une honte violente. Son regard posé sur son fils, elle s'accrocha à cette vision, s'ancrant dans la réalité, refusant de céder du terrain à ses démons.

Après avoir passé plusieurs longues minutes à contempler son fils, s'apaisant lentement de cette vision, Honor saisit machinalement son portable posé sur la table de nuit à côté d'elle. 4h du matin, déjà. Mais il y avait quelqu'un qu'elle devait appeler... Et elle refusait de remettre cela à plus tard.
~
8h05
Oscar franchit le seuil de la porte avec un immense sourire, habillé d'une blouse de patient, l'hôpital avait décidé de le garder quelques jours en observation. D'autant qu'il s'entendait assez bien avec le médecin-chef, et ce dernier avait peut-être légèrement exagéré son cas pour qu'il puisse rester jour et nuit aux côtés de sa femme. Toutefois, ce dernier ressentit immédiatement l'ambiance étrange qui se dégageait de la pièce. Honor contemplait Narcisse avec des yeux fatigués, des cernes profondes et marquées soulignant sa fatigue. Les griffures sur ses tatouages l'alertèrent immédiatement, et il s'approcha d'elle, s'agenouillant aux côtés du lit, prenant sa main dans la sienne.

Elle avait l'air éteinte, mais tourna lentement la tête dans sa direction, et un sourire se dessina lentement sur ses lèvres, ce qui remplit Oscar de joie et allégea son inquiétude.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

Elle le regarda longuement, un sourire étrange flottant sur ses lèvres, le cœur d'Oscar se serra, son imagination partant immédiatement en vrille, se préparant au pire. Elle se contenta de poser une main sur ses tatouages, les regardant distraitement. En soupirant, elle déverrouilla son portable, pour montrer à Oscar une image de tatouage en forme de serpent recouvrant tout le haut du corps d'un modèle. Il demeura interdit quelques instants, dans l'incompréhension la plus totale. Il la regarda ensuite, son regard implorant des explications.

- Ça te plaît ?

Il entrouvrit la bouche, incapable de comprendre. Elle sourit calmement.

- J'aimerais bien... Recouvrir ça...

Le bout de ses doigts touchait prudemment ses tatouages décomptant le nombre de personnes qu'elle avait tué. Et Oscar comprit finalement. Depuis des mois, des années même, il tentait de faire comprendre à Honor que ce n'était pas quelque chose de sain. Que c'était tordu, inquiétant, et dangereux. Mais elle se refusait de l'entendre, c'était dans sa nature. Violente, impulsive, avec une touche de cruauté et de complexe de supériorité. Mais Oscar l'aimait malgré tout. Jamais il ne poussa un soupir de soulagement si profond en rajustant ses lunettes. Inutile de l'accabler avec des "je te l'avais dit", ou "il n'est pas trop tôt". Ce serait inutile. Au lieu de cela, il prit simplement le portable des mains d'Honor pour observer plus en détail les tatouages.

- C'est... C'est très beau, vraiment. J'aime beaucoup celui-là.

Il sentit malgré lui les larmes lui monter, tous deux surent en cet instant qu'Honor allait changer. Que plus rien ne serait comme avant. Mais ce changement était probablement la chose la plus positive qui aurait pu lui arriver. Elle reprit son portable avant de tourner son regard vers Narcisse.

- Tu penses qu'on devrait lui en parler un jour ?

Oscar hésita, regardant aussi Narcisse qui dormait comme le bébé qu'il était. Il embrassa tendrement le dos de la main de sa femme qui se blottit contre lui du mieux qu'elle put. Ce dernier vint alors s'allonger dans le lit sur les couvertures, pour laisser sa femme déposer sa tête sur sa poitrine.

- Peut-être. Probablement. Mais il faudra choisir le bon moment, je crois. C'est délicat, tu ne penses pas ?

- Si...

Elle prit une grande inspiration.

- Oscar... Je crois que j'ai honte.

Il lui embrassa le sommet du crâne, caressant ses cheveux avec son autre main en prenant soin de ne pas se faire mal. Jamais, jamais de sa vie Honor n'avait eu honte de ce qu'elle était ou de ce qu'elle avait fait. C'était une grande première qu'elle manifeste ce sentiment. Il la prit dans ses bras calmement, se passant de tout commentaire, tous les mots seraient inutiles.

- C'est une bonne chose... Ça veut dire que tu grandis. Et il n'est jamais trop tard pour changer. Disons simplement que tu as un certain sens du timing, pour être gentil.

Elle fut prise d'un faible rire tandis qu'elle s'endormait paisiblement sur la poitrine de son mari, plus faible et plus vulnérable que jamais, mais tout en se sentant apaisée, comme rarement elle l'avait été dans sa vie.

- Merci...

Honor dormit pendant deux jours d'affilés, et Oscar veilla à ce que personne n'ose ne serait-ce que penser à la déranger, s'occupant de Narcisse sans la moindre difficulté. À défaut du sein, il aurait le biberon pendant ces deux premiers jours de vie, mais il batailla farouchement pour laisser sa femme se reposer.

0131b4
2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart