Cette idée m'avait trotté dans la tête toute la nuit. Ca avait commencé plus tôt dans l'après midi lors du dernier cours de vol. Ce jeudi là, le professeur Mason, profitant du beau temps, avait mis en place une séance de révision sur le vol à plus de dix mètres. Je ne m'en étais très bien sorti, pas comme ce pauvre Ernest qui décidemment ne s'habituait toujours pas à cette nouvelle discipline. Mais, s'il y avait une personne dont les facilités sur un balai pouvait mettre tout le monde d'accord, c'était bien Klea.

Je ne sais comment elle se débrouillait mais c'était comme si elle avait toujours su. Le balai donnait l'impression de lui obéir au doigt et à l'œil et son aisance une fois dans les airs était bien plus évidente que le reste de la classe. Evidemment cela m'intriguait, me fascinait même et sans me l'avouer me rendait un peu jaloux.

Ce matin, j'étais donc résolu à l'accoster dès le petit déjeuner afin de découvrir quel était son secret.
J'avais avalé à la hâte mon grand tasse de chocolat au lait et engouffré tout ce qui me faisait de l'œil afin d'être totalement libre de questionner ma camarade dont je guettais l'arrivée. Pour le moment, la grande salle était calme, seuls les habituels lèves tôt s'activaient déjà tranquillement, me faisant réaliser que je n'avais aucune idée de la propension de Klea à faire partie de cette catégorie d'élève. J'allais devoir me montrer patient.

@Klea Han - Merci d'avoir attendu.

1ER MAI 2048
7 HEURES 33
GRANDE SALLE

Par Merlin, qui a instauré les cours à huit heures trente ? Cela fait maintenant huit mois que Klea est à Poudlard et pourtant, elle ne s'y fait pas. En ce vendredi matin, ouvrir les yeux a été un peu trop difficile au goût de la petite fille, qui râle déjà de la longueur de la journée qui se clôture par l'Astronomie. Quelle idée de ne pouvoir étudier que de nuit, aussi ?

Encore heureuse de ne pas devoir descendre de sept étages pour aller prendre son petit déjeuner, c'est une heure avant le début de son cours de potions qu'elle débarque. La salle de classe se trouvant juste au sous-sol, la petite fille se considère largement en avance pour petit-déjeuner tranquillement. Parce que les fois où elle passe seulement pour enfiler un verre de jus de citrouille et piquer une patisserie, ça va bien cinq minutes.

Non, là, elle arrive toute fraîche toute pimpante, réveillée une demie-heure plutôt, suffisant pour se préparer à cet âge là, dans sa tenue aux couleurs de sa maison, prête à entamer cette longue journée. Comme d'habitude, elle s'installe à une place totalement aléatoire à la table des vert et argent, saluant rapidement des têtes plus ou moins bien connues, analysant le reste des élèves présents dans la salle. Même à cette période-là de l'année, certaines têtes lui restent encore totalement inconnues.

Qu'importe, le matin, si elle n'est pas avec ses amis, cela ne la dérange pas vraiment, n'ayant pour objectif qu'engouffrer un petit-déjeuner assez consistant pour tenir jusqu'au midi. Et pour tenir pendant le cours de potions. Une de ses matières préférée, elle ne se voit pas arriver sans avoir mangé. Comment peut-elle être au top de sa forme et de sa concentration avec le ventre vide ? Inconcevable, selon elle. Alors elle prend son habituel combo jus de citrouille, croissant et elle regarde de nouveau ce qui se passe dans la Grande Salle. Qui mange quoi. Qui mange avec qui. Qui parle de quoi. La curiosité simple et basique de tous les matins tranquilles où commencer la journée ne rime pas avec courir dans les escaliers pour minimiser le retard au premier cours de la journée.

Finalement, ce n'est qu'après quelques minutes que je l'aperçois faire son entrée d'un pas vif dans la Grande salle. J'avais été bien avisé de prendre de l'avance. Klea faisait donc partie des lèves tôt... Je la suis des yeux lorsqu'elle s'installe à la table non loin de moi et réponds d'un petit hochement de tête lorsque je crois la voir me saluer. Jus de citrouille, croissant, elle a bon appétit. Elle observe les lieux, les élèves tout en mangeant mais ne semble pas rechercher la compagnie de quelqu'un en particulier. Je l'observe aussi.

J'avais déjà remarqué son énergie, spécialement lors des cours de vol mais celle ci ne semble pas se limiter à cette seule discipline. Même de bon matin, Klea dégage une vivacité naturelle. Cela se voit dans ses gestes, dans ses réactions. Chaque bruit, chaque mot, chaque mouvement perceptible dans cette immense salle semblent attirer son attention. Elle est parfaitement éveillée et déjà sur le qui vive comme si une fougue couvait sous sa longue chevelure blonde. On se ressemble donc un peu et cela me plaît.

J'attrape d'un geste vif une pomme et, sans hésitation me lève. En quelques pas, me voilà à son niveau avec cette envie de lui parler qui me brule désormais les lèvres :

"Bonjour Klea, je peux m'assoir à côté de toi ?"

Pas loin d'elle, elle entend parler. Non parler n'est pas le bon mot. Commérer est bien plus adapté à la situation. Mais Klea détourne vite son attention. Savoir que miss deuxième année de Serdaigle est tombée amoureuse d'un grand de sixième année d'une autre maison qu'elle n'a même pas relevée ne l'intéresse pas tant que cela. Et encore moins le matin. Les gens ont bien trop d'énergie le matin pour parler de ce genre de choses. Alors elle se concentre sur son croissant, qu'elle finit assez rapidement, n'ayant que cela comme seule occupation réellement intéressante.

Et puis, alors qu'elle commence à tendre la main pour en attraper un deuxième, on l'interpelle. Elle prend tout de même le temps de finir son geste, poser son croissant et enfin, elle tourne la tête. C'est Ezra qui la salue. Ils sont dans la même classe, alors forcément, depuis ces quelques mois passés à l'école, elle sait parfaitement qui il est. Surement ont-ils déjà travaillé ensemble. Ou peut-être pas ? Les cours se suivent certes, mais ils ne se ressemblent pas. Et l'occasion de travailler en groupe est bien trop récurrente pour permettre à la mémoire de Klea de mémoriser l'entièreté de ses collègues d'un jour. Ezra, elle l'aime bien. "Il est cool" dirait-elle pour le qualifier si on lui demandait. Alors forcément, la réponse à la question est tout à fait positive, elle n'y voit aucun inconvénient. — Salut Ezra, tu vas bien ? Bien sûr, assieds-toi, j't'en prie ! Le tout agrémenté d'un grand sourire, finalement ravie qu'on la sorte de son écoute de ragots qui ne l'intéressent que trop peu. — Quoi de neuf ?

Elle ne l'avait pas repéré dans la Grande Salle en arrivant. Vient-il seulement d'arriver ? Quoi qu'il en soit, Klea ne laisse pas vraiment de répit à son camarade et enchaîne vivement les questions. C'est pas souvent qu'elle a l'occasion de lui parler, elle est tout de même relativement souvent avec les mêmes personnes, par habitudes. Alors elle est un peu surprise qu'il vienne la voir, mais cela lui fait plaisir. Le petit garçon a-t-il quelque chose à lui demander ou vient-il uniquement en quête d'un peu de compagnie en ce mercredi matin ? Klea n'en a absolument aucune idée. Et pour éviter de l'assommer avec des questions supplémentaires et pour lui laisser le temps de percuter ce qu'elle vient de débiter, elle préfère croquer dans son nouveau croissant.

Klea m'accepte à ses côtés avec un grand sourire et je m'empresse donc de m'installer à sa gauche sur le banc. Après avoir échangé quelques banalités, nous revenons tous deux à notre petit déjeuner, enfin, surtout elle qui enfourne un nouveau croissant, car pour ma part, j'ai le ventre plein. Je préfère garder ma jolie pomme verte que je fais tourner comme une toupie sur la table.

"J'voulais de parler d'un truc."

Marquant une pause, je prends le temps d'observer ma camarade. Elle a manifestement bon appétit et peut être même des manières de garçon manqué. Ses gestes sont vifs, exécutés sans grâce, mus par la détermination, ce qui tranche avec son allure de fille sage. Je ne m'étais jamais tenu si près d'elle mais maintenant, je pouvais ressentir l'énergie qui bouillonnait dans son petit corps. Cela me donnait presque l'impression de me tenir à côté d'un chaudron rempli de Philtre Revigorant.

"Hier, pendant le cours de vol, je t'ai observé. T'as été vraiment impressionnante. T'avais l'air facile comme si tu faisais ça depuis longtemps. Même le prof, j'ai vu sa tête, il avait l'air bluffé."

Pas que le prof d'ailleurs, bien d'autres, comme moi, avaient remarqué que la Serpentard surpassait de loin toute la classe.

Alors, je me demandais si tu avais des conseils à me donner et... surtout, si ça te disait d'essayer d'aider Ernest avec moi."

@Ernest Stevens pour la mention.

Il veut lui parler d’un truc. C’est quoi, ce fameux truc ? En bonne commère, Klea concentre toute son attention vers son camarade, reposant son croissant et pivotant corps et tête dans sa direction. Elle est prête à écouter. S’est-il passé quelque chose à Poudlard la nuit dernière ? Un nouveau scoop en salle commune de Serpentard ? Non, ça ne doit pas être ça, ce n’est pas le genre de sujet que la petite fille a l’habitude d’aborder avec Ezra. Cette réflexion lui fait d’ailleurs froncer un peu les sourcils, finalement, est-ce une nouvelle grave ? Et puis c’est qu’il prend son temps, d’ailleurs, pour balancer son info. Une demie seconde de trop surement parce que Klea prend la liberté d’aller piocher dans son verre de jus de citrouille.

Peut-être qu’elle aurait dû s’abstenir parce que c’est à ce moment précis qu’Ezra daigne ouvrir la bouche pour lui rapporter le fameux truc. Elle ouvre grand les yeux et manque de recracher sa boisson. Bonnes manières obligent, elle avale comme elle peut son jus, un peu de travers. On ne saura donc jamais si les rougeurs sur son visage sont dues à sa mort fraîchement évitée ou à ce compliment inattendu et sorti de nulle part de bon matin.

Pas de doute, Klea a totalement confiance en ce qu’elle peut faire en cours de vol ou non, et elle connait ses capacités. En bon Serpentard, elle n’est d’ailleurs pas forcément du genre à les cacher. Ou du moins, elle ne les nie pas. Mais de l’entendre en plein petit déjeuner, ça, elle n’y aurait pas cru. — Heu bah… merci ? Elle bafouille. Prise au dépourvue, on est loin de la fierté de Serpentard, le torse bien bombé et le compliment accepté comme s’il était déjà connu d’avance. Elle n’a même pas un semblant de modestie qui l’aiderait à détourner un peu l’intensité du compliment. En fait, elle n’en a pas vraiment le temps parce que le petit garçon enchaîne avec la suite de son “truc”. Si elle a des conseils ? Surement oui. Si elle peut aider des gamins de la promotion alors que le sujet de ladite aide est l’une de ses matières préférées ? Évidemment. C’est donc avec un grand sourire et la tête que se hoche vivement qu’elle répond à l’affirmative. — Bien sûr que j’peux vous aider avec ce pauvre Ernest ! C’est bientôt les exams alors si j’peux faire quoi que ce soit ! Si les capacités en vol de Klea sont bien connues d’Ezra, visiblement, elle connaît aussi le niveau des autres serpents de première année. Certains se distinguent, d’autres se distinguent… autrement, disons.

Comme je m'y attendais, après un moment de surprise et de gêne passagère, Klea accepta sans hésiter. Une partie du projet prenait forme, il ne resterait donc plus qu'à convaincre Ernest et à trouver un moyen pour s'entrainer mais pour ça, j'avais déjà mon idée. En attendant, je voulais en savoir plus ma talentueuse camarade et surtout sur les origines de ses capacités de vol.

"Comment ça se fait que tu sois si forte en vol ? T'avais déjà utilisé un balai volant avant cette année ? Tes parents t'ont autorisé à voler sur leur balai ?"

Bien qu'interdit par la loi, c'était tout à fait possible. Certaines familles de sorcier n'hésitaient pas à initier leurs enfants au vol sur balai bien avant leur entrée au collège. Peut être que les Han étaient ce genre de famille ? A moins que... Klea ne se soit lancé sans l'accord de ses parents. Pour moi, en tout cas, il n'y avait rien aucun risque car s'il y avait une chose avec laquelle mon père ne transigeait jamais, c'était bien avec les règles que ce soit les siennes ou celles de ce pays. Autant dire, qu'il avait réussi à me dissuader de tenter quoi que ce soit. Je devrais me débrouiller à Poudlard avec les cours de Mr. Mason, comme la plupart de mes camarades.

En y réfléchissant, aider ses camarades en vol, ça ne va pas être compliqué ? Enfin, Ezra, pas tant que cela parce qu'il vient demander de lui-même, mais Ernest ? N'est-il pas du genre à vouloir éviter toute interaction avec un balai volant, justement ? Du moins, c'est ce que Klea a pu comprendre des cours de vol avec monsieur Mason tout au long de l'année. Aurait-elle mal interprété depuis tout ce temps ? Ou alors, son petit camarade cache que top bien son jeu, peut-être ?

Tant de questions qui fusent dans le cerveau de la petite fille à une heure bien trop matinale. Pourtant, si Ezra vient lui émettre cette requête, c'est qu'il a surement pensé à tout, ou à une idée de plan au moins. Autant se rassurer de la sorte, elle ne préfère même pas s'imaginer devoir aller raconter cela à Ernest, tiens.

— Peut-être que mes parents le savent pas forcément ... Laisse-t-elle suggérer avec un petit sourire en coin puis un haussement d'épaules. 'Fin, j'ai surtout eu un balai-jouet, ça aide j'pense ! Mais peut-être j'ai un peu triché sur l'usage du balai ? Bien sûr que cela aide, le balai-jouet, mais les tours encore et encore dans le jardin avec un balai quelconque piqué, cela aide encore bien plus. C'est ça son truc, à Klea, c'est qu'elle a constamment l'air espiègle. De toute façon, là, on le voit directement à sa tête, qu'elle est coupable. Et puis quel intérêt de mentir à Ezra ? Va-t-il la balancer ? Qu'est-ce que cela peut bien faire, et quel en serait son intérêt, de toute façon. Alors autant ne pas mentir et prétexter un talent naturel pour le vol sur balai découvert en septembre avec le professeur de vol, cela ne lui apportera vraiment rien. Se la péter un peu, ou beaucoup parfois, pourquoi pas, mais se la raconter en racontant bêtement des bobards, non merci.

La vérité, confessée à demi mot par Klea, ne me surprit pas. La Serpentard n'était pas la première enfant de sorcier à enfreindre les règles et à désobéir à ses parents. Ce qui était plus étonnant, c'était l'honnêteté dont elle venait de faire preuve, un fait assez rare pour ne pas le relever, n'étant pas moi même un grand coutumier de la chose.

"J'apprécie ta franchise. Merci."

Le mensonge était une arme à double tranchant, efficace à bon escient, terriblement dévastateur lorsqu'il éclatait au grand jour. Il fallait donc une certaine élégance pour avouer ses petits arrangements. Klea avait dû sentir que je n'étais pas là pour la coincer ou lui attirer des problèmes. Chercher stupidement un subterfuge dans le but de se faire mousser aurait été du plus mauvais goût. Et pourtant sa sincérité n'allait pas vraiment dans mon sens.

"Donc il n'y a pas vraiment de truc. Tu es douée parce que ce n'est pas nouveau pour toi."

Je réfléchissais à haute voix sans vraiment plus me soucier de la présence de Klea.

Ernest, lui était mort de trouille rien qu'à l'idée de monter sur un balai. Qu'est qui pourrait le faire changer ? Une potion de courage.

Si Klea n'avait d'autres secrets de vol, mon idée tombait à plat. Je mordais rageusement dans ma pomme et machais sa chair comme si cela pouvait empêcher la frustration que je sentais poindre au fond de moi. Ma camarade ne pouvait pas m'aider. J'allais devoir trouver un autre moyen.

"Bon écoute, merci. J'vais trouver une autre idée. A plus tard en cours."

Je me levais et, tout en mastiquant ma pomme je me dirigeais vers la sortie.