Les informations se cognaient les unes contre les autres dans sa tête, provoquant un capharnaüm qui l’empêchait de se concentrer et d’associer quoi que ce soit à ces informations. Le Serpentard avait beau relire les énoncés ou tenter de comprendre ce qu’on attendait de lui, son cerveau ne répondait que par un long soupir silencieux duquel il ne pouvait rien tirer. Et de toute façon, qu’est-ce que ça pouvait lui faire, à lui, que les Fondateurs étaient comme ceci ou comme cela, qu’ils aspiraient à des choses qui, de toute façon, ne servaient plus à rien à présent — le monde avait changé, et les ambitions d’Helga Poufsouffle ainsi que son ouverture d’esprit n’avaient plus autant de poids dans la communauté sorcière, Sunday le savait bien : quel intérêt à ressasser le passé de cette façon quand il y avait déjà tout à changer dans le présent ? Et pourquoi on lui demandait ce que c’était d’être historien quand il n’avait déjà aucune idée de ce qu’impliquait l’étude de l’Histoire ? Plus les cours d’Histoire de la Magie passaient, et plus le garçon peinait à feindre un intérêt dans la matière. Il lui fallait s’asseoir au fond de la classe et espérer que la professeure ne remarquerait pas ses paupières trop lourdes.
Au beau milieu de la salle d’études, Sunday poussa un soupir exagéré, les mains sur sa table, les bras tendus alors qu’il se balançait dangereusement sur sa chaise — et avec difficulté, à cause du poids de cette dernière.
— J’en sais rien et je m’en fiiiiiche, soupira-t-il dans un murmure comme s’il tentait de convaincre son devoir de disparaître par la même occasion, ce qui n’eut aucun impact. Les questions étaient toujours là, et l’ennui de Sunday lui intimait de continuer à les ignorer autant que possible. De toute façon, le garçon ne pensait pas rester dans la société magique après sa scolarité : les discriminations contre les nés-moldus restaient bien présents malgré la relative sécurité qui lui permettait de survivre à Poudlard : il avait eu la curiosité naïve de se renseigner sur les professions et s’était rendu compte que la plupart de ce qui pouvait l’intéresser de près ou de loin était bouché pour lui, en tant qu’il n’était pas issu d’une famille sorcière. Il ne voyait alors que peu d’intérêt à soigner ses études à Poudlard. Le garçon voulait finir sa vie chez les moldus, mais il s’était rendu compte après réflexion que ce serait compliqué : il n’aurait même pas de diplômes moldus et il ne savait pas comment il allait se sortir de tout ça. Les pensées anxiogènes le rendirent nerveux et il posa son front contre sa table en soupirant à nouveau, dans une tentative vaine d’extérioriser les émotions lourdes qui venaient de prendre possession de son corps. Le garçon se sentait piégé.

La salle d'étude était un cauchemar, le pire endroit qu'il existe sur terre, mais je n'avais pas le choix car plus tard dans la journée, j'allais avoir la matière-dont-il-ne-fallait-pas-prononcer-le-nom : BOTANIQUE.
Si la théorie n'en restait pas moins intéressante, la pratique.. Bon sang, à quoi ça servait de mettre des fleurs en pot et de les planter ? Ca n'allait absolument pas me servir dans le futur ! (à part si je souhaitais un potager mais bon courage pour me demander d'acheter des plants de tomates hors de prix). Ah. J'avais beau avoir pris la meilleure filière pour le plus d'heures de la meilleure matière sur terre, la place de la botanique dedans était clairement discutable.
Je me demandais pourquoi il n'y avait d'ailleurs qu'un professeur par matière. On était 1000 élèves tout de même ! Il ne faisaient pas ça dans les écoles moldues ! C'était parce que c'était une des écoles de magies les plus prestigieuses du monde ? Alors qu'est-ce que je faisais là-dedans à enterrer des plantes qui crient ?
Maussade, je me suis installée à côté d'un élève de première année qui semblait tout aussi exténué que moi. Bof, il ne pouvait pas avoir pire que Botanique la prochaine heure.. J'ai lâché un coup d'oeil sur son devoir pour savoir de quoi il traitait et mes yeux sont sortis de leur orbites.

- Comment ça t'en sais rien et tu t'en fiches ? Mais c'est passionnant ! Tu veux pas savoir qui t'as fait te retrouver à cette table à réaliser ton devoir ? Ce qui se serait passé sans eux ? Oh mon dieu, alors toi t'es un cas.

Une ombre passa dans le coin de son regard mais Sunday n’y prêta pas attention ; il se fichait bien de connaître l’existence de la personne qui s’était installée à côté de lui. De manière générale, le garçon n’accordait son attention qu’aux personnes qui s’occupaient de manière intéressantes. Or, en salle d’études, tout le monde faisait plus ou moins la même chose. Le nez plongé dans un livre ou un dans un devoir, les sourcils parfois froncés, la concentration paralysant les traits du visage, tous n’étaient plus que le reflet ennuyant de leurs études. Tentant, tant bien que mal, de chasser les pensées qui concernaient un futur lointain et incertain, il se redressa et lut une nouvelle fois les consignes de son devoir, mais ce n’était pas plus intéressant et l’inspiration lui soufflait toujours un néant créatif — la situation lui rappela les fois où, le ventre vide, il ouvrait et refermait la porte de son réfrigérateur plusieurs fois dans le même après-midi en espérant que quelque chose de nouveau soit apparu depuis la dernière ouverture, tout ceci pour se retrouver face à sa déception. La différence avec ces après-midi, était que peu importe combien il tentait d’entretenir sa patience, les cours ne devenaient pas plus intéressants. La voix de sa voisine lui parvint et plus les mots s’enchaînaient, plus le Serpentard sentait le poids de son agacement lui écraser les sourcils en un froncement consterné. Il tourna son visage envers la personne qui venait de lui parler — une Serdaigle, ce qui convenait tout à fait au ton et aux mots qu’elle avait employée : hautaine et trop studieuse pour Sunday — et laissa échapper un rire nerveux qui en disait long sur sa confusion.
— Bah dis donc, t’es sacrément culottée, articula-t-il tant bien que mal entre ses mâchoires serrées par la tension qui venait d'envahir son corps.
C’était là à peu près toute l’agressivité dont Sunday savait faire preuve, lui qui ne se trouvait que rarement être susceptible. Le Serpentard se tourna de trois quarts pour offrir son dos et l’arrière de sa tête en vision, poussant un peu plus ses parchemins vers le bord de son bureau opposé à la Serdaigle afin qu’elle ne regarde pas davantage ses notes ; il avait bien autre chose à faire que de discuter avec quelqu’un qui l’agressait d’un « t’es un cas » comme première interaction. Mais l’agacement bouillonnait dans ses veines et dans ses oreilles, et il se retourna à nouveau vers la Serdaigle avant de pointer une table vide plus loin. Je veux pas savoir qui a fait que je me retrouve assis à côté de toi, non. Là-bas, c’est ta place. Ici, c’est la mienne. D’accord ? mais il ne demandait pas tant l’avis de celle qui semblait être son aînée, et les bras croisés sur la table pour cacher ses parchemins, il étala un peu plus son coude sur le bureau de la Serdaigle hautaine pour annoncer que cette place ne lui appartenait à présent plus.

Culotée ? Moi ? Le bougre ! C'était la première fois que quelqu'un me sortait cette insulte !

Je fis la moue. Qu'elle insolence ! Je voulais juste l'aider moi.. Bref, si il veut pas, c'est tant pis pour lui ! Moi je suis là pour cette.. Chose ? Ma feuille était devenue un vrai torchon. Avec mon écriture proche de celle des médecins moldus et le fait que je ne m'appliquait absolument pas, d'où la copie à moitié pleine de taches d'encre, c'était sur que le prof de botanique allait me détester.

Mais ce gamin du haut de ses 1m30 se pensait malin ? Et surtout.. Il insultait en parallèle l'histoire de la Magie ?! Ah mais je laisserais pas passer cela !

- Tsss, si tu veux savoir on sait pas trop qui sont les héritiers d'Helga Poufsouffle.. J'espère que ça va t'aider au moins.

Gamin pourri gâté va.. Mais.. Faut que je fasse gaffe, si c'est quelqu'un de sang pur..

- Par Merlin, cependant ne me parle pas sur ce ton, je suis très certainement mieux placée que toi pour répondre à ces questions, voit mon année sacrebleu¹. Enfin, je peux te laisser galérer sur un devoir et foutre ta vie étudiante en l'air ou alors t'aider à obtenir de bonnes notes et donc que la prof d'histoire de la magie te laisse plus facilement tranquille.. Enfin je dis ça, je dis rien.

1. Ici, en français.