Il ne comprenait pas. Cela le dépassait, comment cela avait-il pu arriver ?! Hier, la situation apparemment inoffensive et innocente avait dégénérée à la vitesse de l'éclair ! Les sorts avaient fusés, les mots avaient été dit et incompris. Pourquoi Élisabeth s'acharnait-elle autant sur Narcisse ? Il avait passé la journée de la veille à vainement tenter de comprendre. Qu'avait-il bien pu lui faire ? Leur première altercation remontait au début de l'année, et Narcisse avait cru comprendre qu'il lui faisait penser à un ancien ami qui l'avait trahi ? Raaah, c'était ça le problème avec elle, rien n'était clair ! Et ça lui faisait beaucoup de peine parce qu'elle avait l'air vraiment atteinte et il ne comprenait pas pourquoi ni ce qui lui reprochait. Il avait retourné le problème dans tous les sens en se remettant en question, cherchant à voir où il aurait pu être en tort, mais rien de vraiment problématique ne lui venait en tête.

C'est pour cela qu'au réveil, il s'était immédiatement mis en quête de son amie, pour la confronter aux problèmes et à la tension qui régnaient entre eux. De toute manière, discuter des choses, c'était la meilleure manière de résoudre un conflit, non ? Il n'arrivait pas à s'imaginer ne pas vouloir parler de quelque chose, pour lui, quand on avait un problème, il suffisait d'en parler, et toc, tout était rapidement résolu ! C'était pas si compliqué quand même !

Où pouvait-elle bien être... Ah, la voilà ! Sans la moindre hésitation, ni peur ni anxiété, mais sans agressivité, il vint se camper devant elle, les bras croisés, plongeant son regard dans le sien, le visage déterminé.

- Éli, faut qu'on parle !

Il hésita à laisser flotter un silence, mais dans un éclair de lucidité, il décida de ne pas lui laisser le temps de potentiellement s'enfuir. Il laissa tomber les bras le long de son corps avant que ses traits ne deviennent plus inquiets.

- C'est quoi ton problème avec moi ? Vraiment, j'ai essayé d'comprendre, vraiment beaucoup, mais j'pige pas ! J't'ai fait quoi ?

Elle n'avait absolument rien à faire aujourd'hui, mais Éli s’était réveillée assez tôt et elle n'avait vraiment pas envie de tourner et retourner dans son lit pour grappiller quelques minutes d'un sommeil qu'elle ne retrouverait sans doute pas.
La jeune fille avait donc fait un passage éclair dans la salle de bain pour se débarbouiller et s'habiller sommairement, était repassée dans sa chambre pour rassembler des fournitures qui lui servirait à écrire une lettre à sa sœur, puis avait pris un moment dans le salon pour y rédiger les brèves nouvelles fausement joyeuses qu'elle confierait à Nightingale après le petit-déjeuner.

La matinée était un peu plus avancée lorsqu'Éli traversa le passage aux tonneaux son pli dans la poche. Il ne faisait pas particulièrement froid dans les couloirs, mais la douce chaleur du pull oversize qu'elle avait enfilé sur son t-shirt bleu ciel lui faisait du bien. Un petit chignon à peine attaché, et de nombreuses mèches venant encadrer son visage reflétait le peu d'effort qu'elle avait mis dans sa préparation. La poufsouffle se foutait complètement de l'image qu'elle pouvait renvoyer à cet instant, faisant abstraction des personnes qu'elle croisait, son esprit lui, était déjà obnubilé par les scones qu'elle aller engloutir dans quelques minutes.

Le pas nochalant, elle n'avait pas encore atteint les escaliers lorsqu'elle fut stoppé net par un obstacle qui lui tira une grimace de surprise. Il était là, barrant de son corps le passage entre elle et le couloir, les bras fermés sur son torse prétentieux, ses yeux sournois soutenant le regard de sa camarade presque de force. Narcisse, toujours lui ! Sa seule présence donnait l'envie à Éli de rebrousser chemin, à deux doigts de sacrifier son en-cas sucré juste pour le fuir, mais il parla trop vite ne lui laissant plus vraiment le choix que de l’écouter. Partagé entre la curiosité et l'agacement, elle tira sur le bout de ses manches déjà trop longues pour ranger ses mains à l'intérieur, leva les yeux au ciel et dans un soupir l’écouta déverser ses interrogations.

Malgré ses mâchoires serrées et un regard bien plus parlant qu'une insulte, elle restait impassible devant ses remarques. Pendant quelques secondes elle se demanda s'il partirait d'ennui à force de n'avoir d'écho que par son silence, mais il paraissait bien trop déterminé pour qu'il ne se contente que de ça aujourd’hui.
Cette discussion, ils l'avaient déjà plus ou moins commencé il y a quelque temps, brutalement avorté par la deuxieme année. La probabilité pour que l'issue soit meilleure aujourd'hui etait proche du néant, mais il n'allait pas la lâcher cette fois, elle le savait.

- laisse tomber Brando, j'ai autre chose à foutre que d't'ecouter là, bouge ! Elle detourna le regard, essayant de contourner le garçon.

@Narcisse Brando

Narcisse maintint le contact visuel avec son amie, souhaitant de tout son cœur qu'elle s'ouvre à lui. Il ne comprenait pas comment les choses avaient pu évoluer à ce point, et dans un tel désastre. Il espérait que tout se passe bien. Ses yeux se fermèrent un bref instant sous la violence des propos de sa camarade et son mouvement initiant un contournement. Puis il les rouvrit, envahit par la détermination et la colère, l'incompréhension, la pitié, la compassion. Dans un mouvement fluide et souple, il pivota pour à nouveau se retrouver devant elle, écartant les bras, tentant vainement de l'empêcher de partir, il ne voulait pas la laisser partir, pas avant que tout soit réglé !

- Éli ! J'comprends rien ! J'pensais qu'tout allait mieux entre nous !

Il inspira et expira plusieurs fois.

- Tu t'souviens pas, on s'était réconcilié, on avait même mangé ensemble ! Alors, pourquoi ? Pourquoi t'es encore comme ça ? J't'ai fait quoi ?

Ses yeux plongèrent dans ceux de son amie, refusant de lâcher prise, il refusait de la laisser partir sans avoir fait tout son possible pour au moins essayer de clarifier les choses ! Il n'avait encore rien tenté, c'était à peine s'ils avaient pu en discuter. Les choses étaient toujours incroyablement floues pour lui, il ne comprenait pas, il n'arrivait pas à comprendre ce qu'elle lui reprochait.

- J'veux dire, on a partagé plein d'trucs ! On s'est entraîné ensemble, tu m'as appris un nouveau sort, on a mangé ensemble, Klee t'aime bien, on a fait ton anniv ensemble même ! Alors quoi ?!

Il la regarda encore, le souffle court, les yeux brillants, mais le visage déterminé, les bras toujours écartés.

Son effort pour essayer de s'enfuir loin de cet échange forcée avait loupé. Narcisse ne renonçait jamais, et c'était bien une des seules choses qu'elle admirée chez lui, même si elle ne lui avouerait jamais. Pourtant aujourd'hui, elle aurait préféré qu'il soit moins tenace et qu'il la laisse partir. Ses bras encerclés l'espace devant elle faisant barrage, mais elle n'avait pas la force de se battre pour passer, c'était peine perdue et elle lâcha prise.

Il ne comprenait pas son attitude, forcément, mais l'entendre parler de leur réconciliation fictive lui fit lever les yeux au ciel. Elle accrocha un sourire espiègle à son visage... Oui, ils s'étaient plus ou moins réconciliés, ils avaient mangé une fois ensemble et alors ? Il n'allait pas en faire tout un scrutoscope ! En-dehors de ça, rien dans son attitude envers lui ne pouvait laisser croire que leur relation allait mieux. N'importe qui se serait rendu compte que tout ça n'était qu'un écran de fumée, qu'un essai jeter à la poubelle, et qu'elle n'avait jamais véritablement eu envie d'en finir avec son animosité. Finalement, elle le trouvait bien plus naïf qu'elle, et cette pensée lui fit du bien.

Le yeux noirs du garçon la fixait tout en lui parlant, et elle en était presque déstabilisé. Qu'est-ce qu'il essayait de faire là ? La culpabiliser ? Elle ne le laisserait pas faire. Éli se mordit la lèvre pour ne pas répondre trop vite, et attrapa une mèche de cheveux jouant négligemment avec. Elle n'aimait pas être prise au piège comme ça, et s'il croyait obtenir quelque chose de cette façon c'était très mal la connaître!

- on a partagé plein d'trucs ! Tu t'fou d'moi Narc' ? Cette façon de rendre tout leurs échanges positifs l'énervait beaucoup. Pour qui il se prenait encore ! La pouffys serra les mâchoires, ce qui fit légèrement ressortir les veines de son cou, signe de son agacement. Tu n'vois vraiment rien toi, c'est dingue... ! Comme tout l'monde en ce moment... j'ai l'habitude. La dernière phrase, Éli l'avait prononcé à mi-mot, plus pour elle-même qu'autre chose. rêve pas, on n'sait pas entrainé ensemble, j'passais et j't'ai juste remis à ta place rien à voir...et ton espèce de boule de poil rose j'laime pas moi. C'est bon maintenant... tu m'lâches ?
Elle rompit le lien en détournant le regard, et choisi la solution de facilité, celle qu'elle aurait du prendre dès le début. Elle tourna sur elle-même, lui offrant son dos, prête à s'éloigner de lui avant qu'il n'ai le temps de lui poser d'autres questions. Elle n'aurait pas cette patience longtemps, elle le savait, déjà les premiers signes inconfortables commençaient à lui rappeler qu'elle devait se calmer, un conflit maintenant lui donnerais encore plus de raisons de découvrir l'origine de sa colère.

@Narcisse Brando

Narcisse serra les dents en abaissant les bras lorsqu'elle répondit. Comment pouvait-elle dire cela ? Du point de vue du garçon, ils avaient partagés de supers moments tous les deux ! Mais avant même qu'il n'ait eu le temps de réfléchir un tant soit peu aux propos de sa camarade, elle se détourna à nouveau de lui. Et il ne comprit pas pourquoi, l'embrouille n'était pas réglée ! Les comptes n'étaient pas mis à plat, rien n'avait été discuté ! Pourquoi s'enfuyait-elle comme ça ? Mais il se redressa en inspirant profondément, avant de piquer un sprint pour déraper à côté d'elle, avant de tournoyer à nouveau souplement, terminant face à elle. Il plongea son regard déterminé dans le sien, le haut de ses joues commençant à devenir rouge sous l'émotion.

Son regard reflétait une grande tristesse, mais surtout son immense incompréhension, il voulait tellement réussir à régler les problèmes, il voulait la comprendre et il voulait l'aider !

- Mais, non j'me fiche pas d'toi Éli ! J'comprends vraiment pas l'problème ! Sérieusement, je t'ai rien fait, alors pourquoi tu t'obstines à t'acharner sur moi comme ça ?

Il la regarda à nouveau, se mettant à sourire doucement.

- En vrai si j't'ai fais un truc qui t'as embêté, faut qu'tu m'le dise ! J'ai jamais voulu t'blesser ni quoi que ce soit, alors vraiment, dis-moi ! J'suis sûr qu'on peut résoudre ça ensemble !

Elle n'avait pas fait deux mètres que son Némésis fut de nouveau le rempart entre elle et sa tranquillité. Debout, dans cette attitude agaçante et têtue qu'elle lui connaissait bien, son regard noir trop plongé dans le sien n'était pourtant pas celui de d'habitude. Ni sombre et dominant comme en salle d'entrainement, ni gentil à vomir comme elle l'avait vu trop souvent. De la compassion ? De la pitié ? Éli n'arrivait pas vraiment à définir ce qu'elle y lisait, mais elle n'aimait pas ça.

Son regard était différent, mais ces mots étaient les mêmes, toujours cette rengaine à vouloir comprendre ce qu'elle-même n'arrivait pas à véritablement saisir. Le fond du problème était injuste pour lui ok, mais devenir son amie l'était bien plus pour elle.

Dès ses premiers mots, elle l'avait détesté. Au début, ces émotions presque viscérales, étaient plus ou moins contrôlables, mais ce sentiment de colère en sa présence n'avait fait que se renforcer ces derniers mois. Il s'était passé beaucoup de choses, et inconsciemment sa maladie invisible pour les autres lui donner l'impression d'être différente, moins forte qu'eux. Narcisse était devenu la raison qu'elle c'était trouvé, le coupable idéal, l'écharde qui lui faisait mal et lui rappeler ses failles, le caillou qui chaque jour écorchait un peu plus sa carapace de confiance en elle. Le rabaisser était sa façon de prouver qu'elle était bien plus inébranlable qu'elle ne pensait l'être.

Pourtant à cet instant, en essayant de soutenir cette espèce de domination visuelle, pour la première fois elle ne savait plus répondre, elle n'avait aucune pique à lui lancer, aucun sort à lui jeter. Il s'intéressait à elle, à ses problèmes et les mots qu'il employa la firent une seconde croire à un apaisement. " j'me fiche pas d'toi Éli "... Elle aurait tellement voulu entendre ça dans un autre contexte.

Depuis des semaines elle faisait tout pour fuir ses amis, elle était agressive, méchante gratuitement et le seul qui osait lui tenir tête, qui la forcer à parler, le seul qui ne lâchait pas l'affaire au bout d'un refus et voulait vraiment la comprendre c'était lui ? Éli trouvé ça vraiment injuste.

Elle n'était pas loin de céder les armes cette fois, il était presque convaincant ce troll, mais sa dernière phrase remis directement Éli dans un autre état d'esprit. " J'suis sûr qu'on peut résoudre ça ensemble !". Tellement sûr de lui que tous les problèmes ne sont rien pour lui, plus fort que les autres, son aide forcement résoudrais tout ! Pourquoi n'y avait-t 'elle pas pensée voyons ?! Son attitude relança la colère de la jeune fille. Sur un ton ironique et froid, son mutisme disparu réactivant son débit cinglant.

- Bien sûr Narc', tu peux TOUT résoudre toi ! J'oubliais qu'tu étais meilleur que tout le m'onde. Tu veux savoir ? j'vais te dire c'qui va pas entre nous. J'peux pas t'voir parce que t'es une espèce de vantard, de fayot et qu't'as toujours besoin d'faire parler de toi. Quand t'es quelque-part, à croire que personne n'existe ! Tu veux tellement avoir l'attention des autres que tu laisse d'la place pour personne. J'men fou perso, j'veux pas d'tout ça, mais j'ai quand même le droit d'pas vouloir entendre parler de toi dès que j'marche dans les couloirs non ? Alors vas-y maintenant... Montre-moi ta solution hein, tu veux que j'fasse quoi ? Tu comptes disparaître et m'foutre la paix ? Trop bien ! Parce que j'frais pas semblant de bien t'aimer comme tu l'fait avec moi, j'te préviens.

@Narcisse Brando

Les mots d'Élisabeth frappèrent Narcisse de plein fouet, sans qu'il n'arrive à comprendre leur origine, ni leur cause ou leur explication. Il ne comprenait pas ce qu'elle lui reprochait. Mais alors qu'il se mit en tête d'essayer de démonter point par point les reproches qu'elle lui assénait, sa bouche se referma lentement, alors qu'une petite boule au creux de sa poitrine grandissait lentement.

C'était ainsi que les gens le voyaient ? Tous ? Sans exception ? Un fayot, un je-sais-tout ? Il tombait des nues, car il se considérait justement comme quelqu'un de particulièrement ignorant, il lui restait tout à apprendre, et il n'avait de cesse que d'apprendre davantage chaque jour qui passait. Mais, aussi fort qu'il soit vexé ou blessé en cet instant, il y avait quelque chose plus important que ses propres ressentis.

Il s'assit en tailleur, face à Éli, sans rien dire, avant de lever les yeux vers elle, posant ses mains sur ses genoux. Il laissa ainsi un court silence flotter, le temps de prendre quelques respirations et de peser ses mots. Il en profita pour se concentrer, et mettre de côté son tic de langage.

- Je suis désolé Éli... Je... j'avais aucune idée que c'est comme ça que tu me voyais.

Il déglutit difficilement, son index frottant nerveusement son pouce alors qu'il résistait à l'envie de se ronger les ongles.

- Je n'ai jamais voulu te donner cette impression. Je ne me suis jamais com... compli... complus, je ne me suis jamais complus dans ces situations que tu décris, j'avais même pas l'impression que c'est ce qui se passait.

Il prit une grande inspiration en baissant les yeux, incapable de trouver une solution pour résoudre le problème, malgré toute sa bonne volonté. En s'armant de courage, son regard se porta à nouveau sur son amie.

- C'est sincèrement comme ça que tu me vois ? Genre... tu sais, je sais pas du tout hein, je dois être l'un des plus ignorants de ce château. Mais... j'aime à croire que je fais mieux chaque jour, en tous cas, j'essaye, à fond. Mais...

Il baissa à nouveau les yeux.

- Bref, je suis désolé, j'ai jamais voulu que tu te sentes comme ça, au contraire, moi j't'aime bien.

Lorsqu'il regarda à nouveau Élisabeth, son regard était empli de détermination et de franchise, teinté d'innocence, avec un sourire un peu déconcerté.

- Et je ne fais pas semblant. Je ne fais jamais semblant.

Il haussa les épaules.

- Je sais pas mentir, tu sais ? Vraiment, je suis le pire menteur, j'aime pas faire ça, et je sais pas faire ça.

Alors qu'elle s'attendait à une nouvelle démonstration de positive attitude en excès, ou à un nouveau sermon sur une pseudo/amitié au milieu du chaos, elle fut surprise par son silence. Narcisse dépourvu de mots était une chose dont elle n'avait pas l'habitude, et de le voir muet la perturber plus que ne l'aurait fait son insupportable bienveillance.

Dans ce silence étrange presque malaisant, elle l'observa s'asseoir juste devant elle. Dans son regard elle ne voyait rien d'agressif, elle n'y lisait pas de colère comme elle l'avait espéré inconsciemment en lui balançant toute cette violence.
Mais qu'est c'que tu fou Brando ?! Relève-toi c'est pas comme ça qu'ça doit s'passer. J't'énerve tu réagis, j'm casse, fin d'l'histoire ! Ils avaient toujours fonctionné plus ou moins comme ça, et cette situation, bien que bancale, convenait tout à fait à la jeune fille. Pourquoi fallait-il qu'il cherche plus loin en ce moment...?

Après quelques instants de réflexion, qu'ils lui parurent des heures, le garçon finit par rompre son mutisme. Forcément il fallait qu'il lui ressorte le couplet des excuses, de son incompréhension, "je n'ai jamais voulu... " et pâtati et patata... Elle était prête à lui couper la parole d'agacement, lui balancer une nouvelle attaque, mais il y avait quelque chose de différent... Rien dans son comportement n'avait l'air d'être surjoué, son éternel sourire n'était plus collé à sa face, et ses doigts se cherchaient nerveusement, déclenchant chez la jeune fille ses propres mouvements parasites. Il sait très bien manipuler les autres ne te laisse pas avoir, pauvre fille... , mais il baissa les yeux et Éli su qu'elle ne dirait rien cette fois.

Sa question criante de vérité, sa façon de se rabaisser un peu, de minimiser son savoir... elle l'aurait tellement apprécié il y a quelques semaines, pourtant là, elle ne ressentait rien d'agréable. Qu'est-ce qui t'arrives sérieux, c'est juste Brando, il n'a pas changé en 5 min ! Il fait encore ça pour attirer l'attention sur lui, barre toi.

Il ne cherchait pas à parler de lui cette fois, il pensait juste à ce qu'elle avait pu ressentir, elle. Il l'appréciait donc vraiment ? Mais devenir ami avec lui c'était devoir lutter constamment contre ces démons, et accepter de tirer un trait sur son passé, c'était trop. Trop pour cette semaine, pour ces derniers mois. Trop de choses avaient changé dans sa vie, elle n'avait plus la force de s'adapter.

Sans réfléchir elle lui tourna le dos pour ne plus voir son visage, sa tête lui faisait mal à force de résister, et elle frotta ses tempes instinctivement.
"Je sais pas mentir, tu sais ? Vraiment, je suis le pire menteur, j'aime pas faire ça, et je sais pas faire ça." Elle se figea en entendant ces derniers mots, immobile et en apnée quelques secondes, elle finit par inspirer profondément les yeux fermés, et fit volte-face.

- tu fais chier Brando ! Dans un mouvement désinvolte, une moue boudeuse de circonstance. elle se laissa glisser sur le mur à côté pour s'asseoir elle aussi.

@Narcisse Brando

Faisant appel à toute sa jugeote, Narcisse décida de ne plus prononcer un mot avant qu'elle ne le fasse. Il dû lutter contre son instinct qui lui criait de continuer à parler, pour expliquer les choses, les mettre à plat et au clair, pour éviter tout quiproquo, mais une part de lui, un début d'assagissement, lui susurrait qu'il était temps de se taire Ne serait-ce qu'un peu, un chouïa, juste assez longtemps pour permettre à Élisabeth de remettre pied à l'étrier. Il n'était pas doué avec les mots, et malgré toute sa bonne volonté, il réalisa qu'il n'était probablement pas doué avec les gens non plus... Cette révélation lui fit un mini-coup de poignard au cœur. Il adorait les gens, il les aimait de toute son âme, et l'idée de devoir être condamné à ne pas réussir à entretenir des relations correctes en raison de sa stupidité l'attristait profondément.

Mais il refusait de baisser les bras, hors de question. Il ne voulait laisser tomber personne, en aucun cas, ce n'était pas son genre. Et ce n'était pas non plus son genre d'abandonner.

Observant nerveusement son amie, son index et son pouce se frottant mutuellement, l'index de son autre main tapotant son genou, il attendit. Se mordant l'intérieur des joues pour s'empêcher de parler et se forcer à se détendre. Il ferma les yeux, bloquant sa respiration lorsqu'il la vit tourner le dos. Il serra les dents et les poings, l'impression d'avoir échoué le transperçant de part en part. Il ne voulait pas renoncer, mais était totalement désarmé. C'est alors qu'elle fit demi-tour. Après une dernière tentative, une dernière vérité, elle s'assit à côté de lui, se laissant glisser le long du mur.

Il l'observa un moment, incrédule, se demandant s'il n'avait pas imaginé cette scène pour ne pas souffrir de dissonance cognitive. Ses mots ne le blessèrent pas, ils glissèrent sur lui comme la pluie sur du papier ciré. Il ne comprenait pas ce qu'elle ressentait, mais il savait qu'il n'avait pas besoin de comprendre pour faire preuve de compassion. Après avoir laissé un moment de flottement passer, il glissa à côté d'elle, à une distance raisonnable, s'adossant à son tour au mur. Il ne dit rien, pendant plusieurs dizaines de secondes, se demandant même s'il était nécessaire pour lui de dire quelque chose.

Mais chassez le naturel, il revient au galop, il haussa les épaules, une moue d'impuissance aux lèvres.

- Désolé.

Il ne voyait rien d'autre à dire. Pour être plus exact, il aurait voulu dire mille autres choses, mais rien ne sortait. Il se contenta de rester assis à côté d'elle, les genoux remontés au niveau de sa poitrine, ses bras enserrant ses jambes.

Les yeux fixés sur le mur d'en face, elle pouvait sentir le froid de la pierre dans son dos. Ce besoin d'éviter le regard du garçon un moment était comme nécessaire pour la jeune fille. Prendre juste un instant pour respirer sur tout ça et savoir comment y réagir. Oui elle avait cédé, et elle s'étonnait elle-même de l'avoir cru si facilement, mais s'il ne savait pas mentir, si vraiment tout ce qu'il osait lui dire dans les yeux n'était que des vérités, alors elle c'était complètement trompé !

Il avait beau lui ressembler, avoir le même caractère, la même ambition débordante, il n'était pas comme Quentin. Même si elle n'arriverait sans doute jamais à devenir amie avec Narcisse, l'honnêteté qu'il posait là, était sûrement la chose dont elle avait le plus besoin en ce moment.

Il avait réduit la distance entre eux, se plaçant lui aussi contre le mur du couloir, lui imposant une présence muette. Son silence ne dura qu'un temps, mais cette fois elle fut presque soulagée qu'il brise ce calme un peu trop pesant. Il n'avait pas l'air plus à l'aise qu'elle, et le mot unique qu'il prononça, ce mot qu'elle avait déjà bien trop entendu dans sa bouche, ne lui demandait même pas de réponse. C'était fini, il ne lui posait plus de question, et intérieurement elle le remerciait de ne pas insister.

Pourtant, il attendait sûrement qu'elle parle, et elle aurait dû le faire, mais à la place c'est un simple rire qui finit par rompre le silence de la jeune Poufsouffle. Elle ne comprenait absolument pas pourquoi ce rire était sorti maintenant, rien n'était comique dans cette situation, mais elle s'en fichait complètement. Ce rire qui venait se poser là, sans raison, sans moquerie, naïf et spontané, comme une réponse à bien trop de tensions. Elle en avait plus que marre de toujours tout contrôler, de réfléchir aux réactions des autres, de chercher à comprendre ce qui n'allait pas chez elle. Elle était fatiguée.

Osant enfin un regard amusé vers lui, elle resta un moment ses yeux intensément plongés dans les siens, le visage redevenant neutre petit à petit. Elle le fixait comme pour sonder son degré de sincérité, il fallait qu'elle soit sûre cette fois.

- arrête de t'excuser tout l'temps...s'teplait. Sans aucune animosité cette fois, son ton était parsemé d'une pointe de mélancolie.C'est pas toi l'problème ni... personne d'autre d'ailleurs. Son attention se reporta soudainement sur ses mains dont elle essayer de faire oublier l'existence à l'intérieur de ses manches. ... c'est juste moi qui fais n'imp' en c'moment.

@Narcisse Brando