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20 juin 2023, 20:29
Mots censure  PV 
4 mars 2048 — 13h15 environ
Petit Chalet — Parc
7ème année



Deux mois se sont écoulés. Il y a trois semaines, je me suis rendue devant un tableau du troisième étage dans l’espoir d’y découvrir un signe laissé par une personne qui, je l’ai compris, me manque plus que je ne parviens à l’accepter. Je n’ai trouvé aucun signe et depuis je me traîne dans les couloirs avec un poids plus lourd encore sur le coeur. Je pensais qu’à dix-huit ans, c’était fini les émotions qui déchirent et qui font tout voir en noir. Je pensais qu’être adulte signifiait ne plus se laisser envahir de cette façon. Il semblerait que je me sois lourdement trompée.

Deux mois durant lesquels je me suis efforcée de ne pas chercher Gabryel du regard dans la Grande salle et de faire comme si je ne le voyais pas lorsque nous nous croisions dans les couloirs. Évidemment, il n’a jamais forcé le moindre contact, il n’est jamais venu me voir, et si à mon plus grand malheur nos yeux devaient se croiser il se contentait de me sourire et de me saluer avant de repartir à sa vie.

Je me suis demandée si un tel comportement était normal. Si ce qu’il m’a dit est vrai, pourquoi n’est-il pas venu me voir ? Pourquoi ne pas vouloir passer tout son temps avec moi ? Son je t’aime voulait-il dire : je te souris de loin et cela me suffit ? N’était-ce donc pas un je t’aime signifiant qu’il ne pouvait plus se passer de moi ? Je ne comprends pas trop l’intérêt de dire des mots si lourds à une personne si c’est pour ne pas changer son comportement par la suite.

Le lendemain du bal de Yule, après avoir retrouvé ma correspondante et mon quotidien ryhtmé par sa présence envahissante, j’étais persuadée que Gabryel allait très rapidement se rappeler à moi. Il allait venir, insister, me demander de répondre à son aveu. Et s’il me demandait de… Avec horreur, je l’ai imaginé un bon millier de fois se planter devant moi et me demander avec un sourire désarmant et des yeux brillants qui m’auraient noué le ventre : veux-tu être ma petite copine ? Et cette vision m’a fait tellement peur que j’ai mis une ardeur encore plus grande à éviter le Gryffondor.

Et il y a eu cette fois-là. Un matin de janvier. Je me suis réveillée en pleine nuit, la tête pleine de Gabryel. Quand j’ai ouvert les yeux, les images de mon rêve étaient encore si vivaces que j’ai enfoui la tête sous mon oreiller, la honte recouvrant mon visage de plaques rouges dont s’est moqué pendant des jours Zikomo. Dans mon rêve, je découvrais qu’embrasser Gabryel Fleurdelys pouvait me faire ressentir des choses absolument perturbantes. Et ce rêve m’a fait tellement peur que j’ai mis une ardeur encore plus grande à éviter le Gryffondor.

Deux mois sont passés depuis son aveu et j’ai encore son bracelet avec moi. Parfois, je lui lance un sortilège pour essayer de le comprendre davantage mais j’avance à tâtons, sans trop y mettre d’effort, car je crains une nouvelle réaction magique chez Gabryel : la possibilité que cela arrive alors que nous ne sommes pas ensemble m’inquiète suffisamment pour que je contienne ma curiosité. Il a beau croire que la magie du bracelet est belle et protectrice, moi je reste méfiante et je n’ai aucune confiance en Edward Penwyn.

Un matin de février, c’est un dimanche, j’enfouis le bracelet dans ma poche et je pousse jusqu’au Petit Chalet sans avoir l’air de trop le faire. Disons que je me promène dans le parc en récitant mes leçons de Potions de troisième année que j’ai révisées au réveil. Je parcours le chemin entouré de roseaux, bercée par le clapotis des vagues contre la berge du lac. Quand j’apparais à côté de l’arbre qui accueille cette maisonnette en bois dans laquelle je n’ai pas mis les pieds depuis un moment, je me fige en tendant l’oreille mais aucun bruit ne me parvient. Dans la cabane je ne trouve personne : il n’est pas là.

Je ne réitère pas l’expérience de sitôt. Je poursuis ma vie, mes jours croulants sous les révisions, les recherches et les cours ; mes nuits peuplées de cauchemars et de souvenirs douloureux. Je me réveille très souvent en pleine nuit, en proie à des angoisses qui me font parfois pleurer. Je me lève toujours avec une grande colère que ne parvient à apaiser que le travail qui épuise.

Puis arrive un moment où l’une de mes balades me mène de nouveau “sans trop avoir l’air de le faire” au pied du Petit chalet. Je reste plantée sur le chemin un bon moment, cachée par les roseaux, parce que j’aperçois ses jambes qui pendent dans le vide, dans la cabane, et que je me bats contre mon envie de partir très loin d’ici et d’oublier, tout simplement, l’existence de ce garçon qui me fait avoir des rêves qui me font rougir. Mes doigts triturent le bracelet que je garde souvent avec moi, au cas où.

Je me décide plutôt soudainement. Je me dis : s’il est aussi sûr de lui, je le suis également ! Sa détermination percutera la mienne et il comprendra qu’il n’a pas intérêt à continuer ses conneries de je t’aime s’il ne veut pas que je détruise son bracelet. C’est drôlement réconfortant de me souvenir que j’ai le pouvoir de l’empêcher de faire des bêtises.

J’attrape la corde qui pend et qui est abîmée par les années. Je grimpe laborieusement en songeant qu’il faudra que je donne un coup de frais magique à ce chalet, bientôt. J’arrive dans la cabane en étant complètement essoufflée, les mains rouges d’avoir frotté sur la corde et en me maudissant intérieurement de ne pas avoir pris l’échelle — et de ne pas avoir lancé, tout simplement, un bon petit Ascendio.

Je ne lui laisse pas le temps de parler, de se retourner, de se lever, de me dire une phrase accompagnée d’un rire qui va me tordre les boyaux. Non, je lui lance aussiôt :

« La dernière fois que je suis venue, t’étais pas là. »

Une réplique lancée froidement que n’accompagne pas le moindre regard. Je vais m’accouder à la barrière. J’observe le joli paysage qui s’offre à moi en m’efforçant de ne pas tourner les yeux vers le garçon dont la simple vision me rappelle sa voix lorsqu’il m’a dit : Je t’aime, Bristyle, et ce n’est pas toi qui décides à ma place.

Les beaux jours sont à venir, @Gabryel Fleurdelys.
_________
Le bracelet [21 décembre] < PRÉCÉDEMMENT

28 juil. 2023, 18:22
Mots censure  PV 
13h10

Blotti sur son épaule droite, le minuscule rapace enveloppa de son aile duvetée l’oreille du jeune sorcier. Les battements de cœur du petit hibou blanc ressemblaient au tic-tac d’une horloge. L’adolescent éclata de rire.

- Tu me chatouilles…

La bestiole semblait guetter chacune de ses sorties. À peine Gabryel franchissait-il le seuil du château, elle s’élançait vers lui depuis les hauteurs de la volière. Le Gryffon n’avait aucune idée de son identité, ni même si elle appartenait à un autre élève. Il lui semblait plutôt que cet animal curieux avait trouvé refuge au sommet de la Tour d’astronomie. Il paraissait en bonne santé, même s’il n’était guère épais. Peut-être faisait-il partie de la race des Laponnes, ou des Chevêches, réputées comme étant les plus minuscules de leur espèce.

À cette heure de la journée, un discret soleil tentait péniblement de percer les nuages. Parvenant parfois à ses fins, mille étincelles illuminaient la grise mine du Lac Noir. Comme à son habitude, le Rouge et Or observait la beauté offerte à son âme, installé sur la passerelle de bois du Petit Chalet. Un vent frais soulevait de rebelles mèches de cheveux parsemées sur son front. La chouette somnolait maintenant, tandis que sur l’autre rive tournoyait, au-dessus des remparts de Poudlard, une nuée de corbeaux. Depuis sa position, l’Écossais devinait les pierres de l’édifice, dissimulées derrière une épaisse brume. Les volatiles crevaient de leur noirceur le lumineux ciel poussiéreux.

Il avait rejoint sa cabane juste après le déjeuner. Un peu plus de deux mois s’étaient écoulés depuis la mésaventure du bracelet. Il se sentait étrangement mieux depuis cette soirée, plus léger en quelque sorte. Il n’avait dorénavant plus aucun doute au sujet d’Edward Penwyn, même si le cordon de cuir tressé gardait en lui une bonne part de secrets. Aelle l’avait conservé afin d’en savoir plus à propos de sa magie. La sorcière était plus forte que lui dans l’utilisation de puissants sortilèges de révélation. Elle l’avait magistralement démontré.

Aelle… Il lui avait avoué ses sentiments. Le rouquin se gratta le bout du nez. Elle ne s’était plus manifestée depuis cette révélation. À aucun moment les deux aprentis sorciers ne s’étaient croisés ici, ou dans l’enceinte de l’école. Une fois, pourtant, Gabryel avait discrètement patienté devant l’entrée de la salle commune des Poufsouffle, dans l’espoir de l’apercevoir, en vain. Le souvenir du souffle d’Aelle, échoué au bord de ses lèvres tremblantes, n’avait plus quitté son esprit.

Il espérait de toutes ses forces n’avoir rien gâché entre eux. Peut-être eut-il été plus sage de ne pas verbaliser ses sentiments. En réalité, Gabryel ne savait pas tricher. C’était ce moment, pas un autre. Absorbé par ses pensées, le jeune Lionceau perçut à peine l’arrivée de sa camarade. Il releva la tête au son de cette voix familière.

- La dernière fois que je suis venue, t’étais pas là.

Debout face à la barrière, la colonne vertébrale aussi droite qu’un roseau, la jeune fille dominait l’espace, le vent et les couleurs. Sa présence avalait sans malice toute autre beauté. Le sublime de l’horizon s’effaçait derrière son immobilité. Elle n’avait guère nécessité de s’imposer. Elle était tout, partout. Elle était belle. L’adolescent en eut le souffle coupé. Sans lâcher des yeux sa silhouette, il s’installa à ses côtés, laissant le rapace se poser sur une branche du saule. Il perçut un tremblement au bout de ses doigts maladroits, postés à quelques centimètres des siens. Un silence gêné leur fit sa révérence. Son doux sourire aux lèvres, Gabryel détourna enfin son regard, pour fixer à son tour l’horizon.

- Toi aussi, tu m’as manqué.

Bercé par le crissement des feuilles au vent, et du bout des lèvres, presque imperceptiblement, il fredonna en français, avec un naturel déroutant, un vieille chanson du passé comme Mamina lui soufflait enfant.

Reducio
Et si tu n'existais pas
Dis-moi pourquoi j'existerais?
Pour traîner dans un monde sans toi
Sans espoir et sans regrets
Et si tu n'existais pas
J'essaierais d'inventer l'amour
Comme un peintre qui voit sous ses doigts
Naître les couleurs du jour
Et qui n'en revient pas
Et si tu n'existais pas
Dis-moi pour qui j'existerais?
Des passantes endormies dans mes bras
Que je n'aimerai jamais
Et si tu n'existais pas
Je ne serais qu'un point de plus
Dans ce monde qui vient et qui va
Je me sentirais perdu
J'aurais besoin de toi
Et si tu n'existais pas
Dis-moi comment j'existerais?
Je pourrais faire semblant d'être moi
Mais je ne serais pas vrai
Et si tu n'existais pas
Je crois que je l'aurais trouvé
Le secret de la vie, le pourquoi
Simplement pour te créer
Et pour te regarder


Reducio
Enfin nous revoila toi et moi, chère Aelle. Merci pour ta patience…

Gabryel Fleurdelys (avec deux « Y »)
6ème année RP Gryffondor
Auteur de « La touille, c'est la vie »

06 août 2023, 17:50
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Je pourrais dresser des barrières physiques entre lui et moi que cela ne changerait rien. Des mètres de pierre, des barrières de fer ou de magie, des abysses au néant effrayant, des kilomètres de désert aride... Rien de tout cela ne l'empêcherait de dire ce qu'il a envie de dire au moment où il a envie de le dire. Aussi, quand il m'avoue sans la moindre once de honte que je lui ai manqué, je crispe les mâchoires et garde les yeux braqués sur le paysage brumeux qui peint sur l'horizon des langues de brouillard grisâtres. Le fait est que je doute des paroles de Gabryel et en même temps que j'en doute, je me souviens qu'il ne m'a jamais guère menti, ce garçon — je doute même qu'il en soit capable. Mais c'est plus fort que moi : quand il énonce quelque chose d'aussi gros que cela, je cherche la moindre faille qui pourrait me prouver qu'il raconte des bêtises plus grosses que son coeur de gentil garçon. Et la faille est : si je lui avais manqué, il serait venu me voir. Il ne l'a pas fait donc je ne lui ai pas manqué. C'est d'une logique imparable.

Mes mâchoires sont toujours irrémédiablement bloquées quand il commence à fredonner une musique. L'urgence m'envahit tout à coup, je ne fais ni attention à ses paroles que je ne comprends de toute manière pas, ni à la mélodie qui ne m'est pas davantage familière : je dois lui dire avant qu'il ne poursuive. Je tourne le regard à l'opposé de lui :

« Commence pas avec tes grandes phrases, » lui balancé-je dans un souffle.

Puis je m'efforce de me concentrer sur une mélodie qui s'arrêtera peut-être bientôt. Je n'ai cependant aucune intention de laisser Gabryel retrouver l'usage de la parole — une parole qui pourrait proférer non pas des paroles d'une musique française, mais plutôt des phrases anglaises qui me le rendra encore plus méfiant qu'il ne l'est déjà. Des choses comme : je t'aime, Bristyle.

Je prends appui sur la barrière pour m'en éloigner. Sans un regard pour le garçon, je traverse la plateforme jusqu'au garde-corps perpendiculaire à celui de Gabryel. Je m'y adosse, les deux mains accrochées au bois, les jambes croisées devant moi, les yeux oscillant entre la silhouette du garçon qui se détache sur ce paysage endormi et le ciel incertain. Quand sa tête n'est pas tournée vers moi, c'est lui que je regarde. Les mèches de ses cheveux, maltraitées par le vent, dansent autour de sa tête. Encore une fois, je m'étonne des changements qu'il a subit. J'ai du mal à oublier le jeune garçon qu'il a été, celui qui se couvrait de boue et qui parlait aux grenouilles.

Des phrases que je ne comprends pas résonnent encore dans ma tête. Ce n'est pas la première fois que Gabryel parle français devant moi, cependant je n'ai jamais su comment et pourquoi il avait appris cette langue — il n'est pas familier avec quelques mots seulement, il est plutôt bilingue. J'ose un regard vers lui, mais il est bref et aussi sauvage qu'un papillon.

« Comment ça se fait que tu parles le français, Gabryel ? »

Ma question me parait maladroite et absolument inappropriée. Comme s'il était évident qu'elle n'existait que pour combler un silence que j'avais peur de voir s'installer. Je remue un peu sur ma barrière, gênée par les souvenirs des derniers mots que m'a offert le garçon au sommet d'une tour d'astronomie.

Je suis heureuse de te retrouver ; le monde est beau sous ta plume.

07 août 2023, 15:07
Mots censure  PV 
- Commence pas avec tes grandes phrases…

Le garçon sortit de sa rêverie. Sa discrète mélodie s’éteignit au bord de ses lèvres. Sans donner le temps de répondre, Aelle s’éloigna, sa façon de marquer son mécontentement. Elle lui en voulait certainement pour ces deux mois de silence. L’Ecossais interpréta cela avec une certaine émotion. Ainsi, la Poufsouffle lui en tenait rigueur, ce qui signifiait aussi qu’il lui avait manqué. Elle tenait donc à lui. C’était sa façon de lui suggérer.

Rien n’aurait prédisposé ces deux apprentis sorciers à se rencontrer. Leurs caractères différaient autant qu’un jus de citrouille et une bièraubeurre. Ils se situaient aux antipodes dans leur rapport intime à la magie. Pourtant, un chemin commun s’était dessiné. Une forme de pudeur les unissait, balayant toute contradiction, comme la nuit cherche inlassablement la lumière. Plus marquait-elle parfois son indifférence, aussi puissamment les sentiments envahissaient l’esprit du garçon. Une alchimie contre nature les liait dorénavant, que ni l’un, ni l’autre, ne serait parvenu à exprimer par des mots superflus. Il aimait sans faille. Elle se méfiait, espérait, doutait.

- Comment ça se fait que tu parles le français, Gabryel ?

À l’autre bout de la passerelle, le Gryffon tourna la tête vers son amie. Jamais encore celle-ci ne l’avait interrogé sur ses origines. Il se redressa.

- Mamina, ma grand-mère maternelle, est Française. Elle vit à Paris.

L’adolescent ramassa une feuille, qu’il fit tournoyer de sa baguette, au-dessus de sa tête.

- Avant Poudlard, j’ai ppppassé toutes mes vacances chez elle. Elle ne parle pas anglais. (silence) Ma mère, Flora, a été envoyée chez une tante en Écosse après le décès de mmmmon grand père. C’est ici qu’elle a rrrrrencontré mon… père. (silence) Enfin, les deux d’ailleurs.

Il se gratta le bout du nez.

- Mamina est moldue. C’est une cartomancienne ccccélèbre. Les gens se déplacent de loin pour la consulter. Elle lit même les runes. On s’écrit souvent. Je lui ai déjà parlé de toi. (silence)

Gabryel laissa la feuille morte s’échouer au sol.

- Mais elle est un peu malade depuis quelques temps…

Le visage du Rouge et Or s’assombrit furtivement, suivi rapidement d’un large sourire.

- Et ttttoi, tu as aussi une « Mamina » ?

Gabryel Fleurdelys (avec deux « Y »)
6ème année RP Gryffondor
Auteur de « La touille, c'est la vie »

16 août 2023, 12:29
Mots censure  PV 
Je suis du regard la feuille qui virevolte au-dessus de la tête du garçon. J'ai toujours aimé quand les sorciers utilisent leur magie inconsciemment, pour s'occuper, juste parce qu'ils sont capables de le faire. J'aime observer ces petites expressions magiques ; elles sont différentes pour chacun de nous. Si Gabryel choisit de faire tournoyer une feuille, c'est parce qu'il est comme elle : il se laisse porter dans le vent, peu conscient de la pureté qu'il dégage. Lié à la nature jusque dans sa magie. On ne pourrait imaginer plus différent de moi. De la feuille, mes yeux passent à son visage. Ses mimiques défroissent légèrement mes sourcils. Sa façon de se gratter le nez, de parler lentement, de sourire parfois. Ses bégaiements font autant partie de lui que tout le reste. J'observe ses lèvres hésiter en me demandant ce que cela ferait de l'entendre parler un français bafouillant comme cela.

J'ai beaucoup de mal à imaginer Gabryel Fleurdelys à Paris. Cette ville est un grand monstre moldu, pour moi. De grands et beaux bâtiments, des balcons fleuris, la politesse à la française, le charme de leur culture, ces grandes allées bordées d'arbres, le tout saupoudré d'une dose de Tour Eiffel et de Champs-Élysées. Paris est une ville trop ancrée dans l'histoire pour que j'imagine un petit garçon comme Gabryel la parcourir. Les arbres bordant les boulevards ne lui suffiraient jamais. Il a besoin de grands espaces, non ? Enfin... Après tout, qu'est-ce que j'en sais ?

Je froisse légèrement le nez lorsqu'il évoque ses pères. Comme s'il pouvait en avoir deux. Leur évocation trouble le charme qui s'était opéré. Je lève les yeux vers les branches au-dessus de nous tandis que la feuille qu'il contrôlait habillement retombe sur le sol. Puis il m'évoque, il dit « je lui ai déjà parlé de toi », et mon coeur rate un si grand battement que j'ai l'impression de me ramasser la tête la première dans le vide qu'il a laissé en moi. Mon regard retrouve aussitôt le chemin vers le jeune sorcier. De moi ? Quoi, vraiment ? Mais comment, pourquoi ? N'a-t-il pas d'autres personnes desquelles parler ?

J'en suis encore à me questionner et à le regarder d'un air circonspect lorsqu'il me questionne à son tour. Je plisse légèrement les yeux, hésitant à ignorer purement et simplement sa question pour lui poser celle que j'ai en tête. Finalement, les mains toujours accrochées à la rambarde, je baisse les yeux. Du bout de la chaussure, je joue avec un morceau de branche morte abandonné là. Un minuscule sourire ironique m'étire les lèvres. Une Mamina... Ce simple nom montre toute la différence entre lui et moi. Entre sa grand-mère et la mienne. Je me souviens de la tête que Grand-mère Elizabeth a fait le jour où Zakary, par pur esprit de provocation, l'a appelé Granny. Merlin, que ses sourcils se sont froncés ! Que son visage s'est assombrit ! « C'est Grand-mère Elizabeth, mon garçon, contente-toi de ça ». C'en est suivit une conversation absurde entre les deux, le premier insistant avec son surnom en soutenant que c'était beaucoup moins coincé et vieux jeux, la seconde restant sur sa position et s'énervant aussi rapidement que peut s'énerver une Bristyle. Alors non, Fleurdelys, je n'ai pas de Mamina.

« J'ai une grand-mère, si c'est ta question, rétorqué-je sur un ton amusé. Elle s'appelle Elizabeth et on l'appelle Grand-mère Elizabeth. Elle est pas très... »

Comment expliquer que je n'ai rien à dire sur cette femme ? J'ai quelques bons souvenirs d'elle durant mon enfance, mais comme j'ai de bons souvenirs avec la plupart des membres de ma famille. Durant toute mon enfance, je ne l'ai vu que rarement. Maman n'entretient pas de bon rapport avec sa famille. Nous nous voyions pour les fêtes, certains anniversaires. Mes grands-parents sont pour moi de vagues connaissances. Je sais que j'en ai parce que c'est la nature qui le veut, mais après ? Après, ce sont seulement les parents de ma mère, pour moi. Deux vieillards un peu trop coincés dans leur époque. Et, il est vrai, j'ai encore en travers de la gorge leur réaction suite au scandale Chu-Jung. Il faut dire que pour des personnes de la bonne société, c'était fort peu acceptable d'avoir une petite fille s'étant fait virer de Poudlard, n'est-ce pas ? Suite à ça, la famille a passé des années sans les voir. Alors je ne sais pas trop qu'en dire à Gabryel.

« C'est juste la mère de ma mère, continué-je sur un ton neutre en levant les yeux vers lui. Je la connais pas trop et j'ai pas tellement envie de la connaître. C'est pas une femme très intéressante. »

Clairement, je doute avoir la mine aussi sombre que celle de Gabryel si je devais évoquer une hypothétique maladie de ma grand-mère un jour.

« Pourquoi t'as parlé de moi à ta grand-mère ? demandé-je tout de go en tournant les yeux vers l'horizon, comme si la question était tout à fait normal. T'as avec elle ce genre de relation où tu lui dis tout ? »

La dernière question posée avec un sourcil dressé bien haut sur mon front, comme si j'étais persuadée qu'il était effectivement du genre à avoir ce genre de relation avec des membres de sa famille. Une mimique destinée à cacher, autant à lui qu'à moi, que l'intérêt de cette intervention est seulement de savoir ce qu'il a bien pu dire sur moi — au final, je me fiche un peu de savoir quelle relation il a avec sa grand-mère.
Dernière modification par Aelle Bristyle le 16 août 2023, 23:28, modifié 1 fois.

16 août 2023, 17:51
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Gabryel n’avait jamais interrogé sa camarade au sujet de sa vie, ou sur son environnement familial. La réciproque était d’ailleurs partagée. Cet échange entre les deux jeunes sorciers ouvrait-il une dimension nouvelle dans leur étrange relation ? Les réponses d’Aelle se voulaient honnêtes, sans esprit d’édulcorer les faits. Le Rouge et Or comprit que l’une des branches généalogiques de l’Irlandaise évoluait dans un environnement plutôt classique, à en juger la manière dont elle nommait sa grand-mère maternelle. Il s’imagina appeler Mamina « Grand-mère Lucie ». Cette dernière s’étoufferait de rire, et exigerait une révérence en plus.

Il aurait aimé profiter de ce moment simple pour poser mille questions à son amie, à propos de ses frères et sœurs, du secret magique au sein de sa famille, ou simplement de leur rapport aux moldus. Mais il n’en eut guère le temps, la Poufsouffle le prit de cours. Une phrase glissée par le garçon quelques instants auparavant avait semblé retenir toute son attention.

- Pourquoi tu as parlé de moi à ta grand-mère ? T’as avec elle ce genre de relation, où tu lui dis tout ?

La question décontenança Gabryel un court instant. Il ne lui était pas venu à l’esprit d’analyser le type de rapport que Mamina et lui entretenaient. C’était sa Mamina, tout simplement. Il l’aimait profondément, d’une affection débordante. Lorsqu’il ne se sentait pas heureux, ou empreint de mélancolie, elle trouvait toujours les mots pour le remotiver, ou à le réconforter d’un simple regard bienveillant.

- On s’envoie souvent des hiboux. Elle m’a toujours dit qu’à Poudlard, je rencontrerai pppplein de sorciers comme moi.

Le Gryffon marqua un temps de silence, en observant une coccinelle bien décidée à arpenter les plis de son pantalon.

- En vrai, lui raconter « tout », je ne sais pas trop. Les deux premières années, oui. Je vivais tellement de trucs inconnus pour moi. Je connaissais davantage le quotidien des moldus que le Monde magique. Tellement de choses m’apparaissaient dddddingue…

La bestiole étendit ses minuscules ailes, se souleva dans un courant d’air, et se posa sur la joue du garçon, concentré par ses explications.

- Et puis il y a eu… Toi. (silence) T’es spéciale, tu le sais. Toi, tu as tout envoyé valdinguer dans ma tête. Plus que tout le reste.

Un sourire s’installa sur les lèvres de Gabryel. Pour la petite coccinelle, motivée à grimper au sommet de son crâne, ces petites fossettes représentaient deux immenses fossés à traverser avant d’atteindre cette montagne-nez.

- Si tu veux savoir, Mamina me dit de prendre les choses comme elles viennent, sans me poser ttttrop de questions, tant que je suis bbbbien quand tu es là.

Dans un dernier effort, l’insecte atteignit le front du garçon. Victorieuse, elle se faufila à l’abri, tapie dans les mèches rebelles de l’adolescent.

- C’est ce que j’ai toujours fait, de toute façon.
Dernière modification par Gabryel Fleurdelys le 01 sept. 2023, 17:50, modifié 1 fois.

Gabryel Fleurdelys (avec deux « Y »)
6ème année RP Gryffondor
Auteur de « La touille, c'est la vie »

17 août 2023, 00:11
Mots censure  PV 
Moi j'aime beaucoup lorsque ce jeune homme dit qu'Aelle envoie tout valdinguer dans sa tête, tu sais, ça me fait avoir des sourires d'une tendresse très peu acceptable.

Je savais que j'aurais dû me taire, je le savais. Je suis parfaitement, profondément et désespéramment idiote. C'est très difficile pour quelqu'un comme moi, une personne intelligente et futée, donc, de prendre conscience d'une telle chose. Si j'ai eu un moment de répit et d'espoir lorsque Gabryel a commencé à parler de sa relation avec sa grand-mère, il a tout foutu en l'air au détour d'une phrase, d'une façon très vile si on me demande mon opinion. On a pas idée de sortir un « toi » prononcé sur ce ton-là. Et je suis spéciale ! Ah, ça ! J'envoie tout valdinguer, plus que le reste. Ma réaction à ces paroles est instantanée : bouche qui s'assèche, gorge qui se noue, coeur qui fout le camp, lèvres qui se pincent et poings qui se serrent. Idiote ! Idiote ! m'insulté-je intérieurement. Commence pas avec tes grandes phrases, l'ai-je prévenu. Et voilà qu'il m'en sort de nouvelles, de phrases, et des grandes, encore plus grandes que les autres ! Non mais quelle idiote, me martelé-je encore et encore, comment lui reprocher de me dire de telles choses puisque c'est moi qui l'ai cette fois-ci encouragé à le faire ?

Je n'aime pas quand il me dit de telles choses. Je me méfie de ces jolies paroles. Je me méfie toujours des belles paroles. Elles sont parfois si belles que l'on voudrait se laisser attendrir par elles et y croire. On finit toujours par oublier que se cachent toujours derrière ces beautés des vérités qui vous laminent un coeur. Je préfère quand tu parles d'insectes ou de nature, Gabryel, vraiment. Ou du moins, j'aimerais que ce soit le cas. J'aimerais ne pas être curieuse de ce que tu peux dire sur moi. J'aimerais ne pas être curieuse de ce que tu penses de moi. J'aimerais aussi ne pas espérer que tu puisses dire la vérité. Tu sais, j'ai déjà eu l'impression d'être spéciale pour des gens. C'est un ramassis de conneries, ces choses-là. Être spéciale, ça n'existe pas.

C'est tout un art de rester de marbre comme je le fais tandis qu'il parle et évoque l'avis d'une vieille femme sur la relation (et quelle relation, ce n'est qu'une amitié, et encore !) qu'il entretient avec moi. C'est avec un soulagement indécent que je m'éloigne de la barrière et que je tourne le dos à Gabryel pour m'y accouder d'une façon que j'espère nonchalante mais qui est tout son contraire, si l'on observe bien la crispation de mes épaules et mes doigts serrés à m'en faire éclater les phalanges.

Face à face avec le parc baigné d'une lumière timide, je prends le temps de fermer brièvement les yeux en m'insultant une nouvelle fois d'idiote. J'écoute mon coeur qui bat rapidement. Tout est beaucoup plus simple maintenant que je tourne le dos au garçon. Enfin, tout, vraiment ? Le silence qui hurle dans mes oreilles n'a rien de simple. Je cherche en vain une façon de rebondir sur la conversation et de l'éloigner des abords dangereux desquels elle s'est approchée par ma faute. En cherchant, je ressasse les t'es spéciale et les tu as tout envoyé valdinguer en m'efforçant bravement de trouver des failles à ces drôles d'aveux.

Je foudroie le ciel du regard, mais les filaments grisâtres des nuages n'ont rien à me dire. Je me sens un peu seule ainsi face au monde, dos à Gabryel, mais je ne bouge pas d'un millimètre, incapable de sentir autre chose que ma gorge nouée et une colère un peu incompréhensible pour le garçon qui est, je le sais, bien innocent.

Allez, dis quelque chose. Le silence s'étire.

Je me redresse, les mains sur la rambarde, puis je les fais glisser de chaque côté de moi. Je me tords la nuque pour observer les feuilles de l'arbre qui dansent doucement dans le vent.

« Et à Paris, demandé-je soudainement, comme s'il n'y avait pas eu entre-temps des compliments et des aveux à en faire trembler mes fondations, comment tu faisais pour construire des cabanes ou des moulins ? Tu allais sur le Champ de Mars ? »

Ma curiosité teintée d'une bonne dose d'ironie mal-placée en prend un coup et parait bien moins moqueuse lorsque j'essaie de prononcer dans mon français très peu distinct le nom de ce parc, sûrement l'un des seuls de la capitale française dont je connais le nom. Champ de Mars. Champ de Mars. On dirait de la bouillie dans ma bouche.

Et j'aime également voir Aelle désarçonnée comme cela. Eh, ma chère, ne pose pas des questions indiscrètes si tu n'es pas capable de retenir tes émotions en entendant la réponse. Par contre je plains Gabryel qui va devoir se coltiner une Aelle incapable d'accepter la moindre marque de tendresse sans faire comme si rien ne s'était passé.

25 août 2023, 14:48
Mots censure  PV 
Les questions de sa camarade ravivèrent chez le Gryffon nombreux souvenirs enfouis au fin fond de sa mémoire : L’appartement sous les toits de Mamina, rue de Richelelieu. La fenêtre du petit salon offrait une vue panoramique du somptueux édifice de la Comédie Française, fondé par l’artiste Molière au début du dix-septième siècle. Mamina habitait un bel immeuble Haussmannien, au dernier étage, réservé à l’époque aux domestiques. Lorsque l’Ecossais y passait ses étés, sa grand-mère et lui se baladaient des heures durant au Jardin du Palais Royal, situé à deux pas. Marronniers rouges, Tilleuls et arbres en fleurs rendaient ces moments magiques, presque surréalistes. On y croisait nombreux artistes de rue, peintres amateurs et autres rêveurs. Mamina connaissait tout le monde, et réciproquement. Il n’était pas rare de s’installer à la terrasse d’une brasserie pour profiter d’un chocolat chaud, ou d’une limonade fraiche selon la saison. Parfois, ils n’échangeaient aucun mot. Il leur suffisait d’être ensemble.

Une expression apaisée, presque lointaine s’installa sur le visage de Gabryel. Après un moment de silence, il se dirigea vers Aelle, pour s’installer à ses côtés contre le garde-fou du Petit Chalet.

- En vrai, le « Champs de Mars* », c’est une pppelouse géante au pied de la « Tour Eiffel* ». Il y a un jjjjoli point de vue, mais sans arbre, ni autre type de verdure. Je ppppréfère les forêts, comme le « Bois de Vincennes* ».

Le reflet du Temple aux Amoureux, sur le Lac Daumesnil, s’offrit à sa mémoire. On pouvait y observer des cygnes ou des canards.

- Mais il n’est pas trop autorisé de cccconstruire des cabanes. Les forêts parisiennes appartiennent à la commune, les règles de protection son assez rudes. Une fois, je suis mmmmonté dans un chêne, au « Bois de Boulogne* ». Un policier a grondé Mamina.

Le Rouge et Or éclata de rire.

- Mamina lui a dit : « Mais il n’a pas fait pipi dessus ! ».

A nouveau, le rire de Gabryel remplit toute la cabane. Après avoir repris sa respiration, le Rouge et Or se tourna vers la Poufsouffle, plongeant son regard au fond du sien.

- Je saurai où t’emmener, « Mademoiselle* », si nous allions ensemble à Paris.


*Prononcé en français
Dernière modification par Gabryel Fleurdelys le 26 août 2023, 14:01, modifié 1 fois.

Gabryel Fleurdelys (avec deux « Y »)
6ème année RP Gryffondor
Auteur de « La touille, c'est la vie »

26 août 2023, 13:30
Mots censure  PV 
Ma tête se tourne légèrement vers lui quand il vient s'accouder tout près de moi sur la barrière du petit chalet. Je ne peux m'empêcher de remarquer l'espace insignifiant entre nous et de condamner le geste du garçon. N'était-il pas évident que je me suis éloignée de lui à dessein ? Mais il suffit que j'ouvre de nouveau la bouche pour qu'il me rejoigne. Pendant un instant, je me demande ce qui arriverait si je partais me positionner à l'endroit qu'il vient de quitter. J'ai même envie d'essayer, juste pour voir s'il me suivra. Que ressentirais-je si c'était vraiment le cas, si je comprenais que ses commentaires doivent s'accompagner d'une proximité avec moi ? Et s'il ne venait pas, serais-je soulagée ou me sentirais-je au contraire frustrée qu'il se contente si facilement de cet éloignement ? Je resserre les doigts sur la barrière et ramène doucement, dans un geste qui se veut discret mais qui ne l'est sans doute pas, ma main pour la rapprocher un peu plus de moi — et l'éloigner de lui. J'abandonne l'idée de mener cette expérience bizarre. Les émotions qui accompagneront le résultat, quel qu'il soit, sont trop floues pour que je prenne le risque de jouer à ce jeu-là.

Je baisse les yeux vers le sol, bien au-dessous de nous, en écoutant le garçon parler d'une ville dont je ne connais quasiment rien. D'elle, je ne me souviens que de vagues images aperçues dans des ouvrages de géographie. De grandes rues à l'architecture étonnante, la Tour Eiffel, d'autres monuments dont je ne me souviens plus du nom. Je pince légèrement les lèvres, n'appréciant que peu l'idée d'avoir cru tout ce temps que le Champ de Mars était un parc à part entière alors que ça ne semble pas être le cas.

C'est vraiment étrange que Gabryel apprécie être là avec moi, lui qui distille des anecdotes sur sa vie avec un naturel étonnant alors qu'il sait pertinemment bien que ce n'est pas les anecdotes qui me passionnent. Il continue pourtant, et je dis continuer car il le faisait régulièrement quand nous nous voyions souvent à l'époque, de me dévoiler des parties de sa vie comme si cela lui venait naturellement de me parler de lui, de son enfance, de sa famille, de sa vie. C'est étrange, non ? Lui ai-je seulement déjà répondu avec joie et moult questions pour l'encourager à en dire davantage ? Jamais. Jamais, mais il continue. Et au final, aujourd'hui, ces anecdotes ne me dérangent pas, même si jamais elles ne m'apporteront la même joie que les sujets qui me passionnent réellement et qui comprennent toujours une dose de magie.

Et puis tout à coup, il rit. Avant même que je décide que son anecdote n'était pas suffisamment amusante pour m'arracher un sourire, il rit. Je détache mon regard du sol pour le tourner vers lui. Je tombe sur son profil familier, ses lèvres étirés en un sourire, ses dents blanches qu'il montre sans vergogne. J'attends la sensation familière, celle qui vient toujours quand il rit. Et voilà qu'elle arrive : la chaleur dans le ventre, le coeur qui se tord. Entendre Gabryel rire est étrange. Je me fiche de lui apporter des sourires ou de la joie, je me fiche de lui inspirer des rires et du bonheur, je me fiche de ces choses et me contente la plupart du temps d'être moi-même sans chercher à créer chez l'autre, chez lui, une réaction particulière. Pourtant son rire, depuis la toute première fois, me fait ressentir ces choses que je ne comprends pas. Je trouve parfaitement indécent qu'il puisse rire avec si peu de retenu, et parfaitement injuste de vouloir le regarder tandis qu'il rit, le regarder sans qu'il me voit le voir, pour pouvoir observer ses yeux se plisser et sa bouche s'ouvrir sur le monde sans risquer qu'il aperçoive dans mon regard des choses dont moi-même je ne connais rien.

Évidemment puisque je le regardais déjà, je ne peux que me retrouver acculée par ses yeux quand il les tourne tout à coup vers moi. Ses billes bleus percutent les miennes avec une telle force qu'il m'est impossible de détourner le regard.

Je maudis mon coeur d'avoir sursauté comme un pauvre coeur affaibli par des foutus hormones adolescentes. C'est quoi ce ton ? C'est quoi ce regard ? Rien, me convaincs-je. Et je m'en convaincs si bien que je parviens à lever un sourcil inquisiteur sur mon front et à dire, sans le lâcher du regard :

« Fais attention à ce que tu vas dire, Gabryel. »

Sans savoir ce que cette menace à peine sérieuse signifie réellement. Et décidant soudainement que je n'ai pas envie de le savoir ; c'est toujours si facile d'ignorer mes envies honteuses, surtout celle-ci qui me murmure : laisse-le dire, juste pour voir ce qui arrivera ; facile d'enterrer le frisson qui m'est passé sur la nuque. Je me détache de son regard, observe le ciel, poursuis sur un ton badin :

« Tu m'amènerais dans ton Bois de Boulogne, tu me montrerais comment grimper aux arbres ? On prendrait les mêmes chemins que toi et ta mamina preniez avant ? »

Le ton devient légèrement moqueur à la fin, comme si je me demandais, et c'est le cas, s'il pensait réellement que j'étais du genre à faire un pèlerinage des souvenirs de Gabryel avec lui. Tout aussi Gabryel soit-il, il ne peut ignorer que je ne suis pas ce type de personne. N'est-ce pas ? Gabryel, tu ne l'ignores pas, n'est-ce pas ? Toi qui m'as si facilement dit que tu m'aimais, tu ne saurais ignorer une telle information à mon propos ? Ou vais-je te blesser, le jour où tu me demanderas de t'accompagner dans la capitale française, quand je te dirais : je n'ai pas le temps, ce qui voudra dire que je n'en vois pas l'intérêt ?

Ça me fait rire les émotions par lesquelles elle passe. J'ai vraiment cru qu'elle allait s'arrêter à la première phrase, ce qui aurait été clairement une mise au défi, mais Aelle est Aelle. Du coup, ce texte se termine d'une façon plus dure que je pensais. Mais puisque je sais que Gabryel connait bien plus Aelle qu'elle pense qu'il la connait, je n'ai pas peur.

10 sept. 2023, 17:15
Mots censure  PV 
Le Gryffon ne parvenait plus à détacher son regard de ce visage si parfait. Elle était son repère, sa boussole, le miroir de ses émotions. Ses expressions illustraient bien plus que les mots chahutés à la commissure de ses lèvres de bègue. Il percevait toute sa jeune vie de sorcier dans les traits d’Aelle. Gabryel aimait observer ses douces lèvres, entrouvertes par l’étonnement lorsqu'il délivrait sa puissante magie sans réellement la maîtriser. Elles dessinaient parfois un léger pincement de désapprobation quand le jeune homme se comportait encore comme un enfant. Tous ces instants durant lesquels elle s’efforçait de masquer ses faiblesses, un minuscule sillon naissait sur son front.

Le cœur du Rouge et Or chavira soudain dans sa poitrine. Elle quittait Poudlard dans quelques mois. Son effroi s’associa à l’image d’Aelle, allongée sous un amas de corps au Bal des Sorcières, les yeux clos, la respiration saccadée. S’il l’avait perdue ce soir-là, la mort aurait emporté avec elle l’âme de l’Écossais. Comment parviendrait-il à vivre sans elle, à faire un pas devant l’autre, jour après jour ? Il n’aurait plus le loisir de la contempler silencieusement. Aelle n’était plus tout à fait la gamine boudeuse de leur rencontre. Sa beauté s’était exacerbée. À cet instant, il voulut serrer cette femme entre ses bras puissants, poser délicatement sa bouche le long de sa nuque, comme une feuille s’échoue au sol portée par le vent. Les mains sur ses hanches, il l’embrasserait avec tendresse. Elle comprendrait alors. Elle saurait combien il l’aimait, à quel point il donnerait sa vie pour elle.

Pour l’heure, il ne fit pas un geste, trop anxieux à l’idée de la brusquer. Le gris pâle de ses pupilles laissa place au bleu habituel.

- Le Jardin aux Papillons… (en anglais)

Gabryel leva les yeux au ciel.

- Tu te souviens, les couleurs de la magie ? Là-bas, il n’est besoin d’aucun sort pour les voir. Elles virevoltent en liberté tout autour de nous, flamboyantes, lumineuses. C’est à couper le souffle, tellement c’est beau. On se croirait sous une pluie d’arc-en-ciel pulvérisé en mille morceaux.

Gabryel Fleurdelys (avec deux « Y »)
6ème année RP Gryffondor
Auteur de « La touille, c'est la vie »