Inscription
Connexion

12 août 2023, 20:49
Le petit Maestro et les Six Sœurcières  SOLO 
Image
Automne 2020, dans l'après-midi






















𝄞 ♪♭𝅗𝅥
Si les sorciers devaient nécessairement faire preuve de discrétion, on ne pouvait pas dire que les résidents de la maison sur Trafalgar Square essayaient de se plier à la règle. Les Tripplehorn n'avaient jamais été les voisins les plus appréciés dans leur quartier londonien. Bien heureusement, tout le bruit qui provenait de cette petite maison de ville pouvait trouver justification aux yeux des moldus par le fait qu'il s'agissait d'une grande famille : elle était composée d'un sorcier, d'une sorcière, de leurs six enfants et d'une tripotée de chats, sans compter les oncles et tantes excentriques - un tout autre type d'animal.

A longueur de journée, on entendait des pétarades de marmites, le son de jonquilles klaxonnantes, des cris ressemblant à des malédictions, des crépages de chignons en tout genre... Il fallait dire que tous les enfants de cette famille ne pouvaient pas avoir leur propre chambre, menant alors à des cohabitations peu appréciées associées à de sempiternelles disputes dans la sororité de sorcières - seul le fils avait sa propre chambre de par sa qualité d'unique garçon. Bien qu'elle eût été la plus petite - étant un ancien bureau avant d'être transformée - il pouvait ainsi s'isoler dès qu'il sentait le tapage dépasser un certain seuil. De tous les Tripplehorn, le petit Placido était le plus silencieux. Beaucoup de fois, on s'était inquiété sur son état de santé : Est-ce qu'il a perdu sa voix ? Est-ce qu'il parle anglais ? Est-ce qu'il respire ? Ses parents avaient bien essayé de le secouer un peu pour le rendre plus expansif mais le petit garçon se repliait sur lui-même d'autant plus à chaque tentative. Les Tripplehorn avaient fini par abandonner et accepter le tempérament du précieux petit sorcier. Il fallait dire que Placido était le préféré de ses parents : il ne leur posait jamais de problèmes contrairement à leurs filles.

Pourtant, un jour plus bruyant que les autres - sûrement initié par un vol de chaussettes - le petit garçon avait plié bagages et était parti seul sous l'indifférence générale. Bien qu'il n'était pas allé très loin, sa présence dans les rues pluvieuses des environs avaient eu de quoi interloquer quelques passants, dont un Bobby en patrouille dans la cité.

« Tu es perdu ? » l'interrogea-t-il, le visage perplexe.

Placido fit "non" de la tête et pointa du doigt sa maison.

« J'habite là. »

L'agent s'agenouilla devant lui en observant le sac qu'il portait sur son dos.

« Pourquoi tu es tout seul, dehors ?
– C'est parce que... »

Ses mains s'entortillaient. Il ne pouvait pas mentir à un officier, même moldu, alors qu'il n'avait rien fait de mal.

« Mes oreilles sont fatiguées... Alors je cherche un peu de silence. »

Ni une ni deux, le policier ne tarda pas à le questionner plus amplement, visiblement très étonné, avant de le persuader de l'accompagner jusqu'à sa maison. Si l'enfant n'était pas ravi, les parents le seraient encore moins. La clochette de la porte d'entrée sonna et les chaussettes cessèrent de valser. Apparemment le silence était revenu d'un seul coup chez les Tripplehorn. Peut-être que les sorciers craignaient qu'il s'agisse d'un voisin mécontent - un énième ?

Tripplehorn passa sa tête dans l'entrebâillement et vit d'abord le policier, puis son fils qui tenait la main du policier.

« Ah.
– Ah ?
rabroua le policier préparant un calepin. Vous êtes bien Monsieur Tripplehorn ? »

Dans le jeu de lumière des lampadaires, un petit garçon dissimulé dans une grande cape de pluie se faisait encore plus petit derrière l'officier.

« Mais quand est-ce que tu es sorti ? Personne n'a entendu... »

Les occurrences s'enchaînant, il vint un temps où Placido Tripplehorn dut se trouver un endroit où personne ne viendrait le ramener immédiatement dans sa maison infernale. Il commença par vouloir se rendre à la bibliothèque mais le chemin était tout aussi contraignant et bruyant, l'obligeant notamment à prendre le Magicobus tout seul. Il aurait fini par attraper une aussi grande migraine que s'il était resté dans sa chambre. Rentrer dans les boutiques peu fréquentées l'obligeait à faire la discussion avec les vendeurs. S'asseyant au hasard de son chemin sur des marches en pierre, il observa les jambes de touristes le dépasser, le regard dans le vide. Un parfum envoûtant lui caressa les narines.

« C'est sûr, ce n'est pas la plus grande église de Londres... Mais je la trouve impressionnante, très sobre et calme », expliquait une demoiselle.

Le petit garçon tourna la tête et se rendit compte qu'il était exactement assis sur les marches de cette église. Il passait régulièrement devant elle sans jamais y être entré. Ni une ni deux, le petit Placido se releva et suivit le couple, ne ralentissant seulement qu'en passant les portes. Il se sentait transporté dans une autre époque. Ce bâtiment avait l'air neuf et âgé en même temps, comme ceux du Chemin de Traverse qui se trouvaient tout près d'ici. Les colonnes immaculées, le vieil orgue à l'étage... L'église anglicane de St Martin-in-the-Fields n'avait pas de vitraux ni de fresques anciennes, elle se présentait aussi sobre que la description de la demoiselle. Avançant à tâtons, il finit par imiter le couple en réalisant un tour complet, ignorant s'ils avaient réellement le droit de se trouver dans une telle merveille d'architecture. Il passa rapidement ses mains dans ses cheveux pour les lisser comme sa cape de pluie : l'élégance appelait à l'élégance. Les yeux du jeune monsieur qui accompagnait la jeune dame se posèrent sur lui, alors que son amie s'évertuait à allumer un cierge. Placido surprit ce regard bienveillant et se sentit complètement transporté dans un autre monde : un monde où l'on ne communiquait plus avec des cris de sauvages mais avec des silences gratifiants. Quelques personnes à l'allure indigente se reposaient vers l'entrée, Placido avait d'abord cru qu'elles se recueillaient. Si un tel endroit existait réellement, alors il serait aussi son endroit. S'asseyant sur l'un des bancs en bois, le garçon ouvrit son sac et sortit un petit grimoire au titre d'actualité : Soyez gentil avec votre esprit.

Du coin de l'œil, il pouvait sentir que le couple avait amorcé sa sortie. Seulement, quand il releva la tête de son livre, il aperçut les jeunes gens descendre des escaliers dans un passage dérobé. De nouveau sur le qui-vive, Placido hésita. Avaient-ils le droit ? S'approchant de ce passage visiblement ouvert aux visiteurs, il put lire un panneau en contrebas : boutique et café. Le garçonnet descendit quelques marches, toujours incertain. S'il y avait une boutique, il avait le droit de s'y rendre. Avec plus d'assurance, Placido s'engouffra dans cette crypte aménagée.

Passant une tête au pas des escaliers, il comprit qu'il se trouvait déjà directement dans le café, entouré de tables. Elles étaient presque toutes inoccupées, comme s'il avait accédé à un endroit dissimulé au commun des mortels. De nouveau, le jeune homme aux longs cheveux soyeux sembla concentrer son attention sur lui. Si une élégance certaine émanait de ce lieu, lui ne dénotait pas du tout. Quelque chose dans sa toilette lui faisait dire qu'il pouvait très bien s'avérer être un sorcier.

« Tu veux quelque chose à boire ou à manger ? » lui proposa-t-il soudain en se baissant un peu à sa hauteur.

Placido secoua la tête de gauche à droite, craintif, tandis que la demoiselle au doux parfum floral à ses côtés semblait agacée... tout en souriant.

« A chaque fois que tu vois un enfant... lui murmura-t-elle de côté.
– Quoi... Je n'aimerais pas que nos enfants déambulent seuls comme tous ces marmots à Londres. »

Le garçon s'éclipsa, très allergique aux disputes. Il avait aussi peut-être peur qu'on lui pose trop de questions. Il accéda alors à un hall presque vide qu'il inspecta rapidement : il y avait un ascenseur qui menait sûrement à la rue piétonne... et la boutique de la crypte ! Placido s'avança et observa à travers la vitrine, l'un de ses passe-temps favori. La marchandise était un peu décevante à première vue, commune à toutes les boutiques de Londres, mais puisque cette église allait être sa nouvelle maison, il se devait de la visiter un peu mieux. Il glissa à l'intérieur : la vendeuse était occupée.

Ses doigts parcoururent les boites à biscuits, les savons emballés dans du joli papier, les bougies parfumées... Les croix en bois et les chapelets suspendus l'intriguèrent un peu plus, lui qui ne connaissait rien aux religions moldues et leurs pratiques. Finalement, son attention s'arrêta sur des petites suspensions en tissu. On aurait dit des bonhommes avec des ailes. Des fées peut-être ? Est-ce que les moldus savaient que les véritables fées, celles qui étaient vivantes, faisaient de merveilleuses décorations de Noël placées dans un sapin ? Il était encore un peu tôt pour penser aux fêtes de fin d'années, cela dit, mais il était bien possible que sa nouvelle maison soit aussi incroyable que cela, pour vendre des objets festifs avant tout le monde. Placido farfouilla au fond de la poche de sa cape pour sortir de drôles de piécettes : rien qui ne pouvait lui servir dans cette boutique moldue.

« Je savais que tu étais un petit sorcier, surgit une voix presque au-dessus de lui. J'ai eu du flair. »

L'élégant monsieur pointait le bout de son nez. Placido Tripplehorn l'avait retrouvé lui et sa demoiselle au doux parfum qui feuilletait un livre plus loin, ils transportaient leurs boissons fumantes avec eux. Apparemment, ils avaient tous les deux eu du flair quant à leur identité.

« Pour le petit ange, tu auras besoin de quatre livres sterling. »

Le petit ange ? Placido observa le bonhomme ailé dans sa main.

« Oh, je croyais que c'était une fée... » réalisa-t-il en fronçant les sourcils.

Reprenant rapidement contenance, il secoua la main comme pour balayer l'idée de l'acheter.

« Merci monsieur, mais de toute façon je n'ai que des noises... »

Sans réfléchir, le grand jeune sorcier cala des petites pièces dans sa main... De vraies pièces moldues.

« Fais comme si de rien n'était », lui murmura-t-il avant de s'éloigner, observant sa demoiselle d'un air inquiet comme si elle pouvait lui sauter dessus d'un instant à l'autre.

Le petit Placido se mit à sourire. Peut-être était-ce le poids des piécettes dans sa main, peut-être était-ce cet inconnu si gentil sans aucune raison... Peut-être était-ce ce lieu, tout simplement. Il posa son petit ange en tissu sur le comptoir ainsi que toutes les pièces moldues. Visiblement, le sorcier avait très justement calculé la somme pour lui puisque la vendeuse ne lui rendit rien en retour. Timidement, il fit ses adieux, secouant un peu la main vers ce curieux couple qui semblait l'avoir accompagné jusqu'aux confins de ce monde féérique empli de gentillesse et d'élégance. Accroché à son sac, l'ange retrouverait à de multiples reprises sa maison, devenue également celle d'un petit garçon en quête de quiétude.

Maestro Piccolo inRP (En poste depuis le 5 janvier 2048 à Poudlard)
Avatar : picmitsuba

𓇢𓆸

08 sept. 2023, 22:52
Le petit Maestro et les Six Sœurcières  SOLO 
Image
Hiver 2020, veillée de Noël















𝄞 ♪♭𝅗𝅥
Célébrant au moins pour tout leur voisinage, le foyer des Tripplehorn remportait la palme de l'exubérance durant la veillée de Noël. Dans l'étroit salon les plafonniers tanguaient, la vieille vaisselle valdinguait, les poêles flambaient, les marmites fristouillaient, les chats bondissaient et les sorciers s'enivraient de vin chaud. Oncles et tantes avaient rapidement perdu l'allure de leur arrivée à la maison et les chansons interprétées avec de moins en moins de précision au fil de la soirée ne ressemblaient plus réellement à des cantiques.

Toute la famille s'était rassemblée autour du vieux piano droit, celui qui avait subi un maléfice de Glu Perpétuelle il y a des dizaines d'années et auquel il manquait certaines touches. La maison étroite et haute semblait aujourd'hui avoir été conçue autour de lui : il demeurait le roc qui maintenait en place les fondations du bâtiment, comme une anecdote passée de génération en génération. Six petites sorcières aux cheveux enrubannés continuaient de se crêper le chignon sans trêve, bataillant cette fois-ci pour faire gagner sa voix sur celle des autres. Alors que les décibels augmentaient, quelque chose se passait à l'extérieur... Seul un petit garçon attentif, le front chaud collé contre les carreaux, pouvait en être témoin.

Placido Tripplehorn déclinait de son regard perçant les différents spectacles qui se déroulaient le long de Craven Street, son cœur sursautant à chaque poussée mélodique que ses sœurs essayaient de produire à l'arrière de la pièce. On aurait pu croire que le garçon observait les flocons de neige tomber sur le perron ou bien guettait l'arrivée du Père Noël ainsi concentré mais il attendait en réalité une chose bien plus plausible : l'arrivée des Moldus chantants. Tous les ans, un groupe de Moldus de tout âge munis de livrets sonnait aux portes des habitations pour interpréter un chant de Noël et, tous les ans, ils ne sonnaient jamais à la porte des Tripplehorn - semblant même contourner leur perron à chaque fois. Si le garçonnet ne pouvait pas leur en vouloir, il regrettait toutefois d'être ainsi discriminé : sa famille n'avait définitivement pas bonne réputation dans le voisinage, surtout lorsque ses trois grandes sœurs revenaient de leur école de magie.

Ses espoirs d'entendre cette année les Moldus chantants sonner à leur porte furent rapidement anéantis. Le groupuscule de chanteurs équipés de feuillets de partitions avaient déjà dépassé la maison. Il soupira, se rendant doucement compte que le vacarme avait quelque peu diminué autour du piano. On peut y entendre une toute autre mélodie, celle des six Sœurcières et de leurs messes basses fort peu discrètes.

« Où est Placido ? s'inquiéta la première, rassembleuse.
— Sûrement parti tout seul dehors, remarqua la seconde, complotiste.
— Non, non, il est là-bas, à faire bande à part comme d'habitude... trouva la troisième, observatrice.
— Quelle plaie de devoir supporter sa mauvaise humeur, se plaignit la quatrième, râleuse.
— Vous avez vu ? Il a évité les oncles et tantes quand ils sont arrivés, mentit la cinquième, rapporteuse.
— Papa va devoir sévir cette fois-ci », espéra la dernière, jalouse.

La cible de ces médisances feignit l'indifférence, collant de nouveau son front sur la vitre froide. Il était tout à fait injuste de sous-entendre que leur père n'haussait jamais le ton avec lui car celui-ci s'était montré extrêmement fâché lorsque Placido était revenu à la maison accompagné d'un Bobby. Après le départ de l'agent, le garçon avait dû leur promettre qu'il ne sortirait plus seul dans les rues de Londres au risque de perdre sa position d'irréprochable enfant auprès des Tripplehorn. Ce n'était pourtant pas l'envie de déguerpir qui lui manquait... Son antre de quiétude l'appelait de sa cloche de façon quotidienne comme s'il se languissait de lui. Son père et ses rouflaquettes en forme d'accroche-cœur se créa un passage entre les Sœurcières pour se placer en seul prédicateur autour de la petite assemblée. Sa voix forte porta au-dessus des discussions animées :

« Mes amis, il est temps de dévoiler ce qui pourrait être la dernière activité de la soirée : la promenade nocturne des Tripplehorn ! »

Un certain oncle leva son verre, tanguant sur lui-même sans même avoir réalisé un pas. Placido estimait que la véritable dernière activité de la soirée serait le moment où la maison s'éteindrait dans le silence du sommeil - chose qui était rarement dans les objectifs de sa famille. Le garçonnet s'approcha de son père et tira sur l'un des basques de son queue-de-pie. Du haut de ses neuf ans, il savait déjà ce qui était le mieux pour lui.

« Est-ce que je peux vous attendre ici ? »

Le sorcier laissa échapper un rire franc et sonore.

« Mais enfin, c'est pour toi qu'on a déterré cette tradition ! Comme tu as été très sage ces dernières semaines, ta mère a décidé de te récompenser par une petite déambulation dans le quartier... »

Le petit Placido avait l'air incertain. Il passa une mèche de ses cheveux derrière son oreille, très flatté d'avoir été en quelque sorte l'instigateur de cette idée... Mais il n'était pas satisfait de l'intention : toute sa famille était invitée à cette promenade. Il pouvait encore supporter la présence d'un ou deux Tripplehorn en même temps, mais sûrement pas de treize. Le visage rond de sa mère, déjà emmitouflé dans un foulard, apparu soudain derrière lui. La voix enjouée et rieuse, elle le poussa par les épaules :

« Enfilez vos capes, vos bottes, vos écharpes et emportez vos lanternes : nous partons en balade ! »

Dans la neige, la famille sorcière progressait lentement. Des balades, ils n'en faisaient pas souvent - et celle-ci avait un goût encore plus particulier en cette fin d'année. Parmi les londoniens encore motivés à braver la météo, les silhouettes des Tripplehorn se détachaient avec toute l'exubérance qu'on leur connaissait. Ils prenaient beaucoup de place sur le trottoir, aussi. Les mains dans les poches, les yeux rivés sur les traces de pas de ses sœurs, Placido suivait en silence la procession.

« Où est Placido ? s'inquiéta la première, toujours rassembleuse.
— Je suis sûre que les cadeaux vont être déposés sous le sapin pendant qu'on est dehors, affirma la seconde, toujours complotiste.
— Il est bientôt minuit... remarqua la troisième, toujours observatrice.
— J'ai mal aux pieds, j'ai froid et j'ai encore faim, se plaignit la quatrième, toujours râleuse.
— Il parait que c'était l'idée de Placido, lui qui préférerait vivre à la rue, mentit la cinquième, toujours rapporteuse.
— Avec ce temps glacial, Papa va vite abandonner son idée et on va rentrer », espéra la dernière, toujours jalouse.

Le cœur battant, Placido Tripplehorn releva la tête... Si les paroles des Sœurcières ne l'atteignaient pas plus que cela, une crainte latente grandissait toutefois au fond de son cœur : malgré l'obscurité, il reconnaissait très bien la rue dans laquelle ils s'étaient engagés. Sa rue, son antre de tranquillité... St Martin-in-the-Fields était compromise à la vue de tous. Comme s'il assistait à une œuvre théâtrale déjà écrite et sur laquelle on ne pouvait intervenir pour changer le cours des événements, son père s'exclama.

« Regardez l'église, comme c'est charmant !
— Vous avez quelle heure sur vos montres ? Presque minuit c'est bien ça ? Il doit y avoir quelque chose dans cette vieille église qui attire tous ces Moldus, allons voir à l'intérieur ! »


Les yeux grand ouverts de stupeur, Placido comprenait que s'il n'intervenait pas, toute sa famille souillerait ce lieu à jamais : ils seraient bannis à vie, lui compris. Les adultes avaient entamé l'ascension jusqu'aux portes, quand des petites voix nasillardes retentirent :

« Où est-ce que vous allez ? s'inquiéta la première, décidément rassembleuse.
— C'est ici que les Moldus font des sacrifices pour leurs divinités, affirma la seconde, décidément complotiste.
— Il est minuit, c'est l'heure de leur messe... remarqua la troisième, décidément observatrice.
— Je ne veux pas monter les escaliers, se plaignit la quatrième, décidément râleuse.
— Placido en a marre aussi, regardez comme il est tout bizarre ! déclama la cinquième, décidément rapporteuse.
— Peu importe son opinion... On peut rentrer à la maison ? » espéra la dernière, décidément jalouse.

Tous les regards se tournèrent vers le petit garçon qui les observait en retour, comme s'il était à présent le seul décisionnaire... Le gardien de ces lieux.

« C'est vrai, tu ne veux pas voir à l'intérieur ? » lui demandait son père de son regard déjà triste, à la lueur de son lampadaire.

Placido était pris au dépourvu mais il savait qu'il ne pouvait pas décevoir ses parents. C'était une simple visite de courtoisie, ils ne resteraient pas longtemps à déranger la quiétude du lieu... N'est-ce pas ? Peut-être même qu'ils se plieraient au silence, pour une fois, tel l'un de ces miracles de Noël... Il dépassa ses Sœurcières, comme pour forcer sa détermination.

« C'est faux... Je veux voir ! »

Sous les râles et protestations virulentes des filles, les Tripplehorn se dirigèrent dans la nef déjà emplie d'un public éparse. Les bancs, tous occupés, semblaient leur dire qu'il n'y avait pas de place pour eux, mais l'atmosphère du lieu leur affirmait le contraire : la luminosité, la grandeur des plafonniers, les discussions joyeuses... Ce n'était plus le lieu que Placido avait connu lorsqu'il s'y était aventuré seul : lui aussi, semblait-il avoir été profondément dérangé en cette veille de Noël. Le garçon risqua un coup d'œil à sa mère. Guillerette, la sorcière tirait sa famille vers elle, à un endroit où tout le monde pouvait loger. Passer du froid à la chaleur si rapidement n'avait pas eu l'air d'avoir dérangé quelqu'un d'autre que lui... Il ne se sentait pas bien du tout, comme trahi par cette désorganisation soudaine et par son antre qui avait revêtu des parures qui ne lui saillaient pas. Pour parfaire à ce spectacle déroutant, les cloches sonnaient minuit dans un bruit tonitruant. Le front brûlant, affolé par les événements, les oreilles bourdonnantes et le cœur sursautant, le garçon ne tarda pas à se frayer un chemin jusqu'au perron de l'église. Restées à l'intérieur, les Sœurcières se posaient des questions à gorges déployées :

« Où est Placido ? s'inquiéta la première, toujours rassembleuse.
— C'est sûrement le dieu des Moldus qui l'a fait fondre sur place pour ses pêchés, affirma la seconde, toujours complotiste.
— Il n'aura pas supporté l'agitation... remarqua la troisième, toujours observatrice.
— Je n'aime pas voir tous ces visages heureux, se plaignit la quatrième, toujours râleuse.
— Papa, regarde qui est retourné dehors ! déclama la cinquième, toujours rapporteuse.
— Le soir de Noël, pendant une sortie en famille... Il faut le gronder », espéra la dernière, toujours jalouse.

Au sommet des marches, Placido se reposait contre l'une des colonnes de pierre, à l'abri. Il avait été comme recraché par cet endroit devenu si monstrueux en cette soirée. Démuni, il ne pouvait plus qu'attendre d'être rejoint par les Tripplehorn qui, eux, ne faisaient finalement plus qu'un avec St Martin-in-the-Fields.

Maestro Piccolo inRP (En poste depuis le 5 janvier 2048 à Poudlard)
Avatar : picmitsuba

𓇢𓆸

31 mars 2024, 21:25
Le petit Maestro et les Six Sœurcières  SOLO 
Image
Printemps 2020, à l'heure du thé







𝄞 ♪♭𝅗𝅥
Au nord de Londres, reculée dans la campagne, habitait la marraine des enfants Tripplehorn et son elfe de maison. Cette sorcière au dynamisme immodéré pour son grand âge possédait un minuscule cottage où ses filleuls et tous les autres enfants de sa propre famille passaient la plupart de leurs vacances - libérant, le temps de quelques journées, des parents débordés. Bien heureusement, pour accueillir tout ce beau monde, la trop petite bâtisse disposait d'une grande dépendance que l'on pouvait rejoindre par la cuisine. Surnommée le "Solarium Convivialis", chacun y trouvait son compte pour occuper ses journées.

Baignée d'une luminosité fabuleuse, cette verrière géante revêtait ses plus beaux atours dès l'arrivée des premières éclaircies anglaises. Le petit Placido Tripplehorn ne quittait jamais son siège surplombé de lumière, les pieds sur la table, sans arrêt à la recherche d'une tranquillité rêvée. Ses sœurs n'étaient jamais très loin, vêtues de froufrous et de rubans, à essayer d'imiter les danseuses de ballets dans ce décor onirique - si elles en avaient la volonté, elles n'en n'avaient sûrement pas la grâce. Boum. Là, c'était un grand jeté. Boum. Là, c'était un saut de chat. Habituellement, le garçon aurait pris la décision de s'isoler dans un autre endroit pour ne plus rien entendre, mais cette fois-ci il semblait vouloir camper sur ses positions : il s'était installé le premier dans le Solarium Convivialis alors si quelqu'un devait partir, ce n'était sûrement pas lui. Il fallait dire aussi qu'il ne voulait pas quitter la sensation du soleil sur son visage, car c'était comme si l'été avait décidé de s'inviter plus tôt cette année pour le guérir des derniers mois hivernaux très tumultueux. Il n'avait pas remis un pied à St Martin-in-the-Fields depuis que sa famille avait osé s'y arrêter pour observer la messe de minuit des Moldus. Dans sa tête, l'église était définitivement souillée par leur venue et son antre de quiétude ne pouvait plus jamais l'être de nouveau.

Toutefois, les yeux fermés, Placido Tripplehorn se souvenait de ce sorcier amateur d'églises qui lui avait offert un petit ange dans la boutique souterraine. Un léger sourire apaisé apparut sur son visage. Tous les éléments étaient présents pour une rêverie avant l'heure du thé, hélas bercée par les pas lourds des six sœurcières. Boum. Boum...

Boum... Les trois coups du brigadier avaient retenti, et le spectacle pouvait commencer. Soudain, Placido se trouvait dans la nef de St Martin-in-the-Fields où une représentation semblait être sur le point de commencer. Tout le monde investissait les bancs en bois et, fort curieusement, Placido ne se faisait pas d'états d'âme sur l'agitation ambiante, davantage impatient de découvrir l'événement se dérouler. L'un des Moldus en robe qui avait à charge l'église se postait au centre de l'estrade et... s'adressait à une baguette magique.

« Sans plus tarder, veuillez applaudir bien fort notre maître de cérémonie, Monsieur... Tripplehorn ! »

Le garçonnet applaudissait, très étonné que son père soit attendu pour présenter l'événement de la soirée.

« Monsieur Tripplehorn, vous êtes là..? » appela de nouveau l'homme.

Un rayon de lumière insistant et chaleureux s'arrêta sur son visage visiblement prit au dépourvu. A y regarder de plus près, son père ne semblait pas être présent. Il devait donc comprendre qu'il était le Monsieur Tripplehorn appelé sur l'estrade tout au fond de la nef ? D'une aisance feinte, le garçon se leva, salua l'assemblée, et s'avança dans l'allée pour rejoindre le Moldu qui était en possession d'une baguette magique.

« Merci... Je suis très honoré de pouvoir présenter mes chères sœurs accomplir la scène finale du Ballet des Cygnes Disgracieux. »

Les mots semblaient lui venir tout seul, comme s'ils lui étaient soufflés directement dans sa gorge. S'était-il transformé en une marionnette ?

Une ligne de danseuses habillées de leur tenue de scène se plaça devant lui plus ou moins habilement, couvrant sa petite taille de toute leur tulle et leurs paillettes.

« En première position Harmony, notre très chère aînée ! Le Cygne Inquiet. Ne t'en fais pas Harmony, nous sommes tous présents ici autour de toi. »

Harmony Tripplehorn tournoya sur elle-même, faisant virevolter sa longue tresse derrière elle.

« En seconde position Angela ! Le Cygne Abracadabrant. Non Angela, tout ceci n'est pas un complot fomenté exclusivement pour vous humilier... »

Angela Tripplehorn réalisa une série de pas en gardant un œil soupçonneux sur son petit frère derrière ses lunettes grossissantes.

« En troisième position Rune ! Le Cygne Observateur. Attention à ta trajectoire Rune, tu dévies sur Angela..! »

Effectivement, la fillette nommée Rune Tripplehorn s'était cognée contre sa grande sœur en pleine pirouette.

« En quatrième position... »

Curieusement, le garçon ne voulait pas du tout s'inclure dans cette démonstration très bancale. Il n'était pas une sœurcière, lui. Il enchaîna :

« En cinquième position Ivory ! Le Cygne Mécontent. Inutile de râler davantage Ivory, le spectacle est bientôt terminé alors applique-toi. »

La petite Ivory Tripplehorn marqua une pose, soufflant, les sourcils froncés.

« En sixième position Empress ! Le Cygne Délateur. Ne lui confiez surtout aucun de vos secrets... »

Empress Tripplehorn faisait des messes basses à ses sœurs qui l'entouraient le temps d'une brève ronde.

« En septième position Sage... Hé Sage, le public est de l'autre côté ! »

L'appelée, une minuscule fillette, se retournait sur elle-même sous les rires attendris.

« Sage est le Cygne Jaloux. Non Sage, rend-moi la baguette magique, c'est moi le maître de cérémonie ! »

A vrai dire, toutes les sœurcières commençaient à l'encercler d'un air menaçant, l'air de dire "C'est ainsi que tu nous présentes au monde ?". Secoué de toute part, la chaleur artificielle des plafonniers se transforma en une sensation plus naturelle, directement causée par le soleil.

« Ah..! » laissa-t-il échapper dans un râle en se redressant sur son siège ? Il n'avait jamais quitté le Solarium Convivialis, évidemment. Ses six sœurs continuaient de le secouer comme s'il ne s'était pas réveillé. Elles ne portaient plus leurs longues jupes blanches en tulle ni aucun autre atour de scène.

« Comme tu es brûlant..! Il faut qu'on le ramène avec nous à l'intérieur ! proposa Harmony, la première, décidément rassembleuse.
— On dit que les Serpencendres étaient à la base des sorciers qui se sont trop exposés au soleil... commenta la seconde, Angela, décidément complotiste.
— Je ne crois pas que Placido soit en train de se métamorphoser en un Serpencendre, répondit la troisième, Rune, décidément observatrice.
— C'est hors de question que je vous suive, je suis très bien ici ! rouspéta la quatrième, Ivory, décidément râleuse.
— Moi je vais prévenir Tata-Marraine que Placido se transforme en Serpencendre, annonça la cinquième, Empress, décidément rapporteuse.
— Ah non, il va avoir droit à une autre glace si tu fais ça ! » s'indigna la sixième, Sage, décidément jalouse.


Maestro Piccolo inRP (En poste depuis le 5 janvier 2048 à Poudlard)
Avatar : picmitsuba

𓇢𓆸