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27 déc. 2023, 19:30
Naufragés  SOLO 
25 SEPTEMBRE 2048, 19h18,
COULOIRS, IMSM

Alyona, 18 ans


Mon crâne est plein de silence. Tout s'emmêle, se mélange, se confond. J'ai l'impression que du lierre a poussé sur mon corps pour entraver mes mouvements. Je suis une souche tombée sur le sol, dévorée par les bêtes, envahie par les plantes. Elles me traversent le ventre et le dos. Je ne suis même pas certaine de me tenir droite, de marcher normalement. Je n'arrive pas à regarder devant moi. Je suis énervée, épuisée, et j'ai faim. Et, en même temps, j'ai les pensées ailleurs, encore plongées dans mes sujets d'étude de l'après-midi, accrochées au sol et à la terre. A croire que les plantes que nous étudions m'envahissent l'esprit. Oh, cela ne m'étonnerait pas. Elles pourraient pousser entre mes organes, s'installer dans les creux de mon corps, fleurir entre mes os ; je ne m'en rendrai pas compte.

Je suis fatiguée. La semaine a été si longue ! J'ai passé l'après-midi dans la salle d'étude avec Ondine, à apprendre, réviser, essayer de comprendre. Elle est partie bien avant moi, me jetant un de ces regards étranges digne de Delphillia et me laissant seule avec son « J'comprends pas comment tu fais pour continuer à travailler avec la semaine qu'on a eu. » Comme si je n'avais pas envie de faire une autre activité, de me reposer ! Mais l'ancienne Bleue a ses manières bien à elle de dire les choses. J'ai appris au fil des jours ici et des années passées à Poudlard qu'elle n'est pas du genre à laisser de la tendresse ou de la compassion se glisser entre ses phrases. Elle serait droite même en pleine tempête, avec son regard dur et son visage de pierre. Non, elle serait alliée de la tempête, complice. Elle n'aurait aucun scrupule à laisser le monde être dévoré jusqu'à la moelle. Au contraire. Elle n'y trouverait rien à redire. C'est à peine si elle use de douceur avec elle-même, alors comment pourrait-elle en avoir pour les autres ? Elle ne les comprend pas. Moi non plus, je ne la comprends pas. Et je ne pense pas parvenir à la comprendre un jour. Mais je ne peux pas lui en vouloir totalement, ou la critiquer. Qu'importent son caractère et son coeur de pierre. Elle a accepté de travailler à la même table que moi, de m'aider dans mes révisions et mes apprentissages, et je lui suis trop reconnaissante de tout cela pour me plaindre de la manière dont elle peut se comporter. Peut-être aussi dois-je avouer que je l'apprécie bien derrière ses apparences froides et dures. La brune est sérieuse et me pousse vers le haut. Mais elle est partie bien avant moi, et de nous deux c'est la seule qui sait se repérer dans cet établissement si grand.

Je pousse un bref soupir, comme si je pouvais coincer ma fatigue derrière mes oreilles et l'empêcher de glisser sur mon visage. Mais la fatigue n'est pas une mèche de cheveux qu'on peut repousser. Elle est plutôt comme une plante avec de bien trop nombreuses racines, qui pousse et se déploie rapidement. Et moi, je dois être un jardin envahi.

Je marche, mais je ne sais pas où je vais. Ici, tout se ressemble. Ici, c'est trop différent de là-bas. Je n'arrive pas à mémoriser les chemins, les voies, les portes. Tout est embrumé dans mon esprit. Peut-être les plantes dans mon âme se sont-elles glissées devant mes yeux ? Poudlard me manque. Les murs, les pierres, les tableaux, les fantômes, les plus jeunes qui parlaient trop fort. Ici, ce n'est pas pareil. Cela me plaît mais ce n'est pas pareil. Et les souvenirs, comme des odeurs envoûtantes et attirantes, éclatent parfois sur la toile de mes pensées comme une bulle de savon.

Le dîner a commencé depuis vingt minutes, et je n'ai aucune idée d'où est-ce que la salle de restauration peut bien être. Ondine ne m'y attend sûrement même pas. Elle doit être assise, en train de manger et de lire un de ces étranges bouquins moldus dont elle s'amuse. Abby est sûrement en face d'elle, plongée dans le silence comme d'autres sont plongés dans leurs pensées. L'ancienne Jaune qui partage notre dortoir est comme une araignée tapie dans un coin : elle se cache au moindre bruit, dérange ceux qui la voient et n'est même pas vue par les autres. Nous formons un bien étrange trio, Abby, Ondine et moi. Néanmoins, cela ne me gêne pas, elles sont d'une compagnie agréable, bien qu'assez insolite.

Je m'arrête brusquement à un carrefour, suspendue aux secondes. Je suis déjà passée ici. Mes sourcils se froncent. Suis-je en train de tourner en rond ? Merlin, ce ne serait pas surprenant ! Cet établissement est beaucoup trop grand, et ma mémoire ne veut décidément pas en retenir le plan. Je ne sais même pas à quel étage je suis. Au premier ? Au deuxième ? Il faudrait que je puisse trouver une fenêtre, ou un escalier. La salle de restauration est au rez-de-chaussée, n'est-ce pas ? Quand bien même elle n'y est pas, ne trouverai-je pas là-bas des personnes qui pourraient m'indiquer le chemin ? Mais tout le monde doit être dans cette terrible grande salle, à dîner, et personne ne traîne encore dans les couloirs à cette heure-ci. Le dîner n'est pas servi toute la soirée.

Je retiens un soupir. Si je trouve des escaliers ou des fenêtres, j'aurai déjà une petite idée d'où aller, n'est-ce pas ?

Ainsi, je reprends mon chemin. À gauche, à droite, je fais confiance à un instinct qui dans cet établissement ne semble pas exister. Je ne sais pas où je vais, mais je ne sais pas quoi faire d'autres. Et la fatigue, lourde et envahissante, me remplit le crâne de silence.

Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour m'habituer à ce nouvel établissement. Parfois, je m'y sens si seule. Je ne connais pas grand monde. Abby et Ondine m'offrent une compagnie appréciable, mais elles ne sont pas tout le temps là. Elles disparaissent si souvent, comme des fantômes qui passeraient entre les murs. Notre trio n'existerait pas si nous ne partagions pas la même chambre. Je sais que je ne suis pour elles qu'une camarade, qu'une personne avec qui elles doivent partager un bout de leur espace personnel. Et je le comprends, ne leur en fais pas de reproche. Mais parfois j'aimerais avoir, dans cet Institut si grand, une personne qui m'empêcherait de me perdre.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique
présence partielle

28 déc. 2023, 17:38
Naufragés  SOLO 
Mes pas m'emportent et résonnent dans ces espaces vides, sans tableaux pour prendre la parole ni élèves pour courir sans regarder devant eux. Il n'y a que cette solitude qui tinte dans mon crâne et dans le couloir. Des centaines d'étudiants, et le silence studieux à l'heure du dîner. Des centaines d'étudiants, et moi, perdue ici.

En marchant, j'essaye de mémoriser les lieux, les portes, les carreaux du sol. Je passerai au moins un an de ma vie dans cet établissement immense. Un an, Merlin. Ce n'est rien comparé à Poudlard. Une goutte d'eau dans un Lac Noir. Pourtant, c'est le début de ma vie d'étudiante, mes premiers pas dans mon parcours d'adulte. J'ai du mal à imaginer la suite, le futur. Il y a comme un mur de ronces entre moi et ce qui adviendra. Pour l'instant, je ne me sens pas capable de le franchir. Il me paraît grand, lui aussi. Est-ce parce que moi, je ne le suis pas ? J'aimerais pouvoir parler de mes sensations à Abby et Ondine. Comment vivent-elles cette rentrée, cette première année ? Cependant, je sais déjà que c'est peine perdue. Ondine hausserait probablement les épaules, indifférente à tout. Abby ne dirait rien. Elle a un an de plus, mais je n'ai aucune idée de ce qu'elle a fait l'année dernière. Parfois, j'ai la sensation qu'elle ne sait elle-même pas très bien ce qu'elle fait là. Alors comment pourrai-je leur parler de moi ? Autant dire ce que je ressens tout haut, entre ces murs si semblables et qu'on ne peut distinguer les uns des autres. Ils seraient plus réceptifs à mes paroles.

Et voilà, j'ai l'impression d'avoir des feuilles mortes échouées dans les poumons. C'est lourd et cela remue à chacun de mes pas. Je pense trop. Je travaille trop. Je marche trop. Et je ne m'occupe pas assez bien de ce jardin à l'intérieur de moi. Alors, il est envahi et rempli de mauvaises herbes. Un jour, peut-être, je prendrai du temps pour l'entretenir. Prendre soin des plantes, c'est prendre soin de soi, n'est-ce pas ?

Je tourne dans un nouveau couloir, presque lassée de marcher. Cependant, celui-ci n'est pas comme les précédents dans lesquels je suis passée. Il a, tout au bout, comme une porte vers un autre monde, une fenêtre rectangulaire. Un rayon de soleil glisse sur mon cœur quand je l'aperçois. Parviendrai-je enfin à m'y retrouver dans cet établissement ? J'ai peut-être une chance, après tout.

Je me rapproche de l'ouverture, jusqu'à me pencher dessus. La vue donne directement sur l'entrée de l'Institut : le gravier, l'herbe courte, la grille de fer forgé ; tout est là. Je suis en hauteur, probablement au premier ou au deuxième étage. Du côté gauche. Alors, il me faut redescendre. Peut-être ensuite parviendrai-je à me repérer. Cependant, trouver un escalier ne sera pas simple. Si, à Poudlard, il semblait parfois y en avoir trop, à l'IMSM, ils sont bien mieux cachés, mais moins capricieux. Merlin, je ne sais même plus si j'ai encore faim, avec tout ce périple ! Est-ce que cela en vaut vraiment le coup ? Non, je n'ai pas le droit de douter. Je ne veux pas avoir fait tout cela pour rien. Et quand bien même je ne mangerai pas — ce que je ne ferai pas —, j'aurai au moins appris à me repérer davantage dans ce labyrinthe silencieux (à croire que je suis perdue dans mon propre crâne).

Et puis tout à coup, sortie de nulle part, une voix.

« Alyona, c'est cela ? » La voix qui me parvient et me fait sursauter porte un sourire. « Tu manges bien vite pour une ancienne Poufsouffle. »

Je me retourne soudainement, la surprise étalée sur le visage. Mes yeux n'ont probablement jamais été aussi ronds quand ils se posent sur le grand brun à la peau mate qui me fait face.

« Ah, mais tu n'es pas Poufsouffle. Serdaigle, peut-être ? » Ses sourcils bruns se froncent avant d'être effacés par un sourire bienveillant mais gêné. « Excuse-moi, je te dérange. Tu n'as pas mangé, c'est cela ? »

Tout va trop vite. Il parle trop vite ! Je n'ai pas le temps de réfléchir. Et je suis trop surprise, trop prise de court pour me laisser le temps de penser.

« Non ! » m'exclamé-je brusquement.

Je ne sais même plus à quoi je réponds. Si j'étais perdue, aussi fou que cela puisse paraître, j'ai l'impression de l'être davantage encore.

« Je suis Serdaigle. » Le présent et son sourire gêné me font trébucher. « J'étais Serdaigle, corrigé-je brutalement pour me rattraper, et je cherche le réfectoire. Et tu ne me déranges pas. »

Une chose à la fois, Merlin, une chose à la fois.

Je ne l'ai même pas entendu venir, il est arrivé si silencieusement. Et qui est-il, lui, pour ne pas être avec tous les autres à cette heure-là ? Comment peut-il connaître mon nom ? Son visage ne m'est pas inconnu, il était à Poudlard. Cela n'a rien de surprenant. Mais moi, dans le château, je passais plutôt inaperçue. Comment un plus grand a-t-il pu retenir mon prénom ? Oh, il a sûrement une meilleure mémoire que moi, mais là n'est pas la question. Non mais, Merlin, comment puis-je avoir le temps de me questionner à propos de sa présence et de ses connaissances alors que cela doit faire une quinzaine de minutes que je cherche une personne pour m'extirper de ce labyrinthe ?

Je me débats avec mes pensées un instant, demeurant immobile. Ma bouche s'ouvre et se ferme, mes sourcils se froncent. J'en oublie la fenêtre, l'escalier, les carreaux colorés. Je ne sais pas quoi dire. Je ne m'attendais pas à croiser quelqu'un, encore moins à ne pas l'entendre arriver. Serait-il un fantôme ? Oh, par Circé, je dois être vraiment fatiguée pour en venir à penser cela ! L'envie brutale et soudaine de rire fourmille contre ma peau, détendant mes traits et apaisant mon crâne. Ma surprise et mon incompréhension s'éclipsent sur mon visage dans un sourire.

« Alors, je peux peut-être t'aider. »

Lui aussi, il sourit. Enfin, je crois. Je ne vois que ses yeux clairs, presque dorés. On dirait que la nuit m'a apporté un soleil.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique
présence partielle

31 déc. 2023, 00:11
Naufragés  SOLO 
« Je veux bien, merci. »

Peut-être aurais-je pu retrouver le réfectoire seule, mais au bout de combien de temps ? Je n'ai pas l'énergie pour marcher encore pendant des heures. Si le brun sait où il va et me propose son aide, je n'ai pas envie de la refuser. Pourtant, elle m'étonne. Je n'ai pas l'habitude de voir un inconnu me tendre la main de cette manière, sans rien demander en retour, sans que cela ne semble lui poser problème. Un autre que lui aurait probablement passé son chemin sans même s'attarder sur ma présence. Mais venait-il seulement pour m'aider ? Après tout, je ne sais pas vraiment pourquoi il m'a interrompu dans mes réflexions. Est-ce important ? Il ne me paraît pas antipathique, et sa compagnie me fait du bien. Être seule dans ces grands couloirs m'apportait inquiétude et solitude. Grâce à lui ces deux herbes envahissantes s'en sont allé. La nuit a beau être tombée sur l'Institut, j'ai retrouvé un peu de lumière dans cette compagnie nouvelle que le garçon m'apporte.

L'inconnu me sourit — cette fois-ci j'en suis sûre — avant de m'inviter d'un geste de la main à le suivre, chose que je fais sans poser de question.

Nous nous dirigeons vers le couloir duquel je reviens. Mes sourcils sont froncés et mes sens aiguisés : je veux pouvoir me souvenir de ce chemin. J'essaye de m'accrocher à des détails, des numéros, des couleurs. Ce n'est pas aussi évident qu'on pourrait le penser : toutes les portes se ressemblent et les couloirs sont quasiment tous identiques. Cependant, je ne perds pas espoir. Comme le Petit Poucet, j'apprendrai de mes erreurs et trouverai de nouvelles solutions. Mais, avant tout, Merlin, j'essayerai de ne plus me retrouver dans cette situation. Ondine peut garder pour elle ses regards froids et ses remarques piquantes ; la prochaine fois je partirai en même temps qu'elle.

« Je m'appelle Nahele. »

Le garçon aux yeux clairs se tourne vers moi. Il a des taches de rousseur sur le visage. Ses cheveux légèrement bouclés lui tombent un peu sur les yeux. Il est grand, bien plus grand que moi. Pourtant, c'est comme s'il ne jetait aucune ombre sur le sol. Il dégage quelque chose de très doux, qui invite à la confiance. Je n'ai pas peur de le laisser me guider ; d'une manière tout à fait étrange, je sais qu'il m'amènera là où je souhaite aller. Il ne me paraît pas aussi distant et renfermé qu'Abby et Ondine. Au contraire, son visage renvoie une bienveillance qui me met à l'aise.

Je lui retourne son sourire. Son uniforme m'indique qu'il étudie dans la filière de médicomagie. Il est probablement en deuxième année. S'il m'a trouvé, est-ce parce que nous sommes actuellement dans l'aile de l'Institut réservé à la filière de médicomagie ? Merlin, je devais être bien loin de ma destination.

Après avoir remonté le long couloir, nous tournons deux fois à droite. Je continue à regarder autour de moi, essayant de reconnaître les lieux ou, au moins, de les mémoriser. C'est si complexe ! Je vais finir par croire que je ne parviendrai jamais à me repérer dans cette nouvelle école. Peut-être en existe-t-il un plan ? Ce serait étonnant de la part d'une école de magie, mais ce serait pratique.

Nahele me jette quelques regards de temps en temps par-dessus son épaule, comme s'il vérifiait que je continue bien à le suivre. A chaque fois que son regard croise le mien, j'ai envie de sourire. Ses iris ont la couleur du miel, et toute sa douceur.

Et puis, au bout d'un moment, il s'arrête brusquement.

« Là, tu vois, on vient de quitter l'aile de médicomagie. Ensuite, on va prendre les escaliers et descendre au rez-de-chaussée. On devra retraverser quelques couloirs entre temps, tous les escaliers ne descendent pas jusqu'au hall. »

De nouveau, ses paroles me surprennent. A-t-il deviné mes difficultés à me repérer dans ces lieux pour me donner ainsi des indications ? Probablement. Pourtant, il ne me l'a pas demandé, ni n'a émis de remarque à ce sujet. Comme s'il ne voulait pas que ma fierté soit touchée parce que je devrai expliquer une de mes faiblesses. Je lui en suis reconnaissante, je crois ; reconnaissante mais étonnée. Est-ce un acte de gentillesse ? Ai-je fait quelque chose de particulier pour qu'il se comporte de cette manière avec moi ? J'ai presque l'impression que l'on s'est déjà rencontré. Peut-être dans un rêve ?

J'essaye de retenir ses indications, mais le fait d'apprendre que tous les escaliers ne desservent pas tous les étages me fait grimacer. Ils ne sont peut-être pas capricieux comme ceux de Poudlard, mais cela ne veut pas dire qu'ils sont plus simples. Mais comment pouvais-je m'attendre à de la simplicité de la part d'une école comme celle-ci ? La magie offre à ceux qui la maîtrise la création de labyrinthes entiers de secrets. Peut-être qu'il n'y a ici ni salle sur demande, ni escaliers mouvants, mais qui sait ce qu'il y a d'autres ? C'est un nouveau monde qui s'ouvre à moi. Bientôt, j'en connaîtrai des mystères.

Je suis Nahele tandis qu'il poursuit ses explications, ses indications. Parfois, il m'arrive de lui demander des repères, des astuces pour mieux retrouver les endroits par lesquels nous passons. À chacune de mes questions et demandes, il a une réponse. Et, tout doucement, j'ai l'impression de sentir dans le creux de ma paume apparaître comme un fil d'Ariane, un outil qui m'empêcherait de me perdre de nouveau. Je sens que je commence à comprendre comment cet Institut est organisé. Cela me rassure, chasse un peu les végétaux qui, plantés dans mon corps, m'empêchaient de penser.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique
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05 janv. 2024, 17:33
Naufragés  SOLO 
Nous marchons au même rythme, lui et moi. Ses pas sont grands, les miens sont petits. Son regard est tendu vers l'horizon, le mien se heurte aux carreaux. Sa démarche est sereine, la mienne est fatiguée. J'avance à ses côtés. Une ligne perpendiculaire aux murs pourrait être tracée, elle passerait par nos deux corps. Et si, parfois, je me retrouve un peu en arrière, il arrive, je ne sais pas comment, à me permettre de revenir à son niveau. Sans même que je ne remarque de changement dans son allure. Il s'adapte complètement à moi et ne fait aucune remarque sur mon sens de l'orientation désastreux. Il semble être d'une bienveillance étonnante, à laquelle je ne sais comment réagir. Il n'est pas particulièrement bavard, se contentant de m'indiquer la route, mais je ne le sens pas distant. Et, tandis qu'il me parle et que j'écoute en silence, des questions teintées de surprise m'inondent doucement le crâne. Les sent-il quand ses iris de miel se posent sur les miens ?

« Encore un escalier et quelques tournants et nous y sommes ! »

Il m'observe, alors je souris. J'espère que cela dissimule le trouble que je ressens, que cela peut remplacer les paroles que je devrais dire mais que je ne trouve pas.

Je me sens si à l'aise avec lui que cela me met mal à l'aise. Je ne pensais même pas que c'était possible. J'ai l'impression de lui être redevable pour ce qu'il fait, et de ne rien pouvoir lui offrir. Alors, je me concentre sur mes pas, mon avancée, ma marche ; tout en sentant mon coeur taper fort contre ma poitrine, inquiet par l'idée que nous arrivions bientôt et que mes mains restent vides de mots.

L'escalier est trop petit, les couloirs sont trop courts. Ma bouche est trop sèche. Que dire ?
Un tournant, un deuxième. Nahele reste à ma hauteur malgré ses plus grandes jambes.
Petit à petit, nous commençons à entendre les bruits venant du réfectoire. Et le silence dans mon crâne.

Des éclats de conversations, des odeurs, des mouvements. La porte entrouverte de la salle nous laisse découvrir les tables pleines d'étudiants enthousiasmés. Nahele s'arrête, moi aussi.

« Et voilà. » Il fait une pause un bref instant, le regard posé sur la salle. « Tu peux enfin aller dîner. »

Et son sourire, encore. Et mon silence, toujours.

Est-ce là que nos chemins se séparent ? C'est étrange, je n'y crois pas. Lui non plus n'a pas l'air de penser cela. Pourtant il ne dit rien. Moi non plus. Quelle étrange rencontre que celle-ci ! Je ne suis pas sûre d'avoir envie de le laisser partir, je ne veux pas retrouver la solitude qui m'accompagne quand Ondine n'est pas là. Elle me rend maussade. Dans ce nouvel établissement trop grand dans lequel je ne parviens pas à me repérer, j'ai besoin de compagnie ; j'en ai terriblement besoin. Avant, à Poudlard, je connaissais les visages de presque tout le monde, j'avais toujours quelqu'un à qui sourire dans les couloirs, avec qui discuter quand les escaliers se mettaient à bouger. Ici, je n'ai personne, et c'est désagréable. Je sais qu'avec le temps, cela viendra, mais je sais également que cela ne viendra pas tout seul, que c'est à moi de faire des efforts, de savoir saisir des opportunités. Ce soir, là, maintenant, est-ce une opportunité ?

Je jette un coup d'œil à Nahele, les mots hésitants sur le bord de mes lèvres. Il a le regard fixé sur le réfectoire à travers l'entrebâillement. À quoi peut-il penser ? À ses amis ? À ce qu'il a à faire ? Il fait partie de ces personnes dont le visage ne trahit pas les réflexions. Peut-être va-t-il partir. Mais il ne bouge pas. Peut-être va-t-il rester. Mais pourquoi ? Qu'attend-il ?

« Tu as déjà mangé ? »

Ma voix n'est pas tremblante, ni hésitante. Cela me surprend presque.

« Non. »

Pourquoi ? Je garde la question enfermée dans mon crâne. Ce n'est pas le moment de la poser. Ce n'est pas ce que je veux dire.

« Tu veux manger avec moi ? »

Ses yeux étonnés se tournent vers les miens en papillonnant. Je souris. Je crois que je l'ai surpris. Je crois que je me suis surprise, moi aussi.

« D'accord. »

Cette fois-ci, je fais les premiers pas vers la salle. En quelques enjambées, l'ancien Poufsouffle me rattrape. Et nous entrons dans le réfectoire, sur la même ligne, l'un à côté de l'autre.

Une satisfaction agréable éclot dans mon ventre. Je ne mangerai pas seule ce soir.

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présence partielle

06 janv. 2024, 15:03
Naufragés  SOLO 
Je fouille la salle à la recherche de visages familiers. J'en trouve quelques-uns, mais pas ceux que je cherche. Abby et Ondine sont déjà parties. Cela ne m'étonne pas, mes deux camarades n'aiment pas la foule et lui préfèrent largement le calme de notre dortoir. Elles n'ont probablement même pas pensé à moi, ni ne se sont demandées où je pouvais être. Cependant, je ne leur en veux pas. Je sais qu'elles ont d'autres choses auxquelles penser, qu'elles sont occupées. Pourtant, j'aurais aimé, je crois, qu'elles me voient arriver avec Nahele ; juste pour leur montrer que je peux passer du temps avec d'autres personnes qu'elles. Mais cela aurait été inadapté et inconvenant. Je ne suis pas de ceux qui affichent leur plaisir comme un trophée.

Nahele et moi avançons dans la salle jusqu'à ce que je m'arrête à une table plus calme que les autres. Depuis tout ce qu'il s'est passé dans la Grande Salle de Poudlard, j'ai du mal à supporter les bruits que peuvent faire certains élèves, les sons un peu trop forts qui peuvent surgir de groupes trop enthousiasmés. Cela fait remonter à moi des souvenirs de cris, de pleurs, de peurs. D'impuissance. Je ne veux plus les revoir, les entendre, les ressentir de nouveau. Cependant, mon choix de table n'a pas l'air de déranger mon camarade qui se place en face de moi, laissant son sac glisser contre son assise sans protestation.

Les mains qu'il pose sur la table sont fines. Ses yeux regardent ailleurs avant de se poser sur le dîner et sur moi. C'est en rencontrant mes pupilles qu'un sourire apparaît sur son visage, auquel je fais rapidement écho en étirant mes lèvres. Le voir de face me permet de mieux l'observer pour me remémorer ses traits. Il a des mèches ondulés et les cheveux bruns. Il dégage quelque chose de très naturel, de simple. Il a un très joli visage, rayonnant, amical. Cela me change des regards d'Ondine.

Le repas est chaud et dégage une odeur qui me rappelle ma faim. J'avais oublié, après ce long périple, la raison de ma venue. L'étudiant qui m'a guidé, bien qu'il n'ait pas l'air affamé, mange vite et de tout. Il ne dit pas un mot. De mon côté, je sens la marée de questions qui fait des remous dans mon crâne prendre de l'importance. Elle grandit, s'étale, s'impose. Doucement, elle entre dans ma bouche pour se mêler à ma salive. Si j'ouvre les lèvres, elle coulera. Je n'ai pas proposé à l'ancien Poufsouffle de venir pour manger en silence. Alors, j'ouvre les lèvres.

« Tu es en deuxième année en médicomagie ? » demandé-je, curieuse.

Il ne paraît pas surpris par ma question et avale une bouchée avant de me répondre.

« C'est cela, me confirme-t-il poliment, en spécialité pédiatromagie. »

Ce doit être intéressant ! Si j'étais partie dans la médicomagie, c'est une filière qui m'aurait intéressé.

« Et toi ?
En première année, en spécialité botanique. »

Cela le fait sourire sans que je ne sache pourquoi. Est-il amusé par ma spécialité ou le fait que je sois en première année ? Est-ce que cela l'étonne ? Peut-être que je fais plus grande que mon âge, bien que cela serait surprenant. Ou alors, peut-être vient-il de comprendre pourquoi j'étais perdue dans l'Institut avant qu'il n'arrive. Ne s'en doutait-il pas ?

Je fronce un peu les sourcils, et lui garde mystérieuses les raisons de son sourire.

« À Poudlard, tu étais à Poufsouffle, c'est cela ?
Oui. Cela me semble être comme une autre vie maintenant. »

C'est vrai ? Je ne suis donc pas la seule à me souvenir du château avec nostalgie, à vouloir le retrouver, ne serait-ce qu'une après-midi ? Il y a trois mois, j'y étais encore. Pourtant, j'ai l'impression que cela fait bien plus longtemps. Comme si, endormie sous les eaux, le temps s'était suspendu au-dehors de mon corps, et accéléré à l'intérieur. J'ai parfois la sensation d'avoir vécu bien trop de nouvelles choses pour que seulement trois mois se soient passés. N'est-ce pas le problème pour tout ce qui nous manque ? Le temps passé loin de l'objet de notre désir paraît toujours plus long.

« À moi aussi, » ajouté-je presque à voix basse.

Nahele m'observe un instant, sa fourchette suspendue. Il paraît pensif. Je me demande ce qui peut occuper ses réflexions. Ce que je dis ou tout autre chose ? Est-il ici sans être ici ? Il n'en a pas l'air. Le regard qu'il pose sur moi est bien présent. Il m'écoute, m'accorde de l'importance, me répond. Quand il se sert de l'eau, il m'en propose. Quand je parle, il redresse son visage. Quand je m'exprime, il réagit.

L'ancien Poufsouffle ne regarde même pas ailleurs, concentré sur l'étrange zone de discussion que nous partageons. Est-ce parce qu'il n'a personne à observer ? Est-ce parce qu'il est poli et respectueux ? Je ne sais pas, mais cela me fait quelque chose. Je me sens prise en compte. Pourtant, il ne me connaît même pas. Pourquoi, alors ?

« Pourquoi n'avais-tu pas mangé ? Comment connais-tu mon nom ? Pourquoi es-tu là ? »

Cette fois-ci, quand son sourire revient, je sais pourquoi. J'ai laissé les questions qui me brûlaient la gorge dégouliner sur le monde. J'ai arrêté de les retenir, de les ralentir, leur ai laissé toute la place qu'elles désiraient. Bien sûr, lui aussi l'a remarqué, lui aussi a compris.
Il m'a compris. Mais il ne m'en veut pas pour cette curiosité qui pourrait être excessive et qui, une fois exprimée, me contraint à me mordre les lèvres et à baisser les yeux. J'aurais dû être moins directe. La pointe de honte que je ressens me démange comme une ortie. Je me suis comportée comme si j'avais cinq ans, sans la retenue liée aux gens de mon âge. Je m'en veux, mais pas totalement. Ce que j'ai dit, j'avais envie de le dire.

« Je n'aime pas manger quand il y a trop de monde. Alors, je n'arrive jamais à l'heure. Je peux manger vite, donc cela ne me pose pas de problème. C'est en sortant d'une salle que je t'ai croisé. Je me souviens de toi. Je te voyais souvent dans les serres et la bibliothèque. »

Son regard remonte vers moi, comme s'il guettait ma réaction. Je ne laisse rien paraître, attentive à ses réponses.

« Et pour ton nom, il se trouve que j'ai une assez bonne mémoire. »

Là, il hausse les épaules, comme si ce fait était en dehors de sa volonté, qu'il ne l'avait pas totalement voulu.

Il n'a pas répondu à ma dernière question. Pourquoi ? Je fronce légèrement les sourcils, attends. Peut-être en cherche-t-il la réponse ? Bien que concentré sur son dîner, il semble toujours pensif. Pourtant, les secondes passent et son silence perdure.

Je le regarde fixement, alors il relève la tête et me sourit. Face à son sourire, je perds brusquement l'envie de lui reposer ma question. Elle me paraît soudainement inappropriée. Je ne peux pas la laisser revenir, ce serait comme... ajouter une poignée de poivre à notre dîner. Désagréable pour lui comme pour moi. Peut-être me dira-t-il la réponse plus tard ? Pourtant, nous sommes sur le point de terminer notre repas. Après, nous nous quitterons pour aller travailler chacun de notre côté. Quel plus tard pourrait-il y avoir ? Je ne sais pas, mais je suis persuadée qu'il y en aura un.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique
présence partielle

07 janv. 2024, 19:35
Naufragés  SOLO 
Je fais glisser mon assiette sur le côté pour toucher au dessert que j'ai sélectionné. Dans environ cinq minutes, le réfectoire fermera. La plupart des étudiants sont déjà partis. Les quelques groupes restants sont plus éloignés, et moins bruyants. C'est agréable de manger dans le calme. Et, en même temps, cela me rappelle chez moi. Godric's Hollow, ma mère, mon père. Retournerai-je là-bas pour les vacances de la Toussaint ? Mon père me l'a demandé par hibou. Ils me manquent, eux aussi, je crois. Cet été en leur compagnie était plutôt agréable, différent des précédents. Est-ce parce que je grandis ? Je deviens plus mature, plus intéressante à leurs yeux ? Ou se rendent-ils compte seulement que durant une bonne partie de ma scolarité, ils ne m'ont pas beaucoup accordé d'attention ? Je ne sais pas si je veux le savoir. Je suis contente de les retrouver, bien que je les sente toujours loin de moi.

Nahele dîne en silence. Il ne pose pas de questions, me jette des regards réguliers mais pas oppressants. C'est la première fois depuis que nous sommes en compagnie l'un de l'autre que mon crâne n'est pas gorgé d'interrogations. L'océan de pensées qu'il contient est calme. Il n'y a ni grandes vagues ni tempêtes. Si le soleil pouvait s'y lever, il serait bien haut au-dessus de l'horizon, surplombant le reste. Je pourrai encore tenter de converser avec l'étudiant en pédiatromagie, mais je ne suis pas sûre que c'est ce que je veuille. Le silence que nous partageons n'est pas pesant, au contraire. C'est comme s'il nous laissait la place d'étendre nos pensées dans de multiples directions. J'aime avoir les mains occupées et me rendre utile, mais parfois, m'arrêter pour juste saisir l'éclat du présent dans des pupilles me fait du bien. Est-ce le cas également pour Nahele ? Je ne sais pas grand-chose de lui, et c'est presque étrange alors, de dîner avec ce presque-inconnu. Mais pourquoi a-t-il accepté ? Il m'a dit qu'il était en deuxième année. N'a-t-il pas des amis avec qui passer son temps ? Ce serait là une question bien indiscrète à poser. Peut-être le saurai-je plus tard.

Ou peut-être que lui et moi, avant de nous rencontrer, étions tous deux perdus. Naufragés dans cet établissement trop grand.

Le dessert est bon, mais sans plus. Je le mange doucement, presque lentement. J'aimerais trouver d'autres choses à dire avant de partir, non pas que le silence me dérange, mais parce que cela me semble essentiel de ne pas partir comme si de rien était. Alors, je réfléchis, les yeux perdus sur la table.

Je dois remercier Nahele, et trouver des mots justes. Les groupes autour de nous se lèvent un à un. Nous devons nous dépêcher. Après, j'irai travailler. Il me reste des devoirs pour les jours qui suivent, et Ondine et Abby vont finir par se demander ce que je fais. De plus, nous tenons à la routine que nous avons mise en place et qui garantit l'équilibre de notre relation. Bientôt, alors, il me faudra retourner dans ma chambre et me changer. Là-bas, il faut encore que j'écrive une lettre à ma grand-mère et que je relise les leçons que je travaillerai lors de mon prochain jour de cours. J'ai tant de choses à faire ! Demain aussi, j'ai du travail. On attend de moi d'être à l'heure, en forme, pas d'avoir les pensées perdues, fuyantes, tordues. Alors, je dois régler d'abord ce problème et trouver quelque chose à dire. Ensuite, tout suivra. Une chose à la fois.

« Tu viens ? Il est temps d'y aller. »

Quand je redresse la tête, surprise, je découvre que l'étudiant est déjà debout, sa sacoche en bandoulière, son manteau sur le bras. Comment ai-je pu ne pas être attentive à ses gestes ? Sa présence endort mes peurs. Que c'est étrange.

« Je peux te raccompagner. Ce serait bête que tu te perdes. » ajoute-t-il en souriant.

Je me lève, attrape mes affaires. Mes joues manquent de devenir rouges. Je sais retrouver le chemin de ma chambre (c'est bien le seul chemin que je connais), mais je ne saurai pas refuser sa proposition.

« Si ce n'est pas un détour pour toi... »

Il secoue la tête, amusé. « Cela n'en est pas un. »

Nous sortons de la salle parmi les derniers, toujours l'un à côté de l'autre. L'Institut, de nuit, a quelque chose de vraiment très austère. Le peu d'étudiants que nous croisons nous jette à peine un regard. L'une d'eux sourit à Nahele, mais je ne dis rien malgré l'envie terrible de lui demander de qui il s'agissait. Cela ne me concerne pas, et cette fille peut très bien simplement être dans la même classe que l'ancien Jaune, ou le connaître de Poudlard. Étonnamment, cette rencontre fortuite jette une ombre claire sur mes pensées. Elle m'a rendu mal à l'aise, moi qui ne l'étais plus depuis notre arrivée dans le réfectoire. Nahele le devine-t-il quand ses yeux reviennent se poser sur moi ? Je les vois de coin qui m'observent. Ou me surveillent ? Je suis fatiguée, mes pensées s'emmêlent.

Je pousse un léger soupir et glisse une main dans mes cheveux. Le sommeil me guette, mais son heure n'est pas encore venue.

En redressant le regard, je reconnais les lieux. Nous approchons des dortoirs des filles. Bientôt, ma route et celle de Nahele devront se séparer.

« Merci de m'avoir guidé. » L'arrivée à un tournant me fait faire une pause. « Et merci d'avoir dîné avec moi. »

Cette fois-ci, il ne cherche pas à dissimuler le regard qu'il me lance.

« C'est normal, cela m'a fait plaisir.
À moi aussi, » ajouté-je après quelques secondes, hésitante.

Enfin, nous arrivons au lieu de notre séparation. Il le sait, et moi aussi. Un étudiant passe à côté de nous rapidement en nous frôlant. Je profite de son passage pour rassembler mes pensées, me concentrer sur ce que je dois faire.

Nahele s'arrête. Ses yeux clairs brillent presque dans l'obscurité du couloir.

« Si tu te perds de nouveau, fais-moi signe. »

Amusée, je souris et hoche la tête.

« D'accord. J'y penserai. »

Je sens quelque chose de nouveau à l'intérieur de moi, mais j'ai du mal à le saisir. Il flotte loin de mes doigts et de mon regard. Dois-je le poursuivre ou rester à ma place ?

« Bonne soirée. À un autre jour. »

Je rends ses salutations à Nahele avant de le regarder partir. Engluée dans mes pensées, je ne bouge pas. J'ai ce sourire étrange qui, malgré le fait que l'étudiant ait disparu au détour d'un couloir, persiste.

J'ai une petite pousse dans le corps. Quelque chose d'encore minuscule, fragile comme un espoir. Quelque chose dont il me faudra prendre soin. C'est ce qu'on nous apprend ici, après tout : rester attentif aux besoins des plantes et champignons, surveiller leur développement. C'est ce que j'aime, aussi. De cette petite plante encore nouvelle et inconnue, je serai très attentive à l'évolution. Qui sait en quoi elle se transformera ? Elle pourrait être une mauvaise herbe, une nuisible qui se propage rapidement et a de grandes racines. Dans ce cas, je devrai faire attention, et peut-être m'en débarrasser avant qu'elle ne prenne trop de place. Mais elle pourrait aussi être une petite fleur, et Merlin sait que des fleurs, il faut savoir prendre soin. Leurs pétales sont fragiles, et leurs ruses sont parfois bien trop faibles pour les protéger du monde. Mais j'ai de l'espoir, et je sais que ce végétal qui s'est installé à l'intérieur de moi peut devenir grandiose. Je ferai en sorte qu'il le soit.

De grands pas derrière moi me font me retourner brusquement, en sursautant. Ondine, loin devant moi, m'appelle. Je trottine vers elle, ma besace serrée contre ma poitrine — il y a des objets fragiles dedans !

La brune me lance un regard dur comme une pierre.

« Ah Merlin, mais qu'est-ce que tu foutais ? » Elle balaye d'un geste la réponse que je m'apprêtais à lui donner. « Non, non, ne dis rien, je m'en fous. Mais dépêche-toi, Abby est inquiète. »

Je baisse les yeux et fais de grandes enjambées aux côtés de l'ancienne Bleue. Abby semble si souvent triste, je ne voulais pas l'inquiéter.

Le souvenir de Nahele s'efface doucement à l'horizon de mes pensées dans un coucher de soleil. Il reviendra demain en même temps que le grand astre.


f i n

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique
présence partielle