Juché sur le rebord de la fontaine, je scrute la nuit. La lune exceptionnellement grande ce soir, joue à se cacher derrière des archipels de nuages mouvants. Mais la lumière que le disque projette depuis la voute céleste baigne la nuit brune d'une clarté sereine. Le spectacle est un ravissement à me donner le tournis et, avant que mon esprit ne s'évade et que mon corps vacille, j'agrippe l'un des quatre phénix, celui qui tient dans son bec un serpent.

J'aime la lune, cet astre de mystère, tourment des lycanthropes, fille du changement qui par la pensée, me ramène auprès de ma famille. Je les vois devant un grand feu. Ils s'enivrent de musique et de chant. Ma mère et les femmes dansent. Elles sont belles et terribles. Les hommes, eux, fument à se roussir le crin. La veillée les rassemble tous sous le regard absent du garçon qui leur parle pourtant :

Mama ! Diko tou. *

Je chasse la vision parce qu'elle me fait mal et reviens aux pierres de la cour rougies par l'éclat des flambeaux. Le contraste avec le halo sépulcral de la lune est saisissant mais c'est pourtant vers lui que je tends à nouveau. Le satellite toujours là, alors que les aiguilles de l'immense cadrant indique une heure avant le couvre feu, ne cesse de m'attirer.

* Maman ! Je te vois.

Lauren attendait ce soir là depuis qu’elle avait appris que la Superlune serait au rendez-vous. Malheureusement, un devoir de potion particulièrement retors la retint bien plus longtemps que prévu, si bien qu’il était presque de vingt heures lorsqu’elle le termina. Faire fi du repas pour profiter de l'astre nocturne le plus longtemps possible, elle se dirigea vers la cour de la tour de l’horloge, la tour d’astronomie étant occupée par les troisième années.

C’est ainsi qu’environ une heure avant le couvre-feu, contre un arche de cette cour, Lauren put enfin lever les yeux vers le ciel et admirer pleinement l’immense astre qui surplombait la Terre. Sa blancheur immaculée, contrastant avec le ciel obscur, illuminait la voûte céleste, faisant pâlir les étoiles. Pour une fois, cela ne dérangeait pas la jeune fille, qui revoyait encore son grand-père lui pointer la lune du doigt, en lui expliquant tout ce qu’il savait sur la Superlune et répondant patiemment à toutes ses questions. Encore une fois, le firmament ravivait les plus beaux souvenirs de la jeune fille. Malheureusement, ces mêmes souvenirs étaient irrémédiablement reliés au plus douloureux d'entre eux...

Perdue dans ses pensées, Lauren mit du temps à se rendre compte que l'arche sous laquelle elle s'était abritée lui dissimulait désormais une partie de ce spectacle. Se forçant à ne penser à rien d'autre qu'à l'exceptionnel spectacle qui s'offrait à elle, elle se déplaça donc vers la fontaine, au centre de la cour. À cet instant, elle se rendit compte qu’elle n’était pas la seule à admirer la lune. Appuyé sur l'un des phénix de la fontaines, un garçon aux cheveux sombres avait les yeux rivés vers le ciel. Bien qu'il soit bien plus grand qu'elle, il ne semblait pas être beaucoup plus âgé. Probablement un deuxième ou un troisième année, se dit Lauren. Ne souhaitant pas le déranger, après tout, elle était bien placée pour savoir l'importance de la voûte céleste pour certains, elle s'assit sur l'autre rebord de la fontaine, à l'opposé du garçon, et repris sa contemplation.

Au bout de quelques instants, elle crut entendre le garçon murmurer quelque chose, si bien que son attention quitta le ciel pour retourner sur l'adolescent. Ses yeux verts, qui ne quittaient pas la lune, semblaient briller avec le même éclat que cette dernière.


@Ezra Waite

Une ombre noire glissa devant le disque lumineux et bientôt celui ci disparut entièrement. La nuit basculait dans l'obscurité. Le nuage venait de briser le charme hypnotique de la lune. Je détachais mes yeux de la voûte et découvrais ma position ainsi que le visage d'une élève qui me fixait intensément. Tout à ma contemplation, je ne me souvenais plus m'être hissé sur la margelle et n'avais pas non plus perçu le regard inquisiteur qui pesait sur moi.

Malgré la pénombre qui régnait dans la cour, les traits de la fille ne m'étaient pas inconnus : plus jeune et menue, des mèches ailes de corbeau encadrant un pâle et impassible minois au milieu duquel deux billes noires semblaient me dévisager sans sourciller. Elle restait silencieuse mais dans son regard, une émotion fugace m'enjoignait presque de venir lui parler. Seul son nom m'échappait. J'avais pourtant la certitude qu'elle était une des première année de la maison que j'avais croisées depuis la rentrée. Alors, d'un bond, je rejoignais le pavé de la cour et contournant le bassin de la fontaine, je m'approchais de mon anonyme visiteuse. Là, d'une voix neutre, je murmurais ma question :

"C'est moi ou la lune que tu observes avec autant intensité ?"

Autour de nous, la cour désertée, parcourue de quelques reflets changeants jetées par les torches ondoyantes, semblait tout comme moi attendre impatiemment sa réponse et, le son de la voix.

@Lauren Simmons merci pour ta patience.

Maintenant qu'il s'était rapproché, Lauren voyait bien mieux l'inconnu. Sa peau était mate, et ses cheveux sombres. Son visage, éclairé par la lumière dansante des torches, lui semblait familier. Elle l'avait déjà vu quelques fois, dans les couloirs, la Grande Salle ou sa salle commune. Il était donc à Serpentard.

"C'est moi ou la lune que tu observes avant autant intensité ?"

Son murmure s'était fondu dans la nuit, comme s'il en faisait déjà parti. La Serpentard apprécia la façon dont il avait veillé à chuchoter pour ne pas rompre le calme nocturne. À ses yeux, le silence faisait autant, voire plus partie de la nuit que l'obscurité. La nuit, le monde dormait. La nuit, les astres s'éveillaient, comme des milliers bougies éclairant le monde. Elle leva un instant ses yeux sombres vers le ciel. Les nuages avaient recouvert les étoiles et la lune. Cependant, cette dernière était si lumineuse que l'on pouvait encore deviner sa forme à travers. Le rideau était très fin et éparse. La lune ne tarderait pas à réapparaître. Lauren détacha son regard de la voûte céleste pour le plonger dans celui du sorcier face à elle. Elle murmura à son tour, en réponse à sa question :

"J'ai cru que tu avais parlé, c'est pour ça que je te regardais."

Soudain, la cour lui sembla plus éclairée. Elle leva immédiatement les yeux. Les nuages avaient laissé un espace vide, que l'astre complétait. Malheureusement, cette éclaircie semblait condamnée à ne pas durer : la brume se déplaçait vite, et elle recouvrait déjà une partie de la lune. Lauren soupira doucement de déception, triste à l'idée que les nuages gâchent cette soirée exceptionnelle.


@Ezra Waite

Son murmure avait répondu au mien comme s'il s'agissait de ne pas déranger le spectacle en cours, et, pour le coup, je la remerciais intérieurement d'avoir préservé la solennité de cet instant. Avais je parlé ? Je ne m'en rendais pas compte.

"Qu'est ce j'ai dit ?"

Au dessus de nos têtes, les nuages se jouaient de la lune dans un ballet indécis, passant et repassant devant le satellite blanc et plongeaient dans la pénombre la cour comme de vilains garnements jouant avec un interrupteur. Cela tombait mal mais ce phénomène de pleine Lune de périgée n'était pas rare en soit, il y aurait bien d'autres occasions d'en admirer une.

Je délaissais donc le ciel pour m'assoir sur la margelle tout près de la première année. La pierre était froide et son contact glacé se diffusa dans mes reins et mes cuisses. D'un geste sûr, je tirais ma baguette et activais le sortilège des Flammes Bleues. Aussitôt, un petit feu d'un bleu vif se matérialisa devant moi. Irradiant l'espace d'une douce chaleur, je le déplaçais entre elle et moi tout en l'invitant d'un mouvement de la tête à venir à mes côtés. Je reprenais toujours bas :

"On se connaît, on s'est déjà croisé mais je ne me rappelle pas ton nom. Moi, c'est Ezra. Je suis en deuxième année."

@Lauren Simmons

"Qu'est ce j'ai dit ?"

Une nouvelle fois, Lauren quitta la voûte céleste des yeux pour regarder les pupilles vertes du garçon. De toute façon, il n'y avait rien à regarder puisque les nuages ne cessaient de dissimuler le disque céleste. Elle réfléchit à la question qu'il venait de poser, et à vrai dire, elle n'avait aucune idée de ce qu'il avait dit. Elle avait juste entendu, ou cru entendre, une voix, et elle en avait déduit qu'il avait parlé, puisque c'était la seule personne qu'elle voyait en ce moment là. Mais comme elle était concentrée sur le ciel, il était fort probable qu'il s'agisse en fait de quelqu'un d'autre, ou peut être même qu'il s'agissait seulement du vent. Alors, la Serpentard répondit simplement :

"Je ne sais pas... Je me suis peut-être trompée."

Pendant qu'elle parlait, le garçon approché d'elle pour s'assoir sur le bord de la fontaine et avait fait apparaître une flamme bleue. Fascinée par ce feu magique, Lauren le regardait avec curiosité, les yeux pétillants d'émerveillement. Puis la douce chaleur émise par cette lumière lui fit se rendre compte du froid qui régnait au château à cet instant, ce qui n'avait rien d'étonnant pour un soir de janvier en Écosse. C'est donc avec plaisir qu'elle réagit au signe du Serpentard l'invitant à s'approcher. Elle s'assit sur le rebord de la fontaine, bien qu'il lui sembla fait de glace tant il était froid.

"On se connaît, on s'est déjà croisé mais je ne me rappelle pas ton nom. Moi, c'est Ezra. Je suis en deuxième année."

Lauren tourna son visage vers lui pour lui répondre.

"Lauren. C'est ma première année."

Se remémorant l'intensité avec laquelle il observait la lune quelques instants plus tôt, elle jeta un rapide coup d'oeil au satellite voilé par les nuages avant de continuer :

"Tu sors souvent pour voir la lune ? Ou les étoiles ?"


@Ezra Waite

La fille ne fit pas de manière et s'installa à mes côtés. La chaleur des flammes nous dédommageait d'un simple réconfort puisque que le ciel avait décidé de se montrer capricieux et nous privait du spectacle. Elle s'appelait Lauren.

"J'aimerais sortir tous les soirs si cela était possible. Pas seulement pour observer la lune, mais pour me sentir plus libre. Aujourd'hui, la lune était un prétexte bien que j'adore suivre les transformations de cet astre si changeant. En général, ce qui m'attire au dehors s'est surtout cette sensation de ne pas avoir de toit au dessus de ma tête."

Dans les Marshes, chaque fois que le temps le permettait les veillées se passaient au dehors. Toute la famille se réunissait autour d'un grand feu et le temps s'étirait ainsi en chants, danses et musiques jusqu'à ce que mes paupières alourdies me tirent vers mon lit. Ces moments me manquaient terriblement. Il n'y avait rien de comparable ici et le couvre feu instauré par l'école n'aidait en rien.

"La vie dans cette école est très différente de chez moi. J'essaie de m'y habituer mais après plus d'un an, j'ai encore du mal à me faire à certaines choses."

Je marquais une pause. J'avais beaucoup parlé de moi.

"Et toi, qu'est ce qui t'a conduit dehors par une nuit si froide ? La lune ou autre chose ?"

@Lauren Simmons