Je suis en pleine forme aujourd’hui. Après une semaine entière à me lever du pied gauche, à refuser toute communication avant 11h du matin et à fusiller du regard ceux qui s’amusaient de me voir aussi mal lunée, j’ai enfin retrouvé cette bonne humeur qui me va si bien au teint. Malgré le coucher tard de la veille, j’étais debout depuis 7h30 du matin, prête à profiter de mon week-end comme il se doit.
J’étais descendue dans les premières pour prendre mon petit-déjeuner et j’avais bien pris mon temps tout en bavardant à droite à gauche. Mes camarades allaient finir par ne plus savoir où donner de la tête avec moi et mes humeurs changeantes, mais ce n’est qu’une habitude à prendre. Tout de même, est-ce qu’en grandissant tout cela finira par s’apaiser ?

Avec toute cette agitation dans ma tête, j’en avais presque oublié que je devais rejoindre Estelle ce matin. A force de me lancer dans des sujets de conversations abracadabrants, le temps qui passe m’était totalement sorti de la tête. Par chance, je n’étais pas encore en retard. Encore quelques petites minutes le temps de terminer mon dernier toast et, d’un geste rapide, je me lève de mon banc et file dans le Hall d’entrée, où la Poufsouffle m’attend déjà – c’est peut-être un truc de sa maison d’être en avance. Je me pointe devant elle, tout sourire, à 9h30 pile. Quoi de mieux que d'afficher une mine solaire pour se faire pardonner de ne pas être de celles qui angoissent à l'idée d'être en retard ?

- Pardon je t’ai fait attendre ?

Bon je ne suis pas en avance, mais je ne suis pas non plus en retard, ce qui est plutôt une bonne chose. Et puis, un samedi, je n’allais pas calculer les heures en avance, non. Après deux mois passés à Poudlard je savais pertinemment qu’il valait mieux profiter du week-end pour se reposer. Mais évidemment, tout cela n’était souvent que d’ordre théorique. Le rythme était pris et les grasses mâtinées étaient bien loin derrière moi.

- Alors, par quoi tu veux commencer ?

Voilà la raison de ma bonne humeur aujourd’hui. Une exploration plus approfondie du château. Le besoin d’aventure était de plus en plus pressant et avec les cours et les devoirs, difficile de trouver un temps pour découvrir tous les secrets de cette école. Et il ne faut pas être idiot pour savoir qu’il y en a un paquet. Heureusement pour moi, j’avais trouvé une camarade qui semblait aussi curieuse.

Je ne sais pas si je discerne de l’impatience ou de l’excitation dans les yeux d’Estelle. Toujours est-il qu’elle ne semble pas m’en vouloir de n’être que juste ponctuelle, ce qui me convient parfaitement car loin de moi l’envie de me forcer à être en avance.
La salle des trophées, voilà notre première destination. Je souris en approuvant d’un signe de tête enthousiaste. Je n’ai jamais visité cet endroit, c’est l’occasion d’assouvir cette curiosité. Mais c’est sans compter sur la petite pique de la jaune et noir qui me fait lever un sourcil, de la friponnerie plein les yeux. Ainsi donc, elle est ce genre de personne à tenter de cerner les gens en les titillant – ce qui marche totalement avec moi, évidemment. Mais au lieu de répondre totalement à sa provocation, je tente une approche différente.

- Tu essaies de te convaincre de quelque chose ?

Un sourire malicieux ne peut s’empêcher de se dessiner sur mes lèvres. S’il y a bien une chose qui me qualifie, c’est mon esprit de compétition. Mauvaise perdante, oui, mais surtout mauvaise gagnante. Je suis un peu cette fille insupportable qui nargue les autres à chaque victoire, celle qu’on enverrait bien dans les airs avec une batte de baseball – oui, comme un cognard.
Estelle semble avoir un peu cet état d’esprit, ce qui me plaît assez. Si nous avions été dans le même maison, on se serait battues main dans la main pour gagner cette coupe. Le destin en a décidé autrement.

- J’ai assez confiance en moi pour te dire que maintenant que je suis ici, la coupe sera décorée de rouge et d’or bien plus souvent que Poufsouffle n’oserait en rêver.

Bon d’accord, j’exagère peut-être légèrement, mais que voulez-vous, il ne faut pas me lancer sur ce terrain-là.

- Mais stop la causette, est-ce qu’on part à l’aventure à l’aveugle ou est-ce qu’on cherche dans l’Histoire de Poudlard, l’endroit où se trouve la salle ?

Je commence à sautiller sur place. Cette impossibilité de rester sans gigoter s’avère être de plus en plus délicat, surtout en cours où je change de position toutes les cinq minutes chrono. Un véritable petit asticot. Mais après tout, qu’importe, je ne suis pas ici pour rester assise au coin du feu à lire des bouquins énormes qui me font bailler. Non j’ai des jambes, autant qu’elles me servent à quelque chose vous ne pensez pas ?

La malice s’accentue dans mon regard avec tout de même un soupçon de compassion. J’ai envie de lui dire que ce n’est pas ce genre de classement provisoire qui compte, mais bien celui que l’on a, à la fin de l’année, celui qui amène la récompense. Dans ma tête, j’en suis persuadée, Gryffondor va remonter et les voir en tête serait vraiment une sacrée fierté. C’est ça avoir l’esprit de compétition : ne pas baisser les bras, se battre jusqu’au bout et défier ses adversaires du regard, surtout les plus dangereux. Entre nous, ce n’est pas Poufsouffle qui m’inquiète le plus. Quoiqu'ils peuvent être plein de surprise, je ne serais qu'à moitié étonnée de les voir remonter en flèche.

En dehors de cette pseudo analyse de sablier, quelque chose de bien plus pertinent nous attend aujourd’hui. Alors au diable les points, les sabliers et tout ce qui nous font nous détester et accueillons à bras ouvert l’exploration et l’escapade. De quoi égayer ce week-end qui avait déjà bien commencé.
Je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire à l’évocation du livre.

- J’ai une tête à me trimballer avec mes bouquins ?

Pas vraiment, j’avais même tendance à vouloir me tenir le plus loin possible de mes livres en dehors des cours. Pourquoi perdre son temps avec de la théorie quand on a l’occasion de passer directement à la pratique ? Une ampoule imaginaire se forme soudain au-dessus de ma tête avec l’envie irrépressible de transformer nos recherches en jeu. Oui oui oui, rien de mieux qu’un jeu pour rendre les livres amusants.

- Je te propose un truc : On file à la bibliothèque à la recherche du livre et on cherche l’emplacement de notre salle. C’est comme une chasse au trésor.

Je ne peux m’empêcher de montrer des signes d’impatience. Cette visite du château va probablement être bien plus intéressante qu’elle ne l’était déjà. Si ce jeu s’avère aussi pertinent que dans ma tête, alors on risquerait peut-être de louper le repas, ou d’arriver en retard.

- T’es partante ? On peut même se chronométrer pour se challenger en plus !

Ok, je vais peut-être trop loin une fois encore, mais c’est ainsi que je vis ma vie.

FIN