Un craquement sec retentit, déchirant un air chargé d'humidité de la dernière pluie. Trois personnes émergèrent sur le côté d'une route complètement déserte, une enfant avec ses parents. La plus petite avait le bras de sa mère posé sur son épaule alors qu'elle tirait une drôle de tête, le visage pâle : le transplanage avait du mal à passer. Cela faisait bien longtemps qu'Alyssa n'avait pas expérimenté les plaisirs d'un transplanage d'escorte, en particulier sur un trajet pour le moins long. Très exactement de la pointe sud de l'Angleterre à celle de l'Irlande. Et cette expérience ne lui avait clairement pas manqué alors qu'elle retrouvait les nausées qui semblaient pourtant avoir disparu depuis belle lurette.

- Respire, ça va te passer, dit Sarah-Lee Wright à sa fille en lui passant sa main dans le dos.

Alyssa faisait de son mieux et elle gardait maintenant son visage, d'une intéressante teinte verdâtre, au dessus d'un bosquet de fleurs qui bordait une allée. D'une petite voix, elle répondit :

- M'man, arrête de me toucher le dos, c'est encore pire.

La main de sa mère s'immobilisa dans les airs, interrompant son mouvement dans une grimace. Elle sortit alors une gourde d'eau d'un sac à l'apparence bien trop petit et léger pour supporter un tel objet. Sans retenue, la blondinette l'attrapa pour avaler de longues goulées. Dans un soupir soulagé, essuyant de la manche de sa veste en jean un peu large, elle signala alors à ses parents que tout danger était écarté, autant pour ses vêtements que pour les fleurs de Narcisse. Car effectivement, la petite famille était juste devant la maison du jeune Poufsouffle, ce dernier ayant spontanément invité Alyssa pour quelques jours à l'occasion des vacances de Pâques.

Cela faisait bien longtemps que la jeune fille n'avait pas été invitée dans une autre maison que celle de Winter, qui bordait littéralement la sienne. Son sac, un vieux sac à dos de sport qu'elle se refusait à remplacer, avait ainsi été rempli avec soin -pas par elle-même sinon il manquerait la moitié des choses- et sans un sort léger d'aménagement aurait sans aucun doute déjà craqué tragiquement. Alyssa s'était montrée plutôt emballée par l'invitation de son ami mais, maintenant qu'elle voyait la maison se rapprocher de pas en pas, le sien ralentissait ostensiblement. La Gryffondor connaissait bien Narcisse mais ne savait en réalité pas grand chose de ses parents. Ils étaient moldus. Ca, Alyssa en avait plutôt l'habitude. La mère du Poufsouffle était militaire, un métier dont la blondinette n'avait qu'une vague idée, et son père... Narcisse l'avait-il spécifié déjà ? De toutes manières la troisième année se fichait bien des activités des adultes tant que ces derniers n'étaient ni sévères, ni moralisateur, ni injuste avec elle.

En traversant la cour, le regard d'Alyssa se posa sur une énorme voiture noire. Il lui sembla à cet instant là qu'elle n'avait jamais rien vu d'aussi moldu, elle qui préférait largement les balais. Mais l'automobile était superbe, même ses parents la regardèrent d'un œil plutôt intéressé. Les discussions tranquilles achevèrent de suivre le trio qui s'arrêta enfin devant la porte de cette maison.

- Tu veux sonner ?, proposa Daniel Wright dans un sourire taquin, lui qui n'oubliait jamais l'emballement de sa fille devant les sonnettes moldus.

Alyssa, dont le visage avait reprit quelques couleurs, s'exécuta sans hésitation. A l'instant où elle posa son doigt dessus, un coup de feu retentit.

"J'y vais !"

Narcisse bondit précipitamment du canapé où il se tenait allongé, à côté de son père, immergé dans sa lecture d'un traité de lettres anciennes. Ce dernier n'avait évidemment pas bronché le moins du monde lorsque la sonnette retentit. Il portait son casque anti-bruits, pour se préserver de l'entraînement de sa femme, loin dans les collines. Mais suffisamment bruyant pour le distraire de ses précieuses lignes s'il ne se protégeait pas. Il faut dire que lorsqu'il lisait, Oscar se plongeait dans l'un de ses rares moments où il n'aimait que moyennement bavarder. Peut-être que sa passion pour les livres équivalait celle pour les gens, ou peu s'en fallait, mais ça, il avait fallu un long moment à Narcisse pour le découvrir.

Et de toute manière, qui sait s'il aurait réellement daigner lever son cul de ce canapé beaucoup trop confortable.

Dans le grand salon, se tenait un canapé, celui sur lequel étaient assis Oscar et Narcisse. Deux fauteuils positionnés en biais, tous garnis de coussins, sur une épaisse moquette, qu'un grand tapis recouvrait négligemment. Face au canapé, une grande télévision, pouvant à volonté sortir du plafond ou y rentrer, si l'on souhaitait profiter de la cheminée murale derrière elle. A côté se tenait l'armoire à trophée, rempli de coupes, officielles ou artisanales, et de médailles diverses, ainsi que de ceintures de différentes couleurs. Derrière le canapé, une grande baie vitrée laissait filtrer le soleil pointant enfin ses rayons, et à droite, de l'ouverture dans le mur menant à la cuisine, la voix de Claire retentit.

"C'est ton amie de l'internat ?
- Euh, oui, oui c'est elle ! T'inquiète !
- Mais je ne m'inquiète pas, j'ai d'autres souci ! Rah, fichu internet, c'est quoi ton problème ?"

Narcisse baissa honteusement la tête en traversant le salon pour se précipiter à toute allure dans le couloir d'entrée. L'envie de dire toute la vérité à sa marraine le démangeait, mais pour le moment, c'était impossible, quel enfer pour lui. Il ne pouvait pas dire que la raison de sa coupure internet devait certainement provenir du transplanage de son amie. Ce n'était pas la première fois qu'un tel incident arrivait dans la maison, depuis que Narcisse avait fait sa rentrée à Poudlard. Si, auparavant, cela ne posait que peu de problème à ses parents (sauf lorsque la télé tressautait au cours d'une intense partie de Mario Kart 9) depuis que Claire avait emménagé chez eux, les choses pouvaient se présenter de façon beaucoup plus délicates.

Fort heureusement, le bruit du transplanage pouvait être aisément confondu avec un énième coup de feu, qui résonna encore avant qu'il n'ouvre d'un coup la porte, tout sourire.

"Yooo ! Bien'v'nue chez moi ! Comment vous allez ?!"

Ce qu'Alyssa ne remarqua pas, ce fut le mouvement coordonné de ses parents qui avaient porté leur main à leur ceinture en direction de leurs baguettes magiques sciemment dissimulées tout en se resserrant vers elle. Le coup de feu n'avait pas alarmé plus que ça la jeune fille, étant bien plus amusée par la perspective d'appuyer sur un bouton produisant un bruit par cet étrange concept qu'était l'électricité. Elle n'avait nullement conscience de l'état de vigilance dans lequel était plongé les deux adultes. Ce qu'Alyssa ne manqua pas en revanche, ce fut le jeune garçon aux cheveux ébouriffés qui ouvrit à la volée la porte d'entrée avant de leur offrir un accueil bien à son image. La blondinette lui fit un large sourire alors que ses parents avaient arrêté en chœur leur geste pour immédiatement se détendre, sans aucun doute rassurés par l'allure totalement inoffensive et innocente de l'enfant ; et ne voulant nullement commettre de vagues devant un amie de leur fille.

Revoir son ami après quelques jours loin de Poudlard rendit Alyssa plus joyeuse qu'elle ne se l'était imaginée. Loin du château, les nuages noirs de ses inquiétudes ne faisaient plus que gronder à l'horizon, de façon lointaine, très lointaine... Si bien qu'elle n'en avait pas parlé un seul instant avec ses parents, se contentant de répondre par de vagues réponses à leurs questions concernant sa scolarité. Il lui était bien plus facile de leur raconter pour la vingtième fois la capture du vif d'or lors du match contre Serdaigle en Automne que sa violente altercation avec Éli à l'entrée des souterrains. Ainsi elle répondit du tac au tac à Narcisse avec bonne humeur :

- Salut ! Ça va super et toi ?

Dans un éclair de lucidité, elle se garda bien de lui confier qu'elle avait failli régurgiter son repas dans son jardin, pas loin de leur voiture flambant neuve. Autant la jeune fille n'imaginait pas le Poufsouffle réagir pour si peu, autant sa mère pouvait très bien adorer les fleurs tout autant que son ancien directeur de maison. Sarah-Lee dit alors au garçon dans un sourire sincère :

- Bonjour, tu dois être Narcisse. Ravie de te rencontrer. Tes parents sont là ?

Ce fut dans un humour bien à lui que Daniel dit ensuite à l'enfant d'un ton amical :

- Yo ! Ça baigne, comme ici apparemment.

Alyssa se retourna vers son père, lui lançant un regard circonspect avant de réaliser que l'homme faisait une allusion à la météo pour la moins humide de la région. Elle jeta ensuite un coup d'œil à son ami et haussa les épaules dans un sourire légèrement embarrassée, les joues roses, avant de commencer à regarder avec curiosité l'intérieur de la maison qui se dessinait dans le dos de Narcisse. La jeune fille en avait déjà vu des maisons moldues, mais elle était toujours aussi curieuse. Est-ce que la maison de Narcisse serait aussi soignée et épurée que celle d'Hannah ? Est-ce qu'elle serait au contraire constamment en désordre, avec des trésors étranges dans chaque coin de pièce, comme chez Kit ? La blondinette était intriguée.

"Ça va super aussi ! On t'attendais ici ! J'suis trop content qu't'ai ramené tes parents !"

La nuque de Narcisse picota légèrement au moment où il entrouvrit la porte. Sans que ses yeux ne perçoivent le mouvement des adultes qui portèrent leur main vers leur baguette, son instinct l'avait bien perçu, lui. Mais cette impression fut bien trop légère et volatile pour qu'il s'y attarde, et dans un immense sourire, il entreprit de saluer les adultes.

"Vi ! C'est moi ! Trop content d'vous rencontrer ! Mon père et ma marraine sont là, ma mère s'entraîne sur la colline ! On pourra la rejoindre après si vous voulez !"

Il salua ensuite le père d'Alyssa, lui répondant instantanément, mais cherchant la raison de pourquoi il avait dit "comme ici"...

"Oh, trop cool ! Comment vous savez qu'on va bien aussi ? Vous êtes trop fort héhé !"

Narcisse et les jeux de mots, ce n'était vraiment pas une grande histoire d'amour... Le garçon se tourna précipitamment lorsqu'il entendit Claire arriver, avant de chuchoter avec une voix traduisant l'urgence.

"Euh, au fait ! Ma marraine sait pas, pour Poudlard, pas encore, euh... vous pourriez...
— Et bien mon grand, tu ne me présentes pas ?"

La blonde s'arrêta juste derrière lui, l'interrompant en posant sa main dans ses cheveux. Elle lança un sourire désarmant aux invités, rajustant une mèche de cheveux rebelle qui s'était échappée de sa queue de cheval. Narcisse tressaillit au contact, avant de se ressaisir.

"Ih ! Euh, hrm. Claire, c'est Alyssa ! Une amie d'l'internat, et c'est ses parents ! Aly, elle c'est Claire, ma marraine !
— Enchantée, bienvenue. Oscar ! Bon sang, tu vas rester encore longtemps assis ?"

Une absence totale de réaction de la part d'Oscar fit soupirer la blonde, qui leva les yeux au ciel d'un air désemparé, mais amusé. Subtilement, elle se décala d'un pas pour laisser Narcisse s'occuper de ses invités.

"J'vous en prie, entrez ! Ensuite on ira voir où en est maman si vous voulez !"

Et séance tenante, il les laissa rentrer en s'avançant dans le couloir pour aller chercher son père, tout en prenant soin d'indiquer :

"Là c'est l'étagère à manteaux ! Aly, tu peux laisser ton sac où tu veux t'inquiètes ! Papaaa !"

Et malgré toute cette agitation, il fallut que Narcisse se plante devant son père pour que ce dernier se lève enfin en retirant son casque, totalement surpris. Mais il réussit l'exploit d'accueillir les invités avec un immense sourire, en rajustant ses lunettes, ignorant totalement ses cheveux en bataille.

Alyssa était tout sourire, n'ayant nullement conscience du mouvement de protection simultané qu'avaient commis ses parents. Narcisse les salua, semblant tout enthousiaste, et la blondinette manqua de pouffer en réalisant que son ami n'avait absolument pas compris le jeu de mots de son père. En même temps, elle était elle-même victime d'un entraînement dès sa petite enfance pour comprendre l'humour parfois farfelu de Daniel Wright et de son acolyte jumeau. D'ailleurs, l'adulte sembla bien amusé par la réaction de l'enfant et lui glissa :

- Oh quelques talents en divination...

Alyssa leva les yeux au ciel avant de chuchoter à son ami un petit : - Laisse tomber...

Des bruits de pas se firent entendre et la blondinette tendit aussitôt le cou, toute curieuse de découvrir la famille de Narcisse. Après tout elle allait cohabiter avec eux pendant trois jours, ce n'était pas rien ! Est-ce que les parents de Narcisse étaient aussi négligents que ceux de Kit ? Aussi maniaques que ceux de Anna ? La jeune fille n'allait sans aucun doute ne plus tarder à le savoir...

Narcisse chuchota alors quelque chose qui surprit Alyssa, cette dernière ouvrit de grands yeux avant d'hocher la tête. La blondinette ne remarqua pas le regard que se jetèrent ses parents à ces paroles. Elle, elle n'avait pas imaginé un seul instant qu'une personne n'ayant aucune connaissance du secret magique allait se trouver parmi eux. Heureusement que je n'ai pas pris Gus, se dit la jeune fille en repensant à son petit animal qui avait été laissé aux plus grands soins de sa cousine Winter... Et à la plus grande joie de cette dernière.

Une jeune femme blonde apparut alors derrière Narcisse et Alyssa lui fit un sourire tout naturel. La jeune fille n'avait nullement conscience du charme certain que pouvait exercer cette dame qui se recoiffait -inutilement selon la petite- juste devant eux et la regarda alors d'un œil étonné.

- B'jour !, dit Alyssa à l'adulte une fois que Narcisse les eut présentés. Ses parents la saluèrent aussi de façon tout à fait naturelle, rien chez eux n'aurait pu laisser présumer quelque chose d'étrange tel, au hasard, d'être des sorciers. Même leurs vêtements étaient bien choisis pour laisser croire qu'ils ne se vêtaient pas de robes dans la vie de tous les jours.

Alyssa se tordit alors le cou pour essayer de voir ce certain Oscar alors que Narcisse les accueillait dans le couloir. La blondinette hocha la tête à ses mots, bien curieuse de rencontrer la mère de son ami. Car ce qu'elle n'avait pas dit à ses parents, en leur évoquant l'invitation de Narcisse, c'était que sa mère allait l'entraîner. Et Alyssa avait sacrément hâte de commencer.

Aux paroles du garçon qui suivirent, elle laissa tomber son sac contre l'étagère à vêtements, en ce mois d'Avril la petite famille était habillée de façon suffisamment légère pour ne pas avoir de manteaux à ôter. Le trio arriva enfin dans le salon et la blondinette dévisagea avec insistance le casque couronnant la tête de l'homme que Narcisse interpellait, elle bien trop intéressée par cet objet parfaitement moldu. C'était donc ça qui permettait aux moldus d'écouter de la musique ?

Lorsque l'adulte retira son casque puis accorda à la famille un large sourire, Alyssa le salua à son tour. Ses parents firent de même, semblant bien apprécier ce bonhomme. La blondinette était de leur avis, il ressemblait à Narcisse en version plus grand, plus gros et plus vieux, avec son air tout gentil et ses cheveux en bataille. Exactement le genre d'adultes qu'elle aimait faire tourner en bourrique... Un léger sourire incontrôlable se dessina sur ses lèvres alors que le regard sévère de sa mère se braquait déjà en sa direction.

- Alyssa, tu seras sage ici, lui souffla-t-elle tout en gardant le sourire vers le père de Narcisse. Votre maison est superbe.

Ca c'est bien des paroles de moldus !, se dit la blondinette qui se retenait déjà d'éclater de rire devant l'avertissement précédent de sa mère, pleinement consciente que cette dernière ne pourrait pas la surveiller durant ces trois jours. Elle sentait néanmoins l'effort de ses parents pour essayer de s'adapter aux mœurs moldus car jamais Sarah-Lee Wright avait fait mine d'autant s'intéresser à une maison.

"Oh, mais comme t'es choupi toi. J'espère que ton séjour ici se passera bien."

Claire lança un regard attendri à Alyssa après que celle-ci l'eut saluée. Elle n'en avait pas l'air, mais elle adorait les enfants. Il faut dire qu'être la marraine d'un enfant comme Narcisse réveillait forcément en vous certains instincts maternels ou paternels. Et la blonde, véritable désespérée de l'amour au cœur brisé, ne manquait jamais une occasion de profiter de la présence de ses amis. Ou amies, en l'occurrence, la blonde ne put s'empêcher de sourire d'un air entendu en se dirigeant dans la salon, avant de s'avachir dans l'un des fauteuils.

"T'as vu ça, Oscar ? Il en ramène encore une, il ne s'arrête jamais ce petit...
— CLAIRE !"

Oscar eut à peine le temps de se diriger vers les invités que lui et Narcisse se tournèrent en cœur vers elle pour la réprimander. Si le petit avait l'air consterné et se mit à rougir comme une pivoine, se précipitant en direction de sa marraine pour la rosser de petits coups inoffensifs, Oscar pouffa de rire. Il serra chaleureusement la main de ses invités, un sourire amusé flottant sur ses lèvres.

"Toutes mes excuses, je vous prie de croire que nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour restreindre les pulsions de notre petit.
— PAPA ! Espèce de... AH !"

Narcisse n'eut pas le temps de répondre que Clair l'avait déjà saisi pour l'installer sur ses genoux, en s'empressant de l'assaillir de chatouilles et de bisous dans le cou, provoquant immédiatement ses éclats de rire incontrôlables.

Oscar reprit sa litanie, en rougissant légèrement, l'air quelque peu embarrassé au compliment de la mère d'Alyssa.

"Oh, je vous remercie, tant d'effort pour un résultat si facilement atteignable pour vous... C'est flatteur."

Un petit clin d'œil à leur attention, son sourire ne trompait pas. Oscar était du genre à adorer laisser planer des petits doutes, des petites attentions, des indices explicites. Il aimait les jeux de mots et les énigmes, les puzzles, et le beau verbiage.

"Mais il faut rendre à César ce qui est à César, enfin, en l'occurrence, à Cléopâtre ce qui est à Cléopâtre."

Un petit soupir amusé, il cala son livre sous le bras, plissant les paupières d'inconfort lorsqu'un énième coup de feu retentit au loin. Oscar entreprit de copieusement l'ignorer, ne se doutant pas un seul instant de l'émoi potentiel que ces bruits pourraient déclencher chez ses invités. Non pas qu'il ne pouvait pas se l'imaginer, mais il s'y était trop habitué pour s'en douter sans indices extérieurs.

"Cette maison serait certainement aussi dérangée qu'un livre sans ses pages si ma chère et tendre n'était pas aussi stricte."

Il parcourut doucement les alentours de son regard.

En y regardant bien, il était vrai que l'on pouvait aisément observer l'influence de la militaire dans cette maison. Rien ne dépassait, tout était particulièrement propre et rangé, bien tenu, et organisé. Mais pour autant, elle ne manquait pas le moins du monde de chaleur, avec les étagères débordant d'objets personnels, de souvenirs, ou des petites tables à côtés du canapé contenant les consoles et autres jeux de la maison. Le jardin, également, visible depuis la baie vitré, voyait son gazon parfaitement entretenu. Au loin, la silhouette du gymnase, dont le toit gris ruisselait de pluie, se distinguait avec le petit potager, de l'autre côté. Un potager humble, mais visiblement plus qu'entretenu avec le cœur.

Son regard revint sur les invités, il jeta un coup d'œil à sa montre.

"Désirez-vous quelque chose à boire, en attendant qu'Honor revienne ? Ou...
— J'peux aussi directement les emmener ! Ça f'rait une balade chouette !
— ... ou, comme mon impatient fils vous le suggère, vous pouvez allez découvrir les alentours. C'est à votre guise, cela va de soi."

Narcisse venait enfin de réussir à se dégager des griffes acérées de Claire, et avait bondi pour se placer à côté de son père, les cheveux encore plus en bataille que tout à l'heure. La blonde soupira en souriant, avant de croiser les jambes pour s'installer sur son portable.

Alyssa avait ouvert grand les yeux en arborant une mimique parfaitement innocente à l'adresse de la marraine de Narcisse qui l'avait complimentée. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas reçu une telle appréciation d'un adulte inconnu, et même du haut de ses quatorze ans ce genre d'attention ne la dérangeait pas. Au contraire même, d'après la jeune fille c'était l'ouverture à une activité qu'elle plébiscitait depuis son plus jeune âge : tester les limites.

Tout se passa alors très vite. Claire fit un commentaire et fut instantanément accaparée par Narcisse et son père.

- "Encore une" ? De quoi elle parle ?, demanda alors Alyssa en se tournant vers ses parents, notant l'intéressante couleur cramoisie qu'arborait maintenant le visage de son père ainsi que le petit sourire attendrie flottant sur le visage de sa mère. Mais l'un comme l'autre ne semblait pas décids à lui répondre et elle insista : De QUOI elle parle ?

Pendant ce temps d'interrogation totale, Narcisse s'était précipité sur sa marraine pour la taper, s'éloignant considérablement de l'image du garçon sérieux qui avait montré à Alyssa quelques enchaînements d'arts martiaux. Les parents d'Alyssa serrèrent la main d'Oscar, Sarah-Lee avec grande sympathie, Daniel avec sensiblement plus de réserve.

- Hein...?

Alyssa, quand à elle, était pour le moins perplexe. Elle ne remarqua pas le coup de coude que venait d'assener sa mère à son époux, avant que ce dernier ne réponde au père de Narcisse avec une sympathie revenue :

- Je l'espère bien, répondit Daniel d'un ton un peu moins raide.

La blondinette chercha le regard de sa mère et de son père, mais chacun d'entre eux semblait être à la contemplation d'un Narcisse maintenant aux prises avec sa marraine : à genoux et contraint de subir une montagne de chatouilles et de bisous. Ils arboraient chacun un regard radicalement différent que la jeune fille était bien incapable de comprendre. A la place elle se mit à observer le salon, encouragée par le compliment de sa mère à l'égard d'Oscar. La pièce était vaste, mais ce qui accrocha le regard d'Alyssa, ce fut cette énorme télévision ainsi qu'une armoire qui croulait sous des trophées parfaitement bien ordonnés. Elle-même en avait dans sa chambre, des coupes et des médailles qui provenaient de compétitions juniors de patinage artistique. Mais il ne lui semblait pas en avoir déjà vu autant de réunis dans un même endroit.

La concentration éparse, Alyssa ne saisit ainsi pas les premières paroles d'Oscar en remerciement à Sarah-Lee. Cette dernière en revanche, ainsi que Daniel, les saisit à merveille.

- Mais je vous en prie, répondit la femme blonde d'un air amusé tandis que son époux arborait maintenant un sourire entendu. Elle écoutait les paroles de l'homme avant de rebondir sur le sujet : Nous serions d'ailleurs ravis de rencontrer votre épouse.

Alyssa, quand à elle, commençait à osciller d'un pied à l'autre, déconcentrée par ces coups de feu qui ne semblaient pas en finir. Il y avait des chasseurs dans le coin ? Cela lui arrivait parfois d'entendre le bruit de leurs fusils -ressemblant à celui qui parvenait à ses oreilles répétitivement aujourd'hui- non loin de chez elle, à Arundel. Mais sa ville étant en bordure d'une réserve naturelle, cette activité n'était pas vraiment mise à l'honneur. Son regard distrait repassa sur Claire et Narcisse, ce dernier venait de s'extirper des bras de l'adulte et ses cheveux en étaient pour le moins... Secoués ?

- Un verre avec vous serait avec plaisir, répondit Sarah-Lee en toute politesse à la question d'Oscar. Mais on peut tout d'abord très bien accompagner Narcisse et Alyssa à la rencontre de votre femme.

- On peut y aller que tous les deux, souffla alors précipitamment Alyssa à sa mère, désireuse d'avoir enfin plus d'actions que de subir de nouvelles plates discussions d'adultes à propos d'un salon ou de boissons. Elle jeta un coup d'œil à Claire et remarqua que cette dernière était plongée sur... Un félétone ? La jeune fille avait encore oublié le mot précis mais pouvait jurer qu'elle n'en était pas si loin.

- Non, on vient avec toi, répondit alors Daniel d'un ton sans réplique. Ta mère et moi.

Alyssa soupira, ne comprenant absolument pas le comportement de ses parents aujourd'hui.

Oscar hocha la tête d'un air on ne peut plus humble lorsque la mère d'Alyssa exprima sa volonté de rencontrer son épouse. L'idée que sa femme puisse ainsi renouer avec le monde auquel son fils appartenait l'emplissait de joie et de fierté, et il savait que Narcisse se ferait un plaisir de les accompagner.

Cependant, lorsque les parents manifestèrent leur volonté plus qu'inflexible d'accompagner leur fille, une goutte d'appréhension se dilua dans l'océan d'optimisme du cœur d'Oscar. Si Narcisse n'avait pas le moins du monde remarqué le comportement des adultes, et semblait plus qu'enjoué à l'idée de faire une petite balade -excitation témoignée par son empressement à tirer par la manche sa petite camarade dans le couloir en l'enjoignant à le suivre, Oscar l'avait bien remarqué. Son sourire diminua de quelques millimètres, il savait que son fils n'était pas du genre à dissimuler la moindre chose. Par conséquent, la question était de savoir ce que ces sorciers savaient sur Honor...

"Laissez-moi vous accompagner, un peu de marche me fera le plus grand bien."

Il n'avait pas prévu, au départ, de venir avec eux. Mais un pressentiment l'y poussa, une raison indiscernable l'empêchait de simplement attendre le retour d'Honor en la laissant seule face à ces sorciers. Oh, il n'avait pas peur pour elle, pensa-t-il en se dirigeant dans le couloir pour enfiler sa veste, petit frileux qu'il était. Mais il savait la dangerosité de sa femme, et surtout, son impulsivité...

"Je garde la maison, vous inquiétez pas, amusez-vous bien !
— Le contraire m'eut étonné, de la part d'une indolente telle que toi...
— Hey ! Attends simplement que j'ai la force de quitter ce canapé."

Oscar s'esclaffa discrètement en laissant les parents d'Alyssa suivre leur enfant et Narcisse, qui s'étaient tous deux précipités -tout du moins, qui s'était retrouvée entraînée par un Narcisse surexcité qui n'arrêtait pas de parler, dans la direction de la colline.

Une fois la porte fermée derrière lui, Oscar se redressa en emboîtant le pas aux adultes, ne manquant pas de ponctuer leur marche de conversations spirituelles et légères, subtiles et pertinentes.


Narcisse adorait marcher. Enfin, surtout courir, pour être honnête. Ce fut la raison pour laquelle il dut attendre plusieurs fois son père tout en gravissant la colline. Il profitait de ces instants de pause pour pointer de son doigts tous les points qu'il jugeait digne d'intérêt çà et là, à Alyssa, tout heureux de pouvoir partager ce genre de chose. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas invité de camarade ou d'ami moldu, il faut dire qu'il n'avait plus vraiment l'aisance de pouvoir les regarder en face pour leur menti. Aussi préférait-il désormais la compagnie de ceux et celles avec qui il pouvait être lui-même et dire toute la vérité, rien que la vérité et seulement la vérité.

Plus ils gravissaient la colline, plus les coups de feu retentissaient puissamment dans l'air. L'odeur de la poudre commençait à atteindre les narines les plus affûtées. Ce n'est qu'en arrivant au bout d'un chemin, auquel était attaché un large panneau, affichant clairement "Danger, champ de tir." que Narcisse et Oscar reprirent tout leur sérieux, se positionnant côte à côte pour exposer la situation .

"S'il vous plaît, à partir d'ici, restez bien groupé. Et avec nous.
— J'vais envoyer un message à maman pour dire qu'on arrive ! On va attendre qu'elle réponde, en attendant faut qu'on reste ici !"

Et ils attendirent donc, pendant que le petit pianotait sur son portable en souriant. Oscar reporta son attention les Wright, un sourire sur son visage malgré la goutte de sueur qui roula sur sa tempe. L'homme n'avait pas du tout l'habitude de s'adonner à une quelconque forme de sport, mis à part celui qu'il pouvait de temps à autre avec Honor. Aussi, son endurance n'était que restreinte, tout au mieux, malgré tous ses efforts. Il préférait encore et toujours un bon livre.

"Je vous prie d'accepter mes excuses, avec mon entrain, je ne vous ai même pas questionné sur votre connaissance de notre monde. J'ose espérer que vous ne vous retrouvez pas trop déboussolés ?"

- J'te suis !, s'était exclamée Alyssa à nouveau tout sourire, alors que Narcisse la tirait par la manche en direction du couloir. Ses parents voulaient donc venir, très bien. Dans ce cas, ils n'avaient qu'à suivre son rythme.

Sarah-Lee gardait soigneusement un oeil sur sa fille tandis qu'elle approuva avec le sourire la décision du père de Narcisse de les suivre. Ni une ni deux, les deux enfants étaient déjà dehors et Alyssa suivait son ami en courant -ce dernier ne lui laissait pas vraiment le choix vu comme il la tirait par le bras, mais une course n'intimidait jamais la blondinette. Ce fut ainsi d'un pas pressé que Daniel et Sarah-Lee les suivirent, talonnés par Oscar, renonçant à rappeler les enfants : demander Alyssa de ralentir était une cause perdue.

Heureusement, le petit groupe finit par convenir sans mot d'une vitesse de croisière : Narcisse et Alyssa courraient devant, faisant de petites pauses régulières en attendant les adultes qui marchaient derrière, eux profitant d'une discussion des plus agréables. Sarah-Lee et Daniel commençaient à se montrer plus détendus, appréciant véritablement la compagnie d'Oscar et sa manière de meubler la conversation.

Plus haut, tout se passait à merveille pour Alyssa. Elle écoutait et posait des questions à Narcisse qui prenait un plaisir certain à lui présenter tout élément lui semblant intéressant. Ils s'amusaient bien tous les deux à courir, s'exclamer, rire, puis encore courir. Durant ces traditionnelles pauses pour attendre les adultes qui traînaient le pas à cause de leurs ennuyeuses conversations, Alyssa jetait des regards entendus à Narcisse avec le sourire, plutôt accommodée à ce rythme d'actions saccadé. Poudlard et ses chimères lui semblaient bien loin dans son dos alors que ses poumons s'emplissaient de l'air frais des colines.

Les coups de feu se faisaient plus forts, chose qui n'attira guère l'attention d'Alyssa qui suivait avec enthousiasme les récits de Narcisse et y glissait son grain de sel avec plaisir. Elle ne voyait cependant pas le visage de ses parents devenant de plus en plus tendus, au rythme de leurs pas se rapprochant du haut de la coline. Finalement les discussions respectives s'éteignirent tandis que Narcisse et son paternel faisaient maintenant face aux Wright, une expression nouvellement sérieuse plaquée sur le visage, se tenant à côté d'un panneau.

Les coups de feu étaient plus forts que jamais et sans la voix répétée de Narcisse lui emplissant la tête, l'attention d'Alyssa ne cessait maintenant d'être déviée. La blondinette regarda à la dérobée l'inscription sur le panneau tandis qu'elle était soudainement encadrée par ses parents, tel un coup de magie. Entre deux coups de feu Narcisse et son père parlèrent et Alyssa manqua d'étouffer un soupir, après une si belle course il fallait déjà s'arrêter ? Pour combien de temps ?

Oscar posa alors une question à ses parents et, totalement désintéressée, Alyssa baissa la tête et remarqua que ses lacets étaient défaits. Elle recula de quelques pas dans l'idée de les refaire mais se fit directement stopper par son père alors que sa mère allait répondre à Oscar.

- Hep Alyssa, tu as entendu, reste avec nous.

- J'veux juste refaire mes lacets, maugréa la jeune fille, mécontente de cette surveillance incompréhensible.

Il n'y avait rien à redire à un tel argument et Daniel abdiqua tandis que, après un regard indéchiffrable sur sa fille, Sarah-Lee répondit à Oscar dans un demi sourire :
- En fait ma mère est mold... Excusez-moi, elle n'a pas de pouvoirs magiques je veux dire. On est donc un peu familier avec votre monde. Alyssa est allée à l'école moldue jusqu'à...

La mère d'Alyssa jeta un bref regard par dessus son épaule et constata que sa fille était concentrée sur son second lacet : n'écoutant pas une once de conversation alors.

- Jusqu'à vous savez quoi, conclut-elle précipitamment. Je ne pense pas qu'elle s'en souvienne. Nouvelle petite pause. Mais durant les vacances Alyssa prend régulièrement des cours à la patinoire...

Durant ce temps, la Alyssa en question s'était approchée de Narcisse et, constatant que ce dernier était plongé dans la contemplation d'un de ces si intriguants petits écrans lumineux, elle eut un éclair de vision datant de l'été passé : Anna qui n'avait cessé de consulter un appareil bien trop similaire alors qu'elles étaient supposées s'amuser ensemble. Un sentiment d'agacement se saisit brusquement du coeur de la jeune fille, absolument pas lié au refus total de ses parents de lui procurer un tel instrument... Enfin c'était ce qu'elle vous répondrait. Alyssa fit alors un pas en avant, se perchant sur une pierre, maintenant sur la pointe des pieds, pour essayer d'apercevoir l'origine des coups de feu bien trop forts pour ne pas l'attirer. Mais elle ne voyait qu'un terrain vague montant et des buissons à l'horizon.

- ALYSSA !!!, tonna une voix masculine.

De surprise, l'interpellée manqua de glisser de son perchoir et regagna le sol d'un pas trébuchant. Elle se retourna, écarlate, tout en relevant sa cheville pour la masser.

- P'pa t'as failli me faire tomber !, s'exclama-t-elle alors avec colère, d'une agressivité qu'elle ne se connaissait pas avec ses parents. Mais un sentiment d'injustice tambourinait maintenant dans ses veines alors qu'elle réalisait que son père venait de la réprimander juste devant son ami et son père, pour seul motif de s'être éloignée d'un pas.

- Alyssa... Si on te dis de ne pas bouger, tu ne bouges pas., souffla Daniel. La colère qui montait en lui était douloureusement visible alors qu'il s'efforçait de la maîtriser. Alyssa ne croisa ni son regard, ni celui de sa mère -elle ne voulait pas voir de la déception ou de l'énervement en eux- et détourna la tête, son bras droit tenant l'autre, témoignant de sa gêne apparente, tandis que ses cheveux blonds retombaient en cascade sur son visage encore écarlate.

Pendant que Narcisse pianotait sur son clavier et tentait d'appeler Honor, Oscar reprit les rênes de la conversation. De son index, il rajusta ses lunettes distraitement, son éternel sourire parcourant ses interlocuteurs. Lui aussi se désintéressa, pour une courte seconde, d'Alyssa, sans s'imaginer qu'il puisse y avoir autre chose qu'un simple lacet à refaire. L'habitude de Narcisse.

Il secoua doucement la tête, d'un air apaisé, lorsqu'elle se reprit sur le terme moldu. Oscar n'avait pas la moindre difficulté avec ce mot. Aussi s'accorda-t-il à sourire plus largement, tout en écoutant la mère. Quelques hochements de tête, un regard suivant celui de Sarah-Lee en direction de sa fille... il n'eut pas besoin de mot pour comprendre. Un dernier hochement de tête, son visage devint aussi calme que l'eau d'un lac laissé à l'abandon.

"Inutile de vous reprendre. Appelons un chat un chat. Vous êtes des sorciers, je suis un moldu, ça ne change pas grand-chose, de mon point de vue. C'est nous qui emplissons les mots de dédain ou qui leur accordons une trop grande importance par la manière dont nous les prononçons. Aussi..."

L'injonction brusque et inattendue pris tout le monde par surprise. Narcisse tressaillit et ne rattrapa son portable que grâce à ses réflexes, Oscar se redressa imperceptiblement en jetant un regard inquiet à Alyssa. Son léger froncement de sourcils ne trompait pas, lorsqu'il regarda à nouveau les parents. Il n'approuvait pas cette manière de hausser la voix, ni en tant que père, ni en tant que professeur.

Et la réaction de la petite ne le rassura pas non plus... Il n'aimait pas cette dissension qu'il ressentait dans cette famille. Cette tension délicate, mais presque omniprésente, qui pouvait les ronger, s'ils ne prenaient garde. Un soupir, son regard glissa sur Narcisse, lui aussi l'air inquiet, alors qu'il rangeait son portable dans sa poche, avant de se diriger vers le champ de tir, après avoir hoché la tête en direction de son père.

Ce dernier sourit.

"Tu vas comprendre pourquoi la prudence est de mise, à partir d'ici, Alyssa. Suivez-moi, Honor nous attends."

Depuis que Narcisse avait rangé son portable, les coups de feu avaient cessés. Le silence était revenu, flottant tel une bulle de savon dans la forêt qui bordait la grande prairie. Si au centre, l'on pouvait apercevoir un grand chêne mort, à la lisière se tenait une construction qui n'avait rien à envier aux professionnels.

Protégé par un filet de sécurité tout autour des bâtiments, destiné à arrêter les éventuelles balles perdues, des cibles à forme humaine se distinguaient à une centaine de mètres de là. De l'autre côté de la piste, une grande femme se tenait, Honor finissait de décharger son arme de poing, avant de la déposer sur la table à côté d'elle. Cartons de munitions et sacoches s'entassaient dans une organisation impeccable.

Et aux pieds de cette grande dame, se tenait son fils, en train de sauter dans ses bras pour lui faire un câlin après qu'elle ait déposé son arme. Des éclats de voix retentissaient, trahissant tout le bonheur qu'il exprimait de simplement voir sa mère. Oscar leva la main pour la saluer en s'approchant, ouvrant la marche.

"Chérie ! Ce sont les invités de Narcisse, on ne te dérange pas j'espère ?"

Après avoir enfin réussi à se débarrasser du câlin de Narcisse, Honor retira ses bouchons d'oreilles, lançant un regard totalement dénué d'expression aux sorciers. Son visage était dur, ses yeux noisette impénétrables, toute sa nature militaire ressortait dans sa posture droite, impeccable. Lorsqu'enfin, Oscar lui arriva pour l'embrasser sur la joue, causant un infime sourire de la part d'Honor qui s'effaça aussitôt, elle les regarda en silence.

Ses yeux s'abaissèrent immédiatement en direction de la petite blonde, sa voix implacable tombant comme un couperet, désignant d'un coup d’œil le contenu de la table.

"On touche avec les yeux."

En inspirant profondément, elle remonta le visage vers les parents. Lorsque ses yeux croisèrent les leurs, ils bifurquèrent un microseconde.

"Bienvenue chez nous, navrée de vous avoir fait gravir tout ce chemin pour au final redescendre."