En cette journée de St Patrick, Eileen avait profité d'un jour de libre pour se parer de mille nuances de vert : foulard dans les cheveux, trèfle épinglé sur sa cape, ruban au poignet et nœud attaché à ses chaussures. Rien de bien sorcier pour une irlandaise en cette journée particulière en fait.

C'était un jour qui appelait à la fête, à un échange en lien avec la magie du jour, à une communion entre irlandais... Elle se souvenait des célébrations qu'elle avait connu quelques années plus tôt alors qu'elle n'était pas encore au collège et en ressentait une pointe de nostalgie. D'autant que la journée, bien que généralement célébrée à l'international, n'était pas forcément mise en avant à Poudlard.

Toutefois, elle avait d'autres contentements dans son internat, comme celui de pouvoir jouer de la baguette. Et cela, elle regrettait clairement de ne pas pouvoir s'entrainer à la magie ailleurs que dans le Château. Comme quoi, elle reconnaissait les avantages et les inconvénients de chaque situation et tentait de faire contre mauvaise fortune bon cœur.

Rien ne pourrait lui enlever le plaisir de cette journée, même pas le fait de ne pas être sur sa chère île natale en ce jour particulier.

Tandis qu'elle se baladait dans les couloirs, admirant les tableaux accrochés au mur, elle se disait tout de même qu'elle avait de la chance d'être là. Etre sorcière était une sacrée aventure !

Soudain, elle parvint devant un tableau qu'elle appréciait particulièrement car il représentait un Leprechaun. Le farfadet en question représentait un membre du petit peuple de son Irlande et en ce jour, elle ne pouvait clairement pas ne pas saluer l'œuvre picturale en question.

Le farfadet n'était pas dans son cadre.

Le regard de la jeune fille chercha alors sur le tableau juste à droite. Il représentait habituellement un érudit avec sa fraise assis à une table de travail. La table de travail avait été renversée et les feuilles éparpillées. Le savant en semblait particulièrement fâché.

Juste au dessus du tableau, deux femmes normalement représentées dans un cloitre posaient religieusement dans une posture digne. Elles se retrouvaient à présent avec des vêtements dans tous les sens, leur couvre-chef à leurs pieds.

Juste à gauche du tableau du farfadet, une jeune fille en robe blanche tenant un bouquet de fleurs semblait ne pas avoir été incommodée par la bourrasque dévastatrice rencontrée par le sage ou les deux jeunes filles.

En dessous du tableau du farfadet, un œil avec littéralement un cheveu dans l'œil clignait à s'en faire des crampes.

Si on n'avait pas été jour de St Patrick, Eileen n'aurait peut-être pas fait la liaison... mais en Irlande, il fallait porter du vert en ce jour sous peine d'être victime des farces du leprechaun. Elle avait donc sa petite idée sur l'auteur des méfaits subis par les tableaux qu'elle venait de regarder.

Elle s'empressa dans le couloir. Heureusement, elle n'était pas loin du bureau du concierge. Elle frappa à la porte et lorsqu'elle y fut invitée entra.
- "Bonjour monsieur ! Je peux vous déranger un instant ? "

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Ces dernières semaines, l'emploi du temps de Suileabhan s'était complexifié, pris d'assaut par de nouvelles et inorthodoxes responsabilités, encore consolidées il y'a peu. Qui devait-ce être, la procaine sur la liste ? S'il ne se trompait pas, il s'agissait de Roxane. Alors qu'il s'apprêtait à y plonger, ses pensées furent soudainement éclipsées par le bruit cent fois entendu d'une petite main frappant sur sa porte récemment solidifiée. Le concierge n'avait donné rendez-vous à personne mais, même verrouillée, sa porte restait ouverte à celles et ceux qui avaient besoin de lui. Si tant est que cela n'était pas l'affaire d'un ou deux plaisantins...

Sortant puis rangeant sa baguette aussi rapidement qu'il en avait l'habitude, l'irlandais déverrouilla la porte avant d'inviter - un ou une élève, à n'en pas douter - à entrer.

- Vous n'êtes pas en train de me déranger alors, non, vous ne ne pouvez pas.

Un demi-sourire à l'intention de la jeune Serdaigle plus tard, Suileabhan continua.

- Mais vous pouvez évidemment venir vous installer et me confier ce que vous faites ici. À moins que cela ne soit urgent ?

Bien que calme, le ton du concierge s'était fait plus sérieux, en attente de l'importance de ce que l'adolescente avait à lui annoncer. Fort heureusement, il doutait qu'une catastrophe ne se soit produite : même sans la ressentir, il venait de jeter un œil à sa montre, et celle-ci n'indiquait aucune infraction au règlement dans les environs.

Lorsque la porte s'ouvrit et qu'elle sortit ses mots, Eileen avait sorti sa phrase sans réfléchir. Une sorte d'habitude née de son éducation. Salutations et excuses de déranger, c'était quelque chose de courant après tout.

Elle fut donc complètement prise au dépourvu par l'humour dont fit preuve le concierge. Elle eut un temps de réflexion pendant lequel elle se demanda si elle avait bien compris puis elle se rendit compte que la réponse était positive lorsqu'il lui proposa de venir s'installer...

Il avait tout de même l'air occupé, un coup d'œil à son poignet le lui prouva. Pourtant, elle pensait bien qu'il était le seul à pouvoir résoudre le problème des tableaux. Il était après tout l'adulte le plus proche du lieu du crime et probablement celui qui parlait le plus aux œuvres picturales accrochées dans l'école de Poudlard.

Il semblait pour autant calme et habitué à ce qu'un sorcier pénètre dans son antre. Pour sa part, c'était bien la première fois. Elle n'avait jamais eu la nécessité de venir. Encore un endroit de son internat qui se révélait à elle.

Elle découvrit d'abord une plateforme matelassée avec un mannequin d'entrainement et un punching-ball comme elle en avait vu dans les salles de sport de certains feuilletons télévisés.

En face, un grand meuble de rangement avec plein de tiroirs prenait une bonne partie de la pièce. Au bout, se trouvait le bureau du possesseur des lieux. Eileen rejoignit sagement une des trois chaises et s'y assit après avoir remercié son interlocuteur.

Elle vit sa baguette non loin de lui et se demanda s'il avait ouvert sa porte avec. Quel sort avait-il utilisé ? Il faudrait qu'elle se penche sur cela en passant par la bibliothèque.

Tout cela, elle le pensa rapidement, et ne voulant pas faire plus attendre celui qu'elle venait à son sens de déranger dans ses activités quotidiennes, elle s'expliqua :
- "Et bien m'sieur, je sais pas si vous connaissez la légende des Leprechauns pendant la St Patrick ? "

Elle-même était irlandaise et cela lui paraissait normal de la connaitre. Elle savait que nombre de ses camarades n'en avaient jamais entendu parlé. Et elle se doutait que c'était fort possible pour de nombreux adultes de l'établissement. Elle ne savait rien des origines du concierge, si ce n'est que son nom avait une consonnance germanique, qui pouvait tout à fait expliquer qu'il ne connaisse pas spécifiquement cette légende purement irlandaise.

Or pour expliquer la suite et son intuition, elle avait besoin qu'il dispose de cette base de connaissance qui, de ce qu'elle en savait, n'avait rien à voir avec la magie.

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Suileabhan observa quelques instants Eileen O'Brien - puisque c'était là le nom de la Serdaigle bien matinale dans son bureau - balayer la pièce du regard avant de s'installer sur l'une de ses chaises. En bon ancien élève de la maison de Rowena, le concierge nota dans un coin de son esprit que si l'enfant s'était assise, il pouvait au moins chasser toutes les problématiques les plus urgentes. Cela devait donc sans doute être quelque chose de plus trivial, mais pas moins important pour elle. Pour autant, il ne s'attendait pas le moins du monde à une telle introduction, si bien qu'il haussa un sourcil de surprise. Par Odin, s'il avait été en train de boire, il se serait étouffé avec son thé.

- Les.. Leprechauns ?

Était-ce une plaisanterie d'enfant ? Un ou plusieurs élèves s'étant réveillé le jour de la St Patrick - il se souvenait maintenant que c'était aujourd'hui - l'aurait associé lui, à raison, avec l'Irlande, menant à la discussion habituelle ? Non, de ce qu'il connaissait de la jeune Serdaigle et de ce qu'il voyait, ce n'était pas le cas. Seulement, il avait beau être Irlandais, Suileabhan avait été élevé dans une puissante ferveur païenne. La St Patrick, autrefois synonyme d'une vague fierté et d'occasions de faire la fête au château avec ses amis, s'était transformé en un énième écho amer de son enfance et de l'alcoolisme de son père. Pas de quoi l'enchanter malgré toute la bonne volonté des Irlandais de Poudlard, Diarmuid en tête. Pour autant, il n'était pas ignorant.

- Ce n'est pas quelque chose que je connais en détail mais oui, j'ai entendu dans mon enfance les histoires que mes compatriotes racontaient à ce sujet. Leprechauns, farfadets.. vous parlez de leurs farces ?

Heureusement, passion oblige, il avait dans son enfance avidement lu sur l'Histoire et les traditions d'Irlande, mais, après plusieurs décennies, tout ne s'était pas conservé dans sa mémoire. Plus important encore : où la jeune fille voulait-elle en venir ? Avait-elle vu un farfadet infiltré dans l'école ?

Eileen aurait du se douter que cette introduction arrivant comme un cheveu sur la soupe pouvait être intrigante pour le concierge. Pourtant, c'était bien la meilleure façon d'avancer vers le sujet de préoccupation qui l'amenait.

Lorsqu'il évoqua l'être du petit peuple, elle opina du chef et quand il reprit avec une phrase un peu plus longue, elle répondit :
- "Oh je ne savais pas que vous étiez irlandais." En digne irlandaise et fière de l'être, elle ne put que lui offrir un sourire radieux.

Pourtant, à ce qu'il en disait, il avait peut-être besoin d'une piqure de rappel. Les légendes irlandaises étaient nombreuses et il pouvait être plutôt sorcier de toutes les retenir :
- "Vous savez donc, monsieur, que les Leprechauns aiment faire des farces... et qu'ils en profitent en particulier le jour de la St Patrick en s'attaquant à ceux qui ne sont pas habillés de vert. "

En évoquant cela, elle montra en un geste évasif son foulard dans les cheveux et le trèfle épinglé sur sa cape, mettant à jour du même coup le ruban à son poignet.

Il était temps qu'elle rentre dans le vif du sujet. Assise droite comme une baguette sur sa chaise, elle s'anima un peu plus en décrivant ce qu'elle venait de découvrir :
- "Vous savez peut-être qu'il y a un tableau de leprechaun dans un couloir pas loin ? "

Sa question lui semblait dérisoire. Elle imaginait bien dans la tête de son interlocuteur une cartographie de tous les tableaux du Château. Le collège était grand : on trouvait les œuvres dans les escaliers, les couloirs et jusque dans les pièces. Elle se demanda soudain combien Poudlard en regroupait. Mais poser sa question dans l'instant serait malvenu.

Elle ajouta :
- "Et aujourd'hui, nous sommes la Saint Patrick... J'ai l'impression que le leprechaun a décidé de faire des farces à ses voisins."

Elle expliqua sa rapide investigation :
- "J'ai remarqué que les tableaux autour du sien qui ne contiennent pas de vert ont été victimes d'une sorte de tempête alors que ceux qui ont du vert n'ont rien... Je n'ai pas cherché plus. Je ne sais pas où est le farfadet. Voulez-vous que je vous montre ?"

Il fallait avouer qu'il n'y avait bien qu'avec la magie qu'on pouvait voir cela. Un sujet de tableau farceur en fuite !

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Après avoir légèrement souri à l'évocation de leur nationalité commune, Suileabhan demeura quelques instants interdit. Pour lui, qui n'avait jamais côtoyé de moldus irlandais, pas plus qu'il n'avait suivit les croyances importées ou de cours de soins aux créatures magiques dans sa jeunesse, la malice des farfadets de la St Patrick était plus une découverte qu'un rappel. Mais restait au moins à savoir ce que la jeune Serdaigle attendait qu'il fasse de l'information. Visiblement, il s'agissait d'une croyance partagée par l'enfant, fière de partager la couleur emblématique de son pays, raison de plus s'il en fallait pour s'abstenir de tout jugement.

- Je crois effectivement me souvenir du tableau auquel vous faites allusion.

Même si la disparition des fantômes - et avec eux, de Rusard - l'avait plus ou moins forcé à se tourner vers les tableaux en tant qu'informateurs, Suileabhan n'était pas encore habitué à cette nouvelle routine. Après tout, sa montre était encore la manière la plus efficace qu'il possédait pour traquer les jeunes délinquants en herbe du château.

Enfin, la jeune fille annonça la couleur. Selon elle, le farfadet de peinture se serait lancé dans une croisade de farces bien encadrées. Le concierge aurait pu chasser toute cette histoire de la main, mais, puisqu'elle semblait affecter l'enfant devant lui, les plus jeunes devaient sûrement être sensibles à ce genre d'événement. Cela ne coûtait rien - sinon du temps - d'aller vérifier tout cela en détail avec elle.

- Je vous suis, Miss O'Brien. Allons jeter un coup d'œil à ceci.

Eileen sentait le concierge particulièrement réceptif au problème de tableau qu'elle évoquait. Il fallait avouer qu'elle se sentait écoutée par les professeurs avec qui elle avait pris le soin de discuter comme son DDM, Mr Dawson ou la psychomage, Mrs Vermillon, peut-être refusant inconsciemment d'aller plus loin avec les adultes de Poudlard avec qui elle n'aurait pas été suffisamment en confiance.

Etrangement, elle n'avait pas cherché à échanger avec le professeur d'astronomie, Mr Pearce. Contrairement à ses camarades qui lui trouvaient du charme, elle ne pouvait s'empêcher d'avoir une certaine réticence vis-à-vis de lui, sans savoir pourquoi. Une sorte d'intuition. Elle n'avait pas non plus tenté plus la discussion avec la nouvelle professeure de DCFM, Mrs Crane, probablement refroidie par son expérience avec celle qu'elle remplaçait. Mrs Valerion avait fait beaucoup de mal auprès de deuxième année. Le cours sur "Mucus ad Nauseam" avait été un déclencheur et ca ne s'était pas arrangé à la rentrée de septembre lorsqu'elle avait souhaité ne leur enseigné que la théorie.

Elle était donc heureuse de trouver de la bienveillance dans l'attention de ce sorcier-ci. Ce n'était pas rien pour une jeune fille en construction, qui attendait beaucoup du monde des adultes pour pouvoir évoluer dans le bon sens. Une relation basée sur la confiance, cela la motivait !

Bien sûr, elle avait entendu des rumeurs. Mais elle ne croyait pas aux rumeurs. C'était souvent des jaloux qui les lançaient. Et évoluer dans le monde de la magie n'y changeait rien ! La Serdaigle aimait se faire ses propres opinions. Et elle était positive à n'en pas douter ! Le fait que Mr Kohler anime le club d'artisanat magique avec Mrs Lydon qu'elle adorait n'était probablement allait dans ce sens.

A l'invitation du concierge, l'irlandaise se leva et suivit son chemin en sens inverse à travers quelques couloirs. Elle expliqua alors plus en détail ses investigations, histoire de combler le silence et de donner toutes les billes à son interlocuteur.
- "Trois des tableaux autour de celui du farfadet sont sans dessus-dessous et aucune touche de vert n'est présente dans le décor. Par contre, le quatrième, celui avec la demoiselle en robe blanche et un bouquet de fleurs n'a rien. "

Bientôt, ils parvinrent au niveau du lieu du crime. Au cas, où la jeune fille vérifia qu'elle avait toujours sa baguette prête à être dégainée. Non seulement le geste la rassurait, mais en plus, elle adorait son catalyseur à tel point que le considérait comme un membre à part entière de son corps... dont elle était malheureusement amputée pendant les vacances.
- "Voilà, c'est là..." pointa-t-elle l'ensemble des œuvres picturales.

Les scènes étaient plus ou moins comme elle les avait quitté.
A droite, l'érudit avait sa fraise de travers, sa table de travail renversée et ses feuilles éparpillées. Il semblait hagard.
Au-dessus, les deux femmes dans leur cloitre tentaient de remettre de l'ordre dans leur tenue et n'avaient visiblement pas vu que leur coiffe était au sol.
A gauche, la jeune fille était toujours intact.
En dessous, l'oeil cliquait toujours désespérément, tachant de se débarrasser du cil qui le gênait.

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