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13 avr. 2012, 10:03
 09/2038  L'arrivée des Aurors
Une nuit noire sans étoiles pesait sur Pré-au-Lard. Niels Ibsen entamait sa dernière nuit en Grande-Bretagne après un long séjour de trois semaines, passées à arpenter l'île d'ouest en est et du nord au sud. A la première heure demain matin, il était prévu qu'il utilise un portoloin pour rentrer chez lui, en Norvège.

Assis sur le muret de pierre qui lorgnait le Bureau de Poste, Niels observa à tour de rôle les façades du magasin de vêtements Gaichiffon, de la confiserie Honeydukes et du magasin de farces et attrapes Zonko. Un homme enveloppé dans un manteau bleu sortait en titubant des Trois Balais et manqua par deux fois de se retrouver face contre terre. De l'autre côté de la rue, un chat noir s'était arrêté pour braquer ses prunelles dorées dans sa direction.

Empli d'un sentiment de réel soulagement, Niels ressassa les meilleurs moments de son périple : sa visite du Ministère de la Magie anglais, son séjour au château d'Edimbourg, sa rencontre avec le fantôme d'un célèbre héros écossais dont il avait oublié le nom, son invitation à suivre, dans les tribunes officielles, le match de Quidditch opposant les Canons de Chudley aux Tornades de Tutshill, ou encore l'accueil fort sympathique que lui avait réservé les habitants de Godric's Hollow. Quand soudainement, un CRAC sonore déchira le silence ambiant.

Niels eut à peine le temps de lever les yeux que six colonnes de fumée blanche venaient frapper le sol au beau milieu de la rue principale du village. Au coeur du grabuge, six sorciers apparurent, tous vêtus différemment à l'exception faite de leur cape violette.

Des aurors, pensa Niels automatiquement. En raison des capes principalement, et de leur attitude détachée. Il s'en souvenait très bien. Il avait eu la chance de croiser la route de certains d'entre eux, à l'entrée même de leur bureau, au cours de sa visite du Ministère anglais. Et tous portaient cette drôle de cape quand ils le quittaient pour remonter à la surface.

Niels se demanda ce qu'ils faisaient ici. L'un des membres du groupe, un homme aux traits sévères portant des lunettes, remarqua sa présence. Les lèvres serrées, il sembla tanguer lorsqu'il pivota difficilement sur sa jambe pour écouter sa collègue, une trentenaire aux cheveux de feu qui tenait une cigarette à la main.


« Attendez-moi ici. » ordonna cette dernière, autoritaire. « Il y a quelque chose dont je dois m'assurer avant de rejoindre l'école. »

« Ren Faust nous attend pour minuit, ne nous met pas en retard », rétorqua un autre homme du groupe, grand, mince, bien habillé, aux cheveux gominés.

« C'est ça. », pesta froidement la femme aux cheveux rouge vif avant de disparaître dans une rue secondaire en face de Gaichiffon.

Les cinq autres membres sur place échangèrent des regards circonspects. L'un d'eux approcha et sans qu'il comprenne réellement pourquoi, mit Niels mal à l'aise.


« Bonsoir monsieur, belle nuit n'est-ce pas ? » fit-il, le plus simplement du monde, en levant le nez en l'air. Niels remarqua du coin de l'oeil que la peau de son visage était rouge et boursoufflée par endroit, comme si elle avait été brûlée.

« O-oui. » bredouilla-t-il. « Vous êtes des gens du ministère ? »

L'homme abaissa son regard sur lui, un sourire bienveillant accroché à ses lèvres. Malgré les brûlures, Niels conclut qu'il était sans doute le plus jeune de la troupe.

« Excusez-moi, mais vous ne seriez pas étranger par hasard ? Je demande, à cause de votre accent... allemand ? » l'interrogea l'homme en évitant de répondre à sa question préalable.

« Norvégien », rectifia Niels, très simplement.

« Tu entends ça Aaron, cet homme est norvégien ! » s'écria l'homme au visage brûlé en se tournant vers celui aux cheveux gominés qui fit seulement mine de saluer Niels d'un hochement de la tête.

La porte des Trois Balais s'ouvrit une nouvelle fois à la volée, vomissant cette fois-ci un flot d'une dizaine d'individus saouls entonnant une chanson obscène sur une sorcière sans robe. L'un d'eux interpella la seule autre femme du groupe d'aurors. Une belle et grande femme au teint hâlé et à la longue chevelure d'ébène.


« Hey là ! Ma jolie, ça te dir... »

Avant même de pouvoir terminer sa phrase, l'homme se retrouva sans voix à sa plus grande stupéfaction. Le dernier homme du groupe d'aurors, bien bâtit, le teint hâlé lui aussi, et portant une barbichette qu'il s'amusait à lisser encore et encore, sourit de toutes ses dents.

« Ils ne s'en remettent jamais », fit-il à l'intention de la femme qui demeura muette et les yeux fixés sur le pauvre soulard qui essayait désormais d'expliquer par des gestes décousues à ses camarades, qu'il ne pouvait plus émettre le moindre son.

« Vous êtes du ministère anglais, n'est-ce pas ? » insista Niels en ramenant son attention sur l'homme au visage brûlé.

« Oui. », répondit finalement son interlocuteur. « Des aurors en mission. »


* * * * *


A quelques kilomètres de là, Arseni Stoyanov montait une volée de marches en direction du cinquième étage du château. Sa longue cape surmontée d'un col en fourrure trainait dans son sillage en émettant un sifflement qui rappelait celui des serpents.

Il était inquiet. Quelques instants plus tôt, alors qu'il se terrait dans son bureau à corriger les derniers devoirs de Métamorphose reçus, lui était parvenu une note ensorcelée signée de la main du directeur l'invitant à le rejoindre expressément dans son bureau. Or ce n'était pas dans les habitudes du directeur de le dépêcher si tardivement, et surtout de la sorte. Habituellement, Faust lui fixait rendez-vous vingt quatre heures à l'avance. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose aux yeux d'Arseni : que quelque chose de grave s'était produit. Mais quoi ?

Le pas alerte, il se présenta devant la gargouille enchantée à qui il souffla le mot de passe « aconit » avant d'emprunter l'escalier en colimaçon et de découvrir, une fois en haut, que la porte des appartements du directeur était entrouverte.

Arseni la poussa sans hésiter et la referma derrière lui. Il monta ensuite les quelques marches qui séparaient la pièce principale du bureau et y découvrit un directeur au demeurant aussi détendu et calme qu'à son habitude.


« Vos m'avez fait demander ? » demanda Arseni, les sourcils légèrement froncés.

« Asseyez-vous. Cette discussion risque de durer un petit moment. »

« Que se passe-t-il ? » interrogea Arseni en prenant place devant son supérieur.

« Beaucoup de choses... à commencer par ça. »

Faust mit une lettre manuscrite bien en évidence sous le nez d'Arseni. Un coup d'oeil rapide au cachet lui assura que la lettre provenait du Ministère. Essayant de chasser la mauvaise impression qui l'envahissait, Arseni saisit délicatement le papier et le lut. Ses craintes eurent vite fait d'être confirmées.

« Des aurrorrs ? ici ? le Ministèrre n'a plus confiance en nos pourr prrotéger les enfants ? »

« En moi, précisément », commenta Faust avant de se lever et d'entamer les cent pas autour du bureau.

Les traits d'Arseni redevinrent lisses et insondables. Doucement, il reposa la lettre du Ministère sur le bureau et fixa son regard quelque part entre les deux arches qui séparaient le bureau de l'imposante fenêtre encastrée dans le mur gris, juste en face.


« Ce décès n'était pas de votrre rressorrt », trancha-t-il, soudainement, de sa voix naturellement distante.

« J'en suis conscient, mais ça ne change en rien la part de responsabilité qui me revient dans cette triste histoire. Le Ministère en est conscient tout autant que moi. Aussi désolant que ça puisse être, cette histoire n'est qu'un prétexte... »

Arseni ne voyait pas quel genre d'individu pouvait trouver un quelconque prétexte dans la mort tragique d'un enfant... en tout cas au ministère anglais. Comme s'il déchiffrait clairement le fil de ses pensées à ce moment là, Faust lui révéla l'improbable.

« Je pense, et certains éléments abondent dans cette direction, que le Ministère a trouvé une cible toute désignée, en l’occurrence moi, pour détourner l'attention générale des étranges dysfonctionnements qui rongent depuis quelques temps déjà le coeur de ses institutions. Vous comprenez ? Aujourd'hui, le coupable n'est pas le département de contrôle et de régulation des créatures magiques d'avoir laisser entrer des erklings sur le territoire national, mais bien la direction de Poudlard de ne pas avoir assuré la protection de l'un de ses résidents. »

Une lueur sombre traversa le regard d'Arseni qui, tout en silence, hocha sensiblement la tête pour laisser à son supérieur le soin de mener la discussion où il avait convenu de la mener.

« Ces aurors n'ont pas été envoyés dans le seul but de protéger les enfants. A vrai dire, je doute même que ce soit la mission principale qui leur ait été confiée. »

« Quelle serrait cette mission d'aprrès vos ? » demanda Arseni, les yeux toujours fixés droit devant lui, les doigts de sa main droite s'amusant à lisser la fourrure qui ornait le col de sa cape.

« Me faire quitter mon poste. »

La main droite d'Arseni se figea. Le silence que laissa cette réplique lui noua l'estomac au tout du mois y fit tomber un poids dont il se serait bien passé.

« Qu'attendez-vos de moi ? » finit-il par lâcher, d'une voix où perçait un soupçon d'appréhension.

« Tout et rien à la fois. »
Dernière modification par Arseni Stoyanov le 02 sept. 2016, 14:52, modifié 6 fois.
28 juin 2012, 15:11
 09/2038  L'arrivée des Aurors
Arseni détestait cette impression. Celle qui voulait que certaines choses reposent entièrement sur ses épaules. Il pensait, à raison, qu’il trimballait déjà bien assez de poids sur sa carcasse et vivrait mal d’en supporter davantage. Mais Ren Faust avait un plan auquel il lui fallait se joindre. Arseni en avait pris conscience en relevant la manière que le directeur avait de le regarder. Cette manière franche et un temps soit peu sondeuse qui rappela immédiatement au Bulgare pourquoi il avait atterri dans cette école.

« Je vos écoute. »

Ren Faust retourna lentement à son siège. L’air passablement calme, il posa ses bras sur les accoudoirs et releva légèrement son menton comme pour mieux observer son sous-directeur. Arseni, de son côté du bureau, ne broncha pas. Il se contenta de soutenir le regard de l’homme, plus que du directeur. Car il n’était plus ici question d’un entretien entre un supérieur et un subordonné, mais bien d’un entretien d’homme à homme. Arseni ironisa intérieurement, jugeant que Ren Faust avait un don particulièrement remarquable pour la mise en scène.

« Le professeur Swan a quitté son poste la nuit dernière. Je souhaite que vous repreniez sa matière. »

Ren Faust lui laissa le temps de digérer l’information, quand bien même Arseni l’avait aussitôt consumée. Surpris, il l’était forcément. Ellana Swan avait abattu un travail remarquable à son poste. Mais le plus surprenant était qu’elle n’avait pas laissé transpirer le moindre indice qui laisserait croire à une quelconque volonté de partir. Ou bien elle était une actrice née, ce qui n’étonnerait en rien Arseni, ou alors un élément extérieur avait précipité son départ. Quelle que soit la réalité, Arseni avait la certitude qu’il ne connaîtrait jamais la véritable raison de son départ.

« Vos laisserriez la défense contrre les forrces du Mal entrre les mains d’un ancien élève de Durrmstrrang ? »

L’ironie de sa question transparut dans le ton de sa voix. Ren Faust n’y accorda aucune forme d’importance et y répondit même par un sourire poli.

« C’est précisément parce que vos compétences en la matière dépassent largement celles d’un professeur formé sur le sol anglais que je veux que ce poste vous revienne. Au regard de ce que je vous ai révélé il y a quelques instants, vous comprendrez maintenant que les enfants sont potentiellement en danger. Car à travers eux, les personnes qui aimeraient tant me voir démissionner trouveraient une arme infaillible pour m‘atteindre. Les enfants sont la raison de cette école. Ils l’ont toujours été. Comprenez-moi bien, je ne laisserais personne leur faire du mal. Personne. »

Arseni prit une profonde inspiration puis acquiesça. Lui-même partageait ce sentiment. Il savait très bien l’image qu’il renvoyait aux élèves. L’image d’un homme sombre, mystérieux et parfois même froid. Et il savait tout aussi bien que peu d’entre eux devaient imaginer tout le bien qu’il pouvait leur souhaiter quotidiennement. Il était de ceux à qui on avait volé une partie de l’enfance. Il ne pouvait, par conséquent, souhaiter pareille mésaventure aux élèves de l‘école.

« Qui me rremplacerra ? »

« J’ai d’ores et déjà trouvé une personne qualifiée. Djuline Hay Shepard, une jeune femme d’origine chinoise versée depuis longtemps dans l’art de la métamorphose. » répondit mécaniquement le directeur.

« Vos n’avez pas perrdu de temps. Vos aviez la cerrtitude que j’accepterrai le poste que vous me proposeriez, pourrquoi ? »

« Parce que vous me devez un peu de votre liberté et parce que j’ai toujours eu confiance en votre jugement. »

Arseni resta de marbre malgré le compliment. Son regard dévia simplement vers ses genoux. Parler de sa liberté remuait toujours quelque chose dans ses entrailles, comme un monstre endormi dont le corps frissonnait quand on lui rappelait sa condition.

« Trrès bien. Je ferrai le nécessairre. » conclut sobrement Arseni en se levant de son siège.

« Le corps professoral sera remanié pour coller davantage à nos nécessités. » ajouta Ren Faust. Ce qui eut pour seul effet de garder Arseni planter un peu plus longtemps devant lui.

« Vos n’avez pas besoin de moi pourr vous conseiller surr ce terrrain. Vos avez toujourrs su choisirr les bonnes perrsonnes. Aussi, si vous n’avez rrien d’autrre à ajouter j’aimerrais vider mon burreau. »

Une lueur se figea dans le regard du directeur qui fit comprendre à Arseni qu’il n’en avait pas tout à fait terminé.

« Arseni… quoi qu’il advienne, assurez-vous que les enfants ne seront pas atteints… »

Quelque chose de triste serpentait entre ces mots. Arseni se pinça les lèvres, sentant que quelque chose lui échappait. Jamais il n’avait entendu le directeur l’appeler par son prénom, encore moins lui tenir un tel discours. Agacé de se sentir prisonnier d’un étau dont il ne distinguait même pas les limites, Arseni attrapa sa cape et la fit tournoyer tandis que ses pieds vrillaient vers la sortie.

« Vos avez ma parrole. » tels furent les derniers mots qu’il prononça avant de quitter le bureau du directeur.

Plus tard, alors que ses cartons étaient déjà bien avancés, Arseni se permit une pause au bord de la fenêtre grande ouverte de son ancien bureau. La lune était si ronde et si blanche en cette nuit qu’il n’eut aucun mal à distinguer le portail de l’école s’ouvrir au loin, puis quelques secondes plus tard, un cortège de sept personnes remonter les pentes du parc et disparaître sous l’arche des Grandes Portes. Les loups étaient finalement entrés dans la bergerie…

… et un bulgare honorait toujours sa parole.

La minute qui suivit se passait de mots. Arseni attrapa un coupe-papier et piqua le bout de son index. Une perle de sang dégoulina de son doigt pour se briser sur le sol. Tout du moins, c’est ce qui aurait du se produire si le bulgare n’avait pas choisi de pointer sa baguette sur elle. La perle de sang vira au noir de charbon et se mit à grossir, grossir, jusqu’à se rompre en un gaz tout aussi noir. De ce nuage noir se dégagea une masse informe qui très vite prit l’apparence d’un lézard long d’un bon mètre et perpétuellement enveloppé d’une brume noirâtre. La créature était entièrement noire elle aussi. Seuls ses yeux luisaient d’un rouge sang.


« Ne les quitte pas d’une seule semelle. Préviens-moi s’ils s’attardent quelque part où ils ne devraient pas se trouver. » ordonna Arseni, dont la voix s’était totalement défaite de son accent factice.

La créature, ou l’animal, appelez ça comme vous le voudrez, hocha la tête et prit soudainement la couleur du bureau, de sorte qu’il était impossible à l’œil humain de le distinguer du dit bureau. Quelques secondes plus tard, il prenait la couleur du tapis, puis plus loin de la porte, et enfin du mur dans le couloir, jusqu’à disparaître dans un coin où la lumière ne filtrait pas.

Les loups ne devineraient jamais que la bergerie était épiée.



[FIN]
18 janv. 2014, 12:48
 09/2038  L'arrivée des Aurors
© MAGICLAND