15 janvier 2048
Serre de feu — Poudlard
7^ème année


La matinée est bien entamée lorsque je quitte la bibliothèque, un livre sous le bras et mon carnet dans la main. J'ai dédiée ces deux dernières heures à la Botanique. Ce n'est pas une matière sur laquelle je passe énormément de temps habituellement. Je me contente du minimum : faire des fiches des cours, les apprendre par coeur, les réviser régulièrement, faire des recherches annexes pour compléter les cours. Je n'y passe pas des heures. Pourtant aujourd'hui j'ai besoin de détails plus précis à propos de certaines plantes. J'ai conscience des ASPIC qui approchent et surtout de ce que me réserve l'avenir une fois que j'aurai quitté Poudlard : c'est sans doute la dernière fois que j'aurais accès à une réserve aussi grande et complète de plantes magiques. Je dois en profiter. Je me suis occupée de la serre tropicale en début d'année, je continue donc mon cheminement à travers les serres de l'école.

Je traverse l'école rapidement, plongée dans mes pensées. Je ne peux m'empêcher de songer de temps en temps à ma correspondante africaine repartie il y a quelques semaines chez elle. J'apprécie le calme laissé par son absence mais éprouve déjà de l'impatience à l'idée de la rejoindre dans son école. Je rêve d'Uagadou depuis si longtemps.

Je pénètre sans effort dans les serres, ouvertes au public à cette heure de la journée. Avant de refermer la porte je regarde à droite et à gauche. Je n'ai pas envie de tomber sur le nouveau professeur de Botanique. Je n'ai rien contre Sigmund Charleston, bien qu'il me paraisse, ma foi, aussi exubérant que lorsqu'il était professeur d'Études des moldus, mais je n'aime guère les changements. Je m'étais habituée au vieux Featherstone. Cela me dérange qu'il ait quitté son poste avant la fin de ma scolarité. Je n'avais pas envie d'un tel changement à quelques mois tout juste des examens les plus importants de ma vie.

Je chemine jusqu'à la serre du désert. La différence de température est perturbante. À peine quelques pas et j'étouffe déjà dans mon épaisse cape d'hiver et mon écharpe. Je dépose mon sac près de la porte et enlève plusieurs couches de vêtements, jusqu'à me retrouver dans mon simple uniforme d'école. Je ne garde sur moi que ma baguette, mon carnet et une plume.

Je me plante devant l'allée de figuiers d'Abyssinie sans chercher à retenir le long sourire qui m'étire les lèvres. Et dire qu'il y a des années, Natanaël m'a offert un petit exemplaire de cette plante que je laisse désormais à la maison de peur de le faire mourir à Poudlard. C'est amusant de se dire que cette plante est originaire d'Éthiopie, comme Araya.

Je me sens bien dans cet endroit. Il faut chaud, c'est calme, apaisant. Je soupire doucement, heureuse de ce moment simple que je passe. J'ouvre mon carnet et commence à griffonner quelques notes et observations tout en jetant des coups d'oeil réguliers en direction des figuiers.

Plume d'@Anna Delore.

Depuis longtemps, Anna fabriquait un herbier, elle collectait des fleurs ou des feuilles sur les plantes qui l'intéressait, les aplatissait et collait dans un grand cahier marron que sa mère lui avait offert pour ses dix ans.

Elle avait commencé sa collection à Dublin, quelques mois avant de recevoir la fameuse lettre, elle est donc arrivée dans le château avec les dix premières pages bien remplies et légendées avec parfois quelques petits dessins explicatifs.

A Poudlard, elle avait continué sa collecte, tout d'abord avec ce qu'elle trouvait dans le parc au bord de la forêt, puis elle fut émerveillée en découvrant les multiples serres qui leur étaient ouvertes et venait maintenant à peu près une fois toutes les deux semaines pour observer et prélever des échantillons des espèces qui s'y trouvaient.
A aucun de des amis à Poudlard elle n'avait montré son herbier, elle avait peur de leur réaction s'ils découvraient sa passion pour les plantes. Passion, c'était un peu fort. En réalité elle ne pensait pas en faire son métier mais elle prenait ça comme un loisir.

En ce mercredi matin d'hiver, elle decida donc de se diriger vers la serre du désert qu'elle n'avait que rarement exploré, pour chercher un peu de chaleur et surtout dédier une page de son cahier aux fameux figuiers qu'elle n'avait jamais vu à Dublin.

Cahier, crayon et ciseaux en mains, elle entra et une bouffée de chaleur la frappa tout d'un coup, elle retira sa grosse veste et la posa au coin de la porte. Il lui suffit d'avancer de quelques pas pour comprendre qu'elle n'était pas seule, elle remarqua Aelle, une 7eme année à Poufsouffle qui avait une sale réputation, ce qui n'empêchait pas Anna de l'admirer pour sa force de caractère : son admiration gonfla quand elle comprit que celle-ci prenait des notes sur les figuiers.

Elle n'avait pas oublié son premier objectif : prélever un échantillon de l'arbre, c'est-à-dire une feuille. Elle hésita à faire demi-tour, Aelle serait la première à assister à ses prélèvements certes un peu illégaux sur les plantes, espérons qu'elle ne soit pas d'humeur à la dénoncer à Mr. Charleston, le nouveau professeur de botanique.

Il y a avait beaucoup de figuiers, tout une allée, Anna passa donc devant Aelle et s'installa 2 arbres plus loin. Elle choisit une feuille assez grosse mais qui tenait sur une page de cahier et la coupa discrètement, avant de l'aplatir pour qu'elle sèche entre deux pages.

Elle se dessina maladroitement un petit cadre au crayon pour y écrire les informations principales sur cet arbre, elle jeta un coup d'oeil là où elle avait ciselé la feuille : le trou se voyait plus que prévu.

Anna se mit en quête du petit panneau d'information qui se trouvait normalement dans les serres pour chaque espèce mais cette fois elle ne le trouvait pas... C'était assez embêtant car elle ne savait rien des figuiers, de leur provenance...

Elle se tourna vers Aelle qui arborait toujours son air concentré, comme si elle ne l'avait pas vu, et decida de se risquer à l'aborder :

- Hey Aelle... Tu saurais où on peut trouver les infos sur cette espèce ?

Elle pointait la rangée d'arbres du doigt.

@Aelle Bristyle

Je n'ai eu le temps de gribouiller que quelques notes avant que la porte ne s'ouvre sur une jeune personne. Je la regarde du coin de l’œil sans pouvoir m'empêcher d'être agacée par sa présence. N'a-t-elle pas autre chose à faire de son mercredi matin que de venir dans une serre ? Elle ne pouvait pas s'amuser dans les couloirs, sa salle commune ou dans le parc, aller observer les plus grands qui s'entraînent à leurs sortilèges, qu'en sais-je ? Je soupire indistinctement et retourne à mon observation consciencieuse du figuier d’Abyssinie devant lequel je me trouve. De toute manière elle est là, maintenant, je ne peux pas faire autrement que de supporter sa présence. Elle se plante à quelques mètres de moi, silencieuse et discrète. Mes épaules se relâchent : elle semble calme et respectueuse, parfait.

J'allais reprendre mon gribouillage mais un geste à l'orée de mon regard m'interpelle. Penchée en avant, la gamine rousse dégaine une paire de ciseaux et... Non ! J'écarquille les yeux. Elle découpe une feuille ! D'un air un peu idiot je regarde autour de moi et ne trouve évidemment aucun professeur de Botanique caché derrière une vitre prêt à lui remonter les bretelles. J'ai du mal à croire ce en quoi je viens d'assister. Je me fiche éperdument des élèves suffisamment idiots pour enfreindre les règles sans une très bonne raison, ce n'est pas moi qui irai trouver le nouveau professeur pour lui raconter ce que je viens de voir. Mais l'irrespect m'a toujours dérangé et cet irrespect-là me choque particulièrement : quel toupet de faire ça devant moi !

Je me penche sur mon carnet une nouvelle fois, bien déterminée à ignorer purement et simplement la jeune élève. Mes sourcils sont légèrement plus froncés qu'avant mais que puis-je y faire ? Les autres ont généralement tendance à m'insupporter, surtout quand ils agissent sans la moindre réflexion. D'ici je ne parviens pas à voir la couleur sur son uniforme : serait-elle à Gyffondor ? Son visage me dit vaguement quelque chose mais des jeunes élèves j'en croise tous les jours.

Ma concentration n'est malheureusement pas destinée à durer. Voilà que l'élève s'adresse à moi. Je tourne un visage récalcitrant dans sa direction. Elle me connait, puisqu'elle a utilisé mon prénom. Sa question est clairement inutile et la mauvaise impression que je me suis faite d'elle lorsqu'elle a osé amputer le figuier de l'une de ses feuilles s'affirme.

« Dans des livres, » rétorqué-je d'une voix ironique.

Je songe un instant à m'arrêter là et la laisser dans la panade puis je me dis qu'elle me lâchera plus rapidement la grappe si elle a les réponses qui lui conviennent. Je m'éloigne donc d'un demi-pas du parterre de figuiers pour lui désigner du menton un petit écriteau se situant non loin de moi. Il est suffisamment gros, non ? Est-elle aveugle ?

« Regarde là-dessus. Peut-être que t'y trouveras aussi une copie du règlement des serres qu'on a tous reçu en début d'année, poursuis-je moqueusement sans la regarder. Comme ça tu pourrais voir que t'as bien enfreint deux règles depuis que tu es ici. »

J'empoigne ma plume, réinstalle mon carnet sur mon avant bras et lève la tête pour mieux observer mon figuier d'Abyssinie et ses jolies branches. Puis une nouvelle pensée me vient et je suis désormais incapable de faire autre que d'y songer. C'est pourquoi j'ouvre de nouveau la bouche en tournant légèrement le buste dans la direction de l'enfant et ajoute d'une voix tout à fait neutre :

« Et pour toi, ce sera Bristyle. »

Je gribouille une note sur mon carnet, puis une seconde. Je n'apprends rien de ce que j'écris, je connais toutes ces choses, toutes ces informations que l'on peut trouver sur le figuier d'Abyssinie, mais les réviser ne me fera aucun mal. On ne sait jamais ce que peuvent nous réserver nos examens.

Aelle répondit très froidement à Anna, tout d'abord en lui indiquant qu'elle trouverait ce qu'elle voulait dans les livres. La rouquine ne comprenait pas... n'y avait-il pas normalement des petits panneaux pour chaque plante avec quelques infos principales ? Elle haussa les épaules, s'il n'y en avait pas pour les figuiers elle devrait en effet passer à la bibliothèque.

La grande septième année, toujours sans la regarder, lui montra finalement l'écriteau qu'elle cherchait tout en la raillant par rapport au règlement. Anna suivit du regard le mouvement du menton d'Aelle et reconnut en effet un petit panneau sur lequel s'alignaient quelques mots.

Elle se sentit très stupide : comment ne l'avait-elle pas remarqué ? Elle tenta de s'excuser mentalement car il était à moitié caché derrière le tronc, mais quand même... la Poufsouffle devait la trouver très bête. Elle paraissait d'ailleurs très aigrie car elle signifia clairement à Anna que celle-ci n'avait pas le droit de l'appeler Aelle.

La rouquine était quelque peu refroidit par la mauvaise humeur de la septième année, elle en avait totalement oublié son carnet qui pendait à son bras et restait bêtement yeux dans le vide, un peu honteuse, en se demandant quelle était la 2e règle qu'elle avait pu enfreindre... Car oui, c'est vrai qu'elle avait pris un risque en coupant cette feuille mais il la lui fallait absolument !

Anna prolongea un peu le silence et fit mine de s'intéresser au petit panneau en rouvrant son carnet, crayon penché sur la feuille mais qui restait suspendu dans l'air. Elle se demandait comment Aelle pouvait être aussi désagréable avec des élèves plus jeunes qu'elle, Anna n'en avait pas du tout l'habitude et connaissait beaucoup de "grands" sympathiques et bienveillants. Ce devait être son caractère, la Poufsouffle était assez réputée pour ça. La rouquine décida qu'il fallait quand même couper ce blanc un jour et ce jeta à l'eau, de plus en plus curieuse et presque admirative envers cette élève si amère :

- Euh dis Ael... non Bristyle, c'est quoi les règles que j'ai enfreint ? Non parce que je sais que j'aurai pas dû couper la feuille mais sinon... j'ai fait quoi de mal ?

Elle jeta un coup d'oeil malgré elle à la brune en attendant sa réaction, et reprit vivement :

- Et pour le panneau je l'avais pas vu, désolée.

Anna sourit de sa bêtise en espérant adoucir la conversation.

@Aelle Bristyle

Si je retiens l'immense soupir qui veut traverser mes lèvres lorsqu'elle ouvre de nouveau la bouche, c'est parce qu'elle a respecté l'ordre que je lui ai donné : elle utilise mon nom au lieu de mon prénom. Voilà une enfant qui est capable d'écouter... À défaut de savoir lire. Bon sang, nous avons tous signé ce règlement en début d'année ! De toute façon, j'ai toujours su que les élèves lisant sérieusement ce genre de documents que l'on nous distribue sont encore plus rares que les personnes que je trouve intéressantes. Personne ne lit jamais ces parchemins. Et je ne comprends pas pourquoi. C'est un règlement, c'est important, non ? Surtout si on est décidé comme cette gamine à l'enfreindre ! Et elle ose me demander quelle règle elle n'a pas respecté ?

Cette fois-ci, le soupir dépasse la barrière de mes lèvres. Il est long et las. Je pourrais l'ignorer purement et simplement mais ce serait idiot de le faire alors qu'elle s'intéresse au règlement. Ce serait bête de ma part de me plaindre de son comportement mais de refuser de lui expliquer les règles qu'elle a enfreintes. Règles dont je ne me souviens plus des mots exacts. Ce serait dommage de ne pas lui rappeler les mots exacts, n'est-ce pas ?

D'un claquement, je referme mon petit carnet que je coince sous mon bras et attrape ma baguette magique. Je ferme les yeux en ignorant purement et simplement la jeune fille à mes côtés. Je fouille dans mon esprit à la recherche du règlement des serres. Je roule tous mes papiers importants les uns avec les autres, attachés par une ficelle solide, et je mets tout cela dans la valise sous mon lit car je n'ai pas besoin de les consulter régulièrement. Je me souviens très bien du rangement de ce rouleau : les matières sont évidemment placés par ordre alphabétique. Je visualise parfaitement de ce règlement, signé et approuvé, et de la couleur du parchemin. Cela devrait suffire.

« Aparecio. »

Un instant plus tard apparaît dans ma main gauche ouverte un parchemin qui s'enroule sur lui-même. Parfait. Je glisse ma baguette dans son étui et me tourne de moitié pour faire face à la gamine. Je déroule le parchemin et m'éclaircit la voix.

« "Certaines plantes peuvent être sensibles", commencé-je d'une voix académique. "Il est donc interdit de les toucher, ni de leur dire du mal". »

Je lève les yeux du parchemin pour les poser sur l'élève. Mon regard est sévère.

« Il est interdit de les toucher, répété-je d'une voix lente et parfaitement claire avant de poursuivre ma lecture : "Les objets coupants et inflammables provenant de l'extérieur des serres sont prohibés". »

Je range le parchemin et le glisse dans la poche de ma cape. Je récupère mon carnet, toujours coincé sous mon bras.

« Prohibé, c'est un synonyme de interdit, précisé-je avant qu'elle ne me demande la signification du mot. Ça veut dire que t'as pas le droit de rentrer avec ça. »

Ça étant la paire de ciseaux avec laquelle elle a découpé la feuille. Et d'abord, une paire de ciseaux ? Merlin, est-elle une sorcière oui ou non ? Pourquoi ne pas avoir utilisé Diffindo ?

« T'es censé avoir déposé ces ciseaux dans le panier à l'entrée, là-bas. Enfin..., soufflé-je en me tournant de nouveau vers la plante que je suis venue observer, ce n'est pas mon problème mais évite de découper d'autres feuilles devant moi parce que tu lui fais plus de mal qu'autre chose en faisant ça à l'arrache. »

Tout le monde est au courant que l'on ne découpe pas n'importe comment les feuilles des arbres, non ? Surtout dans une serre dans laquelle on prend vraisemblablement soin des espèces qui s'y trouve.

Apparemment, les excuses d'Anna ne suffisent pas, et cela n'étonnerait pas la rouquine qu'Aelle ignore ses questions et retourne à ses occupations. Un peu confuse du tempérament de la brune qui souffle encore d'un air renfrogné, Anna reste donc à côté d'elle sans bouger, déjà un peu honteuse et regrettant ce qu'elle a fait tout en se donnant la leçon de ne plus aborder les élèves plus âgés susceptibles, comme Aelle, de s'énerver aussi vite et de se faire donneur de leçon.

La Pouffy sursaute imperceptiblement quand elle voit la septième année fermer bruyamment son carnet, comme si elle était réellement en colère. Elle la regarda ensuite avec étonnement sortir sa baguette, fermer les yeux puis lancer un sort qui lui est parfaitement inconnu. Anna comprend le but de ce sortilège si soudain quand elle voit apparaître dans la main d'Aelle un parchemin, que celle-ci se tourne vers elle et commence d'une voix morne le récit du règlement de Poudlard.

Anna ne peut s'empêcher de sourire tout d'abord tandis que son aînée fait sa lecture : elle s'amuse de la ponctualité d'Aelle et se réjouit de la faveur que celle-ci lui accorde en répondant à ses questions, sa réputation étant celle d'une fille qui peut se passer de répondre aux gens quand elle ne s'intéresse pas à eux. Son sourire disparaît très vite quand elle reçoit le regard plein de reproches d'Aelle, quand celle-ci énonce à haute voix qu'il est interdit de toucher les plantes, ni de leur dire du mal. Anna prend conscience qu'elle a vraiment enfreint une règle, que cela peut être punissable, mais elle pense en même temps à l'étrangeté de cette règle d'un autre côté, elle se voyait déjà insulter le figuier et se demandait quelles conséquences cela pouvait engendrer...

Aelle continuait et en faisait presque un spectacle, elle passa ensuite sur la règle énonçant l'interdiction d'apporter des objets coupants ou inflammables dans les serres. Anna jeta un coup d'oeil à son ciseau : les bouts sont ronds, elle ne le considère pas vraiment comme un objet coupant, ou du moins réellement dangereux. Il est vrai aussi qu'elle aurait pu utiliser le sortilège de découpe pour s'éviter un autre enfreint des règles, mais bon... son éducation plutôt moldue prenait parfois les dessus et elle en oubliait toutes les facilités de la magie.

Quand elle compris qu'Aelle était en train de lui expliquer la signification du mot "prohibé" qu'elle connaissait très bien avant de répéter des explications et conseils maintenant parfaitement inutiles aux yeux de la rouquine, celle-ci vit rouge. Sa légère peur et sa retenue laissèrent place à du mépris : ce n'était pas parce qu'elle était seulement en deuxième année qu'elle avait besoin d'être prise de si haut ! Alors le caractère fort et têtu d'Anna repris le dessus et celle-ci laissa un petit blanc se faire, les sourcils élevés avec ironie, avant de répondre.

- Figure-toi que je sais très bien ce que veut dire "prohibé", pas besoin de te donner tant de mal.

Et sans quitter son regard qui se faisait maintenant légèrement insolent, elle fit quelques pas jusqu'au panier et y laissa tomber ses ciseaux, avant de revenir. Elle avait maintenant complètement oublié la raison de sa venue et se focalisait sur la grande brune qui lui faisait face. Elle pris soudain compte de la réelle faute qu'elle avait fait, et surtout fut d'un coup impressionnée par la grande septième année qui avait tellement plus de caractère et d'expérience qu'elle... D'un seul coup elle l'enviait et n'avait plus qu'un désir : se faire pardonner, ou du moins ne pas être détestée d'Aelle. Elle perdit donc son sourire en coin et retrouva un visage perdu...

- Bon après t'as raison t'as raison... j'avoue que j'aurais vraiment pas dû faire ça. Je... m'en souviendrai pour la prochaine fois.

Les mots étaient sortis difficilement de sa gorge, ça c'est sûr. Elle avait maintenant envie de relancer une conversation plus "saine" avec son aînée mais n'avait pas d'idée et ne voulait pas lui demander quelque chose comme "Donc toi aussi tu t'intéresse aux figuiers ?", non, il en était hors de question. Ce qu'elle voulait, c'était savoir si Aelle avait des amis à Poudlard, c'était peut-être un peu indiscret mais il est vrai que depuis le début de l'année, elle la voyait seule (quand elle la voyait évidemment).

- Bref... Euh tu quittes l'école l'année pro c'est ça ? ça doit faire bizarre en vrai, je me rends pas bien compte... Hum tu sais ce que tu veux faire comme... études ? Et puis tes amis d'ici vont pas trop te manquer ? ça doit être triste de les quitter...

Anna se tut, elle avait dit ce qu'elle voulait dire et espérait juste qu'Aelle s'ouvre un peu, même si elle se doutait d'avance qu'elle ne devait s'attendre à pas grand chose de la part de la grande brune... Et puis, elle s'imaginait déjà qu'elle ne la reverrait plus l'an prochain, même si elle la connaissait très peu ça lui faisait bizarre, après tout Aelle était là à sa rentrée, c'est comme si elle faisait partie de Poudlard...

J'ai relu ton post et j'ai eu d'un coup envie de te répondre, mais 852 mots ça je m'y attendais pas
Mon record est battu grâce à toi et à ta protégée

Quelle surprise d'entendre ce coup d'éclat de la part de la gamine ! Je me tourne vers elle en rangeant mon parchemin dans ma poche, mais déjà elle s'est levée et elle prend la direction de la sortie. Réjouie de la voir s'en aller, je la suis du regard... Et me prends le revers de ma déception en plein visage : en fait, elle se contente de déposer ses ciseaux dans le panier adéquat, elle n'a aucune intention de partir. Puisqu'elle ravale sa colère, ce qui est étrange venant d'une petite enfant immature, mais qui ne me déplaît pas, je me figure que mon regard doit prendre une teinte plus sombre, plus dangereuse, quelque chose qui veut dire : certes, tu restes ici mais maintenant j'espère que tu vas te taire et respecter le règlement. Je hoche vaguement la tête quand elle prend conscience de son comportement ; ouais ouais, c'est ça, c'est bien, tu as compris le règlement que tu as pourtant déjà lu et signé il y a six mois, maintenant je peux retourner à mon observation.

Et je retourne effectivement à mon observation, mon regard oscillant entre le figuier et mon petit carnet réservé à la Botanique sur lequel je gribouille des croquis et des annotations. Je me rends compte que je connais mes cours concernant cet arbre, je les connais même très bien, ce qui n'est pas surprenant puisque j'ai un figuier d'Abyssinie en pleine forme qui m'attend à la maison — sa santé étant surveillée par Natanël, ancien étudiant de l'Institut de Médicomagie et de Sciences Magies et féru de Botanique, je ne m'inquiète pas pour lui.

Malgré ma concentration, je sens néanmoins posé sur moi le regard de la fille. Je l'aperçois à l'orée de ma vision, plantée derrière moi comme une plante verte. Je devine avant même qu'elle le fasse, car il ne faut pas être Merlin pour le comprendre, qu'elle va me parler — ou du moins, qu'elle en a l'ambition. Je m'efforce de ne surtout pas me retourner. Je me dis que si je ne dis rien, si je ne bouge pas trop, si je l'ignore elle n'osera pas prendre la parole et qu'elle m'oubliera. Mais c'est sans oublier son coup d'éclat de tout à l'heure qui en dit long sur son caractère : sous cette apparence d'enfant naïve se cache une vraie force, même si cette force se traduit de la mauvaise manière. Ce n'est donc pas étonnant qu'elle me pose une question.

Cette fois-ci, je me tourne carrément pour lui lancer un regard éberlué. C'est la seule chose qu'elle a trouvé à me dire, vraiment ? Je suis une septième année, tout le monde le sait, et elle me pose une question idiote et inutile qui a une réponse d'une évidence folle ? Évidemment que je quitte l'école en fin d'année ! J'ai une brusque bouffée d'agacement contre elle. Les questions inutiles, moi, ça a tendance à dilapider ma patience.

Je me retourne lentement vers le figuier, sans pour autant continuer ma prise de notes. Il faut dire que son enchaînement de questions me perturbe. Elle n'est personne, cette petite élève, personne pour moi. Pourquoi toutes ces questions ? Quel intérêt ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi tout court ? Je lui lance un nouveau regard désespéré. J'hésite entre lui dire que ça ne la concerne en rien ou faire comme si elle n'existait pas. Au final, je pense que lui donner un semblant de réponse l'empêchera de piquer une crise de colère et donc de me gâcher encore plus la matinée

« Oui, » je réponds d'une voix froide comme un hiver. Quant à savoir ce à quoi ce oui fait référence, elle n'aura qu'à y réfléchir toute seule. « Et ils me suivent l'an prochain, » je poursuis dans un marmonnement à peine discernable.

Mes amis... Évidemment qu'ils vont me suivre. Se figure-t-elle que Nyakane et Zikomo vont rester ici alors que moi je quitte le château ? Ce serait bizarre.

Tout en parlant, je garde le regard braqué sur le figuier qui me fait face et ne jette pas le moindre coup d'oeil vers l'enfant qui pose des questions dont la réponse ne la concerne pas.

Tu as bien fait de répondre directement, ta réponse était très chouette à lire ! Et je suis ravie de voir que ça t'a inspiré pour écrire tant de mots.