Il y a quelques jours, le sous-directeur avait sonné l’heure de sa retraite auprès du personnel de Poudlard, bien que ne comptant mettre au courant les élèves qu’à la fin du mois. Owen avait longtemps hésité quant à la marche à suivre, la relation avec son supérieur étant… tendue. Ils n’avaient pas commencé sur de bonnes bases trois ans plus tôt, presque jour pour jour. Cela n’était pourtant pas de leur fait, mais avait marqué les esprits. Ce mauvais départ un mois après l’arrivée d’Owen au poste de professeur avait signé le début des hostilités. Des menaces décorées, des piques bien senties mais sarcastiques, des insultes joliment amenées et soigneusement choisies, en quelques sortes du respect dans l’irrespect. Cela en était presque devenu un défi, un jeu, une habitude, un réflexe. Ils ne pouvaient pas être dans la même pièce sans user de viles taquineries, de bienveillance hypocrite, d’animosité.

Peut-être était-ce parce qu’il y avait pris un malin plaisir finalement, parce qu’il avait peur que cela lui manque, ou parce qu’il désirait conclure cette période de cohabitation comme elle avait commencé, pour pouvoir tourner correctement la page, qu’il se tenait là, devant la porte du bureau de son supérieur, un paquet sous le bras, hésitant à entrer. Cela faisait dorénavant plusieurs minutes qu’il hésitait à repartir, se demandant si c’était une bonne idée finalement, de lui rendre une dernière visite. Mais il n’avait pas fait tout cela pour rien, si ses pas l’avaient guidé ici en cet après midi de février ce n’était pas pour rien, il devait s’écouter. Owen finit alors par frapper trois coups sur la porte pour indiquer sa présence, prêt à confronter le vieillard avant son départ à la retraite.


@Archibald Featherstone, comme promis, j’espère que cela te convient !

La fatigue s'était accumulée ces derniers temps. L'aîné de Poudlard avait eu du mal à réaliser que l'âge le rattrapait et qu'il n'avait plus la forme de courir dans tout le château. Le professeur avait alors fixé son départ en retraite, jugeant meilleur pour ses nerfs et sa santé de retrouver son atelier botanique de Brighton, où régnaient la tranquillité et la passion des plantes. Archibald, en pensant à sa retraite, ne pouvait penser autre chose que « C'est la dernière étape de ma vie qui commence » et cette pensée le terrifiait. L'idée que la plus grande partie de son oeuvre était derrière lui lui faisait réaliser à quel point la vie était courte et insignifiante. Que restera-t-il de lui à Poudlard une fois son départ effectif ? Que restera-t-il de lui une fois qu'il aura fermé les yeux pour la dernière fois ? Archibald ne voulait pas s'abandonner à l'immobilisme de la vie de retraité. Sa passion, il la continuerait, et il donnerait chaque once d'énergie qui lui restait à poursuivre son oeuvre de botaniste.

Le bureau du sous-directeur était en pleine métamorphose. L'apparence structurée qu'elle revêtait habituellement avait laissé place à un chantier digne des plus grandes reconstructions. Quelques cartons de livres s'empilaient dans la pièce, près à être transplanés à Brighton. Le vieux professeur continuait ses empaquetages.

Sans prêter attention, il venait de mettre la main sur une toile, qui attendait sur le bureau qu'on l'embarque. Le botaniste porta les yeux sur le tableau. C'était le portrait de sa défunte araignée, Szirhagna. Depuis la mort de cette dernière, l'araignée qui recouvrait la toile s'était immobilisée. La peinture autrefois animée était devenue une peinture moldue. Elle n'ouvrait plus les portes du bureau du sous-directeur. Tout comme lui bientôt. Archibald avait hésité à laisser la toile à Poudlard. Pas qu'il n'en voulait pas, mais il trouvait belle la symbolique de laisser la toile de Szirhagna dans l'école pour qu'elle puisse y vivre éternellement. C'était là qu'elle reposait, après tout. Mais le professeur tenait malgré tout à cette toile qui lui rappelait la compagnie tranquille de l'arachnide. Il l'emporterait, comme un voleur.

Alors qu'il s'apprêtait à mettre le tableau dans ses cartons, il entendit trois coups toqués sur la porte. Il reposa machinalement l’œuvre sur son bureau et ouvrit l'entrée de sa baguette. Owen se trouvait derrière. Que lui voulait-il ? Cela tombait bien, le professeur souhaitait le voir avant son départ.

« Owen... Dit-il sans aucune amitié. Ça tombe bien, j'ai quelque chose pour vous. »

Mais il sentit que le bibliothécaire n'était pas là pour rien, alors il demanda :

« Pourquoi souhaitiez-vous me voir ? »

Owen s’apprêtait à toquer de nouveau lorsque la porte s’ouvrit devant lui. Il rabaissa alors sa main tout en avançant d’un pas, rendant la froideur de la salutation à son collègue. « Archibald. » Collègue qui avait quelque chose pour lui ? Comment cela ? Il était méfiant. Quelle était donc cette surprise, cette chose qu’il avait pour lui ? Ça ne pouvait être quelque chose de bien ou gentillet. Il y avait calamar sous gravillon. Ais-je raison de me méfier ? laissa-t-il échapper, suspicieux, avant d’ajouter, j’ai moi aussi quelque chose pour vous. Il montra alors le paquet qu’il tenait et s’avança d’avantage dans la pièce, les doigts de son autre main titillant sa baguette dans son étui le long de sa jambe. On était jamais trop prudent, il avait toujours en tête les quelques menaces qu’il lui avait faite durant ces trois années. Quant à pourquoi je souhaite vous voir… c’est parce que vous partez, naturellement.

Son regard embrasa alors la pièce déjà bien dénudée et les quelques cartons entassés. Elle avait l’air bien plus grande ainsi, la dernière fois qu’il l’avait vue, tout était beaucoup moins sobre, bien plus chaleureux. Des projets pour votre retraite ? Non pas qu’il s’y intéressait réellement, mais il lui semblait que cela tenait de la discussion protocolaire, de demander les projets de vie future d’un collègue qui s’en allait. Du moins tentait-il d’ouvrir la conversation, sans savoir où cela les mènerait réellement. Mais il se voyait mal juste entrer, donner ce qui pouvait s’apparenter à un cadeau et repartir comme un voleur. Ce n’était pas respectueux et Archibald, bien qu’ils ne s’entendaient pas, restait son superieur hiérachique.