Plic. Ploc. Plic. Ploc.
Cette nuit-là, c'était le bruit de la pluie plus que mes insomnies, qui m'avait réveillée. Il faisait noir, comme d'habitude. Mais cette fois-ci, cela m'embêtait. Pourquoi sortir la nuit était-il interdit ? Je n'aimais pas les règles en général mais celle-ci, je l'aimais encore moins que les autres. Mais bon... Je ne pouvais que ronger mon frein. Appuyée contre la fenêtre, les jambes repliées, à écouter les gouttes taper contre les carreaux : c'est ainsi que je passai le reste de la nuit. Et dès que les premières lueurs du jour, toujours masquées par les nuages et l'horloge, qui couvrit momentanément le bruit de la pluie indiquèrent l'arrivée du jour, de l'heure autorisée à la sortie, je me précipitai dehors. J'étais toujours pieds nus, et vêtue de mon débardeur et mon legging que je mettais la nuit, mais ce ne serait pas ça qui m'arrêterait. Comme une furie, je sortis en trombe par la Grande Porte, débouchant enfin sur l'extérieur. Aussitôt, je retrouvai la sensation familière des gouttes d'eau qui s'écrasaient sur ma peau. C'était un des points positifs de Londres, selon moi : il pleuvait souvent. Après, ce n'était pas l'avis de tout le monde... Mais peu m'importait : j'étais ravie. À pas timides, au début, je fis quelques pas dans l'herbe, qui était trempée par la pluie. Mais cela ne me dérangeait pas, encore une fois. Au contraire : c'était agréable de sentir les brins d'herbe me chatouiller les pieds. J'avais l'impression que je pouvais m'envoler à tout instant. Pour rejoindre les nuages noirs, en haut. Rejoindre les oiseaux. M'envoler dans le ciel, passer à travers les gouttes d'eau qui tombaient autour de moi... Ou bien me liquéfier, pour DEVENIR une goutte d'eau !... Mais ça, c'était impossible. Enfin, remarquez, avec la magie... on n'était sûr de rien ! C'est ça qui était beau.
Livrée à mes pensées, les pieds dans l'herbe, je marchais, tandis que les gouttes autour de moi s'intensifiaient. Mon T-shirt trempé me collait à la peau, mes cheveux dégoulinaient, trempant mon dos une deuxième fois, par la même occasion, mais je n'avais pas froid. J'étais... juste bien.
Soudain... un éclair. Puis le tonnerre, au loin. Toute contente, je me mis à hurler. J'ADORAIS les orages !! Petit à petit, autour de moi, les flash lumineux se faisaient de plus nombreux, tandis que le ciel semblait ne plus être qu'un grondement. Insensible au vacarme ambiant, je m'étais mise à tourner sur moi-même, laissant le vent violent ma faire tourbillonner, m'emporter dans une spirale toujours plus enivrante.
De plus en plus trempée, mes cheveux me fouettant le visage, je pris conscience que j'étais tellement bien, à tourner sous l'orage, que je ne voulais plus partir. La bulle que j'étais en train de former autour de moi me semblait soudain inquiétante. Et si je n'arrivais jamais à en sortir ?... Mais je n'avais pas le loisir d'y penser : j'étais prise d'une sorte d'ivresse incontrôlable, qui me poussait à tourner, tourner, et encore tourner, sans pouvoir m'arrêter.

Je me réveillai, tout d'un coup, comme ça, sans aucune raison, aussi subitement que si quelqu'un avait hurlé à mon oreille. J'y étais habituée, c'est mon horloge interne qui me réveillait ainsi chaque fois que j'avais l'infortune de dépasser les 10 heures de sommeil. Mais je ne me levais pas. Chaque fois que cela se produisait, je restais sagement dans mon lit à attendre que les premières lueurs du jour percent mes paupières closes. C'est une règle que je m'était fixée : Interdiction de me lever avant le soleil. Mais étrangement, celui-ci ne venais pas. J'avais beau attendre, le dortoir restait aussi lugubre qu'en pleine nuit. Était-il encore si tôt ?

J'ouvris les yeux et regardais à travers la fenêtre d'en face. De la pluie ! Il pleuvait et moi, je restais emmitouflée dans mes couverture. Oui, maintenant que je le remarquais, j'entendis clairement ce son caractéristique qui, bien plus que toutes les musiques du monde, suffit à m'apaiser et à me faire frémir de joie. Vous savez ceux qui attendent que les Bizarr' Sisters lancent un nouvel album ou ceux qui écoutent en boucle les chansons de Célestina Moldubec ? Et bien, moi, c'est Mère Nature que j'implore de nous offrir de telles averses tous les jours.

Le temps de dire "pluie" j'étais déjà dans les couloirs du rez-de-chaussé, affublée d'un pull rouge et d'un sweatshirt assorti. Le capuchon sur ma tête, je franchis le seuil de la grande porte du Hall d'Entrée. La sensation était encore meilleure que je ne l'avais prévu. L'odeur de l'herbe mouillée faisait frémir mes narines, le vent humide caressait chaque partie de ma peau non protégée par mes vêtements. La pluie à Poudlard était magique.

J'avais presque envie de retirer mon sweat à capuche et de m'élancer sous la pluie, tête à découvert pour voir ce que faisait d'avoir l'eau à même le corps, ruisselantes sous ces couches de vêtements. Ah que j'avais envie de m'éxécuter ! Mais la raison l'emporta sur la tentation. Pas besoin de choper une vilaine grippe et de passer des heures à fumer des oreilles dans l'infirmerie. Je peux aussi rester là, sous ce toit, à regarder tout simplement la scène sans courir de risques. Oui, c'était plus raisonnable et tout aussi agréable.

Je m'adossais donc à une des poutres et fixais les rideaux de pluie don les gouttes semblaient ricocher sur l'herbe verte. Quelle fut ma surprise quand je distinguait au milieu de toutes ces cordes d'eau la silhouette d'une autre fille, qui tournait et tourbillonait sous la pluie, ne portant qu'un simple T-Shirt pour la protéger du vent et de l'eau glaciale qui lui tombait dessus. Qu'est-ce qu'il lui prenait de s'exposer ainsi au froid et à la pluie ? Je tendis la main au dehors et la retirai aussitôt : L'eau était glaciale. Encore un peu et elle congelait. Il faut que je l'arrête, que je lui rende la raison, sinon c'est elle qui finira à l'infirmerie en fumant des oreilles.

Heu... Salut ! Est-ce qu'on peut parler un peu s'il te plaît ?, hurlai-je pour couvrir le bruit de l'eau clapitante sur les toits et la terre. Heu... Ici ?

@Ludmilla Diamond C'est super ! À ton tour.

L'eau glacée tombait encore en trombes autour de moi, mais je tournais toujours. Inlassable, infatigable, inarrêtable. Comme pour assouvir un besoin dont je n'avais même pas conscience, ou bien répondre à une pulsion qui venait de je ne sais d'où, sans doute de mon imagination, qui faisait souvent des siennes...
Soudain, à travers la pluie, je distinguais un point rouge, dans l'encadrure de la porte. Un autre élève, sans doute. Qui s'était réveillé, comme moi. Et qui, comme moi, devait apprécier la pluie. Il serait descendu la regarder, mais n'oserait pas se mouiller. Comme je le comprenais ! Je ne savais pas ce que je faisais moi-même ici, à tourbillonner, comme une bécasse.
Comme une bécasse ?
Comme une conne, oui !
Comme... une conne ?
Une conne, sérieusement ?
Non... idiote, ça le fait mieux.
Je pris un instant de réflexion.
Pourquoi, au fait ?
Je ne vois pas vraiment pourquoi, juste parce que j'aime danser sous la pluie, je serais conne, idiote, ou même une bécasse...
Plic, ploc, plic, ploc, ploc, ploc, ploc, ploc, ploc, ploc, ploc, ploc, plic, ploc.
La pluie redoublait d'ardeur, autour de moi.
Tiens, c'est une bonne question, ça !
Le jugement par rapport aux moindres faits et gestes...
Je m'y suis laissée prendre moi-même, en me traitant de la sorte.

Mais chacun est libre de faire ce qu'il veut... chuchotai-je.

Tout en continuant de tourner, une mélodie, sans appartenance particulière, naquit sur mes lèvres.
Cependant, très vite, à force de tourner, elle prit un sens.

Tourner dans le vide, vide
Tourner dans le vide, vide
Tourner dans le vide, tu me fais tourner
Dans le vide, vide, vide
Tourner, tourner dans le vide
Tourner dans le vide, il me fait tourner

Je ne fus presque même pas surprise quand j'entendis le point rouge me saluer. Presque.
L'élève - si tant est que c'en soit un - me demanda si nous pouvions parler juste... là, fit-il en désignant un point près de lui. C'était même l'endroit exact où il se trouvait, remarquai-je ensuite.
Hum... Parler ? Mais pour quoi faire ?
Une pensée qui me semblait horrible me traversa.
Et si... et s'il me jugeait ?
Comme je me suis jugée moi-même il y a quelques instants ?...
Et ce que tu as dit juste après ?
Ça compte pour du beurre ?
Non, bien sûr que non...
Alors ? FI AU JUGEMENT !
Oui... Oui ! Sans doute. Je vais aller lui parler.
J'arrêtai de tourner d'un coup un peu trop brusque. Prise de vertiges, je m'affalai dans l'herbe.

Fichues jambes...

M'aidant des mains, je me relevait, tant bien que mal. J'attendis que la circulation revienne, un peu vacillante.

Qui que tu sois, me voici !... marmonnai-je en m'approchant.

La pluie tombait drue et redoubla même de puissance en l'espace de quelques secondes. Mais que ce soit un torrent un même un tsunami qui s'abbattait sur sa tête, je doutais sérieusement que cela suffise à arrêter la fille qui tourbillonnaient de toute la puissance de ses jambes, apparemment ravie de recevoir de l´eau glacée en pleine tronche. On ne juge pas, Linda. Chacun ses goûts, tu n'y peux rien. Ce n'est pas à toi de dicter leur vie aux gens. Oui oui, je sais, n'empêche, il y en a qui ont des occupations pour le moins bizarres.

J´en étais là de mes reflexions quand l´élève se figea dans ma direction et s´avança vers moi. C´était bizarre de la voir ainsi, sans avoir l´image des hélices d´un... un... colépticotère je crois. C´est comme ça que les moldus appellent un de leurs engins volants, non ? Mais bref, elle s´était donc arrêté de tourbilloner sous la pluie pour daigner me rejoindre sous le pan de toit où je me trouvais. En marchant, le choc de ses pas contre l´épaisse couche d´eau accumulé sur le sol produisait de puissants ¨floc !¨ qui retentissaient dans mes oreilles, parevenant à se propager jusqu´à moi, malgré les plusieurs mètres qui me séparaient encore d´elle. Apparemment, elle ne semblait pas vouloir ménager les efforts qui lui restaient après le ballet nautique qu´elle excécutait moins d´une minute plus tôt.

En la voyant approcher, je retirais le capuchon de ma tête. Mais dès que ma nuque fut de nouveau en contact direct avec le grand air, je frémis et me couvris de nouveau. Le vent était glacé et semblait constitué de crocs de glace qui mordaient chaque partie de la peau qui restait à découvert. Tant pis, je l´acceuillerais sous une capuche, et qu´elle croit ce qu´elle voudra.

Je me calais contre le mur pour lui faire de la place à l´abri de la pluie, près de moi. Je ne sais pas si elle voudra bien se cacher des éclaboussures, mais je lui proposerais quand même, par principe. Quand elle m´eut rejointe, l´eau coulait de ses habits comme d´une fontaine, et j´eu le plus grand mal du monde à ne pas faire un pas en arrière pour éviter d´être mouillée en la touchant. Mais pour éviter de la blesser, je ne bougeai pas, je la fixai résolument et je finis par lui dire, sur un ton de pitié que je ne pu malheureusement pas dissimuler :

Pourquoi tu infliges ça à ton corps ? Rien qu´à te regarder, la moelle de mes os se glassait. J´ose même pas imaginer la tienne.

Mon approche ressemblait un peu trop à un reproche. Ce n´est la manière dont je voulais l´aborder...

Regarder, écouter la pluie, je veux bien, c´est ce que je faisais depuis le début. Mais j´ai vraiment du mal à croire qu´être fouetté par une averse est aussi agréable.

@Ludmilla Diamond Oupsii, on s´est passées le mot.

Je sautais dans les flaques à l'approche de l'abri du point rouge. C'était une fille, d'ailleurs, maintenant que je la voyais. Mais peu m'importait les règles de la binarité des genres, les réactions n'étaient la plupart du temps pas modifiée entre la gente féminine et masculine. D'ailleurs, si certains prônaient l'égalité des sexes ou, au contraire, la supériorité de l'un des deux, mon avis à moi différait selon les domaines. En règle générale, je les pensais différent; chacun avec ses particularités qui lui sont propres. Mais dans tous les domaines qui requièrent l'appel au cerveau, à la nature d'être humain et non pas d'homme ou femme, il sont égaux. Nous sommes tous des bipèdes destructeurs de planète qui bien qu'ils pensent être différents sont tous égaux en pensée.
J'ai toujours été fascinée par ça : quand on regarde un chien, on ne sait pas à quoi il peut penser. Alors qu'un être humain, selon le type de conversation que l'on est en train de mener, on peut toujours s'en faire une idée. On sait forcément que ça sera positionné entre les deux pôles d'opinion différents, plus à gauche ou plus à droite, peu importe.
Certains penseront peut-être qu'il n'y a aucun rapport entre ces deux choses, et que l'exemple donné n'est que le fruit de mon cerveau malade trempé par la pluie sous laquelle je viens de tourbillonner. Libre à eux de penser ce qu'ils veulent, mais la preuve en est que mes propos ne sont pas si délirants, puisque j'ai pu moi-même prédire leur réaction.
Bon, bref. Pas le moment de philosopher.
J'approchai de la fille, qui commença à parler.
C'est quoi, cette pitié ? Les êtres humains sont décidément tous pareils. Ils ne comprennent rien à le vie.
Je me composai un sourire. J'allai lui expliquer calmement que tourbillonner sous le pluie et le vent glacés était quelque chose de parfaitement normal, il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. Mieux valait se réjouir, au contraire.

Je ne comprends pas pourquoi tu sembles me prendre en pitié, déclarai-je. C'est une sensation géniale, de danser sous la pluie. Tu n'as jamais essayé ? Quand on tourne, on ne ressent pas le froid. Enfin, au moins, il s'éloigne au bout d'un moment. Tu tournes, tu tournes, et puis le froid finit par ne devenir plus qu'une légère sensation de pression sur ta peau. C'est scientifique, je crois.

Je la regardai, en quête d'une réaction. J'espérais qu'elle comprenne. Ce serait bête, sinon.

C'est vraiment agréable, tu sais ? Un peu addictif, mais vraiment agréable. On se sent beaucoup plus vivant, beaucoup plus... libre ? Je ne saurais pas trop décrire la sensation. Pour ça il faudrait que tu essaies ! fis-je avec un sourire malicieux, un poil démoniaque.