Le grand jour est arrivé. Samy a le trac mais il n'en montre rien. On est le premier avril, le jour des farces, de l'amusement, personne ne sera crédible, il croisera certainement bon nombre d'étudiants déguisés, alors il respire, se dit qu'il ne sera pas le seul si bizarrement accoutré, et s'élance. Il a mis sa plus belle perruque blonde, des escarpins offerts par son collègue professeur de vol, un rouge et un noir, et il arbore un immense sourire un peu terrifiant, il faut bien l'avouer. Il le faut bien, pour incarner Lucius Malfoy ! Dans le hall d'entrée, pendant la nuit, Rafael et lui ont placé des chaises, sortes de gradins éphémères pour que ceux qui passent puissent assister à leur spectacle. L'idée leur est venue un matin, pendant une pause commune ; ils ont souhaité réaliser une petite pièce de théâtre satyrique pour faire rire les élèves, apporter joie et bonne humeur en ce début de mois, et surtout pour s'amuser. Ils rient de tout, leur âge mental est vraiment proche des six ans ces temps-ci.

Bref, à présent il inspire, il expire, et avance en direction des palettes de bois posées à même le sol, censées représenter une scène. Quelques personnes sont déjà installées, il évite de les fixer, assez gêné.

« Bonjour à tous, bienvenue, laissez-moi vous présenter "Des poissons et des elfes de maison". On espère que cela vous amusera un peu ! »

Et puis, se tenant droit comme un piquet face au public, il s'exclame :

« Dobby ! Ici, immédiatement. »

Samy attrape une branche de bois et se met à taper sur le sol avec violence. Une foule de curieux commence à s'agglutiner, le jeune apprenti a envie d'éclater de rire mais il garde son ton sérieux, fronce les sourcils, et crie.

« Mon repas et plus vite que ça ou je te bats. »

Rafael jeta un regard à son collègue et il ne savait pas si il devait rire ou partir en courant. Il commençait sincèrement à regretter cette idée farfelue que Samuel et lui avaient eue quelques semaines plus tôt. Malgré tout, la vision de Samuel en perruque blonde et talons hauts était tellement drôle que cela compensait la honte qu’il ressentirait dans une poignée de minutes.

De son côté, il s’était lui aussi déguisé et avait laissé sa cape de sorcier pour un tee shirt beaucoup trop grand pour lui qu’il avait découpé par endroit et salit sur le terrain de Quidditch. Il avait enfilé le tee shirt de manière à ce qu’il soit suffisamment recouvert pour ne pas choquer les plus jeunes, il s’était entouré le bras droit d’une bande pour cacher une fausse coupure et avait mis un pansement sur ses mains pour feinter des brûlures.

Le professeur de Vol regarda une dernière fois son collègue avant de rentrer sur scène. Ils ne pouvaient plus faire marche arrière. En plaçant cette mini scène dans le Grand Hall, il était évident qu’il y aurait des élèves pour venir les voir, peut-être même des collègues, cela risquait d’être dans leur mémoire à jamais. Rafael souffla puis Samuel entra sur scène et présenta ce qui allait suivre et sans attendre il entra dans son rôle. Il demanda à son elfe de maison, lui, d’apporter le repas.

Rafael entra à son tour sur scène et en voyant le bâton de son « maître », il fit mine de craindre un coup et se recroquevilla sur lui même en se protégeant de ses mains. Il remarqua que son collègue se retenait de rire et il avait peur de rire lui aussi mais il se retint et répondit:

« — Bien sur maître! Tout de suite maître!

Il se retourna et leva de manière ostentatoire les yeux au ciel et en se tournant il imita la manière de parler de son « maître » et la position qu’il avait. Avant qu’il ne le voit, Rafael se retourna et fit un signe de tête à son collègue. Se dirigeant vers le fond de la scène il marmonna de manière audible pour le public:

— Plus vite plus vite! Il faudrait déjà réussir à marcher avec ces talons avant de penser pouvoir me taper. »

Il remarqua qu’il avait peut-être parler trop fort et eut peur que son maître l’ait entendu.

Maître ! Samy a de plus en plus de mal à contenir le fou-rire qui commence à l'habiter. Il saura se souvenir de cela et le ressortir à son collègue aussi souvent qu'il le pourra. Tiens, il devrait se faire appeler ainsi par tout l'établissement quotidiennement, ça lui plairait bien. Heureusement pour lui, ses joues trop sombres masquent à la perfection le rouge qu'il sent monter. Alors qu'il donne des grands coups de bâton dans le vide, il regarde son ami du coin de l'œil. Vêtu de guenilles, recroquevillé et les bras bandés, il ressemble plus à un macchabé qu'au professeur de vol beau gosse qu'il est habitué à voir.

Reprenant un air plus sérieux, Samy fronce les sourcils et, d'une main fort habile, rejette en arrière sa soyeuse chevelure qu'il fait voler au vent le temps d'un instant. Et puis, il attrape une des mèches blondes de sa perruque et entreprend de l'entortiller de façon charmeuse autour de son index.

« Dobby, tu veux que je t'écrase l'oreille à l'aide de mes talons aiguille ? Au même moment, il se met à battre très vite des cils. Viens par ici, ça t'apprendra à te rebeller. »

Il marche en direction de la créature verdâtre qui un jour avait un prénom un peu plus respectable, et, constatant que l'elfe commence à se rebeller, il se met à courir dans sa direction, cane à la main.

« Je vais t'apprendre à me respecter, vermine ! Je t'ai demandé mon repas, qu'est-ce que tu attends ? »

Il secoue son gros bout de bois au dessus de sa tête, et là, manque de chance, il se casse la margoulette. Il a surestimé sa capacité à marcher avec des talons et vient de se vautrer de façon magistrale. Gêné, il ne sait comment réparer son erreur : ce n'était absolument pas dans le scénario !

« Relève-moi, Dobby. Ne me regarde pas comme ça, tu es inférieur, alors tu m'obéis. »

Il espère que cela passera inaperçu. Il chuchote à Deryn, qu'il trouve dans le public* : « Et hop, ni vu ni connu. »



*Celui qui veut. Le premier à le mentionner dans les Péripéties Poudlariennes sera l'élève en question. Le post sera édité en conséquence pour éviter les incohérences et pour que l'élève en question soit identifié par tous.

Rafael et Samuel n’avaient pas beaucoup préparé la pièce et partaient principalement sur de l’improvisation. L’un et l’autre avaient seulement parlé du thème de la pièce et ne savaient donc pas ce que l’autre allait répondre. Il remarqua que Samuel trouvait la manière de répondre de Rafael très drôle mais il resta professionnel et parvint à garder son sérieux.

En entendant la réponse de l’elfe de maison, son maitre reprit un air sérieux et rejeta sa longue chevelure dans le dos dans un geste théâtral à en faire rougir de jalousie toutes les femmes. C’était désormais au tour de Rafael de tout faire pour garder son sérieux. Il se mordit l’intérieur de la joue et écouta son collègue répondre. Ce-dernier avait bien entendu sa réponse et rebondit à ces propos en ordonnant à l’elfe de maison de venir chercher sa punition.

Rafael, jusque là très discipliné, hésita à obéir à son maître, il en avait marre de devoir subir les humeurs de ce dernier et rêvait parfois d’être un elfe libre. Malheureusement, son maitre n’était pas de cet avis et ne prit pas le temps d’attendre qu’il vienne à lui. Perchés sur ses talons, il commença à courir après le petit elfe qui essayait de s’échapper tant bien que mal. Rafael, vouté, essayait de courir tout en restant recroquevillé, ce qui n’était pas très facile.

Malgré tout, il n’était pas le seul à avoir des difficultés à se déplacer. Samuel avait du mal à courir avec des talons et sans grande surprise il chuta sur la scène faisant rire quelques élèves au passage. Ne sachant pas si le jeune homme avait prévu de faire ça, Rafael s’arrêta quelques secondes pour jauger la gravité de la situation. Alors, très professionnel, Samy continua et ordonna à son elfe de maison de lui venir en aide.

Rafael regarda le public et essaya de trouver une manière de rebondir face à cette réponse. C’est alors qu’une idée lui vint à l’esprit et encore une fois, il fit mine de devenir docile et s’approcha de son maître en s’excusant:

« — Oh mon maître! Je ne voulais pas que vous vous fassiez mal, vous êtes pourtant magnifique avec ces chaussures. Je vais vous aider.

Il se rapprocha alors de son maître encore allongé sur le sol et en croisant ses doigts dans son dos de manière à ce que seuls les personnes dans le public puissent le voir, il répondit:

— Bien qu’elles soient magnifiques, je pense que ces chaussures sont dangereuses. Maître je vais vous faire un massage des pieds pour vous détendre et vous soulager un petit peu. Je vous en prie, donnez mois vos chaussures et asseyez vous si vous le voulez bien. »

Samy jette un regard dédaigneux sur "sa" créature, voutée tel Gollum. Il a vraiment une drôle d'allure, c'est à se demander lequel des deux est le plus ridicule. Alors que Rafael accourt pour l'aider à se relever, il en profite pour le complimenter. Son collègue lui fait du charme, c'est Joanne @Joanne Taylor qui rêverait d'être à sa place ! Le professeur de vol, à genoux devant lui, qui lui susurre des mots doux, à une bague près c'est une demande en mariage ! D'un mouvement des lèvres inaudible, Samy, le regard plongé dans les yeux de son collègue, lui murmure "Je le veux !" Il se pince très fort les lèvres pour ne pas pouffer, ce qui fait légèrement trembler son nez et gonfler ses joues, puis il tente de se relever - sans succès.

Lorsque Rafael propose à Samy une solution alternative, pour lui permettre de garder toute sa grandeur sans manquer de chuter à chaque instant, son âme de Malfoy lui conseille d'accepter : en effet, il pourra user de ses chaussures pour taper son elfe et exiger son repas plus rapidement.

« Pour une fois que tu as eu une bonne idée, Dobby. Prend mes chaussures, et embrasse mes bagues d'orteils. »

Alors qu'il se redresse non sans peine, l'elfe retire les deux sublimes talons des pieds de Samy. Il dévoile à la foule des anneaux incrustés de fausses pierres brillantes qui entourent chacun de ses doigts. L'apprenti garde-chasse fait onduler ses orteils pour les laisser admirer. Merlin, c'est la première et dernière fois qu'il fait ça devant tout Poudlard, quelle était cette idée foireuse encore ? Aidé de sa canne, il se relève, pile à temps pour constater la supercherie.

« Malotru ! Reviens par ici ! Je vais te battre d'avoir agi ainsi ! »

Impuissant, il voit sa créature fuir, sans se retourner. dépité, il regarde le public et le questionne :

« Voyez comme on traite un bon maître ! Il avait le couvert et le logis, et c'est ainsi qu'il me remercie ? C'est quel genre d'injustice encore ça ?* »

Il écarte ses doigts, les replie et se pince les joues très fort, d'horreur. Il se rend compte qu'il aime bien jouer la comédie, même si il doit certainement être un bien piètre acteur. Et puis, petit à petit, il redevient lui-même. Lorsque son regard croise celui d'un élève, qui rigole, il explose de rire avec lui.

« Pardonnez-moi, houla c'est dur de rester sérieux ! Raf, tu peux revenir ! »

Samy attrape la main de son collègue et s'abaisse pour saluer face au public. Assez mitigé en ce qui concerne sa performance, il descend de la scène et s'en va parler avec les élèves.



*Ceux qui veulent peuvent répondre à Samy, il vous entendra, et il est possible qu'après le spectacle il vienne vous répondre dans les Péripéties Poudlariennes (n'hésitez pas à me mentionner).

Rafael n’osait pas trop regarder vers le public de peur de croiser le regard de l’un de ses collègues, ou pire, de sa directrice. Que penserait-elle si elle le voyait ainsi? Il préférait ne pas y réfléchir pour le moment, il aurait tout le temps qu’il voulait plus tard. Il se concentra sur Samuel en espérant que sa présence l’aiderait à ses concentrer mais ce ne fut pas le cas. Alors que Rafael était aux pieds de son maître pour le relever, celui-ci lui glissa trois mots inaudibles que le plus âgé devina en lisant sur ses lèvres.

Ce-dernier dû se retenir pour ne pas éclater de rire. C’était sûrement à ça que cela ressemblait d’un point de vue extérieur. Une demande en mariage du professeur de Vol envers l’apprenti garde chasse de Poudlard. Heureusement qu’ils étaient le premier Avril et que tout cela pouvait s’expliquer ainsi. Avec une concentration quasi infaillible, Rafael réussit à garder son sérieux bien que le visage de Samuel ne l’y aidait pas. Malgré tout, celui-ci réussit à continuer la scène et félicita son elfe pour avoir eu une aussi bonne idée. Il invita l’elfe de maison à prendre ses chaussures et lui demanda, ordonna même, de lui embrasser les pieds.

Fort heureusement pour lui Rafael, ou Dobby, venait, grâce à ces mots de se libérer de l’emprise de son maître et n’aurait plus jamais à embrasser les pieds de son maître. Il s’empressa de s’emparer des chaussures de son maître pour y découvrir plusieurs bagues d’orteils magnifiquement fausses. Il ne s’était pas attendu à ce que son collègue porte vraiment ces bijoux et resta sur place quelques secondes avant de reprendre son rôle de nouveau. Il le regarda se relever et Rafael recula de quelques mètres et en même temps que son ancien maître parlait il s’exclama:

« — Ouiii ! Dobby est un elfe libre! Libre! Vous entendez ça tout le monde? Il n’a plus de maître!

Il partit ensuite en courant, lentement pour laisser le temps au public de comprendre ce qu’il se passe. Il agita les chaussures de son collègues au dessus de sa tête et partit avec un grand sourire en ajoutant avant de quitter la scène:

— Dobby n’embrassera plus jamais les pieds qui puent de son Maître. Dobby est liiiiiiiibre. »

Derrière la scène, Rafael s’empressa d’enfiler l’une des ses vestes de costume et une paire de baskets. Il avait enfin l’air d’un vrai elfe de maison libre. Il entendit son collègue éclater de rire puis celui-ci l’invita à remonter sur scène. Rafael se frotta les mains et retourna de nouveau sur la scène. En croisant le regard de son collègue, il éclata de rire laissant le stresse quitter son corps. Après tout, c’était plutôt drôle de mettre en place cette petite scènette, cela permettrait peut-être de rappeler que les elfes de maison ne doivent plus être jugés comme des êtres inférieurs aux sorciers.

Il rattrapa son ami sur scène, lança un grand sourire à toutes les personnes qui se trouvaient devant lui et s’empara de la main de son collègue avant de s’abaisser pour saluer leur public. Comme son collègue, l’homme descendit de scène pour se mêler aux adolescents qui le verront certainement différemment désormais.