Le Silence n'était plus là. Il s'était brisé ; il avait fuit. Et, par delà les collines, il errait, cherchant le soleil sous un ciel voilé. Mais il ne voulait pas revenir. *Il est parti* Cette phrase, pleine d'amertume, emplissait l'esprit d'Ellana. Cette dernière en voulait à cette fille, qui, d'abord, l'avait dérangée, et ensuite, voulait, semblait-il, casser les fils de la beauté, les remplaçant par des mots, si faibles et sans aucune importance.

- Tu m'entends pas ? L'eau est entrée dans ton oreille ?

La jeune fille regarda la rousse se pencher au dessus d'elle, et fixa son regard dans le sien. Elle ne voulait pas parler. Même si elle savait qu'elle finirait par le faire. Alors, elle plongea dans ses yeux vert foncé ; en apnée. La petite retint son souffle. Elle se perdit, s'enfonçant toujours plus profondément, engloutie. Elle pouvait tenir quelques secondes, comme ça, mais pas longtemps, et déjà, l'oxygène venait à manquer. Ne souhaitant pas se retenir plus, la jeune brune reprit de l'air, sans pour autant détacher son regard de ces yeux.

Mais, dans la tête de la petite, une question survivait, à cette noyade acharnée. Ou plutôt, un ensemble de questions. Pourquoi donc regardait-elle comme ça, les yeux de cette fille ? Pourquoi donc admirait-elle le vert, plus que les yeux eux-mêmes, ou alors, pourquoi leur donnait-elle une signification étrange ? Ce vert était étrange, du moins, aux yeux d'Ellana. Elle avait l'impression qu'il était vide, sans émotions, froid. Seulement la couleur ; pas les yeux. Vide, par le fait qu'on ait l'impression qu'il n'était qu'un reflet. Reflet de l'herbe mouillée. La fillette se perdait. Elle ne vagabondait plus. Elle ne trouvait plus son chemin. Le sentier s'était arrêté, et elle, elle était toujours au même endroit. Mais qu'importe. Elle retrouverait le chemin. Sauf que pour l'instant, ses yeux étaient fixés sur ceux de la rousse. *On dirait des miroirs*

Lentement, l'Aiglonne porta son attention sur les mots de l'autre fille. Elle ouvrit la bouche, malgré la promesse silencieuse qu'elle s'était faite de ne pas parler. Le silence était parti, qu'avait-elle donc à perdre ? *Beaucoup* Mais elle le fit quand même.

- J'ai dit, laisse-le. Et laisse-moi.

Cette fois, elle avait parlé assez fortement pour qu'on l'entende. Elle n'avait pas voulu que ses mots se fassent noyer. Son ton, froid, était hostile. Mais Ellana s'en moquait. Elle voulait juste que cette fille la laisse tranquille, au lieu de l'énerver encore plus. Et, contre son gré, cet agacement commençait à se voir dans ses yeux.

Le volume de la voix de la Serdaigle était bien plus élevé. Un volume bien différent que celui auparavant. Elle voulait sûrement parler une bonne fois pour toute. La phrase qu'elle avait prononcé résonnait dans la tête de la Serpentard. "Laisse-le, laisse-le, laisse-le". Laisse-le ? Qui ?

-"Laisse-le" ? Laisser qui ?

Cheryl avait remarqué que la jeune fille parlait par monosyllabes, froidement. Était-elle comme ça avec ses amis ? Avait-elle des amis d'ailleurs ? Cette fille était si mystérieuse. Elle ne parlait pas, ne laissait rien paraître sur son visage, mis à part de la froideur et de la fermeté.

-Pourquoi tu veux pas communiquer ? Ne me dis pas que je t'embête, ça se voit. Tu parles à personne ?

La rousse parlait à la jeune fille allongée au sol qui avait toujours les yeux rivés vers le ciel. Elle s'attendait à un silence en guise de réponse, ça paraissait évident. Ou alors, peut-être allait-elle répondre "Va-t-en", avec sa voix monotone.

-M'enfin, peu importe. En tout cas, moi c'est Cheryl, Cheryl Styles. Et ne me dis pas que tu t'en fiches, parce que parler avec Cheryl c'est un honneur.

Cette dernière avait passé sa main dans ses cheveux en parlant ; elle vit que la Serdaigle ne la regardait même pas. Dépitée, Cheryl soupira et s'en alla, se dirigeant vers le château.



@Ellana Duchêne

*Pourquoi répondre ?* Cette question obnubilait l'esprit d'Ellana. Pourquoi aurait-elle envie de gaspiller sa voix, à répondre à une question qui n'avait même pas besoin de réponse ? Elle n'en avait aucune envie, justement. Et elle n'allait pas le faire. Elle allait laisser cette fille se débrouiller seule. Après tout, la rousse semblait déjà bien indépendante, et l'Aiglonne ne doutait nullement qu'elle puisse ne pas la déranger. Mais visiblement, elle ne semblait pas pouvoir garder le silence, pas pouvoir laisser le temps jouer de son œuvre musicale. Et la brune lui en voulait pour avoir dérangé sa paisibilité.

La fillette venait de lui dire son prénom, Cheryl. Mais, à vrai dire, Ellana n'en avait rien à faire. Elle s'en moquait totalement du nom de cette fille, et cela ne lui importait que vraiment peu de le connaitre. La fillette, bien qu'impassible de l'extérieur, était en train de perdre patience, patience qui lui faisait parfois défaut. Mais là, elle n'en pouvait plus. Elle voulait que cette fille la laisse tranquille, elle voulait qu'elle parte, et qu'elle puisse se replonger dans sa contemplation du ciel, sans être perdue dans les yeux verts et la chevelure de feu de cette fille.

Et cette dernière commença à partir, se dirigeant vers le château. Ellana, au début, n'y prêta pas plus d'attention que ça, mais, une fois que Cheryl se fut bien éloignée, la fillette, qui s'était crispée, se détendit. Elle était plus calme, maintenant, et son regard, autrefois enflammé par une colère invisible, s'était lui aussi apaisé, semblable aux braises, après les flammes.

Le jour se levait, à mesure que passait le temps. Le ciel se parait de bleu et les autres couleurs qui l'avait envahi s'étaient comme évaporée dans la lumière du jour. La voûte céleste était dénudée de nuages, et la météo paraissait plaisante, en ce dimanche matin. Et, malgré cette rencontre pas très agréable pour la fillette, cette dernière se sentait mieux, et la joie commençait à envahir son corps.

Les étoiles du ciel s'effaçaient, et pourtant, Ellana sentait leur présence. Elle savait qu'elles étaient là, et ce simple fait la réjouissait, chassant toute la mauvaise humeur qu'elle avait accumulée avec Cheryl. Mais cette fille était désormais du passé, et la brune ne voulait plus penser à elle. *Non, j'veux pas qu'elle revienne*