Des années. Cela faisait maintenant des années qu'Elina ne rêvait plus. Il y avait une explication toute trouvée à ce phénomène. Quiconque se serait rendu dans ses appartements n'aurait pu ignorer les fioles de potion de sommeil sans rêves que l'on y comptait par dizaines. Mais personne ne se rendait dans ses appartements. Elle était la seule à en passer le seuil et il n'y avait aucune raison que cela change. Mais depuis quelques jours c'était différent. Tout cela à cause d'un article dans un journal. Un simple bout de papier. Depuis la lecture de cet article, ses rêves étaient revenus, plus forts, plus persistants. A la différence que désormais, les flammes prenaient le pas sur l'éclat de lumière verte. Aurait-elle préférée que ces rêves ne changent pas? C'était difficile à dire. Cet éclat fugace verdoyant la poussait dans les rangs des victimes impuissantes quand la lueur des flammes faisait d'elle un bourreau. Elle avait espéré se libérer de ses pires souvenirs en ne rêvant plus. Obtenir un répit. Tout ce qu'elle avait finalement obtenu, c'est qu'à leur retour elle ne soit plus capable de leur faire face. En choisissant l'oubli elle avait tourné le dos à un adversaire qui avait profité de ce moment pour s'armer. Aujourd'hui elle n'était plus en mesure de choisir l'oubli. La potion avait perdu en efficacité. Elle en était arrivée au point ou augmenter encore la dose causerait immanquablement des effets secondaires. Cette fois-ci elle ne pouvait pas choisir la solution de facilité, mais elle avait besoin de dormir. C'était une chose de savoir qu'il fallait faire face à ses souvenirs et les accepter comme une part de soi pour pouvoir avancer. S'en était une autre d'y parvenir. Et puis, comment accepter l'inacceptable? Au fil des jours, ses cernes s'étaient faites plus prononcées. Sa peau pâle mettait en valeur toutes les nuances de ces marques violacées qui refusaient de s'estomper quand le sommeil, lui, ne faisait que la fuir. Les rares moments où il la visitait, il ne lui apportait que davantage de tourments.

Les pas d'Elina la menèrent jusqu'à la personne la plus à même de l'aider. Du moins elle l'espérait. Les grandes portes de l'infirmerie étaient ouvertes à cette heure. Elle s'aventura dans ce qui s'avérait être désormais une salle d'attente avant de marquer un arrêt. L'arrivé du nouvel infirmier avait marqué une véritable métamorphose des lieux. Il lui fallut un court regard circulaire pour déterminer ce qu'elle devait faire une fois arrivée là. A cette heure matinale il n'y avait encore personne sur les lieux. Il faudrait attendre encore quelques heures tout au plus pour voir arriver les premiers chevaucheurs de balais sauvages et dompteurs de tentacula vénéneuse improvisés. Cela lui convenait tout à fait. Elle n'avait pas besoin que des rumeurs viennent en plus se répandent sur son compte au gré de l'inventivité des élèves qui chercheraient à expliquer sa visite à l'infirmerie. Elle fit quelques pas en direction de la porte vitrée du bureau de l'infirmier pour voir si ce dernier s'y trouvait.

Ce matin là, Rafael n’avait pas osé descendre dans la Grande Salle pour prendre son petit déjeuner. Hier soir, il avait envoyé un hibou à sa collègue Joanne mais n’avait pas eu de réponse et n’était pas prêt à lui faire face, d’autant plus devant ses autres collègues et la moitié de l’école. Il avait donc mangé un fruit qu’il avait dans ses appartements et était descendu dans son espace de travail pour commencer sa journée. Il fit une vérification de la zone de soins et de son bureau pour s’assurer que tout était en ordre puis resta dans son bureau. Il n’y avait aucun élève qui était resté dormir à l’infirmerie et il était encore tôt pour les voir venir dans son bureau.

Rafael décida de se concentrer sur ses dossiers dans le but de penser à autre chose qu’à la réaction de sa collègue quelques jours plus tôt mais ce n’était pas facile. Ses idées s’évaporaient en même temps que les secondes pour ne revenir qu’à Joanne. Le jeune homme ferma les yeux en soufflant, il ne voulait pas ressentir cette pression et ces doutes éternellement. Si elle ne venait pas au rendez-vous qu’il lui avait proposé, c’est lui qui irait la voir directement. Il tapa du poing sur son bureau et se leva, il n’arrivait pas à rester en place. Il tourna alors la tête et fut surpris de constater qu’une personne se tenait debout, de l’autre côté de la porte de son bureau. Il se figea quelque secondes en reconnaissant cette personne, Elina Montmort, certainement la plus jeune professeure que Poudlard n’ait jamais connu. Rafael se ressaisit rapidement, il esquissa un sourire en se dirigeant vers la jeune femme.

Cette-dernière semblait exténuée, sa pâleur mettait en avant des cernes marqués et Rafael se demanda depuis combien de temps elle n’avait pas dormi. Il avait d’abord pensé qu’elle venait pour lui parler d’un élève ou pour faire connaissance mais il devina très vite qu’elle venait pour parler à l’infirmier et non la personne. Il s’empressa de lui ouvrir la porte et l’invita à entrer dans son bureau.

« — Bonjour Élina, vous êtes bien matinale. Qu’est ce qui vous amène ici ?»

Le coup d'oeil qu'Elina jeta par la porte vitrée lui permis d'identifier Rafael qui faisait les cents pas, son bureau couvert de dossiers. De toute évidence, quel que soit son poste, chaque sorcier se trouvait contraint de batailler avec de la paperasse. Elina pouvait être un véritable rat de bibliothèque, mais ces papiers administratifs ne l'intéressaient pas le moins du monde. Ceux auxquels l'infirmier se trouvait confronté devaient être un peu différents de ceux liés à la gestion de Poufsouffle, mais la paperasse restait de la paperasse. Lorsqu'il tourna la tête, il se rendit compte de la présence de la jeune sorcière qui était sur le point de s'annoncer.

Sans perdre de temps, l'infirmier vint lui ouvrir la porte pour la saluer et l'inviter à entrer. La jeune femme le salua à son tour avant de faire quelques pas dans la pièce :

« Bonjour Rafael. Navrée de me présenter aussi tôt. »

Elle garda le silence un instant, laissant son regard parcourir la pièce. Lorsqu'elle repris la parole elle attaqua le sujet qui l'amenait de manière détournée.

« En réalité, j'aurais besoin de tes lumières à propos de la potion de sommeil sans rêves. Est-ce que tu sais quelles sont les limites de son efficacité ? S'il existe des alternatives à son utilisation ? »

Il était hors de question de révéler l'origine des cauchemars qui l'empêchaient de trouver le sommeil. Du moins elle ne pouvait pas aborder la plupart d'entre eux. Quelle serait la réaction de l'infirmier s'il avait su ? Lui ou n'importe qui d'autre. Elle avait franchit une limite que la plupart des gens ne connaîtraient jamais.

La jeune femme s’excusa de se présenter aussi tôt puis entra dans le bureau. L’infirmier ne lui en voulait pas de venir consulter si tôt, il était réveillé et prêt à recevoir ses patients. Elle détailla rapidement son bureau avant de répondre à la question du soignant. Et très vite, elle lui expliqua qu’elle venait le voir afin qu’il puisse l’aider à propos d’une potion utilisée pour les personnes qui ne pouvaient plus dormir sans faire de cauchemars, la potion de sommeil sans rêves. Rafael fit abstraction du tutoiement de sa collègue, il était même heureux qu’elle le tutoie car elle avait l’impression qu’il était l’un des seuls à Poudlard à tutoyer facilement. Il préféra se concentrer sur la demande de sa collègue.

Il la contourna et l’invita à s’asseoir sur l’un des fauteuils, ce serait certainement plus agréable si la conversation venait à durer. Il fit ensuite le tour de son bureau pour lui aussi s’installer sur un fauteuil. Il profita de ce temps de silence pour réfléchir à la question de sa collègue, il n’était pas facile de répondre à ces questions sans avoir toutes les informations mais il devina que la jeune femme avait volontairement omis d’être trop précise. Il essaya malgré tout d’y répondre en lui apportant le plus de réponses.

« — Je ne suis pas sur de connaître toutes les limites de cette potion car elles diffèrent selon les personnes qui la prennent mais de ce que je me rappelle de mes cours et ce que j’ai vu à l’hôpital, cette potion n’est pas faite pour être utilisée sur le long terme. C’est une potion que l’on utilise sur les périodes de stress et des périodes post-traumatiques courtes. J’imagine que tu connais sa fonction mais les spécialistes ont tendance à dire que l’accoutumance à cette potion a tendance à apparaître après trois à quatre semaine de prise quotidienne. Et à forte dose cela peut devenir dangereux et provoquer des pertes de connaissance ou des malaises.

Rafael essayait de renseigner l’enseignante de manière juste mais il avait peur de ne pas répondre correctement à la question. Il ne savait pas si elle prenait elle même de la potion où si elle se renseignait sur ce qui était le mieux pour elle. Il revint ensuite à sa deuxième question qui était tout aussi compliquée et qui nécessitait de creuser un petit peu plus.

— Il existe en effet des alternatives à son utilisation mais encore une fois, cela dépend de la raison pour laquelle la potion est prise. À savoir si c’est pour quelques nuits car il y a un événement un petit peu stressant ou si c’est plus grave et que cela nécessite plus que cette potion?Il fit une petite pause et essaya de capter le regard de sa collègue, il ne savait pas si elle accepterait d’en dire plus mais il demanda malgré tout: Tu me demandes tout ça car tu penses avoir besoin de cette potion? »

Elle ne se fit pas prier quand Rafael l’invita à s’asseoir. Elle prit place sur le fauteuil qu’il avait désigné et attendit patiemment sa réponse. Il s’installa à son tour de l’autre côté du bureau avant de dire quoi que ce soit. Il confirma le fait que la potion n’était pas faite pour être utilisée sur le long terme. Elina en avait conscience. Mais si elle avait commencé à l’utiliser sur le court terme, tellement de choses s’étaient produites… Elle n’avait pas eu le temps de s’attarder sur les méandres de sa psychologie. Elle avait pris un raccourci. Mais aucun raccourci n’en était réellement un. Elle se devait d’en payer les conséquences tôt ou tard.

« Trois à quatre semaines… »

Cette information la laissait songeuse. Il était inutile de dire qu’elle avait passé cette limite depuis bien longtemps. Elle avait utilisé cette potion pour la première fois après avoir assisté à l’assassinat de son maître par Nero Ferrovecchio. Elle avait eu du mal à se défaire de ses cauchemars, mais avait pu mettre fin à sa consommation de potion de sommeil sans rêves assez tôt pour ne pas rencontrer de problèmes. L’ennui, c’est qu’elle ne pouvait pas en dire autant après son séjour à l’Académie des Arts Obscurs… Entre les cauchemars et les migraines magiques, elle avait une fois de plus eu recours à cette potion. Sur une plus longue durée cette fois-ci. Puis il y avait eu le bal d’Halloween et sa mission au Ministère pour la Cause. Autant dire que sa consommation avait duré.

« Et que se passe-t-il dans le cas d’un stress post-traumatique qui dure ? En réalité, j’utilise cette potion depuis quelques temps déjà. Peu importe la raison, le fait est que je ne peux pas dormir sans. Mais depuis quelques temps, elle a cessé purement et simplement d’être efficace. Quelle que soit la dose… »

Si elle en croyait ce que lui disait l’infirmier, elle avait fait preuve d’une résistance plutôt impressionnante aux effets secondaires. Elle ne pouvait pas dire qu’elle était dans une forme éblouissante, mais elle n’avait pas fait de malaise. Pourtant les quatre mois étaient bel et bien étaient révolus. Peut-être que le traitement de Lahela concocté pour ses migraines magiques l’avait préservé également des effets secondaires ? Dans tous les cas, elle ne pouvait pas prendre davantage de risque.

La jeune enseignante semblait réfléchir aux propos de l’infirmier et il remarqua qu’elle semblait contrariée sur un élément dont il venait de parler. Elle ouvrit finalement la bouche et répéta les mots du trentenaire. Elle semblait surprise de constater que les effets commençaient à diminuer après ce laps de temps mais cela était encore une fois subjectif et dépendait des individus. Elle fit une nouvelle pause avant de répondre aux questions de son collègue puis lui dévoila une partie de ses interrogations.

Rafael avait visé juste, cela faisait plus d’un mois qu’elle prenait la potion et elle arrivait à ce moment fatidique où elle ne suffisait plus. Il fut surpris de voir qu’elle n’avait pas développé d’effets indésirables majeurs, ou peut-être ne lui en avait-elle pas parlé. Elle lui fit comprendre qu’elle avait commencé à prendre cette potion pour contrer un stress post-traumatique mais que cela ne cessait pas. Il comprit donc qu’il y avait une autre demande derrière tout ça. Elle voulait certainement savoir ce qu’elle pouvait désormais faire pour vaincre ce stress. Elle ne lui posa pas la question directement mais Rafael devina qu’elle ne savait plus quoi faire.

C’était loin d’être un sujet facile, encore plus pour un infirmier, car cela relevait d’une branche plus précise de la médecine. Cependant, Rafael connaissait très bien un psychomage qui l’avait aidé par le passé et il avait entendu parler d’une nouvelle étude pour ce genre de phénomène mais il n’avait pas énormément de recul. Il commença d’abord par répondre à sa question avant de se pencher sur les idées auxquelles il pensait.

« — Dans le cas d’un stress post-traumatique qui dure, le corps s’habitue à la substance et celle-ci n’a plus d’effet. J’imagine que tu fais des rêves étranges et que tu as des sueurs nocturnes, c’est ... normal dans ton cas. Mais il est clair que la potion ne te fait plus aucun effet et il faudrait peut-être penser à faire autre chose.

C’était un sujet difficile à évoquer avec une collègue mais Rafael devait être professionnel et savoir faire la part des choses. Ici elle venait en tant que patiente et non en tant que collègue. Il se permit donc de lui demander.

— En as tu déjà parlé à quelqu’un de l’élément déclencheur? Un professionnel de santé ou bien un de tes proches? »

C'était ennuyeux de se trouver à la merci des caprices d'une simple potion. Elle n'avait pas de temps a accorder à ces insomnies et ces cauchemars. Tout du moins elle n'en avait pas l'envie. Mais l'envie n'avait plus un très grand rôle à jouer lorsque le sommeil devenait un véritable problème. La jeune professeure se devait d'être constamment au meilleur de sa forme. Certaines choses ne pouvaient attendre. Lorsque l'infirmier conclu qu'il fallait penser à faire autre chose elle retint le pic d'agacement qui se fit sentir. Elle ne faisait que ça, tenter de trouver une alternative ! Elle avait même pensé à effacer purement et simplement ces mauvais souvenirs, mais ceux-ci s'accompagnaient de trop d'informations précieuses pour qu'elle puisse se le permettre. Elle s'efforça de garder des traits impassibles. Quand bien même cela ne l'avançait pas beaucoup, Rafael n'était pour rien dans cette affaire.

Lorsqu'il repris la parole, pour lui demander si elle en avait parler a quelqu'un, elle ne pu empêcher cette fois son visage de prendre une expression lasse. Elle ne pouvait pas en parler. A qui que ce soit. C'était exclu. Ilya n'était pas une psychomage et elle ne pouvait pas envisager de parler des Lignées à la légère. Et s'il n'y avait que les Lignée... A qui pourrait-elle parler du ministère ? Les résidents de la Tour Ombreuse avaient tous leur histoire douloureuse concernant les Lignées, mais seraient-ils prêt a encaisser tout ce qu'elle cachait ? Elle ne pouvait pas prendre le risque de voir leur unité s'effriter. Pas tant que les Lignées étaient toujours là. Le jour où tout ça serait fini, si ce jour venait, alors peut-être... Peut-être qu'elle leur parlerait de tout ça. Elle avait du mal a envisager leur réaction. Elle n'en voyait qu'une pour sa part et ce ne serait certainement un moment agréable à vivre. Et puis quoi? Elle en était réduite à se terrer derrière les remparts de l'école pour échapper à la vengeance des Lignées. Il était présomptueux de penser à un après... Dans tous les cas, si elle ne trouvait pas une solution à son problème, cette question serait vite réglée.

« C'est... problématique. » Elle se tut un instant avant de poursuivre : « Il n'y a pas qu'un élément déclencheur. Plutôt une accumulation. »

Elle ne pouvait pas évoquer le fait qu'elle ne pouvait pas parler de ces éléments déclencheurs ouvertement. Cela ne ferait que rendre les choses plus suspectes. Elle ne croyait pas beaucoup en cette solution. Pour cela, il aurait fallut qu'elle puisse parler en toute honnêteté de ces différents événements. Cela lui semblait exclu. Il aurait fallu pour cela qu'elle dépasse le déni et elle n'était pas certaine d'en être capable.

« J'ai oublié depuis trop longtemps ce que c'est de ne pas craindre la vérité pour la livrer à quelqu'un d'autre. »

Parler pouvait-il aider ? Cela n'avait pas aidé Awa. Cela avait abrégé ses souffrances, oui... Mais pas d'une manière souhaitable. Depuis sa captivité, l'idée de se taire pour survivre était trop profondément ancrée en elle pour qu'elle fasse l'inverse à présent.
Tu es tout pardonné, je n'ai pas fait mieux!

Rafael s’aperçut en posant la question à sa collègue qu’il connaissait déjà la réponse. La jeune femme ne se tiendrait pas devant lui si elle en avait déjà parlé, c’était sans nul doute un acte désespéré, cela sans rapprochait du point de vue de Rafael. Elle lui avait dit que cela faisait plusieurs mois qu’elle prenait cette potion et il aurait pu comprendre par lui même que le sujet était trop délicat à dévoiler. Malgré tout, bien qu’il soit curieux, il n’essaya pas de deviner ce qui pouvait mettre la jeune femme dans cet état, elle ne voulait pas le lui dire et il devait respecter ce choix.

Ses doutes se confirmèrent lorsqu’il vit la réponse non verbale de sa collègue. Elle semblait lasse, fatiguée de devoir réfléchir à ce qui la tourmentait. Il la vit se perdre dans ses pensées et eut peur d’avoir aggravé son état et les doutes qu’elle avait. Après un court silence, l’enseignante répondit à l’infirmier en lui révélant que malheureusement, il n’y avait pas qu’un seul élément déclencheur mais que c’était une accumulation d’évènements. C’était donc pire que ce que pouvait imaginer le soignant, c’était au dessus de ses capacités, il fallait savoir le reconnaître lorsque c’était le cas. Bien que ça lui coutait de ne pas pouvoir aider sa collègue dans l’immédiat, Rafael devait s’y résigner.

Avant qu’il ne puisse lui répondre, Elina reprit la parole et les quelques mots qui sortirent de sa bouche laissèrent l’infirmier sans voix pendant quelques secondes. Il comprit, grâce à cette phrase, que la situation était grave et que ce n’était pas une histoire, des histoires, insignifiantes qui se cachaient derrière ce mal être. Cela ne faisait que confirmer qu’il n’était pas suffisamment compétent dans ce domaine. Il acquiesça néanmoins et présenta les deux options auxquelles il avait pensé quelques minutes plus tôt.

« — Je vais être honnête avec toi Elina, je commence seulement à comprendre l’ampleur de ce qui t’amène à moi et j’ai bien peur de ne pas être assez compétent pour t’aider.

Il espérait que la jeune femme comprendrait qu’il ne lui disait pas cela de gaieté de cœur. Il n’aimait pas laisser ses patients sans réponse face à leur problème mais il ne savait pas ce que lui pouvait faire de plus. Il ajouta néanmoins:

— En revanche, comme je t’ai dit, je pense peut-être savoir qui pourrait t’aider. Je connais un très bon psychomage, très professionnel qui a su m’aider par le passé. Je peux te donner ses coordonnées et après tu verras ce que tu veux en faire. Si tu n’as pas envie de te livrer totalement, il y a peut être un autre moyen mais je ne sais pas encore si son efficacité s’établit sur le long terme.

Il était évident que ses paroles n’étaient pas des plus réconfortantes et ne donneraient peut être pas envie à la jeune femme de suivre cette voie mais il ne voulait pas non plus lui donner de faux espoirs. Il voulait être totalement transparent et sincère avec elle. Il expliqua l’autre alternative à laquelle il pensait.

— Avant que Ste Mangouste soit détruit il y quelques mois j’y travaillais et j’ai entendu parler d’une étude qui y était menée. Suite aux attentants du ministère de la magie, beaucoup de sorciers se sont retrouvés dans des états similaires au tien et des spécialistes se sont penchés sur le sujet. Il me semble qu’aucune étude officielle n’est parue sur le sujet mais j’ai pu en apprendre un petit peu. Ils n’oubliettent pas les patients, ils gardent tous leurs souvenirs mais l’étude permet de faire en sorte que ces souvenirs soit moins imprégnés dans les esprits des sujets pour leur permettre de s’en détacher un petit peu sans pour autant oublier. Ils travaillent avec des pensines, le but étant de se délivrer de ces souvenirs en les plaçant régulièrement dans une pensine qui est ensorcelée pour n’être visible que de celui qui y met ses souvenirs. L’opération est répétée à plusieurs reprises et s’associe à des séances de thérapies psychologiques. C’est un exercice assez long, je pense qu’il s’étale sur quelques semaines, peut-être un mois, mais il me semble que les essais étaient plutôt concluants. Si tu veux, je peux essayer de contacter des anciens collègues pour essayer de voir s’ils peuvent t’intégrer dans cette étude et t’aider. »

A mesure qu'Elina lui délivrait des informations Rafael se faisait plus hésitant. Voilà qui s'avérait peu encourageant pour la jeune professeure. Si même l'infirmier commençait à trouver son cas préoccupant, que pouvait-elle faire? Elle n'était plus si sure d'avoir bien fait de venir jusqu'ici... Mais ce n'était pas comme si elle avait beaucoup d'autres options. Rafael fini par reconnaître que son cas dépassait sa compétence. Ce qui ne l'avançait définitivement pas. Elle ne pouvait pas lui en tenir rigueur. Ce genre de cas ne devait pas courir les rues et même si Poudlard était connu pour n'employer que des sorciers particulièrement compétents dans leur domaine, aucun n'était infaillible. Il lui proposa tout de même des alternatives.

"Merci. Je veux bien les coordonnées de ce psychomage."

Elle pris le temps d'y réfléchir un peu plus avant de poursuivre : "Est-ce qu'il y a des effets secondaires connus à ce processus? J'ai besoin d'y réfléchir, mais j'aimerais avoir plus d'informations à ce sujet avant de décider quoique ce soit. Si cela n'embête pas tes collègues bien sûr..."

Elle détestait toujours autant l'idée de se confier, même partiellement. Elle était devenue plus prudente que jamais et ce n'était pas exagéré en l'occurrence. Ce qu'elle savait pouvait nuire a beaucoup trop de personnes pour qu'elle permette à qui que ce soit de farfouiller dans sa tête. Mais si elle en apprenait plus sur ces expériences elle pouvait peut-être trouver un moyen de régler son problème en toute sécurité.

Il fallait qu'elle voit le bon côté des choses. Grâce au remède de Lahela elle avait réussit à surmonter en grande partie son problème de migraines magiques. Il lui arrivait encore d'en avoir, surtout lorsque le manque de sommeils se faisait sentir. Ce qui était assez fréquent au final. Mener une double vie n'était pas simple tous les jours. Mais au moins elles étaient plus brèves et moins intenses qu'au début. Elle pouvait les tenir éloignées dans les moments critiques. Sa magie commençait à guérir, lentement, mais surement. Il fallait qu'elle parvienne à faire de même avec son esprit. Mais c'était une chose autrement plus complexe.

Rafael n’arrivait pas très bien à comprendre si la jeune enseignante était déçue par les propos qu’il lui tenait car son visage restait presque impassible. Il aurait aimé faire plus pour l’aider mais c’était un cas assez difficile et il ne préférait pas le prendre à la légère. Cependant, après qu’il ait terminé de lui expliquer les solutions auxquelles il avait pensées, elle lui répondit qu’elle aimerait bien qu’il lui donne les coordonnées du psychomage qu’il connaissait et Rafael l’encouragea d’un sourire.

Elle laissa ensuite quelques secondes s’écouler et l’infirmier comprit qu’elle réfléchissait à l’alternative qu’il lui avait proposée. Il savait que ce n’était pas la solution miracle et que ce n’était encore qu’un essai mais il avait confiance en ce protocole car il semblait prometteur. Elina semblait hésiter aussi, elle lui révéla qu’elle avait besoin d’y réfléchir et qu’elle ne pouvait pas prendre de décision si facilement. Rafael comprit qu’elle lui cachait beaucoup de choses et que ce devait vraiment être un sujet difficile pour elle à aborder mais il était sur que, dans un cas comme l’autre, le psychomage ou l’équipe de soins se montreraient professionnels.

Dans la foulée, elle lui demanda si il y avait des effets secondaires au processus qui était encore à l’essai. Rafael était loin d’avoir toutes les informations sur l’étude mais il n’avait jamais entendu parler d’effet secondaires. Il ne voulait, cependant, pas lui donner de fausses informations. Il répondit avec le plus d’honnêteté possible:

« — De ce que je sais sur cette étude, il n’y en a pas mais je n’en fais pas parti donc je ne peux pas te l’assurer à 100%. Le mieux que je puisse te proposer est de les contacter et de leur poser quelques questions. Je leur expliquerai que j’ai une personne de mon entourage qui présente les critères d’inclusion de l’étude et que j’aimerais voir avec eux ce qu’ils peuvent faire. Bien sur tant que tu n’as pas pris ta décision, je ne cite pas de nom et le choix te reviendra lorsque tu auras plus d’informations et que tu auras bien réfléchi.

Rafael trouvait que se proposition était la meilleure qu’il pouvait proposer dans son champ d’action. Le choix reviendrait ainsi à sa collègue et elle ne s’engageait dans rien tant qu’elle n’en donnait pas l’accord, elle était libre de faire ce qu’elle voulait. N’oubliant pas son autre proposition, Rafael s’empara d’un morceau de parchemin et d’une écriture appliquée, il écrivit les coordonnées de Arturo López. Il tendit ensuite la note à Elina et lui expliqua:

— Voici les coordonnées du psychomage que je connais. Si tu décides de lui écrire, dis lui que c’est moi qui t’envoie, il ne dira pas non. »