Tu ne pouvais pas dire que sentir la douce peau d’Erza t’avait déplu, mais tu n’avais pas ressenti de décharge électrique, ou encore de papillons dans le ventre, comme le contaient les nombreuses histoires peuplant ta bibliothèque. Une pensée se faufila, une idée l’accompagnant : *et si c’tait juste des histoires pour les enfants ?* Et si tout cela n’était pas réel ? Et si tout ce que l’on t’avait dit sur l’Amour était en fait tout autre chose ? Mais comment pouvais-tu en être sûre ? Ce que disait Erza était-il bien réel ?

Tes pensées t’absorbaient : elles façonnaient un mur entre toi et le Monde, entre toi et Erza. Tu fixais un point dans le vide que tu semblais t’être créé ; tu t’enfonçais au plus profond de ta tête. Tu étais quasiment certaine que tu n’étais jamais parvenue jusque-là : tu savais que si tu fermais les yeux, tu serais capable de voir, de traverser ton esprit comme s’il s’agissait du monde réel. Tu te perdais petit à petit, ne trouvant plus la sortie de ton monde intérieur. Tes pensées te noyaient.

Tu perdais toute notion de Temps, tu n’arrivais plus à penser calmement. Tes pensées affluaient à une vitesse folle, t’étaient imposées, t’empêchant de reprendre le contrôle sur ta tête. La voix de la Verte te parvint, mettant fin à ton supplice ; tu papillotas légèrement des paupières, avant d’accrocher ton regard à la brune. Tu ne savais pas ce qu’elle avait dit, mais par son regard interrogateur, tu déduisis facilement qu’elle attendait des explications quant à ton geste. Une boule se forma dans ta gorge : tu avais peur de ne pas dire ce qu’il fallait, de faire un pas de travers pouvant mettre fin à votre si douce bien que si étrange relation.

– J…, fut le seul son que ta gorge laissa s’échapper.

Ta respiration s’accélérait, ton cœur s’affolait, tu sentais tes paumes devenir moites sous l’avalanche d’émotions auxquelles tu faisais face. Tu ne savais pas quoi dire, et tu étais sûre que même si une réponse germait dans ton esprit embrumé, tu ne parviendrais pas à l’exprimer. Tu avalas difficilement ta salive, et baissas ton regard qui glissa lentement vers les sabliers dont la contemplation avait un effet apaisant sur toi.

Tu tentas de retrouver une respiration normale, et décalas derrière ton oreille une mèche de cheveux qui te chatouillait la joue. Le silence qui s’était installé te porta à croire que la conversation avec ton amie prendrait fin là, et cette pensée te brisa l’âme : comment pouvais-tu laisser Erza ainsi, alors qu’elle t’avait fait part de ses sentiments et attendait que tu lui ouvres ton cœur.

– J’sais pas c’qui s’passe en moi, avouas-tu dans un souffle.

Tu espérais que la brune comprendrait que tu n’étais pas sûre de tes sentiments à son égard, qu’elle comprendrait que ta tête était trop pleine, trop lourde pour que tu arrives à discerner tes émotions de celles que tu avais l’impression que l’on t’imposait. Tu aurais voulu te prendre la tête et démêler une à une tous les fils qui s’entortillaient dans ton esprit, prendre le temps de réfléchir de longues heures avant de fournir une réponse à quelqu’un, mais tu savais que cela n’était pas possible, que ce que tu souhaitais était irréalisable.

Mes joues ont définitivement virées au rouge, je le sens. Comment est-ce possible qu'une *fillette* puisse me faire ressentir de telles choses ? *Ivy est tout sauf une fillette*. Ca, c'est certain. Je pourrais passer des heures allongée sur mon lit à lister mentalement toutes ses qualités en fermant les yeux pour qu'apparaisse encore son doux visage qui est le seul capable de m'apaiser. Grâce à Ivy, je suis capable de faire des choses bien meilleures. J'avais appris à aimer vraiment grâce à notre rencontre, et à me mettre au service des autres. J'étais désormais capable de donner de mon temps aider ceux que j'aime.

Les centimètres qui séparent nos deux corps me paraissent à la fois immenses et miniscules. *Comment est-ce possible*... ? En vérité, peu importait. J'attendais des réponses pour comprendre. J'avais ouvert mon coeur à la Bleue comme je ne l'avais jamais fait auparavant, et sa réaction déciderait de mon destin. J'allais peut-être un peu loin, pourtant mon coeur était désormais tout à elle. Si elle s'enfuyait encore, mon âme s'envolerait à ses côtés jusqu'à ce qu'elle me revienne, et ce en même temps que mon amie. Malheureusement seule une pauvre lettre prononcée avec gêne sortie de la bouche de la Serdaigle. *Je t'en pris dis quelque chose* ! Elle semblait dans un état mêlant panique, gêne et incompréhension, en somme les mêmes sentiments que moi en cet Instant même. L'attente était trop dure, et ce n'était plus une question de nécessité que de patience. Certes la patience n'avait jamais été mon fort, mais en ce moment précisément il n'en était pas question.

Ses yeux avaient virés vers les sabliers et je tentait d'y voir une signification à travers. Avait-elle honte des sentiments que j'avais à son égard ? Si c'était cela, je n'oserais plus jamais me regarder dans un miroir — chose que je faisais de toute manière seulement lorsque c'était nécessaire. J'avais déjà mis du temps pour accepter ma condition, alors si Ivy ne l'acceptait pas, je n'aurais plus de raison du vivre. *J'deviens folle ma parole*... Mes sentiments pour elle étaient-ils aussi forts que ça ? À présent, je doutais de tout. *Je sais pas*. C'était à peu près tout ce qu'Ivy avait dit. Je ressentis quelque chose d'étrange dans ma poitrine, comme si une fissure était apparue sur mon coeur. Que s'était-il passé pour que nous en arrivions là ? Mon coeur battait si vite que je me demandais s'il n'allait pas exploser d'une minute à l'autre. *Si c'était le cas il aurait déjà explosé*. C'est sur que ce n'est pas la première fois que mon cœur bat aussi vite... *Par contre c'est la première fois qu'il bat pour ça*. Foutue Voix ! Elle ne s'arrêtera donc jamais de murmurer milles idioties dans mon crâne ! Souvent, cela tourne autour de Lydia, de ma famille ou d'Ivy. J'ai l'impression que c'est une malédiction. Chaque jour, chaque heure, chaque minute elle se tient dans l'Ombre, prête à réagir dès le moment venu...

— Je...*sais pas non plus*D'accord. J'pense qu'il faut que j'y aille de toute manière. On... on en parle bientôt, quand tu seras plus au clair ?

Je ne sais pas quoi dire de plus. Je la repousse, mais n'est-ce pas ce qu'elle veut déjà ? Elle veut réfléchir sur ses sentiments, mais n'est-ce pas la même chose de toute manière ? Je lui adresse un dernier sourire avant de m'éloigner pour rejoindre l'escalier qui descend vers les cachots, avant de pénétrer en salle commune. Cette journée m'a fatiguée, et je ne suis pas fâchée de partir me coucher très bientôt... Pourtant, je me doute bien que je risque d'avoir du mal à trouver le sommeil avec ce qui vient de se passer. *Une insomnie de plus ou de moins, qu'est-ce que ça va changer* ? Il est vrai que j'ai habitué mon corps à peu dormir, ici, à Poudlard. Les retour de vacances sont donc toujours compliqués...