Laisser la vie nous porter, c'est bien un concept dont les mécanismes m'échappent totalement. Je peine à concevoir comment on peut avancer sans plans et organisation rigoureuse de son avenir. Pour la personne un brin trop méthodique que je suis, l'emploi du temps de chaque semaine est organisée à l'heure près avec une simple marge pour les imprévus : loisir, travail ou même repas et passage à la salle de bain, chaque tâche du quotidien est assignée à une horaire bien spécifique. De la même façon que j'aime organiser mes journées, je veux envisager l'avenir avec un plan précis. La jeune femme et moi semblons bien différents sur ce point-là, mais je note intérieurement tous les précieux conseils qu'elle me fournit. Avoir des retours d'expérience de personnes totalement différentes de soi est toujours constructif et même si je suis actuellement plus anxieuse qu'autre chose en songeant à l'avenir, j'aime à penser qu'en discuter m'apporte matière à réflexion.

Je hoche doucement la tête en réponse à ses propos. Non pas que je sois soudainement intimidée, mais je n'ai au final pas grand chose à y répondre. « Merci » murmuré-je quand un nouvel ouvrage atterrit dans mes bras -autant pour le livre en lui-même que le reste de la conversation. « On peut redescendre, merci beaucoup » décidé-je après un petit coup d'œil à mes futurs achats comprenant même un livre qui n'était initialement pas sur la liste. Je n'espérais pas tous les trouver aujourd'hui et n'ai malheureusement pas une bourse illimitée si bien que je préfère m'éviter la tentation d'une recherche supplémentaire -me connaissant je trouverais forcément plusieurs livres à mon goût et serais ensuite frustrée de ne pas pouvoir les acquérir.

Je suis la sorcière en direction du rez-de-chaussée avec une prudence accrue sur chaque marche. La professionnelle des chutes que je suis ne souhaite abîmer aucun ouvrage. Arrivées en bas et un peu rassurée d'être toujours entière après avoir esquivé les piles de livres un peu partout, je relève la tête vers Miss Woods et lui sourit timidement. « En fait, il y a quand même beaucoup de domaines qui me passionnent... je ne suis juste pas sûre de vouloir en faire mon métier. En tout cas, merci beaucoup pour cette conversation. »

Sans presser la jeune femme, la rouquine avait laissé le temps à la blonde pour lui répondre. Elle savait que ça pouvait être tentant de rester seule en haut de la boutique général, mais à sa surprise, elle décida de retourner en bas. Masquant son émotion, elle hocha simplement la tête avant de se diriger vers les dangereuses marches. Il manquait toujours un dernier exemplaire à ceux de la liste qu'on lui avait fournit, et elle avait bien l'intention de le trouver. Elle guida donc sa cliente à travers quelques étagères avant d'arriver devant la bonne et de saisir le dernier exemplaire recherché. Elle était sur le point de le poser sur la pile déjà sur les bras de la jeune fille, mais se ravisa en voyant qu'elle portait déjà beaucoup de livre.

-Et voilà, maintenant il y a tout ce que tu as demandé, on peut se rendre à la caisse, dit-elle avec un sourire. Elle porta donc l'ouvrage jusqu'au comptoir qui se trouvait dans la place centrale de la librairie. Elle écouta la blonde parler et hocha la tête à sa déclaration. Elle pouvait comprendre ce qu'elle disait. Elle-même avait plusieurs passions dont elle n'avait pas fait son métier, et pourtant elle les poursuivait toujours de d'autre façon. Apprendre différentes langues par exemple, elle continuait à les étudier de temps à autres lors de ses temps libres ou encore lorsqu'elle effectuait des petits voyages, comme celui au Vietnam avec son petit-ami au début du mois de juillet. Après quelques minutes, elle avait fini d'encaisser les livres et il ne restait plus qu'à la jeune femme de payer le montant dont elle venait de l'informer.

-Je comprends, je crois qu'on a tous des passions qu'on ne continuent pas pour notre métier, mais on peut toujours les poursuivre de d'autre façon, par la lecture par exemple, dit-elle avec un petit sourire