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18 avr. 2023, 14:17
Le cœur au bord des lèvres  PV 
Précédemment

Le samedi 8 février 2048,
Début de matinée,

5ème année


Je continue de courir jusqu'à en perdre haleine. Je cours pour sortir dans le parc, je cours dans l'herbe humide, je trébuche dans la colline qui descends jusqu'au lac, mais je continue de courir et de courir encore. Mes poumons me font mal, je ne cours jamais, je ne cours plus depuis que j'ai arrêté de jouer à chat, je ne cours plus depuis que je mène une vie tranquille, je ne cours pas si je n'en ai pas de raison.

Mes pieds me portent tous seuls, la seule chose qui me rappelle que je cours c'est mes poumons qui hurlent. Et mon visage qui dégouline de sueur. Et la douleur dans mes cuisses. Et ma bouche sèche. Et le vent froid qui me heurte bien plus fort que d'habitude.

Jusqu'à ce que je m'effondre. Je ne sais pas exactement où est-ce que ma carcasse à échoué mais les mains qui sortent des manches de ma cape touchent le sol et devinent du sable. Je me suis échouée au bord du lac, j'ai les genoux mouillés et les mains sales - je grimace. J'essaie de penser à ce qui se passe autour de moi, je pense à mes poumons que je risque de cracher, à ma bouche sèche qui meurs pour une goutte d'eau, je pense à mes yeux mouillés, je pense à mon visage qui me démange et que je ne peux pas gratter parce que j'ai les mains sales et surtout, surtout ! Je pense à ma robe de sorcier qui est certainement sale.

Penser à tous ces trucs débiles m'empêche de penser à autre chose. Pour le moment.

Mais ça ne dure pas, oh non ça ne dure pas. J’ai beau me focaliser sur ma robe sale et les grains de sable qui collent à mes mains, sur mes genoux qui doivent porter ma carcasse, d’autres pensées commencent progressivement à me parasiter. J’espère que personne ne me voit, les genoux dans le sable, les mains sur le sol et les yeux fermés pour contenir des larmes. Progressivement ces pensées deviennent : J’espère que personne ne m’a vu courir jusqu’ici, surtout pas mon cousin, j’espère que personne ne m’a entendu crier dans les couloirs, j’espère que personne n’a vu… ce qui s’est passé. Je ne mettrai pas de nom sur ça ! Même en pensées !

Je m’assieds doucement sur mes jambes, et décolle mes mains du sol pour me redresser. Puisque ma robe est déjà sale, j’essuie mes mains dedans. J’ouvre les yeux sur le lac qui s’étend devant moi, suis éblouie par le soleil qui entre dans mes yeux mouillés.

Sans un regard autour de moi, je fais tout ce que je peux pour retenir mes pensées, éviter de mettre des mots sur tout ça, éviter d’appeler les souvenirs que j’ai de cette amitié perdue - mince j’ai mis un mot dessus.

Mince ! Les souvenirs me reviennent. Il se tient à côté de moi, sur le porche de la maison de mes grands-parents. Il se tient aussi là, dans le salon de divination de ma grand-mère et je n’ai d’yeux que pour lui. Il se tient aussi debout en bas de ses escaliers comme un preux chevalier dans les contes pour enfants. Et j’ai l’impression que je ne suis plus capable de respirer, je commence à suffoquer, j’ai la sensation de m’étouffer.

Alors je me laisse aller.

Et ce sont des sanglots qui s’échappent de ma gorge. Des sanglots qui hurlent hors de moi et qui secouent tout mon corps. Des larmes brûlantes qui sont éjectées par mes yeux. Je fais tellement de bruit, j’arrive à penser au dessus de la douleur que me provoquent cette crise de sanglots, que je suis sûre que tout le château m’entend.

Je dois me calmer. Je dois absolument me calmer. Aller, calme toi.

« Fais chier, fais chier, fais chier… »

Est la manière que j’ai trouvé instinctivement pour mettre fin à cette crise. J’ai toujours mal dans la poitrine, les poumons qui me brûlent, la gorge sèche, les yeux mouillés, mais les seuls sons qui sortent de moi sont ces petits mots.


@Alyona Farrow

Magic Always Has a Price
6ème année

19 avr. 2023, 12:31
Le cœur au bord des lèvres  PV 
8 FÉVRIER 2048, MATIN,
PRÈS DU LAC NOIR, POUDLARD

Alyona, 18 ans



Je marche les yeux fermés. La terre sous mes chaussures est encore humide des pluies de la semaine, je sens mes semelles s'y enfoncer légèrement à chaque pas. Les paupières closes, je laisse mes sens me guider. Le soleil joue avec les nuages et ma peau est froide, mais le vent n'est pas là pour la mordre sauvagement. Étrangement, aujourd'hui, il fait plutôt beau. Les oiseaux se font discrets, je les entends à peine. Mes narines sont envahies par l'odeur si singulière et indescriptible du Lac Noir. Je parviens aussi à percevoir quelques senteurs plus discrètes, comme celle de la terre mouillée dans laquelle mes pieds s'enfoncent de moins en moins. Je connais si bien le parc que je sais où je me dirige, sans voir, plongée dans le noir de mes pensées. Quand je quitterai Poudlard, j'aurai au moins cela pour me réconforter : mes souvenirs et le savoir que j'ai accumulé. J'ai souvent peur qu'ils ne soient pas suffisants, qu'ils ne soient pas assez, qu'ils disparaissent avec le temps ; mais quand mes doutes ne sont pas là pour remuer les vagues qui sont prises au piège dans mon crâne, ces souvenirs et ces savoirs me satisfont. Je les chérirai et tenterai toujours de les conserver précieusement. Trop vite, il ne me restera qu'eux de Poudlard.

Je m'arrête brusquement, conserve mes paupières closes et respire longuement. Je me suis rapprochée du Lac Noir, *Lac de mes Cauchemars*.

Le silence de mon crâne coule sur mon corps et se cogne à mes os. Un écho nouveau s'en dégage, faisant trembler les parois de mes pensées. *Hmmm...* Mes examens se sont évaporés de mes préoccupations, malgré le poids de mon sac contenant mes livres contre mes hanches. L'odeur du Lac Noir me parvient, comme une fumée trop forte qui fait suffoquer mes pensées. Pour repousser la vision terrifiante qui se cache face à moi mais que je protège de mes paupières, je laisse mes pensées imaginer quelque chose d'autre, quelque chose de plus doux, de plus à même de me faire sourire. Je n'aime pas quand mes pas me guident vers ces lieux qui font pousser d'épaisses fougères dans mon ventre. Eau noire, lac noir, sombre étendue qui dévore la terre jusqu'à l'horizon, tu revêts trop de mystères, tu te drapes dans trop de secrets. Je ne garde de ton contact que des rêves tintés d'angoisse.
Mais même les images oniriques ne parviennent pas à trouver leur place. Elles se prennent les pieds dans la boue laissée par d'autres pensées. Alors, le Lac Noir m'est visible et mes paupières sont closes. Il danse à l'orée de mon esprit, image un peu trop nette, un peu trop réelle.

Je retiens de justesse le soupir qui menace de se répandre hors de mes lèvres. Je devrai m'en aller. J'ai des choses à faire. Les semaines passent bien trop rapidement, et avec elles mes ASPIC se rapprochent. Il y a encore trop de notions que je ne connais pas assez, trop de potions que je ne maîtrise pas, trop de sorts pour lesquels je rencontre des problèmes. Rester ici, droite comme un i, les yeux fermés et les pensées flottant dans l'air, c'est une perte de temps. Je dois arrêter de ressasser des choses inutiles. Revoir des souvenirs et marcher pour laisser défiler mes réflexions, c'est idiot. Je dois avancer, faire autre chose. Le monde n'est pas une pensine. Il n'attend pas de moi l'immobilité.

Des sanglots me tirent de mes réflexions. *Le Lac pleure ?* J'ouvre brusquement les yeux, le coeur secoué par ces gouttes de sincérité qui réveillent en moi quelque chose sur lequel je ne saurai mettre des mots.

À quelques mètres de moi, de dos, j'aperçois l'objet de ces pleurs. C'est une Rouge, assise par terre, seule face au Lac Noir. Elle semble englobée dans une fragilité qui fait trembler mes pensées. La vision que j'ai d'elle, si intime, si touchante et si terrifiante me rend mal à l'aise. Elle pleure. Des larmes bleues coulent sur son coeur rouge. J'ai l'impression d'avoir ouvert les yeux sur une image qui ne m'appartient pas, dans un lieu dans lequel je n'ai pas ma place. Un instant, je suis tentée de partir. Cependant, quelque chose me retient. Je ne saurais expliquer quoi. Peut-être est-ce l'humidité de ses pleurs qui vient de rouler sur mes pensées. Peut-être est-ce la sensation que la Rouge a besoin d'une main tendue qui lui éviterait de glisser dans le lac. Ou peut-être est-ce juste une étrange petite voix dans mes pensées qui me dit qu'en tournant le dos à cette scène, je l'abandonne à sa douleur. Il y a quelque chose dans ce que je vois qui me touche sans que je ne sache l'expliquer.

Je fais quelques pas en avant. Cette fois-ci, mes yeux sont grands ouverts. Ils boivent l'humidité qui s'échappe de cette scène étrange. En avançant, je me sens entrer dans une bulle dans laquelle je ne sais pas encore si j'ai ma place.

Je m'arrête à quelques pas de la Rouge. Les mots hésitent à franchir mes lèvres. Ils sont bancals, fragiles, inquiets.

« Ça va ? Tu... Hmmm... Tu as besoin d'aide ? »

Oh, questions idiotes !

Elle pourrait me repousser, ne pas me répondre, me jeter des mots douloureux au visage, mais je n'ai pas peur. J'ai le coeur qui déborde de ses pleurs.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

20 avr. 2023, 08:31
Le cœur au bord des lèvres  PV 
Plus tard, je me rappelerai de ce matin comme une humiliation. Je m'en rappelerai comme ce moment où j'ai jugé bon de ne pas agir de mon propre chef et de laisser les choses se faire. Mais aussi et surtout, je m'en rappelerai comme la fois où j'ai eu le plus mal au coeur. Littéralement, mon coeur bat trop vite et il me fait mal. Il n'y a pas que lui, mes poumons hurlent toujours, mes genoux s'engourdissent, ma gorge me pique, et mes yeux ! Ah mes yeux ! Qu'est-ce qu'ils brulent ! Ça faisait longtemps que je n'avais pas pleuré comme ça...

Pour ne rien arranger à cette scène pitoyale, d'une moi qui s'est effondrée par terre, qui se tient sur ses genoux et qui sanglotte tout en jurant à voix basse - Qu'est-ce que ma grand-mère aurait pensé de moi ? est une pensée fugace qui se fait qu'accentuer les sanglots que je tente de contenir dans ma poitrine qui me fait terriblement pas - une voix me sort de la torpeur.

Alors que je me bats avec mes propres pensées, pour contenir celles qui ne feront qu'aggraver la situation, voilà que je suis plus toute seule.

Cette fois c'est sûre, c'est la journée de l'humiliation. Si ça se trouve, elle n'est pas toute seule, ils sont pleins derrière moi, peut-être tout le château qui aurait entendu mes cris dans les couloirs et qui m'aurait suivi pour me voir m'effondrer. Pas tout le château, s'il vous plaît. Et je me retourne pour vérifier. Derrière le flou artistique des larmes coincées dans mes yeux, je vois qu'il n'y a qu'une personne. Au moins, il n'y a qu'une personne qui assiste à ma ruine, je pense et cela calme un peu les soubresauts de ma poitrine.

Je ne lui réponds pas tout de suite. D'abord, j'aimerais voir qui c'est avant de dire quoi que ce soit. Mais pour ça, il faut que je calme les sursauts de sanglots qui me secouent pour que mes yeux s'éclaircissent. Alors je prends de grandes, grandes, grandes inspirations et repousse toutes mes pensées à l'inspiration. La question tourne en boucle, tu as besoin d'aide, dans ma tête et quelque part elle m'aide à rester au-dessus de l'eau. Et ma poitrine commence à se soulever à un rythme plus normal, je ne tremble plus de sanglots, je contient tout ça pour un peu plus longtemps.

Bientôt, alors que je me demande si elle est restée alors que j'ai choisi le silence, je peux voir nettement les contours du lac. Je me troune vers l'inconnue et je reconnais son visage. Elle ne m'est pas plus connue, mais je reconnais Alyona Farrow. Je suis contente qu'elle soit là, je pense en l'observant alors qu'elle se tient droite, pas très loin de moi mais pas trop près non plus. Si je suis contente c'est aussi bien parce qu'elle me donne matière à penser à autre chose que parce qu'elle est en septième année et que je n'aurai pas à supporter de croiser son regard bien longtemps après qu'elle m'ait vue comme ça.

Il y a quelques années, j'aurai probablement répondu que je n'ai pas besoin d'aide, qu'elle peut s'en aller et surtout qu'elle peut le faire vite. Mais aujourd'hui, je n'ai pas envie qu'elle me laisse à mon sort. Je me connais, si je reste toute seule, je vais juste m'enfoncer dans mes pensées et gâcher ma journée à ressasser tout ce que je pourrais ressasser.

Alors je décide que j'ai grandi, et que grandir c'est aussi savoir demander de l'aide.

« Oui... J'ai besoin... d'aide. »

Dis-je faiblement, les yeux levés vers elle qui est debout à côté de moi. Je dois faire pitié à avoir, assise sur mes genoux comme si je priais, mais sale comme si je m'étais roulée dans la boue, les mains brunies par le sable, le visage brillant des larmes qui sont tombées, la bouche ouverte et la gorge sèche (je suis sûre qu'on peut voir ma gorge blanchir entre mes mâchoires).

« Je... crois qu'il faut... que je parle à quelqu'un. »

Instinctivement, parce que je suis moi, parce que je suis fière, parce que même si mon ego est plus bas que terre il me souffle toujours de rester digne, je regrette ce que je viens de dire. Mais je sais que c'est la bonne chose à dire, la bonne chose à faire, j'ai un pressentiment que je ne m'en sortirai pas autrement, que je ne peux toute façon pas garder mes pensées de penser à lui.

Magic Always Has a Price
6ème année

20 avr. 2023, 13:50
Le cœur au bord des lèvres  PV 
Je ne peux m'empêcher de l'observer attentivement et pourtant, cela me gêne. Elle pleure, et moi je la regarde, droite et immobile, je ne réagis même pas. J'ai peur de faire quelque chose qu'il ne faut pas faire, d'être trop brusque, trop indiscrète. Qui aime être vu en train de pleurer ? On se sent faible quand on pleure, on se sent fragile. Être vu dans ces moments-là, c'est douloureux, mais les affronter seul peut l'être encore plus. J'hésite alors à m'éloigner. Peut-être préfère-t-elle se remettre sur pieds par elle-même ? Cependant, j'ai bien peur que ce ne soit trop tard pour ce genre de fuite — et n'ai-je pas trop souvent fuit face à ce type de situation ? J'espère, sans oser le formuler complètement, pouvoir lui être utile. La journée est longue et ne fait que commencer. Elle comme moi devrons partir réviser, travailler, croiser d'autres personnes, se confronter à d'autres regards. Elle ne peut pas rester là, avec ces peines qui mouillent ses joues, avec ce désespoir qui lui pèse sur les épaules. Des élèves vont venir, des yeux curieux vont se tourner vers elle ; je ne veux pas qu'ils voient ses joues pleines de larmes, ses mains sales et sa robe tâchée. Personne ne devrait voir cela. Les regards peuvent être tranchants et pointus, durs et impitoyables ; ils peuvent blesser sans faire de bruit. J'aimerais l'aider à se relever, lui offrir un peu de ma force et de mon soutien pour qu'elle puisse poursuivre cette journée plus sereinement, le coeur un peu moins en peine.

Ses yeux humides se tournent vers moi. Elle a le visage rouge et sale, luisant de larmes qui ne coulent plus. Étrangement, c'est un visage qui ne m'est pas inconnu. Ces cheveux noirs, ces yeux marron, ne les ai-je pas déjà vus quelque part ? Même sa voix démange mes souvenirs. Pourtant, aucun nom ne me vient à l'esprit, et ma mémoire ne fait remonter aucune image à mes pensées. Il n'y a que ces impressions, ces vagues sensations trop floues. Mais qu'importe finalement, que je la connaisse ou pas, que je lui ai déjà parlé ou non ? Qu'est-ce que cela peut changer ? Qui qu'elle soit, si elle a besoin d'une main tendue, je lui tendrais la mienne.

Sa voix et faible, et sa bouche reste ouverte après sa prise de parole. Merlin, cela me fait mal au coeur de la voir ainsi. Il n'y a aucune pitié dans ce que je ressens, juste une envie immense d'ouvrir grand mes bras pour la laisser déverser un peu de sa peine sur moi, pour la laisser me partager sa douleur. Je sais que je ne suis pas une personne solide, je ne suis pas forte comme un roc, mon visage ne reste pas insensible quand des vagues d'émotions me bousculent, mais cela ne peut pas m'empêcher d'offrir un peu de soutien. J'aimerais me glisser à côté d'elle pour me mettre à sa hauteur et lui montrer que je resterai là et que je n'ai pas peur de salir ma robe de sorcière si cela peut l'aider à être mieux, mais l'intimité qui l'englobe me pousse à garder une distance. J'ai peur de la blesser en agissant trop vite. Quand des choses me touchent le coeur et déteignent sur mes pensées, j'agis toujours trop rapidement, sans réfléchir assez, et parfois je le regrette. Cette fois-ci, j'aimerais prendre le temps d'y penser davantage.

« Tu souhaites que j'aille chercher des personnes ? » Je désigne Poudlard du regard. « Des amis ? De la famille ? Cela ne me dérange pas, ajouté-je en esquissant un sourire incertain. »

Mais je peux aussi rester là si tu le souhaites. Je n'ai pas peur de me salir, ou de rester trop longtemps, ou de devoir t'aider. Seul le Lac Noir inquiète mes pensées. Le Lac Noir, et peut-être également la possibilité de te laisser seule avec tes larmes sèches et tes mains sales de tristesse. Ceux qui souffrent ne devraient pas rester seuls. On ne peut pas laisser une douleur peser sur deux uniques épaules. Mes épaules à moi ne sont peut-être pas aussi solides que d'autres, mais elles sont juste à côté, et elles n'ont pas peur des poids trop lourds.
Je serais prête à t'écouter si tu le souhaites.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

20 avr. 2023, 18:00
Le cœur au bord des lèvres  PV 
Les fois où j'ai dit à quelqu'un ce que j'avais sur le coeur, je ne les ai jamais regrettée. Je pense surtout à cette fois où j'ai presque hurlé devant Aelle Bristyle parce que je n'arrivais pas à réussir le sortilège Avifors - ou plutôt parce que j'avais trop de pression sur les épaules. Ma grand-mère a eu beau me le répéter toute ma vie, il a fallu que j'en fasse l'expérience par moi-même : parler de ce qui ne va pas, ça fait du bien.

Cette sensation que l'on m'ensserre la poitrine ne me quitte pas mais elle s'estompe progressivement depuis que la septième année est arrivée. J'ai l'impression qu'il flotte autour d'elle une aura rassurante. Sa voix l'est tout autant, alors qu'elle me propose d'aller chercher de l'aide. Des amis ou de la famille, dit-elle, alors je prends un moment pour réfléchir.

Mon regard se détourne d'elle pour se poser à nouveau sur le lac. Je ne pense pas un instant à son immensité qui en réalité m'effraie, ni à l'obscurité qui règne dans ses profondeurs. Owen, Nils et Jane sont la seule famille que j'ai ici, et je n'ai pas envie de leur en parler. Jane parce que je connais le passif qu'elle a avec... lui et si je réfléchissai je pourrais aisément prédire ce qu'elle me dirait mot pour mot. T'es trop débile, et lui aussi. Passe à autre chose. Avec Nils, on ne parle pas de ces choses-là. Je ne me sentirai pas à l'aise de lui déballer ce qui vient de se passer dans les couloirs alors que notre truc à nous c'est plutôt de parler devoir, en chuchotant dans un coin de la bibliothèque. Quant à Owen... je ne veux pas qu'il voit que je suis vulnérable. Et puis, il est trop jeune !
Pour ce qui est des amis, je n'en ai pas des masses. Je ne peux pas en parler à Chems, parce que, parce que... voilà encore quelque chose que je ne m'autorise pas à penser et qui me fait brusquement mal dans la poitrine. Je grimace en songeant que je ne pourrai jamais parler de ce qui vient de se passer à Aelle Bristyle ou Aliosus Nerrah - quoi qu'il en connaît un rayon sur l'amour de ce que j'entends dans les couloirs.

Alors je secoue la tête, après plusieurs secondes, pour lui dire que non. Non je ne veux pas qu'elle aille chercher qui que ce soit.

« Est-ce que... je peux te parler, à toi ? »

Lui demandé-je en jetant un oeil vers elle.

Ce n'est pas quelque chose dont je serai particulièrement fière à l'avenir, me confier à une inconnue sur un sujet aussi intime, mais ce qu'elle dégage est si rassurant que je ne me sens pas en danger. C'est même l'inverse, j'ai l'impression d'être en sécurité maintenant qu'elle est là.

J'aperçois un hochement de la tête, léger, mais j'ai tellement besoin de me raccrocher à quelque chose à cet instant précis que je prends ça pour un oui.

Maintenant que je sais que je peux lui parler de ce que j'ai sur le coeur, il faut que je réfléchisse à ce qui me fait vraiment mal. Alors je m'autorise à revoir la scène, je m'autorise à revoir Cinead Reid m'insulter et l'insulter encore plus fort en retour, je m'autorise à revoir son visage s'approcher du mien, je sens presque son odeur alors qu'il n'est plus là, je m'autorise à revivre la sensation de ce baiser sur mes lèvres. Cette fois que c'est fait, je ne sais même plus si j'en avais envie moi aussi. Une chose est sûre c'est que j'aurais voulu que ça n'arrive jamais. J'aurais préféré continuer de croire en notre amitié.

Croire en notre amitié... En vérité, je crois que j'ai toujours douté des sentiments de Cinead Reid envers moi. Jamais, Ô Grand Jamais, je ne me le serai avoué - cela signifierait faire une croix sur notre amitié. Parce qu'il est hors de question pour moi de penser à l'amour, de croire que ça puisse m'arriver un jour.

Et après tout ? Est-ce que ce n'est pas ça le truc qui me compresse la poitrine ? Cette pensée que je tais mais qui ne me lâche pas ? Il faut que j'en sois sûre.

« Comment on sait... ah c'est débile... comment on sait qu'on aime quelqu'un ? »
Dernière modification par Adaline Macbeth le 22 avr. 2023, 15:03, modifié 1 fois.

Magic Always Has a Price
6ème année

21 avr. 2023, 14:00
Le cœur au bord des lèvres  PV 
Me parler à moi ? Mon coeur sursaute presque. Un instant, j'ai peur de ne pas être à la hauteur, d'être complètement inutile, de la décevoir. Je ne devrai dans un premier temps qu'écouter, et pourtant je ne sais pas si je suis la mieux placée pour le faire. C'est si rare qu'une inconnue décide de me parler à moi de ce qui la tracasse ! Pourquoi cette étrange confiance ? Je ne saurais l'expliquer. Si ce dont elle souhaite me parler est trop intime pour qu'elle en parle à ses amis et à sa famille, pourquoi décider de m'en parler à moi ? Peut-être que le fait que je sois pour elle une inconnue la rassure. Peut-être est-ce plus facile de parler de ce qui fait mal à des personnes qu'on ne connaît pas. N'a-t-elle donc pas peur que je façonne trop vite l'avis que j'ai d'elle après l'avoir écouté ? N'a-t-elle donc pas peur que je répande des rumeurs sur elle comme des poisons après son départ ? Oh, jamais je ne le ferai. Mais y a-t-elle pensé ? Je ne la connais pas, elle ne me connaît pas, mais elle me fait confiance. Étrange chose que cette confiance qui peut se donner au premier regard. Cela me fait peur de savoir qu'elle me l'a déjà accordée, je ne sais pas si je la mérite.

Elle choisit si facilement de me parler que je me sens comme pressée de lui répondre. Il faut que je dise quelque chose, que j'acquiesce, qu'elle sache que je peux l'écouter. Alors, la bouche légèrement ouverte à cause de la surprise qui me saisit, je hoche la tête. Pourquoi ne puis-je pas dire quelques mots ? J'aimerais lui parler, lui assurer qu'elle peut me faire confiance, la rassurer, mais ma voix s'est perdue quelque part, et je peine à la retrouver. Cela va vite et cela me surprend. Mes pensées se mêlent. Et je reste silencieuse, trop silencieuse. Je me demande presque qui de ma voix ou de moi-même est la plus perdue.

Sa question termine de souffler le désordre dans mes pensées.

Comment on sait qu'on aime quelqu'un ? Oh Merlin.

Je me laisse glisser à terre aux côtés de la Rouge. Mon regard s'écrase sur le Lac Noir, comme si cette étendue terrifiante pouvait m'aider à organiser mes réflexions. Dans mon crâne, mes pensées n'ont plus aucun sens. Elles font remonter à leur surface des images, des souvenirs et des sensations qui n'ont absolument aucun lien avec la question de la Rouge et Or — ou tout du moins est-ce ce dont je tente de me convaincre.

Et la première personne à qui je pense, presque subitement, trop subitement, c'est Anaë. Anaë Brown. Depuis combien de temps ne lui ai-je pas parlé ? Combien d'années se sont écoulées depuis notre dispute dans ce même parc ? *Trop* — foutues pensées. Et je la revois, ce soir d'Halloween, ce terrible soir d'Halloween1. Et je revois ses lèvres rouges, et les sentiments étranges qui me rendaient mal à l'aise, qui coloraient mes joues et me faisaient soupirer trop fort. Merlin, je ne sais pas pourquoi je pense à elle. Je veux dire, j'aime Anaë, non, j'ai aimé Anaë, mais jamais de manière... Enfin... C'était un amour sororal. C'était Anaë, et c'était moi, et c'était l'enfance que nous avions partagée, les sourires espiègles que nous avions en commun, les ressemblances qui nous rapprochaient, nos histoires qui nous unissaient. C'était Anaë et c'était moi, et il n'y avait pas de... — oh Circé, c'est trop étrange de penser cela, et cela me fait aussi foutrement bizarre, et un peu mal —, il n'y avait pas d'amour entre nous. Enfin, je pense. Je n'en sais vraiment rien. N'a-t-elle pas dit une fois que... Oh, mais je ne sais pas, moi ! Enfin, c'était Anaë, et cela fait trop longtemps ! Pourquoi est-ce que je pense à elle maintenant ? Pourquoi est-ce que je pense à cela ? C'est trop bizarre ; je ne veux pas avoir toutes ces pensées. Anaë et moi, c'était juste de l'amitié. Et... Oh, Merlin, non ! Je ne veux plus y penser.

Alors d'autres noms viennent se glisser dans mon esprit. Je pense à Alison Morrow — mais je ne veux pas penser à Alison ! Je pense à cette soirée d'orage qui a fait battre mon coeur un peu trop fort. Je pense à ce jour dans le couloir avec Bristyle, à cet autre moment avec le Dominion, dans la Grande Salle. Je pense à trop de choses qui n'ont aucun lien avec la question de la Rouge. Parce que, pourquoi penser à Alison avec cette question ? Je veux dire, j'apprécie Alison, mais elle est pour moi comme une petite soeur. Et n'est-elle pas en train de s'éloigner de moi ? Elle a des amis de son âge, et j'ai un emploi du temps fort chargé, des révisions de prévues, des projets pour mon avenir. Alors Merlin, pourquoi est-ce que cela me fait si mal au coeur d'y penser ? C'est stupide, c'est carrément stupide. L'amour, moi je ne sais pas ce que c'est ! Je ne suis pas Elowen, ou Irene, ou Ennis, ou toutes ces autres personnes dont la vie amoureuse est en train de s'écrire. J'aime mes parents, j'aime ma famille, mais je ne connais pas cet amour qui n'est ni familial ni amical ; je ne sais pas ce que cela fait d'aimer quelqu'un, ou d'être aimée par quelqu'un — mais Anaë... Oh Circé, c'est trop compliqué ! Je n'y connais rien à tout cela, moi !

Je suis toute retournée. Mon visage, mes pensées, mon coeur : tout semble avoir été balayé par une étrange tornade. Je ne m'attendais pas à cette question, et je ne m'attendais pas à ma propre réaction. L'amour, j'y ai déjà pensé, un peu, quelques fois ; mais avec la gêne des personnes qui ne se sentent pas sur un terrain où elles ont leur place. Et j'ai peur de répondre à la Rouge, parce que je n'ai rien à lui offrir sinon mon ignorance. Je ne connais pas l'amour. J'ai dix-huit ans ; j'ai lu plus de livres de la bibliothèque de Poudlard que la majorité des personnes de mon âge ; j'ai davantage de connaissances en botanique que bien des élèves ; j'ai vécu des événements qui m'ont marqué pour toujours ; j'ai affronté des sentiments qui m'ont bouleversé ; et il y a des choses de la vie que je ne connais et que je ne comprends toujours pas. C'est terrible, n'est-ce pas ? De savoir autant sur certains sujets, et de tout ignorer sur d'autres. Je me sens profondément idiote face à cette question de la Rouge. Et j'ai soudainement mal au coeur.
Et si je n'étais pas capable d'aimer ? d'être aimée ? Et si je ne tombais jamais amoureuse ?
Non, je ne veux pas y penser ; je ne peux pas y penser. C'est si douloureux, Merlin ; si douloureux !

« Je... » Ma gorge est sèche, mon esprit, essoufflé, mon coeur, muet. « Je ne sais pas vraiment... » Voilà, c'est dit. Je ne sais pas. Mais je ne peux pas la laisser avec ces quelques mots ! Elle me fait confiance, par Circé ! Il faut que j'ajoute quelque chose, que je l'aide à répondre à cette question ! Elle a besoin de moi, par Zeus ! « Je n'ai jamais aimé quelqu'un... » *C'est stupide ; c'est stupide ; c'est stupide.* « Enfin, je... Pas aimer comme les autres s'aiment... Tu vois ? » Je brûle de honte. Pourquoi lui dire cela ? Pourquoi lui avouer mon ignorance ? « Mais peut-être qu'on le sait profondément, qu'on le ressent. Peut-être qu'on a trop tendance à ne pas se l'avouer mais qu'on le sait. Peut-être que c'est différent du reste, que c'est plus ancré, plus touchant. » Merlin, Merlin, Merlin, pourquoi est-ce que je repense à Anaë ? C'est stupide, c'est stupide ! Je suis une idiote ! Comment puis-je me prononcer sur un sujet que je ne connais pas du tout ? Cette Rouge ne s'est pas tournée vers la bonne personne. Je ne peux pas l'aider, moi. Et toutes ces pensées, toutes ces pensées.... « Mais je... Je n'en sais rien. » Je bafouille ! Il ne manquait plus que cela. « Désolée. » Mais joues sont rouges. La honte me dévore de l'intérieur.

*C'est idiot ; c'est idiot ; c'est idiot.*


Je crois qu'Adaline est parvenue à retourner complètement les pensées d'Alyona ahah ! Il faut dire qu'elle ne s'attendait pas du tout à cette question. Et moi, cela me fait fort sourire.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

24 avr. 2023, 20:39
Le cœur au bord des lèvres  PV 
Je suis bien trop égoïste pour me rendre compte de ce que je viens de déclencher chez la septième année. À ce moment précis je ne pense qu'à moi et mes petits tracas. Je ne peux même pas imaginer qu'il y ait quelqu'un qui peut soufrir autant que moi, ou même souffrir tout court. Centrée sur moi et mon petit nombril, mes petits soucis, la fatigue qui me tiraille, cette maitiné que je viens de perdre, je ne me rends même pas compte de ce que je sème dérrière moi. Avec une simple petite phrase, à laquelle je repenserai beaucoup plus tard, j'ai provoqué une réaction je ne capte même pas. Des joues rouges, la voix mal assurée, des bégaiements : de la gêne.

Mais moi, pendant ce temps là, je pense à moi et à mon entourage. Il y a des moments comme ceux-là où je ne pense qu'à moi, moi et moi. Je trouverai ce trait de ma personnalité très énervant quand j'aurais grandi et quitté Poudlard, c'est sur.

Alors qu'elle se dépatouille avec ma question, tout ce à quoi je pense c'est ma conception de l'amour. Cette chose que j'avais enfoui bien au fond de moi et que ce foutu garçon a sorti du placard. Avant Poudlard, j'avais une vision assez pratique de l'amour. Pour moi l'amour c'était juste vivre dans la même maison et avoir des enfants. Je n'ai jamais vu ma mère et mon père se porter des marques d'affection, je n'ai jamais entendu ma grand-mère dire à mon grand-père qu'elle l'aime, je n'ai vu que des câlins à Noël quand tout le monde s'en échangeait. Alors pour moi, l'amour c'était juste une sorte de devoir, un truc que les adultes disaient pour cacher tout un tas de responsabilités comme nourrir sa famille ou s'occuper d'une maison.

L'amour, j'ai compris ce que c'était en arrivant à Poudlard. Si j'avais lu plus de romans, je l'aurais probablement su avant, j'aurais probablement lu ces choses que l'on a dans le ventre, le coeur qui s'emballe, les yeux qui pétillent et tous ces trucs débiles que ressentent les gens qui s'aiment - apparemment. Mais moi, dans la vraie vie, je ne sais pas ce que ça fait d'aimer. Maintenant que j'ai ouvert la boîte de Pandore, je suis en train de me demander si je n'ai pas toujours su ce que c'était, si je ne l'ai pas su en rencontrant Chems Daley et ses grands yeux verts. Par Merlin, cela fait tellement longtemps que je ne l'ai pas vu si bien que j'en ai un pincement au coeur. Alors je me souviens, de ce que ça me faisait d'avoir rendez-vous avec lui de le parc, de le voir essayer de me faire rire, de l'appréhension à chaque cadeau que je lui ai offert, de la préparation longue et stressante de chacun de ses cadeaux pensés pour lui. Et maintenant, maintenant je n'ai plus de place pour lui dans une vie d'études que lui trouve bien trop morose. Je crois que j'avais des papillons dans le ventre et le coeur qui battait trop vite.

Et je sais, à cet instant, exactement ce que c'est que l'amour. Je sais que c'est le trouble que je ressens quand je le croise dans un couloir sans l'avoir prévu, les nerfs qui se tendent quand je le vois discuter avec Cobain et qu'elle rit un peu trop fort, je sais que c'est ce coeur qui s'emballe à chaque fois qu'il m'adresse la parole peu importe dans quel état je suis.

Mais je n'en veux pas. Je ne veux pas de tout ça, je ne veux pas de cet amour qu'il me porte et que je lui porte probablement en échange, je ne veux pas qu'il croit autre chose que ce que je lui ai dit : t'as tout gaché.

Je lève la tête vers la septième année et je remarque, je remarque seulement qu'elle m'a répondu qu'elle était désolée. Parce qu'elle ne savait pas. J'ai envie de sourire sous les larmes qui perçent à nouveau mes yeux et qui se remettent à ruisseler sur mon visage rougi. C'est ce qui se passe, je crois, alors que mes joues se tendent pour articuler un sourire tendre.

« Merci. Merci parce que je crois que je sais maintenant. »

Une grande inspiration, je la regarde derrière des yeux mouillés, avec le même sourire.

« Je crois que j'aime un garçon. Faut que je le dise, j'en serai débarassée. »

Et puis je repense à la colère que je ressentais, à la douleur lancinante entre mes côtes qui s'est évaporée quand elle est arrivée, à ce que je lui ai crié dans ce couloir. Lorsqu'il m'a dit qu'il m'aimait, les papillons dans le ventre ont disparu et mon coeur, il allait sortir de ma poitrine. Il me faisait tellement mal.

« Et là, là, il m'a dit qu'il m'aimait. Mais ça m'a pas fait du bien, ça m'a juste énervée. Je lui ai dit que je voulais plus jamais le revoir et qu'il avait tout gâché. Mais c'est le cas, il avait pas le droit, pas le droit de gâcher notre amitié avec son... amour. »

Ma voix se brise sur ce dernier mot et les larmes continuent de couler silencieusement. Ce sont des larmes qui ne sont pas gluantes, elles ne viennent pas avec le nez qui coulent, non. Ce sont des gouttes d'eau, on croirait de la pluie, qui ruisselent jusque dans ma robe de sorcier.

Magic Always Has a Price
6ème année

27 avr. 2023, 11:18
Le cœur au bord des lèvres  PV 
Elle ne réagit pas à mes mots confus, bancals, hésitants, et je crois que cela me rassure. Elle se drape de réflexions et de silence, et moi j'en profite pour prendre du recul, chasser les pensées douloureuses, calmer mon coeur qui s'affole — ce terrifié.

Je me laisse glisser dans un nuage rassurant, réconfortant. L'herbe qui me frôle la peau, le soleil qui perce doucement dans le ciel pour m'embraser le visage, le calme du parc, même la noirceur du Lac Noir parvient à m'ancrer plus sereinement sur le sol. Je ne coule plus dans cet océan dans lequel je n'ai pas pied. Je n'ai plus à me débattre avec mes pensées pour rester à la surface. J'ai retrouvé la terre dure, sèche, solide, à laquelle je peux m'accrocher sans avoir peur de tomber ou de me faire emporter. L'amour est toujours là, quelque part, à l'orée de mon esprit, mais il ne m'enserre plus avec ses tentacules trop grands, trop forts, trop dérangeants. Je me suis éloignée du lac dans lequel il baignait, et désormais je peux y penser plus sûrement ; j'ai davantage de maîtrise sur mes sentiments, ils ne pourront plus chercher à me noyer. Je tiens le cap, le plancher est solide, ma poigne est plus assurée. Je ne coulerai pas aujourd'hui.

Mon visage reprend petit à petit ses teintes normales. Je respire plus calmement, plus sereinement. Je ne sais pas exactement comment j'ai fait, mais je crois que je suis parvenue à me détacher de mes pensées dérangeantes. Tout a été repoussé à une distance plus convenable, moins étouffante : l'amour, Anaë, les souvenirs, les sentiments gorgés d'incertitude. C'est mieux ainsi.

Et le visage de la Rouge se tourne vers moi, de nouveau plein de larmes, mais souriant. Ses mots et ses lèvres étirées reviennent pour me déstabiliser.

Elle me remercie, alors que tout ce que j'ai dit était idiot ? Elle me dit avoir compris ce que l'amour était, alors que moi-même je ne sais pas ce que c'est ? Oh Merlin, moi, je ne la comprends pas. Mais pourquoi pleure-t-elle ? Et pourquoi ce sourire ? Est-elle heureuse de savoir ce que l'amour est ? À moins que je ne sois parvenue, par mes paroles, à lui faire comprendre autre chose, quelque chose qui lui fait du bien ? Je ne sais pas vraiment. Ce sourire me décontenance. Elle pleure, et ses lèvres sont étirées. Ce n'est pas normal. Et ce n'est pas non plus normal qu'elle me remercie, je n'ai rien fait. J'ai bafouillé, hésité, dit des mots dont je n'étais pas sûre. En quoi cela peut-il l'avoir aidé ? Il semblerait qu'elle soit la seule à garder le secret de son sourire.

Mon regard tombe dans le sien, recouvert d'un voile humide. Un instant, j'ai peur de glisser de nouveau dans ce lac de questionnements, de pensées dérangeantes, de sentiments trop forts et trop étranges, mais c'est un instant trop tard. En réalité, j'ai déjà basculé, je suis déjà tombé ; j'ai juste quelques difficultés à m'en rendre compte.

Sa révélation ne me surprend pas vraiment. J'ai compris que l'amour pouvait être douloureux. Et elle, avec son sourire et ses joues pleines de larmes, avec ses questions et ses silences bouillonnants de réflexions, elle, cette Rouge que je ne comprends pas vraiment, elle ne pouvait être qu'amoureuse. Alors, ce que je vois sur son visage et que je ne comprends pas, c'est l'amour ? Merlin. Je sens ses tentacules étranges se glisser autour de moi.

Ses dernières déclarations me font mal, et je ne sais même pas pourquoi. Elle aime et elle est aimée, cela ne devrait-il pas me réjouir ? Certes, c'est une histoire dont elle ne veut pas, sur laquelle elle a tiré un trait, mais n'est-elle pas heureuse de connaître l'amour, et de savoir qu'il est réciproque ?

« Pourquoi est-ce que tu n'en veux pas de cet amour ? Tu as le droit d'être aimée. »

Et pourquoi est-ce que cette déclaration me fait mal ? Peut-être parce que je ne peux m'empêcher de me comparer, de superposer ses mots à ma vie, sa vie à la mienne. C'est étrange et foutrement embêtant, ce besoin de tirer chaque chose vers soi. Elle me parle d'amour, de l'amour qu'elle ressent, de l'amour qu'on lui porte, et je pense à moi. Je me demande si on m'a déjà aimé, de la manière dont on l'aime. Je me demande si cela m'arrivera un jour. Enfin, je me demande, avec une étrange angoisse, si je suis déjà passée à côté de l'amour sans le voir. Est-ce possible que j'ai fait des choix qui m'ont poussé loin de ce sentiment aussi douloureux qu'agréable ? Me suis-je, un jour, dirigée dans un mauvais chemin ? Suis-je passée à côté d'une histoire, d'une rencontre, d'une tempête ? Et cela sans m'en rendre compte, sans le voir ? Ai-je déjà été touchée par l'amour, ce monstre universel aux tentacules qui rapprochent, étouffent et protègent ? Je n'en sais rien. L'amour, c'est mon inconnu. Peut-être que je ne le rencontrerai jamais. Peut-être que dans cette vie que je veux passer à tendre la main, on ne tiendra jamais la mienne. J'y pense avec une pointe au cœur, une étoile de douleur. J'aimerais connaître l'amour, ne serait-ce qu'une fois. On raconte que c'est doux mais fort, que cela fait mal et que cela répare, que c'est ne plus jamais être seul. J'aimerais bien connaître cela, ne serait-ce qu'une fois, pour avoir les pensées fleurissantes, le sourire éternel et la lueur du soleil dans les yeux. Mais je ne sais rien, ne connais rien, ne comprends rien. L'amour, on en rêve plus qu'on ne le vit, n'est-ce pas ?

« Tu n'as pas peur de regretter ou de lui faire du mal ? »

Est-ce que l'amour peut détruire les amitiés ? (Pourquoi est-ce que je repense une nouvelle fois à Anaë ?) Est-ce que renoncer à l'amour, c'est renoncer à l'amitié ? Que choisir dans ce cas ?
Je hais les dilemmes et je hais les mensonges. Mais je ne connais rien à l'amour. Je connais bien mieux les doutes, les regrets, les souvenirs plein de sentiments, les remords. Cette Rouge pleure-t-elle parce qu'elle est perdue ou parce qu'elle craint de ne pas avoir choisi le bon chemin ? J'aimerais bien l'aider, mais j'ai peur d'être inutile.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

01 mai 2023, 15:34
Le cœur au bord des lèvres  PV 
Pourquoi est-ce que je ne veux pas de cet amour ? En vérité, la réponse est toute simple, mais je ne sais pas si j’ai envie de la lui donner simplement. Je ne sais pas si elle comprendra pourquoi je n’en veux pas, parce que cela impliquerait de comprendre pourquoi je me dédie à mes études et que cela implique de comprendre tout ce qu’il y a en jeu. Et puis maintenant, je dois apprendre la Bradypomagie, cette forme de magie complexe qui me fascine - et sur laquelle je fais des recherches depuis plusieurs années maintenant, bien que j’ai appris seulement récemment comment cette forme de magie s’appelle.

Je ne sais pas si elle trouvera cette raison suffisant. Autour de moi, il n’y a bien que Nerrah et Bristyle pour comprendre mon acharnement au travail. Mon cousin Nils le comprend probablement, mais Owen… j’avais presque oublié à quel point il m’avait agacé ce matin. Et lui, lui ne l’accepte pas. Son comportement prouve bien qu’il ne l’accepte pas, ou pire, qu’il ne comprend pas.

Comment peut-il penser que j’ai le temps de passer du temps avec lui juste comme ça ? Comment peut-il penser que j’ai du temps à perdre avec de l’amour ? Comment peut-il penser que j’ai envie d’être comme des amoureux, comme Jeffrey et Ennis, comme n’importe quel autre couple dans ce château ? Parce que c’est ça que ça veut dire, hein, pas autre chose.

Toutes ces pensées ont fait sécher mes larmes, en me rappelant du plus important : mes études. Ma tête tourne vers le lac alors que je ramène mes jambes contre moi pour les entourer de mes bras. Je fixe l’étendue sombre en lui répondant :

« Je n’ai pas envie de me perdre mon temps avec l’amour. Je dois… je dois travailler dur. »

Je ne dis pas tout, je ne m’emporte pas dans un grand discours sur l’importance de la réussite ou sur comment je veux occuper mon temps exactement. Sans savoir ce qu’elle pense du travail ou de l’amour, de comment elle conçoit les choses, je crois que ce n’est pas la peine d’essayer de la convaincre.

Regretter ? Non. Lui faire du mal ? C’est lui qui m’en fait ! C’est lui qui me fait du mal avec son foutu amour et surtout sa décision de me l’avouer. Pourquoi il ne pouvait pas tenir sa langue ? Il fallait absolument qu’il me le dise et qu’il gâche tout. Je secoue la tête pour dire que non, ni l’un, ni l’autre. Mais je n’ouvre pas la bouche pour cracher que je n’ai pas peur de faire du mal à quelqu’un qui m’en fait autant, à quelqu’un qui gâche notre amitié et qui m’empêche de travailler toute une matinée ! Parce que c’est au moins ce qu’il va me falloir pour me remettre de mes émotions.

Et puis, je n’ai aucune envie de devoir l’embrasser tous les jours ou même de lui prendre la main comme les couples le font. Je ne sais pas si j’ai aimé l’embrasser et je préfère m’interdire d’y penser.

« Et puis j’aime pas les contacts physiques. Je veux pas faire comme les couples de ce foutu château… »

Les mots sortent tous seuls.

J’aime pas le contact. Je n’aime pas qu’on me touche même si c’est juste pour me prendre la main, ou me secouer l’épaule. Je n’ai pas devoir me faufiler entre les gens pour aller en classe, je n’aime pas l’on me sert la main ou que l’on me prenne dans ses bras pour me dire bonjour. Parfois, quand je me sens triste, je supporte un câlin ou une accolade. Mais c’est trop rare pour que j’accepte de le partager avec un inconnu - Cinead Reid n’est pas un inconnu mais il ne mérite pas non plus que je le laisse me prendre par la main tous les jours. Encore moins au château, encore moins devant tout le monde, surtout pas devant Nerrah ou Bristyle.

Magic Always Has a Price
6ème année

06 mai 2023, 19:55
Le cœur au bord des lèvres  PV 
Maintenant que je me dirige plus habilement dans mon crâne baigné de sentiments et de pensées trop nombreuses, je peux reprendre mon souffle, regarder autour de moi, être plus attentive à mon corps. Ainsi, je prends quelques secondes pour m'installer en tailleur sur la terre. Suis-je en train de me repositionner parce que je pense que cette conversation durera plus longtemps que je ne l'imaginais ? Je n'en sais rien. Mais c'est étrange tout de même, parler d'amour au bord du Lac Noir avec une inconnue. Je n'aurais jamais cru que ma journée puisse commencer ainsi. Ce n'est pas plus mal, j'aime ce qui sort de l'ordinaire, même si cet inhabituel-là fait un drôle d'effet à mon coeur.

Peut-on perdre son temps avec l'amour ? Merlin, je n'en sais rien. Cela doit être quelque chose d'étrange, tout de même, aimer et être aimé en retour, passer du temps avec une personne qui se trouve être plus qu'une amie. Je ne me sens pas très bien placée pour parler d'amour avec cette Rouge, mais peut-être que justement, notre ignorance a des avantages. Cependant, cette raison qu'elle donne, cette perte de temps que l'amour peut représenter... Eh bien, j'ai du mal à être d'accord avec elle. Certes, cela prend du temps, mais pas négativement, n'est-ce pas ? Je n'en sais rien. Des couples, j'en ai connu beaucoup depuis que je suis à Poudlard. Il y a ceux qu'on ne voit presque jamais seuls, comme s'ils ne pouvaient vivre sans cette relation si complexe qu'est la relation amoureuse. Il y a ceux qui se montrent discrets, et ceux qui ne semblent pas capables de vivre loin l'un de l'autre. Oh Circé, que cela me paraît bizarre de réfléchir à tout cela ! C'est comme une démangeaison dans mes pensées. Je ne me sens pas très à l'aise, comme si je n'étais pas capable d'y réfléchir objectivement et véritablement parce que ce sujet ne m'avait jamais concerné. Et puis, face à ce grand Lac Noir, moi, je me sens misérable.

J'aimerais répondre à la Rouge que je vois ce qu'elle veut dire, que je comprends, mais je ne suis pas certaine que cela soit vrai. Ennis O'Belt travaille énormément, et pourtant elle a déjà été dans une relation de couple. Irene et Bristyle aussi. Cela leur a-t-il nui pour leurs études ? Quelle drôle de question ! Peut-être qu'il n'y a qu'en expérimentant qu'on peut savoir. Néanmoins, je ne me vois pas répondre cela à la Gryffondor, je ne me sens pas très à même de lui faire la leçon sur des choses que je ne connais pas. Et puis, peut-être a-t-elle raison, peut-être que l'amour prend trop de temps quand on souhaite étudier. Mais peut-être peut-il aussi donner plus de force, plus de courage, plus de détermination ? Quand on aime, on se sent porté par quelque chose — je crois ?

Face à mes autres questions, elle secoue la tête. Ses réponses ne me rendent pas très à l'aise. Je pense que repousser quelqu'un comme elle l'a fait, cela m'aurait fait très peur. J'aurais eu des regrets, des inquiétudes, beaucoup de questionnements. Pourtant, elle m'assure qu'elle n'a rien de tout cela. Merlin, comment ne pas avoir peur de faire du mal à quelqu'un lorsqu'on repousse ce qu'il souhaite nous offrir ? Et là, je pense à cette petite Bleue dans le parc, il y a déjà si longtemps, dont j'ai laissé les rêves se briser. Je me remémore la scène, et ses larmes, et la déception qui coulait sur ses joues. Comment ne pas avoir peur de faire du mal à quelqu'un ? Parfois, j'ai l'impression de devoir surveiller chacun de mes gestes, chacune de mes paroles, pour ne pas heurter ce qui les reçoivent, même si c'est indirectement. Mes pensées glissent vers ce garçon que la Rouge vient d'abandonner quelque part dans Poudlard, avec son amour dont elle ne veut pas. Peut-être qu'elle ne s'inquiète pas de ce qu'il ressent, mais je pense qu'en réalité, il ne doit pas être dans un meilleur état qu'elle. Mais pour être honnête, je n'en sais rien. Qui suis-je pour me poser des questions sur ce qui ne me concerne pas ? J'ai l'impression que la place que cette inconnue m'a laissé à ses côtés ce matin, je ne la mérite pas.

« Être en couple, ça ne veut pas dire rester collé à une personne. » Une grimace d'hésitation prend place sur mes lèvres. Je tourne un visage incertain vers la Rouge. « En tout cas, c'est ce que je pense. »

C'est étrange: cette place qui me rend mal à l'aise et inconfortable, je l'occupe tout de même. Peut-être que si elle ne me convient pas, je ressens malgré tout une forme de devoir dans le fait de l'occuper. N'est-ce pas à moi que cette Rouge a fait confiance, à moi qu'elle a demandé de l'écouter ?

« Tu ne penses pas qu'il existe plusieurs manières d'aimer ? C'est vrai que je ne connais pas grand-chose sur la question, mais j'imagine que personne n'aime deux personnes de la même manière. Et peut-être que si maintenant, tu as l'impression que ce n'est pas le bon moment, ça le sera plus tard. »

Je hausse les épaules. L'incertitude se balade sur mon visage comme un rayon de soleil.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique