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21 sept. 2023, 17:38
Chambre 28  Recueil d'OS 
Chambre 28
AELLE BRISTYLE | ASHLEY ROCKFIELD
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Année 2048-2049

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Dans ce sujet seront répertoriés différents OS tournant autour de la vie d’Aelle dans sa chambre, avec sa colocataire.

*
*

Ashley « Ash » Rockfield
La colocataire
Image
Dernière modification par Aelle Bristyle le 04 avr. 2024, 11:29, modifié 13 fois.

22 sept. 2023, 07:46
Chambre 28  Recueil d'OS 

ROCKFIELD
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Dimanche 6 septembre 2048
AESM — Pays de Galles
1ère année à l'AESM



Aile sud, premier étage, chambre 28. Après avoir vécu sept années à Poudlard, château gigantesque et magique, me repérer au sein de l'Académie d'Enchantements, de Sortilèges et de Métamorphose ne représente pas un défi exponentiel. Pour atteindre les dortoirs, il m'a suffit de traverser le hall, de me diriger vers la bonne aile et de monter au premier. Sans compter que le chemin était balisé et que les cris des nouveaux arrivants m'auraient de toute façon mise sur la voie de la direction à prendre.

Mon regard passe du parchemin que je tiens entre les mains aux nombreuses portes qui m’entourent. Dans le couloir s’entassent des filles surexcitées qui rient et se bousculent. Découvrir sa chambre, cela semble être une immense source de joie et de satisfaction pour ces sorcières. Ce n'est pas comme si on visitait l'école, ce n'est qu'une chambre. Comme quoi, certaines choses ne seront pas différentes de Poudlard.

Je fais des pieds et des mains pour atteindre la chambre qui m’a été attribuée lors de mon arrivée. J’aperçois certains visages connus dans la foule. Des filles de ma promotion à Poudlard ou de celles d’au-dessus. Personne ne me salue et je ne salue personne. Deux mois sans se voir, ce n'est pas suffisant pour nous donner l'envie soudaine de créer un lien que personne ne désire.

Enfin, j’arrive devant la bonne porte, celle qui porte orgueilleusement un 28 rutilant. Lorsque je pose la main sur la poignée, mon nom et mon prénom s’ajoutent sous le numéro et le verrou s’ouvre. Je pousse le battant du plat de la main et pénètre dans ce qui sera ma chambre pour l’année à venir. J'abandonne avec plaisir le bruit du couloir derrière moi.

Personne n'est encore installé. Cela me laisse le loisir d'étudier mon nouvel environnement comme je le désire. La pièce est organisée en deux côtés identiques, séparés seulement par une grande fenêtre à carreaux qui occupe le mur du fond. Mon regard se tourne aussitôt vers le côté gauche ; c'est celui-ci que je veux investir. Un lit simple, des étagères encastrées dans le mur, au-dessus du matelas. Un bureau au pied lit et juste à côté, une penderie. Des meubles simples, sans prétention. Je reviens sur mes pas pour jeter un œil dans la salle d'eau — tout aussi banale que le reste et cela me convient très bien. Je n'ai guère besoin de plus que d'un lit et d'un bureau pour être bien. Le seul détail déplaisant de cette chambre, c'est l'absence d'intimité. Y a-t-il une chance pour que ma colocataire soit aussi studieuse et calme que moi ? Je me figure que oui.

Je sors ma valise sur le lit et lui redonne sa taille d'origine avant d'aller me poster devant la fenêtre. Derrière les carreaux, j'aperçois un paysage sauvage sous un ciel agité. La cime des arbres de la forêt fournie qui entoure le domaine est furieusement secouée.

« Oh non, c'est une blague ? »

Je m'arrache à la vue pour regarder derrière moi. Une fille se tient dans l'embrasure de la porte, un gros sac pendu à l'épaule, ses cheveux blonds ramenés négligemment par dessus son front. Ses yeux bleus sont écarquillés d'horreur. Et ils sont fixés sur moi.

« C'est pas ta chambre, ça ?! » reprend-t-elle brusquement.

Comment s'appelle-t-elle, déjà ? Une Serpentard de ma promotion. Avec laquelle j'ai déjà eu des mots.

Je baisse les yeux sur le parchemin que je tiens toujours à la main. Je vérifie le numéro de ma chambre.

« Aelle Bristyle, chambre 28, lis-je d'une voix froide. Si, c'est ma chambre.
Par le caleçon de Merlin ! éructe-t-elle en me fusillant du regard. Y'a pas moyen qu'je passe un an avec toi, Bristyle. Bonjour l'ambiance ! C'est pas possible qu'ils m'aient foutu avec toi, sérieux comment je peux être aussi… »

Le reste de sa phrase se perd dans le brouhaha du couloir ; elle a fait demi-tour avant même de la finir, sans me jeter le moindre regard. Je me retrouve de nouveau seule dans la chambre, victime des regards curieux que les autres filles me jettent en passant puisqu'elles ont été témoins de l'éclat de la blonde. D'un mouvement habile de la baguette, je ferme la porte pour me soustraire à leur attention. Le claquement apaise légèrement mon agacement.

Je soupire en allant ouvrir ma valise. Pourquoi je n'arrive pas à me souvenir de son nom ? Pourtant elle fait partie de ceux qui s'en sont donnés à cœur joie pour me juger en troisième année ; tout le long de notre scolarité, nos caractères se sont opposés : impossible que je puisse m'entendre avec une fille aussi grande gueule et coincée que…

« Rockfield ! » me souviens-je tout à coup. Je pousse un râle ennuyé en levant la tête vers le plafond. « Ashley Rockfield. »

Nous sommes bien loin de la fille studieuse que j'espérais. J'en viens presque à regretter Thompson avec laquelle la cohabitation aurait été aussi sereine qu'elle l'a toujours été en sept ans. Je me demande si elle a été acceptée dans son école. Penchée par-dessus ma valise, alors que je fais une pile de mes livres pour les classer par thématiques, je laisse mes pensées voguer vers Poudlard et ses habitants. Ce n'est qu'au moment où apparaît dans mon esprit le visage souriant de Gabryel (celui dont je n'ai jamais répondu aux hiboux estivaux, donc) que je me secoue pour me concentrer sérieusement sur mon déballage.

*


Elle revient une heure plus tard, telle une apparition furieuse, et jette son sac sur le lit qui sera désormais le sien. Allongée sur mon matelas, un livre à la main, je ne peux m'empêcher de couler un regard moqueur dans sa direction. Je m'abstiens cependant du moindre commentaire et tourne une page de mon livre.

Quand elle expulse un soupir colérique par le nez, je comprends qu'elle va se retourner vers moi. Et effectivement :

« Ok Bristyle, on va devoir cohabiter toi et moi. »

J'arque les sourcils ; peut-être devrais-je lui dire que je déteste quand l'on énonce des évidences ? Son regard bleu flambe de colère. Je crispe les mâchoires pour résister à l'envie de lui envoyer une méchanceté au visage. Je n'ai pas envie de me fatiguer. Mes ses yeux accusateurs titillent ma patience.

« Tant qu'on reste chacune dans notre coin, ça ira.
T'essaies de te rassurer, là ? lui lancé-je avec moquerie.
Je t'aime pas, Bristyle.
J'en ai rien à fo…
Évidemment ! m'interrompt-elle en ouvrant rageusement son sac. Aelle Bristyle se fiche de tout. »

Je considère son dos un instant ; ses gestes sont raides et agacés. Elle balance ses affaires sur son lit.

« Tu vois, tu me comprends : ça ira. »

En réponse, elle laisse lance un chaudron sur son lit, lequel rebondit contre le mur dans un bruit métallique. J'en conclus qu'elle ne pense pas que ça ira. Peu importe, cela dit, nous ne nous verrons que la nuit. Je me demande en quelle filière elle est. Merlin, pas avec moi ! Je n'ai rien de particulier contre elle, je ne la déteste même pas. En fait, j'avais oublié son existence jusqu'à aujourd'hui. Mais je n'ai pas envie de subir ses regards noirs à tout bout de champ. Ce qu'il faut s'ennuyer dans la vie pour nourrir une telle rancœur vis à vis d'une inconnue !

Pendant une dizaine de minutes, le silence retombe, seulement entrecoupé par ses allers-retours énervés entre sa penderie et son sac — elle a pas de baguette, cette idiote ? Elle ne se souvient de ma présence que plus tard et j'aurais préféré qu'elle s'abstienne.

« Ils sont où ? me demande-t-elle d'un ton bourru.
Si tu précises ta question, je pourrais peut-être répondre, dis-je sans lever la tête de mon livre.
Tes animaux. »

Ah, c'est le moment où nous évoquons les questions pratiques. Je lève les yeux vers elle, le visage lissé de toutes émotions.

« C'est pas mes animaux et ils font leur vie. »

Entendre par là que je n'ai pas vu Nyakane depuis ce matin et que Zikomo n'a jamais dépendu de moi pour gérer ses horaires — il doit explorer la forêt.

« Ils te dérangeront pas, ajouté-je néanmoins pour Rockfield histoire qu'elle ne me fasse pas une scène.
Un chat encore ça passerait, articule-t-elle, les dents serrées, mais eux… En plus, ils parlent ! C'est une chambre de deux, pas de trois ou quatre. Je pourrais très bien les faire interdire ici et… »

Elle se tait subitement en rencontrant mon regard noir. J'ai l'impression que ma colère était ce qu'elle cherchait, mais je dois me tromper, non ?

« Fais ça et je te jure que tu passeras une année de merde, Rockfield. » Ma sincérité rend ma voix acide. « Ils-te-dérangeront-pas, j'ai dit. »

Nous nous foudroyons du regard. Pendant un instant, je m'imagine sortir ma baguette et l'épingler contre un mur. Mais elle finit par lever les yeux au ciel et se détourner en marmonnant quelque chose comme : « Déstresse ! Mais tiens-les en laisse ».

Je pense à Narym et à sa question, plus tôt dans la journée ; vais-je aimer être dans une chambre de deux plutôt que de six ? Un rictus amer me barre le visage. Je ne crois pas, non.

Je repars à ma lecture et elle à son déballage. Il se passe exactement treize minutes avant qu'elle ne quitte de nouveau la pièce, ne supportant vraisemblablement pas d'être en ma présence.

26 sept. 2023, 07:55
Chambre 28  Recueil d'OS 
TRANSITION EN SUPINATION
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8 septembre 2048
AESM — Pays de Galles
1ère année à l'AESM

@Aliosus Nerrah


J'ai passé la journée dans un nuage de bonheur studieux. En rentrant dans la chambre, j'ai pris une heure pour raconter en long, en large et en travers ce que j'ai appris aujourd'hui en cours d'Ingénierie moldue et magique à Zikomo et Nyakane. L'absence de Rockfield était la bienvenue — je n'ai pas eu à supporter ses soupirs et ses répliques acides. Elle met de toute façon un point d'honneur depuis dimanche à passer le moins de temps possible ici.

Je quitte la chambre avant elle le matin et le soir elle ne revient pas avant qu'il soit l'heure de se coucher. Je la soupçonne de se réfugier dans une chambre voisine. Quand nous nous croisons dans le réfectoire, elle agit comme si je n'existais pas. Ce qui me convient parfaitement puisque je n'ai aucune envie de lui parler.

À présent, Zikomo s'est endormi à mes côtés. Il a passé la journée à parcourir les bois. « J'ai découvert un joli endroit, je te montrerai ce weekend, si tu veux, » a-t-il marmonné avant de fermer les yeux. C'est excitant l'idée de pouvoir quitter le domaine de l'école dès que je le désire, n'est-ce pas ? Je me sens libre et euphorique de cette nouvelle vie. La fatigue est effacée par l'excitation des nouvelles choses que j'apprends — mon esprit fourmille sans cesse d'idées nouvelles que je dois canaliser pour ne pas m'éparpiller. Je pense déjà au projet que je dois rendre en fin d'année, même si personne ne m'en a encore parlé. J'ai lu ça dans le programme. J'ai hâte de vivre chaque instant de cette nouvelle scolarité. Et quand je sens que les ombres dans mon esprit reviennent à la charge, en général le matin, je lance le Sortilège et tout va mieux.

Je me laisse aller contre les oreillers. Sur mes genoux, l'épais manuel d'Ingénierie magique et moldue. Il me faut déjà rédiger un papier sur le premier chapitre — et je compte bien potasser le second avant mardi prochain. De l'autre côté de la chambre, l'espace de Rockfield attire parfois mon regard malgré son lit vide et non fait. Elle a collé sur le mur en tête de lit des photos magiques que je suis allée regarder de plus près hier, quand elle était absente. Sa famille, des amis, des photos prises à Poudlard ou chez elle. Quant aux murs de l'alcôve pleine d'étagères ? Recouverts d'affiches d'un groupe de musique sorcier célèbre, de l'équipe de Quidditch du Japon et même d'un fanion de Serpentard. Elle a noué l'écharpe argentée et verte sur la tête de son lit — je ne l'imaginais pas nostalgique, à croire que je me trompais.

Je suis plongée dans ma lecture, à des miles du monde réel, lorsque qu'un bruit soudain contre la vitre de la fenêtre me fait sursauter. Zikomo redresse le museau et ses petits yeux dorés papillonnent pour s'accommoder à la lumière.

« Tiens, du courrier ? »

Effectivement. Un volatile qui bat furieusement des ailes devant la fenêtre en attendant que je daigne lui ouvrir. J'hésite : ça doit être pour Rockfield, autant la laisser se débrouiller, non ? Mais l'oiseau insiste et le bruit me tape sur les nerfs alors je pose mon livre et me lève pour ouvrir les battants. Il rentre dans la pièce en même temps que les effluves humides et boisées de la forêt. Il se pose sur mon armoire après avoir laissé tomber une enveloppe sur mon lit. Je la ramasse et grimace d'étonnement en avisant mon nom. C'est donc pour moi. Mais qui pourrait bien vouloir m'écrire ? Je pense à ces âmes coincées dans un château écossais. Peers ? Ce serait étonnant. Pas si tôt. Impossible que ce soit ma famille ; il n'y a guère que Narym qui m'a envoyé son hibou pour que j'écrive à notre père — « Loin de moi l'idée de te forcer à lui écrire, mais j'ai pensé que tu n'avais pas de hibou ou de chouette. Si tu ne veux rien envoyer au domaine, raconte moi donc ta rentrée et renvoie-moi Fehu. »

En parlant de hibou… Je relève la tête au moment où l'oiseau inconnu étend ses ailes.

« Attends, attends ! je m'exclame en allant fermer la fenêtre. Désolée, mais tu vas devoir attendre un peu. »

La bête claque du bec en refermant ses ailes.

« On sait jamais si je dois répondre, » marmonné-je.

Je prends note d'acheter du miamhibou dans un futur proche, au cas où. Je lui lance un regard d'excuse avant de m'asseoir pour ouvrir le courrier. Zikomo s'approche, curieux. Le contenu de la lettre est très court et surtout très surprenant. J'éclate de rire en avisant la signature ; un rire moqueur que j'aurais aimé qu'il entende pour le voir se renfrogner.

« Aliosus Nerrah ! m'étonné-je en secouant la tête. Qui l'aurait cru ? » Je me tourne pour lancer à Zikomo, un sourire ironique sur les lèvres : « Tu crois que je lui manque ?
Tu trouverais cela surprenant ? m'interroge le Mngwi en penchant la tête sur le côté.
Juste complètement impossible. Il doit bien se faire chier pour penser à m'écrire. »

Étrange comportement venant de mon renfrogné camarade Savant Sorcier. Je ne me serais pas étonnée d'une lettre de Macbeth, mais Nerrah? Je relis son courrier. Court et concis, qui mêle compliment et consigne sévère. Et cette formulation si technique. Heureusement que j'écoute ce qu'il me raconte, sinon je n'aurais pas pu savoir ce qu'était une transition en supination. Je pince les lèvres, soudainement outrée par son conseil ; ma gestuelle est très bien comme elle est ! Alors certes, je ne pousse pas la perfection aussi loin que lui, mais je n'agite pas non plus ma baguette n'importe comment.

Une réponse se forme déjà dans mon esprit. Je lance un regard embêté à l'oiseau qui me surveille de son regard acéré. Je n'ai pas le temps de réfléchir. J'attrape plume et parchemin, et m'installe au bureau pour griffonner quelques mots. Si j'étais sincère avec moi-même, je reconnaîtrais que ces étonnantes nouvelles de Poudlard me réjouissent — moi qui étais persuadée de devoir courir après les membres de la SSSS pour les forcer à nous retrouver pour de nouveaux entraînements. Mais je ne suis pas sincère avec moi-même et encore moins avec Aliosus Nerrah que je préfère traiter comme un adversaire que je respecterais plus ou moins que comme un camarade.

Ma réponse est tout aussi brève et concise que la sienne. S'il a choisi un ton assez neutre bien que moralisateur, de mon côté je préfère rester dans l'ironie et la légère défiance. L’écriture est un domaine totalement utilitaire, pour moi : je n’y prends aucun goût, pourtant j’ai la capacité depuis longtemps de savoir rendre des devoirs bien rédigés et d’écrire sans faute, ni de syntaxe ni d’orthographe. Je prends toujours soin, cependant, d’écrire comme je ne parle pas : d’une manière polie.
Nerrah,

Je ne te ferais pas l’affront de te demander tes propres résultats : je sais qu’ils ont été bons, tout comme les miens. Le contraire m'aurait déçue de la part d’un savant.

Puisque nous devons à présent nous inquiéter des progressions de l’autre, devrais-je m’enquérir de tes progrès avec le sortilège de Acuo ? Ainsi, nous aurions presque une conversation agréable. Une première.

AB
Je suis certaine qu'il froncera le nez en me lisant et cela me fait sourire. Puisque ce ne sont que des mots, mon léger mensonge passera inaperçu et c’est mieux ainsi. Cela aurait été dérangeant d’avouer qu’il ne s’agit pas de notre première conversation agréable, n’est-ce pas ? Je plie le parchemin et le laisse de côté. Lorsque le hibou demandera à sortir, je le laisserai aller — en attendant qu'il fasse la sieste s’il le désire.

05 oct. 2023, 11:38
Chambre 28  Recueil d'OS 
IL EXISTE DES MOTS QUI ME FONT SOURIRE
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Lundi 14 septembre 2048
AESM — Pays de Galles
1ère année à l'AESM

@Adaline Macbeth


Tap. Tap. Tap.

Je me retourne dans mes draps, épuisée alors que je n’ai même pas encore ouvert les yeux. Je me blottis sous ma couette, le nez contre le pelage de Zikomo, l’esprit encore bienheureux de la torpeur ensommeillée dans laquelle je me trouve. Mais le réveil n’est pas loin et déjà je commence à me souvenir des images qui ont hanté ma nuit. Des flash sombres et douloureux qui palpitent à l’orée de ma conscience.

Tap. Tap. Tap.

Je la déteste, songé-je en enfonçant la tête sous l’oreiller, rassurée de pouvoir me concentrer sur elle plutôt que sur les souvenirs de mes cauchemars. Je déteste ma colocataire, je déteste dormir sans qu’aucun mur ne nous sépare, je déteste les mouvements agacés que j’entends provenir de son lit. Elle ne peut pas être respectueuse, pour une fois ?

Tap. Tap. Tap.

« Merlin, Bristyle ! Tu vas l’ouvrir cette foutue fenêtre ? »

Le rugissement m’arrache totalement à mon sommeil. Je me redresse sur le matelas, les cheveux en vrac, la vision encore floue et un début de mal de tête sourdant à l’arrière de mon crâne. Rockfield est aussi échevelée que moi. Son tee-shirt lui dévoile une épaule et ses cheveux blond partent dans tous les sens. Mais son regard, lui, est bien alerte et s’il pouvait lancer des sorts, je serais déjà morte depuis longtemps.

« Tu peux pas l’ouvrir toi-même ? râlé-je en me frottant les yeux.
Je connais tous les hiboux qui veulent m’envoyer du courrier, moi, et lui je le connais pas. Ouvre-lui ! »

Tap. Tap. Tap.

Derrière la fenêtre, le volatile continue son impitoyable appel. Il me semble voir dans son regard le même reproche que j’ai aperçu dans celui de Rockfield : bouge-toi, ouvre-moi ! Je soupire profondément et longuement avant de repousser ma couette. Les frissons grignotent ma peau lorsque je pose le pied à terre. Il fait tellement froid. Je me lève en fermant les yeux, le temps que ma tête cesse de tourner. Puis je me penche vers la fenêtre pour ouvrir à l’oiseau.

Rockfield s’est laissée retomber sur son matelas, un bras par-dessus le visage comme si me voir lui était insupportable. Elle ronchonne à mi-voix, ce qui me donne envie de laisser la fenêtre ouverte un peu plus longtemps juste pour l’agacer davantage. Mais le froid qui s’immisce dans la pièce est désagréable en ce matin de septembre et je n’ai aucune envie de trembler davantage.

Je me jette sur mon lit en attendant que le hibou inconnu daigne me délivrer le courrier. Rockfield se redresse à moitié et pose un pied au sol en foudroyant l’oiseau du regard.

« Tu passes tes nuits à me réveiller avec tes cauchemars et maintenant ça ? Sérieux, grogne-t-elle en repoussant sa couette, la prochaine fois dis à tes potes de t’écrire à un autre moment. D’toute façon, d’puis quand t’as des potes, c’pas comme si… »

Je la laisse parler. Sa voix finit par être étouffée lorsqu’elle claque la porte de la salle de bains derrière elle. Je jette un regard vers son côté de la chambre sans pouvoir retenir une grimace agacée. Je ne pensais pas que mes cauchemars la dérangeaient. Enfin, ce n’était sûrement que cette nuit, ce n’est rien d’important. Je me passe une main sur le visage avec un soupir tremblant. Je déglutis péniblement. Le réveil est toujours très difficile. Je ne sais pas pourquoi, les cauchemars ces derniers temps ont une texture particulièrement réelle. Mes mains tremblent beaucoup, je serre les poings dans le vain espoir de retrouver mon calme. Je suis épuisée. Chaque matin, c’est un peu plus difficile que le précédent.

Un piaillement me ramène au moment présent. Un parchemin tombe sur ma couette. Je lève les yeux vers le hibou. Qui donc peut m’écrire ? Qui donc peut encore m’écrire ? Impossible que ce soit Delphillia puisque je n’ai pas encore répondu à son courrier. Une réponse de Nerrah ? Non, impossible de le croire cette fois-ci : l’oiseau n’est pas le même. Je n’ai pas la force de continuer à essayer de deviner alors je me contente d’ouvrir le courrier et de le lire, enfoncée dans mon lit et sous ma couette pour atténuer les frissons qui parcourent ma peau.

Adaline Macbeth. Le courrier vient donc d’elle. Étrangement, la lecture de ces quelques mots soigneusement griffonnés éloigne quelque peu le souvenir des cauchemars. Je me rends compte de deux choses à la fin de ma lecture : d’une part, j’ai un sourire sur les lèvres ; et d’autre part, ma gorge est un peu moins nouée que précédemment. Je n’apprends rien d’intéressant dans ce courrier, pourtant il répond à des questions que je n’avais même pas conscience de me poser. Je me demande si Macbeth savait que j’avais envie de savoir ce qu’il se passait à Poudlard. Non, sûrement pas, et c’est mieux ainsi. Son enchaînement de questions m’indique cependant qu’elle est aussi curieuse à propos de ma vie estudiantine et là, je retrouve la jeune fille que j’ai appris à connaître ces derniers mois, celle qui me ressemble parfois : elle demande, elle questionne, parfois on croirait même qu’elle exige. Ce sont des questions simples qui appellent à des réponses simples. C’est un courrier qui ne me fait ni ressentir trop ni ressentir pas assez — c’est donc un courrier qui me contente sur tous les points.

Un regard jeté à mon réveil m’indique que je ne pourrais pas répondre maintenant. J’ai un cours de Fondamentaux de la magie qui m’attend. Dehors, le ciel déverse encore des trombes d’eau, comme ça a été le cas toute la nuit. Je jette un regard embêté au volatile qui lisse ses plumes sur le haut de son armoire. J’ai oublié d’aller sur le Chemin de traverse pour acheter du Miamhibou, ce weekend.

« Je te laisse te reposer un peu puis je devrais te laisser partir, » lui dis-je à voix basse.

Il ne me jette même pas un regard. Encore un courrier à envoyer à Poudlard sans savoir comment faire. Après trois courriers reçus en l’espace de quelques jours, je peux raisonnablement considérer qu’un quatrième n’arrivera pas ; impossible donc d’attendre qu’un hibou vienne pour emporter ma correspondance au loin. Il va vraiment falloir que je réfléchisse à une solution.

Lorsque Rockfield sort enfin de la salle de bains, je me lève pour prendre sa place, l’esprit concentré sur cette histoire de hibou et sur les mots d’Adaline Macbeth qui, impossible de le nier, me font plaisir.

| RÉPONSE D'AELLE > Chère Aelle Bristyle

08 oct. 2023, 11:24
Chambre 28  Recueil d'OS 
LES MURMURES NOIRS
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Jeudi 24 septembre 2048
1ère année à l'AESM



Ashley n’aimait pas Aelle, comme l’on peut parfois détester une personne qui représente tout le contraire de ce que nous sommes et de ce que nous aimons. Elle ne l’a pas détesté dès leur première rencontre. Le sentiment a grandi durant de longues années jusqu’à se transformer en une chose peu objective à laquelle on s’accroche presque désespérément. Au départ, Bristyle n’était qu’une rumeur en arrière plan. Les étudiants habillés de jaune et de noir parlaient d’elle, parfois. Ils racontaient des choses qui se déroulaient dans l’intimité de leur terrier. Ils évoquaient ses regards, son ton cassant, sa méchanceté, sa solitude. Un sentiment a commencé à se former dans l’esprit d’Ashley, c’était facile de croire ce qui se disait. Les murmures n’ont jamais tort : Aelle n’était pas fréquentable et de ce que la jeune Ashley avait pu voir, c’était vrai. Solitaire, renfrognée, triste. Et cette rumeur qui avait couru durant leur première année ; et cette rumeur qui s’était confirmée durant leur seconde année ; et la colère générale à son encontre durant leur troisième année… Rien de plus facile, par la suite, de prendre le silence d’Aelle pour de l’arrogance et de la trouver hautaine dans tous ses comportements. Ses paroles lancées froidement, ses regards qui ne se posaient sur personne, cette persistance à rester seule, à quelques exceptions près. C’était insultant, un tel comportement.

Ashley s’était toujours considérée comme saine, gentille, intéressante, le genre de fille avec du caractère, celle qui plaisait aux jeunes garçons et aux jeunes filles ; aucun problème pour aller vers les autres, pour faire connaissance, se faire des amis, nouer des liens. Une personne tout à fait normale, à bien des égards, songeait-t-elle parfois. Aelle était comme une insulte à sa normalité : trop différente ! lui hurlait son instinct. Le problème avec la différence, selon Ashley Rockfield, c’était qu’elle était encore moins acceptable lorsqu’elle se caractérisait par des regards noirs et une carapace très épaisse. Pour elle, ce n’était pas compliqué d’être aimable et agréable avec les autres — toute personne ne l’étant pas agissait ainsi par choix et était donc condamnable. Aelle était condamnable.

Après tout ce portrait dressé, plus personne ne s’étonnera donc de savoir que la cohabitation avec Aelle Bristyle ne réjouissait pas le moins du monde l’ancienne Serpentard qui éprouvait une colère presque physique à chaque fois qu’apparaissait Aelle, qu’elle ouvrait la bouche, qu’elle bougeait, bref qu’elle montrait qu’elle existait.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux cette nuit-là, Ashley éprouva une vive colère envers sa colocataire qui, elle le savait instinctivement, venait de la réveiller. La chambre était plongée dans l’obscurité mais de l’autre côté de la pièce, des bruits se faisaient entendre. Des mouvements brusques sous des draps, des gémissements, des cris retenus. Ce n’était pas ce que vous pensez, même si Ashley y pensa brièvement. Elle était habituée, à force. Cela faisait quasiment un mois qu’elle dormait là, proche de cette fille qu’elle n’aimait pas. La première fois, elle s’était étonnée : la grande Aelle Bristyle en proie à des cauchemars ! Elle en avait parlé à ses amis de Poudlard ; cela lui avait fait du bien de se moquer d’une personne que rien ni personne ne pouvait atteindre. Elle avait beaucoup moins ri la seconde fois, puis la troisième fois, puis la quatrième et toutes les nuits suivantes. Ce n’était pas systématique, mais c’était récurrent. Des cauchemars, encore et encore. Ashley aurait pu prendre Aelle en pitié, être désolée pour elle. Le contraire arriva plutôt : elle la détestait encore plus fort de la réveiller et de ne pas en éprouver la moindre once de culpabilité.

Cette nuit, c’était différent, Ashley le savait. Elle se redressa, les yeux écarquillés pour tenter d’apercevoir le lit de l’autre côté de la pièce. Des mouvements se discernaient dans le noir. Elle se pencha pour attraper sa baguette magique sur la table de chevet et illumina la chambre d’une lueur blafarde. Un sentiment de peur inexplicable coula dans ses veines quand elle aperçut Aelle s’agiter au milieu de ses draps. Des coups de pieds violents envoyés dans le vide, les doigts agrippés au matelas et son souffle, rauque, agité, résonnait dans la pièce. Ashley déglutit malgré elle — pour sa défense, jamais elle n’avait été confrontée à des cauchemars qui n’étaient pas les siens, et les vagues réveils en sursaut de l’ancienne Poufsouffle ces dernières semaines n’étaient rien comparé à ça.

Ashley hésitait quant à la marche à suivre. Devait-elle la réveiller ? L’idée de l’approcher la répugnait. Lui lancer un sortilège de silence ? Cette solution la tentait de plus en plus, même si elle était moralement discutable — mais qui le saurait ? Elle en était là de ses réflexions lorsque cela arriva.

Aelle se redressa sur le lit dans un hurlement aigu, une expression de pure horreur peinte sur le visage. Ashley se plaqua contre le mur, sa couette relevée devant elle, la baguette pointée vers l’avant. Son cœur battait à toute allure. Mais Aelle ne la regardait même pas. Ses traits étaient tordus par une peur invisible. Sa respiration tremblante résonnait dans la pièce. De longs gémissements effrayés sortirent de sa bouche, des paroles indiscernables, des mots sans sens. Elle chuchota doucement, puis plus fort, les mains agrippées au matelas.

Il fallut à Ashley de longues secondes pour se sortir de cette crainte inexplicable qu’elle ressentait alors que ce n’était pas elle qui faisait un cauchemar. Mais le visage fait d’ombres de cette fille qu’elle n’aimait pas dissimulé dans l’obscurité l’impressionnait beaucoup et elle avait peur de devenir sa cible si elle faisait trop de bruit. Au bout d’un moment, elle réussit à bouger. Elle repoussa sa couette, le regard braqué sur Aelle qui continuait de gémir, les joues striées de larmes, la voix cassée par des cris retenus. Ashley craignait qu’elle se mette soudainement à hurler. Elle n’avait pas envie que tout le bâtiment se pointe ici.

« Bris… » Elle s’éclaircit la voix et se sentit idiote. « Bristyle ? Bristyle, tu, t’es… C’est qu’un cauchemar… »

Ashley grimaça. Foutue Bristyle ! Regarde ce que tu me fais faire ! Mais Bristyle ne la regardait pas, elle ne semblait même pas l’avoir entendue. Elle marmonnait, les yeux grands ouverts sur le vide ; elle poussa un cri, puis un second. Le sang se figea dans les veines d’Ashley. Aelle leva les bras pour frapper le vide.

« Aelle ! tonna alors sa colocataire en se levant dans un mouvement brusque.
Ne la réveille pas. »

La voix provint d’un coin du lit d’Aelle. Le museau bleu de Zikomo sortit de sous les draps. Aucune trace du volatile. Ashley lui lança un regard sombre et s’approcha sans faire fi de son ordre. Elle se planta devant le lit de l’autre fille, agita la main devant son visage. Sa peur se transformait en colère. Elle serra les poings, à deux doigts de secouer Aelle par les épaules pour la réveiller, coûte que coûte. Mais au moment où Ashley leva les bras, la Poufsouffle retomba sur le matelas, les yeux fermés. Elle se roula en boule sous sa couette, les membres tremblants. Elle se mit à sangloter tout doucement. Elle ne paraissait pas s’être réveillée. Zikomo conseilla à la blonde d’aller se recoucher.

« Ça va aller, » dit-il en se blottissant dans le cou d’Aelle.

Ashley les considéra un long moment, debout à côté du lit. Elle trouva Aelle pathétique et l’en détesta encore plus fort.

*


Quand elle se réveilla, Aelle sut directement que le Sortilège ne faisait plus effet : elle avait des souvenirs plein la tête et sentait ramper sous son crâne les tentacules d’un désespoir qui la clouait sur le matelas. Elle se souvenait de tout, de sa directrice à ce qu’il s’était passé cet été. Elle savait même d’où provenaient ses cauchemars de la nuit. Elle n’avait qu’une envie : lancer de nouveau le Sortilège pour oublier, même oublier que cela lui donnait des cauchemars.

« T’as vraiment un problème. »

La voix tomba comme une enclume dans la petite chambre jusqu’alors silencieuse. Aelle fit un effort pour ouvrir les yeux, ce qu’elle regretta aussitôt puisqu’elle tomba sur une Ashley déjà habillée au regard accusateur. De bon matin, vraiment ? Elle ne pouvait pas attendre qu’elle se réveille avant de lui prendre la tête ?

« Qu’est-c’tu veux, encore ? » marmonna Aelle en se redressant sur le matelas, l’âme noire et les lèvres incurvées vers le bas.

Puisqu’elle passait toutes ses journées à ne pas penser à eux, ses souvenirs ne devraient-ils pas être moins intenses ? C’était pourtant le contraire qui arrivait. À chaque fois que le Sortilège cessait de faire effet, Aelle accusait le coup du retour de ses souvenirs plus douloureusement que la veille.

« Tu m’as fait quoi, cette nuit ? siffla Ashley.
Hein ? fit bêtement Aelle en fronçant les sourcils, la main appuyée sur le front pour contenir un mal de tête naissant. Je comprends rien à ce que tu dis. Je t’ai rien fait. Je dormais. »

Chaque mot semblait peser une tonne dans sa bouche. Elle n’avait pas l’énergie. Elle n’avait pas la force de parler, de tenir tête à une fille capricieuse. Elle avait l’impression qu’un trou s’était ouvert dans son âme et s’y laisser tomber lui semblait la meilleure chose à faire. Mais Ashley ne la laissa pas faire, elle continua de l’accuser, avec son regard noir et ses paroles brusques.

« T’es somnambule, c’est ça ? Tu aurais pu me le dire, hein. J’en pouvais déjà plus de tes cauchemars à répétition mais si tu es…
Je le suis pas, souffla Aelle d’une voix qui manquait de force. Je suis pas somnambule. Laisse-moi, maintenant. »

Elle planta ses coudes sur ses genoux et plongea le visage dans ses mains. Elle prit plusieurs longues inspirations dans l’espoir de faire disparaître sa nausée. Ashley la regardait avec mépris, en colère qu’elle n’avoue pas ses torts.

« Ah parce que t’étais pas somnambule cette nuit, quand t’étais assise sur ton lit comme une idiote à crier et pleurer ? lui lança Ashley, cruellement ravie de pouvoir l’humilier.
Quoi ? s’étonna Aelle en levant un œil vers elle. Arrête de raconter des conneries.
C’est ce qu’il s’est passé, tu m’as réveillée ! »

Aelle la suivit du regard lorsqu’Ashley traversa la pièce en jurant pour attraper sa cape dans la penderie. Elle claqua la porte et foudroya la Poufsouffle du regard. Mais Aelle ne comprenait pas. Elle savait plus ou moins qu’elle avait fait des cauchemars cette nuit mais elle n’avait pas… Elle ne s’était pas réveillée.

« Je me suis pas réveillée, cette nuit, articula-t-elle lentement quand Ashley passa près d’elle pour récupérer son sac abandonné sur le sol.
Ah bon ? ironisa celle-ci. Tu veux que je prenne une photo de ta tronche la prochaine fois ? »

Elle se planta devant Aelle qui se recula et se tordit la nuque pour la regarder. Les mains sur les hanches, Ashley lui paraissait très grande, mais elle n’avait pas la place de se relever sans la frôler, alors Aelle resta assise, le regard noir et le menton dressé dans un effort pour paraître digne.

« T’étais assise sur ton lit, effrayée par je sais pas quel cauchemar débile et tu criais. Comme une gosse.
Va te faire voir, cracha Aelle qui n’aimait pas le ton moqueur de sa colocataire.
Non, toi va te faire voir, » la remballa Ashley en haussant la voix.

Elle quitta la pièce en claquant la porte derrière elle. Aelle se laissa retomber contre le matelas, épuisée, essayant de se souvenir de son réveil nocturne. En vain, évidemment. Sa perplexité s’effaça bientôt pour laisser la place à autre chose de bien plus puissant. Elle avait la sensation que rien ne pourrait plus jamais la faire sourire ; cette impression que le monde entier pesait sur son âme et que rien ni personne n’arriverait à la faire remonter du gouffre sans fond dans lequel elle était en train de sombrer. Les larmes commençèrent à lui monter aux yeux. Elle sentit Zikomo grimper sur son torse, écrasant sans état d’âme son corps pour remonter jusqu’à son visage.

« Tes cauchemars ont été très violents cette nuit, murmura-t-il, Ashley n’a pas menti. Tu ne te rappelles de rien ? »

Aelle secoua frénétiquement la tête de droite à gauche. Elle n’avait pas la force de parler, pas la force ou pas l’envie. Soudainement, elle éclata en sanglots bruyants et douloureux.

« Oh, Aelle… »

Ses bras tremblants se refermèrent autour du Mngwi. Ce dernier plongea son museau dans le cou de son amie en murmurant des mots qu’elle n’entendit de toute manière pas.

Plus tard ce jour-là, quand Aelle aura réussi à se lever et à s’extirper de la mélasse boueuse qui l’enfermait dans son malheur, elle attrapera sa baguette magique et éteindra magiquement tous les souvenirs qui la hantaient. Elle éteindra son été, son ancienne directrice (de leurs souvenirs communs à son nom), sa rancœur et sa tristesse, ses cauchemars et leurs origines. Et ça ira beaucoup mieux.

08 oct. 2023, 11:58
Chambre 28  Recueil d'OS 
DE ROUGE ET DE BLEU
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29 septembre 2048
1ère année à l'AESM

@Sixtine Valerion


« Vas-y, tu me laisses la chambre, ce soir ?
Quoi ? »

Je me tords la nuque pour regarder Rockfield, affalée sur son lit. Je suis bien forcée de m’extirper de ma concentration studieuse — j’étais pourtant en train de réviser mon cours de Design magique qui m’a récemment appris que le génie n’était pas forcément toujours instinctif comme je le pensais jusqu’alors. Ashley Rockfield, que tout le monde ou presque appelle Ash, mais je ne suis pas tout le monde, me regarde avec ses sourcils froncés et son air un peu revêche. Sa chevelure blonde est vaguement chignonnée sur le haut de son crâne. Je jette un regard agacé à sa cape qu’elle a balancée sur le sol devant son lit en rentrant et dont la manche dépasse clairement de mon côté de la pièce. Sur le sol. Une cape sur le sol. N’a-t-elle pas une penderie ? Ou mieux, une patère ? Si, elle a les deux, mais non elle préfère lancer ça sur le sol. Je serre les mâchoires en soutenant son regard. Je reviens au sujet qui nous préoccupe pour le moment : j’ai bien rêvé ce qu’elle m’a demandé, n’est-ce pas ?

« La chambre, tu veux pas me la laisser ? » répète-t-elle.

Non, je n’ai pas rêvé. Son visage se ferme un peu plus lorsque j’arque les sourcils — ma surprise doit la vexer mais à quoi s'attendait-elle d'autre ? Pourquoi voudrait-elle que je quitte la chambre ce soir ? C’est ma chambre !

« Non ! lui réponds-je alors sur le ton de l'évidence, ce qui ne lui plaît clairement pas.
Juste ce soir ! Tu peux aller dormir ailleurs, non ?
Pourquoi tu voudrais que je te laisse la chambre ?! C'est aussi chez moi ici, je te rappelle ! »

Comme à chaque fois que nous nous parlons, le ton monte rapidement. Je vois bien que ses doigts sont crispés sur son coussin et moi, j'ai envie de lui envoyer une vulgarité dans le visage. Son ton m'agace, sa tête m'agace, sa demande m'agace, tout m'agace chez elle. J'aurais pu rester neutre si elle n'avait pas cette façon de me parler — celle qui fait sentir que l'on inspire que de la pitié à l'autre. Rockfield prend une grande inspiration en fermant brièvement les yeux. C'est ça, songé-je, essaie de te calmer, je vais me faire un plaisir de t'énerver encore plus.

« Écoute, reprend-t-elle plus calmement, c'est seulement que ce soir, j'ai besoin de la chambre et que je…
Je vois pas pourquoi t'en aurais besoin, l'interromps-je sur un ton froid, et la réponse est non.
Sérieux, tu vois pas ? »

Elle me lance un regard goguenard. Ses s'étirent irrésistiblement sur les côtés, comme si elle essayait de retenir son sourire moqueur — elle n'y arrive pas et cela me vexe. Quoi, qu'est-ce que je ne comprends pas ?

« Tu comprends pas pourquoi je veux la chambre ce soir ? »

Oui, définitivement vexée. Mon visage se ferme, je me retourne vers mon bureau. Lorsque je reprends la parole, ma voix est acide.

« Ce soir, comme tous les soirs, je serai ici. Si t'es pas contente, t'as qu'à aller ailleurs.
Merlin, je sais pas si t'es naïve ou idiote, Bristyle. »

Il ne me faut pas davantage. Je m'expulse de la chaise, laquelle tombe lourdement sur le sol. Je n'ai même pas attrapé ma baguette, j'ai juste envie de lui faire comprendre qu'elle ne peut pas me parler comme elle le fait. Je fais un pas rageux vers elle, mais à mon plus grand étonnement elle est déjà debout. Et elle a ramassé sa cape, celle qui dépassait de mon côté, et s'éloigne lestement.

« Ça te tuerait d'être gentille de temps en temps ? me jette-t-elle en enfilant le vêtement.
Avec une fille comme toi, ouais ! »

Je fais un autre pas dans sa direction. J'ai le plaisir de la voir reculer vers la porte d'entrée. Ma colère est retombée aussi rapidement qu'elle est apparue, mais cela ne m'empêche pas de siffler :

« Fais attention à la façon dont tu me parles, un jour je pourrais ne pas retenir un malencontreux sortilège. »

Elle ricane. Elle ose ricaner.

« Tu me fais pas peur, » marmonne-t-elle en quittant la pièce.

Elle claque la porte derrière elle, très fort. Quelques secondes passent avant que je ne parvienne à me retourner vers Zikomo et Nyakane, tous les deux bien éveillés sur mon lit. Je comprends au regard du second que mon ton et ma façon d'agir lui déplaisent — quand on est un Messager des rêves, on n'aime guère les menaces. Je préfère me concentrer sur le Mngwi auquel je lance un regard perplexe en me rasseyant au bureau.

« Qu'est-ce qui lui prend ? soufflé-je en secouant la tête. Et elle voudrait que j'aille dormir où ? Juste pour son petit caprice. C'est complètement idiot. »

J'attrape une plume, mais la concentration n'est plus là. Ce qu'il y avait de bien avec les dortoirs de Poufsouffle, c'est que je pouvais aisément m'isoler dans mon alcôve. Personne ne venait me déranger. Je n'avais pas à supporter une telle intimité avec les autres filles. Je n'avais pas leur lit en face du mien et leurs regards noirs ne pouvaient pas m'atteindre.

« Elle voulait ramener quelqu'un. »

Zikomo me dit ça en trottinant jusqu'au bout du lit pour me parler plus facilement. Il a le droit à une oeillade perplexe, encore.

« Quelqu'un ? C'est bizarre, elle a qu'à aller voir ce quelqu'un ailleurs, hein.
Je pense, insiste le Mngwi sur un ton patient, mais j'entends bien l'amusement percer dans sa voix, qu'elle avait envie d'une certaine forme d'intimité.
Non mais on est deux ici, m'énervé-je, elle peut très bien aller… »

Est-ce le regard éloquent que me lance Zikomo qui me permet de comprendre ou bien réussis-je à assembler les pièces du puzzle ? Quoi qu'il en soit, tout devient soudainement très clair. Et par l'oeuvre de Merlin, ma colère fond comme neige au soleil, remplacée par un sentiment de gêne inexplicable qui me rend incapable de croiser le regard du Messager.

« Oh. »

Juste oh, parce qu'il n'y a rien à répondre d'autre et que l'idée que toute la conversation avec Rockfield ait tourné autour de ce sujet sans que j'en prenne conscience est assez malaisante.

Je baisse la tête sur la plume avec laquelle je m'amuse et décide tout à coup de me remettre au travail. J'approche livre et parchemin et essaie de comprendre la leçon de Design magique que j'ai eu la semaine dernière. Zikomo a l'intelligence de ne faire aucune remarque. Il saute sur le bureau pour lire mes notes avec moi. Mais j'ai beau faire, mon attention est totalement relâchée. Comme je ne suis pas du genre à papillonner durant des heures sans avancer, je me laisse aller contre le dossier de la chaise dans un soupir et abandonne ma plume sur le bureau pour m'étirer.

J'aimerais dire que c'est un simple hasard si mon regard tombe sur le premier tiroir à ma droite mais ce serait un mensonge. Ce n'est pas le hasard qui me fait l'ouvrir et encore moins qui me pousse à attraper le collier qui se cache sous la pile de rouleaux de parchemins vierges. C'est l'habitude, un geste machinal que l'on fait sans y penser, que j'ai fait tout l'été quand le collier était caché dans ma table de chevet à la maison ou dans l'armoire chez Narym le reste du temps. Geste que j'ai répété plusieurs fois depuis mon installation ici et de plus en plus récemment ces derniers jours.

Je tire le collier pour le sortir du tiroir. Le fil enroulé autour de mes doigts, la pierre repose sur la paume de la main. Comme toujours, des sentiments ambivalents m'envahissent. La curiosité. La rancœur brûlante.

« Il est encore rouge, dis-je à Zikomo en caressant le collier du bout du doigt. Ça fait des jours. »

Le Mngwi se penche sur la paume de ma main et acquiesce, les oreilles pliées en une mimique soucieuse. Le collier de Sixtine Valerion brille comme une foutue flamme depuis un moment maintenant. Avant, il passait par toutes les couleurs mais cela n'avait rien d'étrange. On passe tous par tout un panel d'émotions, au quotidien. Mais là, il est soit rouge, soit bleu. La colère ou la tristesse. Une colère qui jamais ne cesse. Une colère qui me questionne. Parfois, elle me rend heureuse. Je me dis : tant mieux, ça veut dire qu'elle va mal ! et ça me fait du bien.

Je n'ai jamais mis le collier, surtout pas. Je me souviens bien de ce qu'elle a dit à Zik au sommet de la tour d'astronomie, cette nuit-là. Je sais que si je mets le collier pendant la journée, elle ne remarquera rien d'étrange. Si je le mets le matin quand le Sortilège ne fait plus effet, j'imagine qu'il brillera — de rouge ou de bleu ? Ou une autre couleur dont je ne connais pas la signification ? Je ne sais pas, je n'ai aucune idée de ce que j'essaie si fort d'oublier, je sais seulement que j'oublie et que c'est mieux comme ça.

Dans tous les cas, je n'ai aucune envie de le mettre. Mes émotions ne concernent personne d'autre que moi. Par contre celles de Valerion… Accorde-t-elle si peu d'importance à ce que je pense pour me donner ainsi accès à ses émotions les plus intimes ? J'en éprouve une nouvelle bouffée de rancœur qui a le goût de la colère. Parfois, j'aimerais me retrouver face à elle pour lui envoyer des sortilèges cuisants dans le visage. Parfois, je pense au bien que cela me ferait de lui faire du mal. Ces images apaisent la honte brûlante qui me reste de notre dernière entrevue. Là, ce soir, en observant le collier je ne visualise pas ces images, mais je me demande ce qui peut à ce point troubler sur le long terme une femme de son âge.

J'ai déjà résisté plusieurs fois à l'envie qui me prend lorsque je regarde le collier. Ce soir, je ne résiste pas. Je tire un parchemin et je rédige quelques mots brouillons que j'abandonne ensuite dans le tiroir, en compagnie du collier. Jeudi ou vendredi, un hibou nommé Cara partira en direction de Poudlard pour livrer un courrier à la professeure de Défense contre les Forces du Mal. Mais pour le moment, j'ai un cours de Design à comprendre et même si je n'aime pas beaucoup cette matière, je me force à m'y intéresser pour ne pas songer au collier qui brille de rouge et de bleu.
| LETTRE COMPLÈTE > Le vert de l'excellence

25 oct. 2023, 18:36
Chambre 28  Recueil d'OS 
LETTRE ROUGE
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Lundi 19 octobre 2048
1ère année à l'AESM
Lettre de Sixtine



La chose arrive un matin, interrompant la routine habituelle de la chambre numéro 28 de l’Académie d’Enchantements, de Sortilèges et de Métamorphose. Je suis affairée à terminer mon sac, entassant livres, parchemins et cahiers dans l’étroit espace lorsque le hibou tapote à la fenêtre. Rockfield ouvre avant même que j’ai le temps de bouger. Je l’ignore, puisqu’elle aura tôt fait d’envoyer la lettre de mon côté si elle m’est destinée. Mais au moment où j’attrape la boîte en fer posée sur mon bureau, je remarque le silence soudain qui est tombé dans la petite chambre. En me tournant vers la jeune femme qui déjà a enfilé cape et écharpe, mon estomac se noue brusquement. Je remarque simultanément deux choses. La première, c’est ses yeux ronds comme des billes braqués sur moi — à la fois surpris, choqués et rieurs. La seconde, c’est l’enveloppe rouge qu’elle tient dans la main et qui explosera d'un instant à l’autre. Je devine instantanément qu’elle est pour moi, Rockfield ne me regarderait pas comme ça, sinon.

Une angoisse bien familière se répand dans mes veines. Une angoisse ressentie par des millions de sorciers avant moi, l’angoisse qui tord le coeur, qui noue les entrailles : celle qui arrive toujours lorsque l’on sait qu’on va se faire engueuler et que le moment à suivre sera particulièrement douloureux. Je n'ai jamais reçu de beuglante de toute ma vie. Le silence dans la chambre 28 s'alourdit. Ni Rockfield ni moi n’osons bouger. Pendant une demi-seconde, nous nous ressemblons, elle et moi ; deux sorcières qui savent ce qui va arriver et qui le craignent. Puis le moment s’enfuit : ma colocataire ouvre la bouche.

« Une beuglante, Bristyle ? Ahah, oh Merlin ! Mais qu’est-ce t’as foutu ? C’est papa et maman qui te grondent parce que…
Accio ! »

L’enveloppe s’arrache des mains de Rockfield pour atterrir dans les miennes. Je le sais, je le sens. Elle va exploser d’un instant à l’autre et je comprends à mon coeur affolé que je ne vais pas du tout, mais alors pas du tout aimer ça. Je foudroie la blonde du regard ; sa foutue bouche est encore en train de s’ouvrir.

« La ferme ! » rugis-je avant de me jeter dans la salle de bains pour m’y enfermer à double tour.

Au moment même où l’enveloppe se déchire, j’envoie un sortilège d'impassibilité sur la porte pour m’isoler. Un battement de cœur suffit pour que je reconnaisse la voix qui se met à hurler dans la petite pièce — un battement pour que je comprenne que je ne vais pas seulement détester ça, ça sera encore pire.

Tétanisée, je m’accroche à l’évier, croisant dans le miroir mon reflet blafard aux yeux noirs écarquillés. Je devine mon souffle affolé sans l’entendre ni le sentir. C’est comme si j’avais quitté mon propre corps. Dans la salle de bains résonnent les cris de Sixtine Valerion et ce qu’elle a à me dire fait virevolter mon cœur. J’ai beau m’accrocher de toutes mes forces à la faïence, ça ne change rien à la colère qui monte, qui monte dans mon corps, née de l’incompréhension et du sentiment d’injustice que je ressens. Les « tu es stupide ! » et les « égoïste » s’inscrustent tout au fond de moi sans que je puisse pour autant les comprendre. Et que faire de ce qu’elle me dit à propos du collier et du fait de l’aider ? Et pourquoi voulait-elle que son collier brille, pourquoi sa colère disparaît, pourquoi a-t-elle l’air triste tout à coup, pourquoi…

Impossible de réfléchir, mes pensées se mélangent dans mon esprit en coton. Je comprends tout ce qu’elle me dit et en même temps je ne saisis rien. J’entends le tutoiement sans réussir à le conceptualiser. Mon corps fait beaucoup trop de bruit pour que je puisse vraiment comprendre les tenants et les aboutissants de telles accusations. Je reçois sans pouvoir me défendre. J'avais oublié combien les mots pouvaient me faire mal. J'avais oublié ce que cela faisait d'être victime des paroles de Sixtine Valerion.

Les mots retombent. Une longue pause qui remplace les cris par un bourdonnement dans mes oreilles. Lorsque les premiers sanglots retentissent, je m’éloigne doucement du lavabo jusqu’à ce que mes jambes touchent la baignoire. Je me laisse glisser au sol, bercée les battements profonds de mon coeur. Les pleurs me parviennent en sourdine. Ce ne sont pas de simples sanglots. Ce sont de longues minutes durant lesquelles ces seuls bruits résonnent. Je ressens un sentiment de gêne inexplicable. C’est pour cela que je ne prends pas conscience sur le moment de ma gorge nouée et de mes poings serrés. Ma main qui tient ma baguette magique tremble ; l’autre s’accroche à mes cheveux lorsque je baisse la tête, yeux fermés, pour la poser sur mes genoux repliés. J’ai envie de faire exploser cette beuglante, songé-je en écoutant les sanglots de Valerion. J’ai envie de la faire exploser. Je ne peux plus vous entendre, je ne veux pas vous entendre pleurer, je ne veux pas de tout cela, je ne veux pas de votre peine, de votre désespoir. Ça me convenait de vous savoir mal, vous savoir mal loin. Maintenant, avec votre voix, c’est comme si vous étiez là, comme si vous pleuriez devant moi. Vos sanglots résonnent dans ma tête. Vous, une si grande femme ! Une professeure, une personne qui a vécu tant de vies ! Vous pleurez à mes oreilles comme si… Comme si… Je lâche ma baguette pour resserrer les deux bras autour de ma tête ; sur la toile de mes paupières fermées apparaissent des points lumineux. J’entends ma respiration laborieuse et ses sanglots. Je l’imagine prostrée dans un coin de son appartement à Poudlard, enregistrant ses larmes et sa douleur pour me l’envoyer. Je ne comprends pas ce qui est en train de se passer, je suis incapable de le comprendre. Mais ça me fait mal à l’intérieur, juste là, sous le plexus, comme si c’était moi qui pleurait et qui avait mal.

Je ne pensais pas que les sanglots finiraient par s’apaiser, mais ils le font. Juste avant de se détruire, la beuglante dégueule une dernière phrase qui me fige le sang dans les veines. Je vais mourir seule. Puis je me retrouve avec moi-même dans ma petite salle de bains, portant sur les épaules une tristesse et un désespoir qui ne sont pas miens.

Je reste longtemps sans bouger, assise sur le carrelage froid. Les paroles de Valerion passent et repassent dans mon esprit mais la seule chose que je retiens de ce qui vient de se passer, ce sont ses sanglots qui hantent ma tête et qui ne sont pas prêt de la quitter. Ce n’est qu’après un long moment que je comprends que je lui en veux. Pas d’une colère qui fait exploser, sinon j’aurais déjà balancé mon poing dans le miroir pour expulser ma rage. Non, d’une colère qui prend toute la place et qui tétanise. Je lui en veux parce que maintenant, elle n’est plus qu'une simple professeure qui m’emmerde à l’autre bout du pays, elle n’est plus cette âme à l’autre bout d’un collier qui ressent des choses qui ont l’air douloureuses. Maintenant, ce n’est plus abstrait. C’est concret. Et je lui en veux car je n’arrive pas à la détester de toutes mes forces. Je me sens si faible sur ce carrelage froid, à penser à une femme et à me dire : c’est à moi qu’elle a envoyé cette beuglante, c’est à moi qu’elle s’est confiée. Je me sens faible de ne pas comprendre ce qu’elle a vraiment voulu me dire mais de me sentir fière qu’elle ait choisi de me tutoyer. Je me sens faible parce que sans trop savoir pourquoi je me suis reconnue dans ses pleurs.

Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas ce que je dois faire. J’aimerais oublier tout ça et qu’elle ne m’ait jamais envoyé cette chose. J’aimerais l’avoir en face de moi et lui dire d’aller pleurer ailleurs. La prochaine fois, choisissez quelqu’un d’autre pour envoyer votre beuglante idiote ! Sérieux, vous avez personne chez qui aller pleurer ? Vous avez pas d'amis, une famille ? Vous êtes obligée de venir m’emmerder moi ? Me faire subir votre peine ? La prochaine fois, abstenez-vous ! Je me fiche de ce que vous ressentez ! Je me fiche de comment vous vous sentez ! J’ai pas envie de vous comprendre, je veux pas avoir de peine pour vous, j’ai pas envie que vous vous confiez à moi, pas envie que vous tutoyez, pas envie que vous me fassiez croire que je pourrais compter pour vous ! Je ne veux pas de ça. Tenez, votre foutu collier ! (Je le lui balancerais au visage). Je suis pas votre fille ! (Je le lui répéterais). Je suis pas votre fille !

Je ne sais pas quoi faire. Des dizaines de scénarios s’écrivent dans ma tête. Dans la moitié d’entre eux, je débarque à Poudlard pour lui envoyer un sortilège cuisant dans la tête. Une partie de moi à envie de la faire souffrir. L’autre veut comprendre. Et une autre part encore, trop petite à mon goût, a seulement envie d’oublier tout ça et de mettre cette histoire sur le compte de la folie : de toute façon ce n’est pas elle qui viendra me dire quoi que ce soit si je fais comme si je n’avais rien reçu. Je pourrais faire croire que je n’ai jamais rien su de ses sanglots et de sa peine, qu’elle ne m’a pas reproché de ne pas porter son collier qui lui ouvrirait mon coeur. Je ne dirais rien et elle ne dirait rien non plus. L’affaire serait réglée. On cache tout sous un tapis qu’on ne soulèvera plus jamais. Cela lui épargnera la honte de devoir me regarder en face en sachant qu’elle a pleuré comme une gosse “devant” moi — et je n’aurais pas à cacher le fait que ça m’a touché tout à l’intérieur de moi. C’est bien comme solution, n’est-ce pas ?

Peut-être. Peut-être que c’est ce que je vais faire. En tout cas, cela me permet de retrouver un temps soit peu le contrôle de mon corps. J’arrive à libérer ma tête des entraves de mes mains, à récupérer ma baguette magique et à me lever. En quittant la salle de bains, je prends soin de ne surtout pas regarder dans le miroir. Je fais disparaître d’un coup de baguette les restes de la beuglante.

Je me dirige tout droit vers le tiroir. Le premier à droite. Je l’ouvre, fouille sous les parchemins et en extirpe le collier qui est à l’origine de la lettre de Valerion. Je m’assieds lourdement sur ma chaise en levant le bijou devant mes yeux pour l’observer à la lumière de l’extérieur. Il brille toujours de la même façon. Bleu, ce matin. Je referme mon poing sur la pierre, le cœur frappant comme un tambour contre ma cage thoracique. Je joue avec la lanière que j’entortille autour de mes doigts. Puis sans que quoi que ce soit le prévienne, je penche la tête, lève le collier et…

Je me lève tout à coup et jette le collier sur mon lit sans le passer autour de mon cou. Mais quelle idiote ! Et il faut que ma tête soit pleine de questions pile quand Zikomo et Nyakane ne sont pas là pour m'aider à trouver les réponses. Comment je peux savoir ce que je dois faire, moi ? Comment je peux deviner ce qui est passé par la tête de cette femme ? Comment savoir pourquoi elle m’a envoyé cette beuglante, pourquoi elle veut tellement que je mette son foutu collier ? Comment savoir ? Pourquoi veut-elle avoir accès à mes émotions ? Se figure-t-elle que je vais aussi mal qu’elle ? Aimerait-elle voir son propre collier briller de bleu et de rouge aussi, de noir ? Hein, c’est ce qu’elle veut ? Bah elle sera bien dégoûtée quand elle verra qu’il n’existe rien de tout ça dans mes émotions ! Moi je vais bien, je suis heureuse, je vis une vie de rêve dans une académie qui m’aide chaque jour à approfondir mon talent. Je vis sans peine, sans peur. Je vis bien, je vis heureuse, j’ai toute la vie devant moi, toute l’éternité, même ! Qu’est-ce que j’en ai à faire d’une vieille femme torturée par sa vie ? Je n’en ai rien à faire. Rien à faire.

J’attrape mon sac dans un geste vif. Au dernier moment, je récupère aussi le collier que je fourre dans la poche de ma cape. J’ai la gorge tellement nouée que j’ai peur de ne plus réussir à déglutir. Ça fait comme une boule juste sous mon menton, une boule qui pèse sur mon cœur et qui occupe tout mon esprit. Pour cela, je lui en veux très fort à Sixtine Valerion.

*


La journée du lundi passe sans que je parvienne à m’enlever de la tête ses sanglots déchirants. Je la vois en boucle dans mon esprit. Les larmes, les cris ; a-t-elle cassé quelque chose, a-t-elle continué de pleurer une fois la beuglante envoyée ? Brûle-t-elle de honte ? Se demande-t-elle ce que j’ai pensé de tout cela ? Qu’attend-elle de moi ? Que veut-elle ? Les doigts cachés au fond de la poche, je passe la journée à triturer le collier que je sors régulièrement de sa cachette pour en vérifier la couleur. Plusieurs fois, je pense à le mettre. Je m’arrête toujours à temps. Pourquoi faire une telle chose ? L’envie revient tout au long de la journée, comme une mélodie qui ne me sort pas de la tête, je n’ai cesse de penser à cela, au collier, à Valerion, encore et encore et encore. Pourquoi ? Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ?

Puis la journée passe. La nuit arrive, avec son lot de cauchemars. Au réveil, le Sortilège ne fait plus effet. Je me souviens. Je me souviens : « J'suis pas votre fille, moi... ». Je me souviens: « Vous pouvez chialer d’vant n’importe qui sans vous sentir débile, vous ? ». Je me souviens de son odeur et la sensation de mon épaule contre son corps lorsque je me suis appuyée sur elle pour qu’elle me ramène à Poudlard. Je me souviens combien j’aurais aimé à l’époque, combien j’avais besoin qu’elle fasse ce que Valerion a fait. J’aurais aimé avoir accès à ses larmes, à ses peurs et à ses peines. J’aurais tué pour ça. Pour ce morceau d’elle, pour cette confiance. Pour être unique à ses yeux, pour être celle à qui elle se confie, celle à qui elle pense quand elle est au fond du trou. Je me souviens de son nom que j’oublie quand le Sortilège fait effet. Je souviens que Kristen Loewy n’est plus là et que ça me fait tellement mal que lorsque j’y pense je n’arrive plus à respirer, je n’arrive plus à penser, je n’arrive plus à avancer. Je me souviens que Valerion me fait penser à ma directrice parfois, qu’elle a presque le même âge, qu’elle aussi me fait me sentir à la fois comme une adulte et à la fois comme une enfant. Je me souviens qu’il serait si facile de les mélanger, qu’il serait si simple de les confondre. Ce serait si naturel de croire que Valerion me donne ce que je n’ai pas eu avec Kristen. Il serait facile de me dire que j’en ai perdu une pour en avoir une autre.

Puis je me rappelle que ça fait trop mal, tout cela, que ça prend trop de place dans ma tête et que j'ai trouvé une solution radicale pour ne plus penser à toutes ces choses. Vous savez ? L’oubli. Je pourrais tout oublier, ne plus penser à ça. Je ne veux plus penser à cela. Je ne veux plus penser à vous, Kristen, c’est pour ça que je vais vous oublier dans quelques minutes, une fois mon sortilège lancé. Il serait si simple d’englober Valerion dans le processus. Je pourrais oublier la beuglante et l’inquiétude qui sourde dans mon cœur. Parce que je suis inquiète. Et je ne sais pas pourquoi je le suis, je ne sais pas pourquoi je m’inquiète pour une femme qui m’a traîné dans la boue et qui ne mérite rien de plus de ma part que de la colère. Je n’ai pas envie de savoir pourquoi. Je pourrais l’oublier et tout irait mieux, tout va toujours mieux quand le Sortilège fait effet, c’est pour ça que je continue, non ? Malgré les cauchemars, malgré la fatigue qui parfois me fait tanguer, malgré les nuits que je hais, les nuits qui me font tellement peur, maintenant.

Sauf que lorsque je lance le Sortilège d'oubli, je ne l'intègre pas dans le processus. J'oublie Kristen, j'oublie cet été, j'oublie nos souvenirs, nos discussions, nos cris, mes nombreuses déceptions et la peine qui ne veut pas s'en aller. J'oublie toutes ces choses et ça me parait beaucoup plus facile de songer à Valerion, maintenant que je n'ai plus de souvenirs auxquels la relier, de femme à laquelle la comparer en sentant mon coeur se serrer.

Enfin, je sais ce que je vais faire.

18 nov. 2023, 19:16
Chambre 28  Recueil d'OS 
LA SILHOUETTE D'APRÈS MINUIT
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Samedi 7 novembre 2048
1ère année à l'AESM



La nuit est tombée. Depuis longtemps la lumière est éteinte et les rideaux tirés devant la fenêtre. Allongée au milieu de mon lit, blottie sous la couette, je n'ai pas eu de mal à trouver le sommeil, comme toujours. Le sommeil n'est jamais difficile à trouver, il se présente à moi comme une offrande, avec bienveillance. C'est après que les choses se corsent. Lorsque je plonge tout au fond du gouffre des rêves. Là-bas, les ombres rodent. Chaque nuit depuis près de trois mois elles sont là à m'attendre. Ce sont les enfants de mes abus journaliers — à chaque fois que je lance le Sortilège d'oubli, une salve de cauchemars et d'autres joyeusetés suit. C'est une danse éternelle, le prix fort à payer pour un plaisir dont je ne veux pas me passer.

La nuit je ne me réveille pas toujours, mais tous les matins lorsque j'ouvre les yeux, je sens que mes cernes se creusent davantage. Le sommeil ne peut être réparateur lorsqu'il est fait de cauchemars et de terreurs. Cette nuit-là ne fait pas défaut. Il est minuit passé. Je suis coincée tout au fond de mon inconscience, dans un cauchemar fait de belles paroles qui se transforment en venin. Mon corps s'agite sous les draps du lit. C'est étrange de sentir son corps sans avoir réellement conscience de lui. Je n'ai pas accès à lui mais il est là, couvert de sueur ; je sens mes cris rauques qui frottent contre mes cordes vocales, j'entends ma respiration haletante qui fatigue mes poumons, les battements effrénés de mon coeur qui tape dans ma poitrine. Je ne peux pas contrôler mes mouvements. Les bras qui s'élancent pour frapper, les jambes qui se soulèvent et s'abaissent, le buste qui tourne d'un côté et de l'autre dans une vaine tentative pour échapper aux ombres qui m'acculent dans un coin de ma tête. Que peut faire mon corps contre les terribles choses qui m'arrivent au coeur de la nuit ? Que peuvent mes gestes brutaux contre mon inconscience qui se sert de mes souvenirs pour me faire vivre des horreurs ?

Cette nuit-là je vis l'abandon, je vis les promesses bafouées. Je vis les vengeances que l'on retourne contre moi. Cette nuit-là, j'éviscère et je tue, je regarde mes mains recouvertes de sang et ma baguette qui roule entre mes doigts, je vois les poils bleuâtres parsemés sur le sol du Plateau et le corps de Zikomo qui refroidit. Cette nuit-là, mes vengeances ressemblent à la réalité. Ma colère se transforme en arme. Chaque cri de rage est un coup de baguette meurtrier. Et en arrière fond, toujours en arrière fond, je vois son regard bleu de glace qui frémit dans la nuit. Je l'imagine mécontente, je l'imagine se détourner. Elle s'éloigne de moi dans le noir, accompagnée d'un Owen victorieux qui me lance des regards goguenards par dessus son épaule. Je vis cela encore et encore, sans fin, plusieurs fois d'affilé, la peur grandissant à chaque nouvelle scène et mon corps s'épuisant tout là-haut, dans la réalité, sans que je prenne conscience du regard inquiet qu'un Zikomo et un Nyakane impuissants posent sur moi.

J'entends vaguement la porte s'ouvrir à des miles de moi. Le bruit du grincement fait mourir un gémissement apeuré sur mes lèvres. Je me blottis sous ma couette que je serre contre moi sans y trouver le moindre réconfort. Ma respiration s'apaise pour s'emballer aussitôt : je plonge de nouveau dans mes cauchemars tandis que dans le vrai monde, une silhouette se glisse dans la chambre sans la moindre discrétion.

Je tremble malgré le poids des draps autour de mon corps. Je ramène mes jambes contre ma poitrine. Mon esprit est éparpillé dans un monde effrayant, j'ai du mal à récupérer les lambeaux de ce que je suis. Pourtant, je prends davantage conscience de ce qui m'entoure. De mon cœur qui s'abat contre ma cage thoracique comme des baguettes sur la toile d'un tambour, de la chaleur qui m'entoure sans pour autant me réchauffer, des mèches de cheveux collées sur mon front luisant de sueur. J'entends le bruit de la porte qui se referme dans un claquement bruyant, suivit par un juron étouffé.

La silhouette se déplace dans la chambre. Le bruit de ses mouvements me parvient. Elle respire fort et je crois l'entendre glousser. Je n'arrive pas à me réveiller, je confonds ces bruits avec la silhouette étroite d'une femme qui me nargue à coup de « tu me déçois ». Mais lorsqu'un bruit sourd résonne dans la chambre, signe évident qu'un corps vient de tomber sur le parquet, je m'arrache brutalement et avec soulagement des affres de mes cauchemars.

Je me redresse vivement, la respiration éparpillés. Je ne vois rien, il fait totalement noir. À mes pieds j'entends quelqu'un qui s'agite, des mots s'échappent de la purée incompréhensible qui sort de la bouche de la personne et je comprends enfin ce qu'ils signifient :

« ... obligée d'laisser sa chaise en plein milieu du passage, celle-là ! »

Je glisse la main sous mon oreiller pour attraper ma baguette magique. La peur a été remplacée par un agacement teinté du soulagement d'avoir été arrachée à mes cauchemars. J'ai reconnu la voix de Rockfield. J'allume ma baguette. La lumière blafarde éclaire la scène misérable qui se dessine à mes pieds : Ashley Rockfield, étendue de tout son long sur le sol, les pieds empêtrés dans ma chaise renversée. Elle essaie de se relever mais je vois bien que ce n'est pas quelque chose de facile pour elle. Elle s'agite comme un bambin, incapable d'organiser ses mouvements et de comprendre que pour pouvoir se lever, il faudrait déjà qu'elle parvienne à soulever sa tête.

« Putain, mais tu fais quoi ? »

C'est une voix d'outre-tombe qui s'élève dans la pièce obscure. Je tousse pour dégager ma gorge. Je n'arrive pas à comprendre ce qui est en train de se passer. De son côté, Rockfield parvient à se mettre sur le dos. Elle me lance un regard en renversant la tête en arrière. Dès que nos yeux se croisent, elle explose d'un rire qui la force à entourer son ventre de ses bras.

« T'as une de ces tronches ! s'exclame-t-elle d'une voix que je reconnais aussitôt comme étant celle des personnes enivrées. T'as l'air... T'as l'air... » Elle rit tellement qu'elle a du mal à aligner deux mots. « On dirait que tu... Tu as vu un fan... Un fan... Ahahah ! »

Je pousse un soupir en reculant sur le lit jusqu'à ce que mon dos touche le dossier. Je me frotte les yeux pour essayer d'éloigner la fatigue qui étouffe mes sens. Zikomo se fait petit dans son coin du matelas, comme Nyakane.

Rockfield essaie de se lever tout en riant. Je l'observe silencieusement. Ses cheveux blonds sont éparpillés autour de son visage, elle a même une mèche coincée entre les lèvres. Ses yeux bleus sont flous, à moitié fermés. Elle porte une robe sous sa cape. Une longue robe noire au tissu aussi léger que l'air qui glisse sur sa peau. Elle est dans un tel état qu'elle ne pense pas à surveiller son décolleté. Gênée, je détourne le regard lorsqu'elle se redresse en m'offrant une vue de choix sur des endroits de son corps que je n'ai jamais demandé à voir.

La voilà debout. Nous nous affrontons du regard. Mais je pense qu'elle a abusé du Whisky-pur-feu parce que ses yeux n'ont pas grand chose de sérieux ou d'accusateur. Elle se penche pour ramasser ma chaise. Elle pouffe de rire en essayant de la remettre à sa place. Une fois, deux fois, trois fois. Mais à chaque fois, elle vise les tiroirs au lieu de l'espace libre sous le bureau et plus elle manque son coup, plus elle rigole. Je n'en peux plus. Je rejette ma couette et me lève. La tête me tourne, je dois m'immobiliser quelques secondes avant de m'approcher d'elle.

« Pousse-toi, » lui ordonné-je en saisissant le dossier de la chaise d'une main.

Elle fait un pas en arrière, un sourire insolent aux lèvres. Ses dents brillent étrangement sous la lumière de mon Lumos. Elle lève les deux bras autour de son visage, comme pour se dédouaner de toutes les conneries qu'elle a faites depuis qu'elle a ouvert la porte. C'est à peine si je la regarde. D'un geste, je replace la chaise sous le bureau. Rockfield pousse un sifflement admiratif. Je la fusille du regard.

« Tu m'as réveillé. Maintenant si tu veux aller vomir, fais-le en silence, sifflé-je en désignant la salle de bains du menton.
Fais pas cette tête, Aelle ! » sourit la jeune femme en se débattant avec sa cape pour l'enlever.

Depuis quand m'appelle-t-elle par mon prénom ? Je la regarde se battre avec le vêtement et m'efforce de ne pas répliquer méchamment lorsqu'elle le laisse tomber sur le sol.

« Ça va, articule-t-elle lentement en essayant de me regarder en face, j'savais pas qu'il y aurait ta chaise en plein milieu, faut penser à la ranger quand tu l'utilises plus, hein, sinon bah après moi je tombe dessus.
Si t'étais pas bourrée et si tu avais pensé à allumer ta baguette, tu ne serais pas tombée sur ma chaise. »

Rockfield agit comme si elle ne m'avait pas entendu. Elle est loin, la colocataire nonchalante qui me lance des regards noirs et qui fait comme si je n'existais pas. Là, elle est maladroite et elle ne me lâche pas du regard. Elle reprend la parole presque aussitôt, avec dans les mouvements une liberté que je ne lui ai jamais vu.

« Tu t'couches méga tôt, aussi, râle-t-elle, et puis en plus toi tu me réveilles tout le temps, et tu... »

Je la laisse baragouiner et vais m'asseoir sur le bord du lit, affligée par son comportement. Elle continue de parler comme si j'étais à côté d'elle mais elle s'empêtre dans ce qu'elle a à me dire et au final, elle ne dit pas grand chose. Elle parle avec le ton lent, elle n'arrive pas à articuler et à chaque fois qu'elle bouge je crains qu'elle tombe par terre. Ce n'est pas pour autant que je reste près d'elle pour la soutenir au cas où, elle n'a qu'à se débrouiller toute seule. Je me glisse sous la couette et m'installe contre le mur pour la surveiller. Je n'arriverais pas à me rendormir et je suis presque sûre que si j'éteins ma baguette magique, elle va me faire une scène. Je préfère rester dans mon coin et attendre qu'elle plonge dans un sommeil dont elle se réveillera avec, je l'espère, un mal de tête lancinant.

Je dois bien avouer qu'observer Rockfield a quelque chose d'amusant. Elle traverse la pièce pour aller déposer ses affaires sur la table de chevet, mais sur le chemin elle s'emmêle les pieds dans le tapis, trébuche, part dans un fou-rire que je juge sévèrement, se cogne la tête contre la petite lampe qui se renverse et éclate de nouveau de rire, le tout sans ne jamais cesser de parler. Mais je ne fais pas trop attention à ce qu'elle raconte, je ne connais de toute manière pas ce Damon dont elle me rabâche les oreilles et qui, apparemment, « était tellement aveugle aux signes que je lui envoyais qu'il a perdu la moitié de son charme » ; je ne comprends de toute manière pas ce que cela signifie.

J'échange un regard avec les messagers des rêves, amusée malgré moi par cette scène que je subis mais qui m'éloigne des pensées persistantes qui m'envahissent normalement lorsque je m'extirpe des rêves imposés par la magie noire. Si Zikomo reste assez neutre, Nyakane sautille sur le lit pour venir me souffler à l'oreille une réflexion qui me fait sourire. En relevant la tête, je croise le regard de Rockfield qui n'a rien manqué de l'échange. Elle se laisse lourdement tomber sur son lit, les jambes empêtrée dans le tissu de sa robe, tassée sur elle-même, la tête entre les mains comme pour l'empêcher d'exploser.

« Pourquoi il t'suit, c't'oiseau, en fait ? bafouille-t-elle.
On ne va pas parler de ça, Rockfield, la préviens-je à voix basse, la tête appuyée contre le mur.
Allez, dis moi ! Ils vivent avec moi aussi. Tu me dis jamais rien ! »

Je hausse les sourcils, franchement étonnée. Je ramène la couette sur mes genoux avant de lui lancer sur un ton moqueur :

« Tu voudrais que je te dise des trucs ?
P't-être. »

Elle me lance un regard en biais que je ne comprends pas, le crane toujours coincée entre les mains. J'affiche une moue méfiante et détourne les yeux en secouant la tête.

« Je vais pas passer la nuit à discuter avec toi, Rockfield, dis-je d'une voix froide en soupirant. Fais ce que t'as à faire mais fais-le en silence, je vais dormir, là.
Roh, ça va, j'ai compris. »

Elle se lève comme si elle avait des marshmallow à la place des jambes et des bras, c'est à dire d'une façon tout à fait ridicule que j'immortalise dans ma mémoire pour m'en souvenir à chaque fois qu'elle me donnera envie de lui exploser la tête contre un mur — c'est à dire assez régulièrement. Je m'installe plus confortablement dans mon lit, la baguette posée sur la couette au niveau de mon ventre. Sa lumière jette des ombres sur le mur d'en face. Ma colocataire, plantée entre nos deux lits, se tortille dans tous les sens, je n'ai aucune idée de ce qu'elle est en train de faire. Je soupire et pousse un râlement agacée qui la fait rire.

« Je croyais que la patience était une vertu de Poufsouffle, Bristyle ? se moque-t-elle.
Et moi que les Serpentard étaient suffisamment malins pour ne pas s'enivrer à ce point. »

C'est une vision hilarante que celle d'une Ashley Rockfield échevelée de la tête au pied qui tente de me lancer un regard noir. Je ne peux m'empêcher de ricaner, guère impressionnée par sa mine sérieuse. Mon rire s'étouffe cependant lorsqu'elle attrape le bas de sa robe pour la faire passer par-dessus sa tête. La quantité de peau qui se dévoile à moi me rougit les joues ; je plonge la tête dans les mains, mais je n'agis pas assez vite pour m'épargner une vision que je n'avais pas envie de voir — je n'ai jamais demandé à connaître la couleur de ses sous-vêtements, mais c'est désormais chose faite. Je reprends contenance aussi vite que possible. Je libère mon visage de l'étau de mes mains et me contente de poser un bras devant mes yeux, sensible aux mouvements que fait Rockfield qui me prouvent qu'elle n'a pas encore terminé de se changer.

« Tu peux pas lever un peu ta baguette ? » me demande-t-elle d'une voix étouffée et préoccupée.

Je grogne mais m'exécute à l'aveugle.

« Mais pas comme ça ! Bristyle, concentre-toi ! »

Merlin ! Une bouffée d'agacement m'électrise. Je me redresse, baguette en avant :

« Tu es une sorcière ! rugis-je. Tu ne peux pas utiliser ta pro... Merde, Rockfield ! »

Pliée en deux, la filles fouille sous son lit sans égard pour mes yeux qui se braquent sur la dentelle noire et sur ses cheveux qui dévalent le haut de son corps comme une cascade dorée. Je baisse les paupières en haïssant mon incapacité à rester calme alors qu'elle est presque complètement dénudée devant moi.

« Enfile ton foutu pyjama !
C'est c'que j'essaie d'faire, figure-toi, et j'aurais d'jà réussi si tu savais comment m'éclairer. Mais attends, t'es... » Je l'imagine se retourner vers moi et apercevoir mes yeux fermés. « Ça gêne la grande Aelle Bristyle que je sois en petite culotte devant elle ? » Elle éclate de rire. « Déride-toi, un peu ! »

Malgré mes yeux fermés, je suis capable de deviner que son sourire est moqueur. Je prends une courte inspiration avant de soulever mes paupières. Je la regarde droit dans ses vilains petits yeux amusés.

« Ça me gêne que tu n'aies pas la politesse d'aller te changer dans la salle de bains. » Je ne lui laisse pas l'occasion de placer un mot. Je pointe ma baguette sur le dessous de son lit et visualise sans mal le pyjama qu'elle enfile tous les soirs. « Accio pyjama. »

Le vêtement vole jusque dans mes mains. Je le roule en boule et le jette au visage de Rockfield qui trouve le moyen de le laisser tomber par terre. Elle met un temps incroyablement long à enfiler le vêtement. Puis elle passe par la case salle de bains dans laquelle elle fait tellement de bruit que j'oublie la possibilité de me rendormir directement.

Allongée dans la demi-pénombre laissée par ma baguette magique, j'essaie de ne pas penser à mes cauchemars en me concentrant sur le ramdam qu'elle fait. Je ne comprends pas les images que je vois durant mes nuits, je ne sais pas à qui appartient cette drôle de silhouette qui me hante, je ne sais pas pourquoi elle m'inspire une peur si grande et pourquoi elle me manque si fort. Je ne sais pas grand chose mais ce n'est pas important, ce ne sont que des cauchemars. Les rêves noirs n'ont que des mensonges à raconter.

Rockfield se glisse enfin dans son lit.

« Merci d'avoir laissé la lumière allumée, bafouille-t-elle d'une voix misérable — je me demande si elle a déjà mal à la tête.
C'est pas pour toi que je l'ai fait.
C'tait pour voir quand j'me changeais, alors ? demande-t-elle dans un sourire que je devine.
Ta gueule. »

Je me tourne vers le mur en murmurant un « Nox » agacé auquel elle répond par un ricanement. J'ai à peine fermé les yeux que déjà j'entends sa respiration se faire plus profonde. Je me demande à quoi rêve Ashley Rockfield. Peut-être rêve-t-elle de ce Damon dont le charme ne la laisse pas indifférente ? J'aimerais avoir des songes aussi légers, mais j'imagine que c'est trop demandé. Je m'en vais rejoindre ma silhouette obscure de laquelle je ne sais rien mais que j'ai besoin de retrouver.

07 févr. 2024, 16:42
Chambre 28  Recueil d'OS 
LE DIMANCHE NE RIME PAS QU'AVEC MAGIE NOIRE
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Dimanche 22 novembre 2048
1ère année à l'AESM



Il est 20 heures bien entamé lorsque je rentre du Plateau ce soir-là, complètement tétanisée par le froid. Dans les Highlands profondes, notamment au sommet de ce plateau fouetté par les courants d'air glaciaux provenant des montagnes aux pics déjà enneigés, les températures sont beaucoup plus basses qu'au Pays de Galles. Ce n'est pas faute d'avoir allumé un feu et d'avoir enfilé bonnet et gants, mais rester toute une journée assise sur un sol froid et caillouteux le dos cassé en deux à ressasser et manipuler une magie qui s'inspire de ses sentiments les plus sombres, ce n'est pas la meilleure façon de se garder au chaud. Sans oublier le fait que je n'ai rien avalé à midi. Je n'ai rien pensé à apporter, comme souvent, et je n'avais aucune envie de rentrer pour me sustenter. Les découvertes de l'univers ne peuvent attendre que je me nourrisse, quelle perte de temps !

Je me glisse dans le couloir du dortoir des filles après avoir jeté un coup d’œil dépité en direction des portes du réfectoire. Pas de cuisine cachée à l'AESM où je pourrais trouver de quoi apaiser les grognement de mon estomac. Je vais devoir me contenter de la Chocogrenouille que j'ai dans mon tiroir pour patienter jusqu'au petit déjeuner. Bah, qu'importe. Je suis épuisée, mentalement et physiquement : je vais me coucher sans attendre et le lendemain arrivera rapidement.

Je rencontre un certain nombre de jeunes sorcières dans le couloir. Certaines me saluent, mais la plupart détournent le regard, ayant compris après quatre mois en ma compagnie que me parler n'était pas nécessaire. Plongée dans mes pensées, je slalome entre les étudiantes, les pans de ma cape étroitement serrés autour de moi. Je rêve d'une douche brûlante et de ma couette épaisse. J'espère que Rockfield ne sera pas dans la chambre. Souvent le dimanche elle profite de mon absence pour prendre possession du lieu et inviter des amies — j'en ai même retrouvé une sur mon lit ! J'ai eu beau faire la leçon à la blonde, elle n'a rien voulu entendre : elle a le droit d'inviter qui elle veut, c'est sa chambre aussi. Certes. Puis elle m'a sorti l'argument du : « Toi tu me fais subir la présence constance de tes deux animaux de compagnie, alors te plains pas parce que j'invite mes potes le dimanche. De toute façon t'es jamais là le dimanche », argument que je n'ai guère pu réfuter.

Le dimanche soir, cependant, une fois le soleil couché, Rockfield n'est pas souvent présente. Ce qui est une aubaine, car nous nous disputions hebdomadairement à ce moment-là. Zikomo m'a dit une fois que c'était à cause de mon humeur. « Tu ne t'en rends pas compte, Aelle, mais quand tu reviens de là-bas, tu as toujours les sourcils froncés et le regard noir, tu es beaucoup plus sèche que d'habitude et on sent bien, même Ashley le sent, qu'il ne vaut mieux ne pas te parler. » Il m'a fait comprendre que c'était à cause de la magie noire. Il me le dit souvent. « Elle te change. » Mais moi, je pense qu'il a tort. Elle ne me change pas, elle me permet seulement d'approfondir ma connaissance de la magie, voilà tout. Mais lui pense qu'elle me met dans de sales états ! J'ai envie de lui répliquer à Zikomo : si toi aussi tu te plongeais corps et âme dans des sentiments aussi puissants, tu aurais envie de froncer les sourcils une fois l'entraînement terminé. Il ne comprend pas, lui. Évidemment que je fronce les sourcils après avoir passé la journée à me faire des coupures dans la peau pour apprendre à maîtriser un sortilège de guérison. Mais c'est le prix à payer. En plus de celui de la douleur qui me picore le haut de la cuisse et de la fatigue qui me donne envie de dormir pendant une semaine entière.

C'est parfois difficile de revenir à ma vie d'étudiante quand je passe la journée entière à manier une magie qui me coupe totalement du monde, des autres et de moi-même. Souvent, j'aimerais rester là-bas pour toujours, à étudier et apprendre. Puis le froid me rappelle que c'est impossible. La faim, aussi. Et le souvenir de Zikomo et de Nyakane qui m'attendent quelque part. Je soupire en m'approchant de la chambre numéro 28. Je reviens pour ça et pour eux, mais je suis déjà fatiguée de devoir discuter. J'aimerais seulement dormir et ne pas parler.

Je pousse la porte de ma chambre qui se déverrouille magiquement lorsqu'elle me reconnait. Je comprends instinctivement qu'il se passe quelque chose de bizarre lorsque ce n'est pas la lumière artificielle qui m'accueille, mais plutôt un gouffre d'obscurité et un silence profond. Je reste sur le pas de la porte, la main sur la poignée et les yeux plissés pour essayer de mieux y voir. La lumière du couloir éclaire jusqu'aux bureaux mais après, tout est plongé dans le noir. Je fais un pas en avant, un second, l'oreille tendue, le regard braqué sur le lit de droite dans lequel se devine une forme. C'est surtout l'anormalité de la scène qui m'empêche d'avancer et d'allumer la lumière d'un coup agacé de baguette : il est trop tôt pour que ma colocataire dorme déjà et surtout, j'ai comme l'impression de... Comme si je ne devais pas...

« Putain ! »

L'exclamation me fait sursauter. L'amas de couvertures remue, les gestes sont empreints d'agacement. Soudainement, une tête blonde sort d'entre les draps. Rockfield me darde d'un regard colérique. Je tique en apercevant ses yeux bleus fatigués et sa coiffure sans dessus dessous.

« Euh, tu... »

Les mots se coincent dans ma gorge lorsque tout à coup, le tas de couvertures se remet à bouger. Je croise le regard de la blonde qui se plisse étrangement. Une seconde tête apparaît alors à côté de la sienne comme si elle y avait toujours été, une frimousse noire, de grands yeux qui brillent dans la nuit, un sourire mutin et une voix caverneuse :

« Oh Bristyle, c'est toi ! Salut ! Euh, c'est... C'est... »

J'écarquille les yeux, choqué par cette scène. Je suis persuadée avoir déjà vu ce garçon en compagnie de Rockfield. Mais par définition, il n'a aucun droit d'être ici, n'est-ce pas ? Le malaise de la situation me frappe de plein fouet. Les pensées se mélangent dans ma tête tandis qu'une chaleur peu commune se répand sur mes joues. J'ai l'horreur d'apercevoir un morceau d'épaule dénudé du garçon qui se colle sans état d'âme à celle tout aussi nue de Rockfield. Je n'ai pas le temps de réagir : le sorcier émet un rire nerveux en se frottant l'arrière du crâne.

« C'est méga gênant, » souffle-t-il en nous regardant tour à tour Rockfield et moi.

Quant à ma colocataire, on croirait qu'elle a avalé un souafle. Elle est toute rouge. Je ne crois pas l'avoir déjà vue aussi en colère. Elle n'a pas l'air gênée pour un sou, seulement agacée.

« Tu comptes rester pour nous regarder, Bristyle ? me lance-t-elle en me foudroyant du regard.
Euh, non, c'est que...
Je te préviens, à trois ça me dérange pas, mais pas avec toi. »

Merlin. Mon sang se fige dans mes veines. Je ne pensais pas pouvoir devenir plus rouge que je ne le suis déjà, mais je sens mon visage me brûler. Je comprends ce qu'il se passe, évidemment que je le comprends, mais je ne m'attendais tellement pas à une scène de ce genre que je ne sais pas comment réagir. Mes yeux écarquillés ont du mal à s'arracher du couple dont les membres s'entremêlent sous les draps. Je savais déjà que Rockfield avait des aventures que je juge frivoles et inutiles, je l'ai déjà vu embrasser un garçon qui n'avait pas du tout, mais alors pas du tout la tête de celui-ci lors de la fête d'intégration à la Scierie. Et je suis persuadée l'avoir croisée main dans la main avec une fille de seconde année dans le parc la semaine dernière. Mais je ne pensais pas qu'elle les ramenait dans la chambre. C'est absolument... Je n'ai pas les mots et mes joues rouges m'empêchent de penser convenablement.

C'est le contact violent d'un coussin contre mon visage qui m'arrache brutalement à mes pensées. J'articule un « aïe ! » misérable. Je regarde bêtement l'oreiller bleu de Rockfield retomber sur le sol puis lève les yeux vers ma colocataire. À demi-relevée sur le matelas, elle me jette un regard menaçant. Et, oh Merlin, se dévoile à moi une quantité de peau légèrement hâlée que j'aurais préféré ne jamais voir, surtout lorsque je prends conscience qu'elle ne porte rien d'autre qu'un soutien-gorge.

« Dégage, Aelle ! » me tance-t-elle vertement.

Je relève les yeux jusqu'à son visage et pour une fois, je ne trouve rien de mieux à faire qu'obéir à l'ordre qui m'a été donné. Le malaise que je ressens est tellement grand que je ne m'agace même pas du coussin qu'elle m'a envoyé en pleine tête ou du ton sur lequel elle me parle. Je fais brusquement marche arrière et claque la porte derrière moi avant de m'y adosser, le coeur battant à toute allure contre ma cage thoracique.

Je me sens profondément bête et morte de honte. Je ne crois pas avoir déjà été aussi gênée. Après tout, je n'ai jamais surpris personne... Enfin, cela ne m'est jamais arrivé de surprendre quelqu'un, qui que ce soit, dans cette position-. Je n'avais même jamais pensé que ça pouvait être possible. Après tout, normalement les gens font le nécessaire pour ne pas être surpris, n'est-ce pas ? C'est la moindre des choses ! Et puis nous sommes dans une école ! Qui donc fait ça dans une école ? Et pourquoi ? Il est 20 heures, c'est trop tôt. Ou trop tard ? Ou alors... Je n'en sais rien, remarqué-je en me prenant la tête dans les mains, je n'en sais rien du tout mais c'était un moment horrible à passer.

Je m'éloigne frénétiquement de la porte et traverse le couloir dans son sens contraire, déterminée à mettre le plus de distance possible entre Rockfield et moi. Maintenant que la gêne passe, ne reste que la colère. Une colère qui me fait râler tout le long du chemin jusqu'au parc où je pense pouvoir retrouver mes Messagers des rêves contre une Ashley Rockfield et son manque de pudeur qui me met dans des situations embarrassantes.

23 févr. 2024, 11:10
Chambre 28  Recueil d'OS 
JOYEUX NOËL, ROCKFIELD
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TW : alcool, comportements modifiés par l'alcool


24 décembre 2048, dans la nuit
1ère année à l'AESM



Le vingt-quatre décembre au soir, la famille Bristyle entame les festivités de Noël sans Aelle, prévenue par la sorcière qu’elle ne viendrait pas. Elle les a encouragé, malgré leurs reproches et mises en garde, à festoyer sans se préoccuper de son cas. Aodren a essayé de lui en parler, elle n’a pas daigné lui répondre et l’a fuit en pénétrant sur le domaine de l’AESM sur lequel il ne pouvait la suivre ; Zakary lui a envoyé une missive incendiaire dans laquelle il lui reprochait de rendre tristes leurs parents, elle l’a brûlée ; Natanaël n’a rien dit mais s’est réjouit de ne pas avoir à supporter durant deux jours et une soirée la tension entre Aelle et leur mère ; Narym a bien manqué s’étouffer avec sa culpabilité et Zakary a dû déployer des trésors d'inventivité pour lui faire comprendre que c’était son choix à elle et pas de sa faute à lui ; quant à leur père, il s’est muré dans un silence inhabituel les jours précédents le Réveillon et, inquiet pour elle, a finit par écrire un mot doux à son enfant qui l’a lu en levant les yeux au ciel.

Zikomo lui a dit qu’elle regretterait de ne pas fêter Noël avec sa famille ; Aelle a rigolé puis a secoué la tête quand elle a compris qu’il était sérieux : « Je me fiche de cette soirée, a-t-elle soutenu, je préfère encore rester tranquille ici pour lire au lieu de les supporter ». Nyakane a montré son désaccord et a prononcé une phrase toute faite du style : « Si tu ne prends pas soin de ta famille, ne t’étonne pas de te retrouver seule le jour où tu auras besoin d’eux » qui est entrée par une oreille et qui est sorti par l’autre.

C’est la suite logique de cette année, pensait Aelle de son côté, désormais habituée à fuir les rassemblements familiaux et trouvant même normal de rester seule un soir de fête plutôt que de faire semblant d’apprécier les regards froids de Zakary, les reproches tus de sa mère, la tristesse larmoyante de son père et les mensonges honteux de Narym. Cette année, il y a eu les vacances d’avril qu’elle a passé dans sa famille en détestant chaque moment passé enfermée dans cette maison pleine de tensions, les vacances d’été dont elle ne se rappelle de rien mais qu’elle pense avoir passé chez son frère Narym, et les nombreux repas auxquels elle était invité durant la seconde partie de l’année, invitations qu’elle n’a eu cesse de refuser — si l’on exclut sa soirée d’anniversaire à laquelle elle n’a pas pu refuser de se rendre. Noël n’est pas bien différent, pour elle, même si elle sait que c’était important pour son père qu’elle vienne. Et alors ? Son père s’en remettra. Elle a déjà passé dix-huit Noël avec eux. Qu’est-ce que ça peut lui faire qu’elle soit absente pour le dix-neuvième ?

Inconsciente de la douleur et de la colère que son absence crée lors du Réveillon de Noël, et surtout aveugle aux conséquences qu’aura son comportement, Aelle reste dans sa petite chambre de l’Académie le soir de Noël à grignoter des sucreries et à lire pour le plaisir, pour une fois. Pas de recherche, pas d’étude, pas de révision. Même Aelle Bristyle sait prendre du bon temps. La preuve : elle lit un grimoire énorme, poussiéreux et passionnant sur les charmes de conversion et se perd dans des explications alambiquées qui lui font des nœuds au cerveau. Zikomo est roulé en boule près d’elle, ayant refusé de rejoindre la famille de sa compagne pour rester avec celle-ci, et Nyakane est parti on ne sait où s’occuper à sa manière.

Il est bientôt minuit. C’est une bonne soirée. Parfois, Aelle pense à sa famille et elle se réjouit de ne pas être près d’eux car cela aurait signifié faire des efforts non naturels pour ne pas être elle-même et ne pas sauter à la gorge de sa mère. Avant de s’enfermer dans sa chambre, elle a pris soin d’envoyer ses cadeaux par le service postal. Après tout, elle leur a acheté quelque chose, même si elle l’a fait par obligation et non pas par plaisir. Sauf pour Narym. Pour Narym, elle a un peu réfléchit, tout de même. C’est pour cela qu’elle a décidé de garder son cadeau avec elle, dans le tiroir de son bureau, et de lui envoyer à la place un livre pris au hasard sur son étagère.

Elle était en train de s’endormir sur son livre, outrageusement heureuse de profiter de ce moment solitaire et du calme régnant dans l’école vidée de tous ses habitants, lorsque la porte de la chambre s’ouvre à la volée. Aelle se redresse brutalement, arrachée des limbes du sommeil. Ashley Rockfield se dessine dans l’encadrement. Elles se figent toutes les deux, ne s’attendant pas à trouver l’autre dans la chambre en ce soir de Réveillon de Noël. Ashley porte une robe de soirée tout ce qu’il y a de plus moldu : une longue robe droite, sage, sans décolleté, de couleur bordeaux, et a noué ses cheveux en une jolie coiffure, dégaine qui contraste fortement avec le pyjama vert assorti qu’a enfilé Aelle après la douche, ses yeux fatigués et ses cheveux rassemblés en un chignon maladroit sur le haut de son crâne.

« Qu’est-ce que tu fous là ?
Déjà rentrée, Bristyle ? »

Leurs deux voix résonnent au même moment et se superposent. Une moue semblable s’affiche sur leur visage. Elles restent silencieuses et figées encore quelques secondes, se regardant l’une l’autre avec la même méfiance qui caractérise leur relation depuis la scène qui les a opposées dans la forêt. Ashley finit par entrer dans la chambre et fermer la porte derrière elle, le visage paralysé par l’agacement. Elle pensait être seule, elle ne s’attendait pas à revoir Aelle avant plusieurs jours, persuadée de l’avoir vue partir avec un sac rempli de cadeaux plus tôt dans la journée. Que fait-elle ici ? se demande-t-elle silencieusement en déposant le blazer offert par sa mère sur le dossier de sa chaise et en laissant tomber les autres cadeaux reçus dans la soirée sur son bureau.

Aelle, tout aussi insupportable et flippante soit-elle, aurait dû passer la nuit dans sa famille, se gorger de dinde et de pudding, de fondants du chaudron, tirer des pétards surprises, toutes ces choses se faisant dans les familles sorcières. Ashley remarque les nombreux emballages de sucrerie abandonnés sur le sol. Personne n’aurait pu manger une telle quantité de bonbons après un repas de Noël, personne.

« Je pensais que tu passerais la nuit ailleurs, marmonne Aelle, semble-t-il aussi déçue qu’elle de ne pas pouvoir être toute seule.
Je pensais que tu le ferais aussi, Bristyle, » réplique-t-elle d’une voix froide, pas encore suffisamment remise de sa soirée pour supporter les méchantes petites remarques de sa colocataire.

Aelle ne récupère pas son livre, baissé sur ses genoux, pas plus qu’elle ne remet de l’ordre dans sa coiffure ou ne se redresse sur son lit. Complètement affalée, elle se contente de regarder Ashley et de supporter son regard lorsque celle-ci se tourne vers elle après avoir extirpé de son sac un objet caché par du papier craft ; un cadeau de Noël ?

« Ta soirée de Noël était bien ? » lui demande la blonde d’une voix amère.

Un sourcil se lève sur le front d’Aelle.

« Depuis quand on échange des familiarités, Rockfield ?
Depuis jamais, soupire Ashley en se laissant lourdement tomber sur son lit. Laisse tomber. »

Elle entreprend alors d’arracher le papier craft, dévoilant une bouteille stylisée remplie à ras bord d’un liquide ambré. Elle lève la bouteille devant elle et lance un regard plein de défi à Aelle.

« Je compte boire ça, ce soir. Si ça te dérange, t’as qu’à partir de la chambre. Moi en tout cas, je reste là. Il fait trop froid dehors et j’ai aucune envie d'aller ailleurs. »

Avant même qu’Aelle puisse répliquer quelque chose, et elle avait effectivement l’intention de lui dire d’aller se faire voir chez les fangieux, Ashley se hisse jusqu’au bout de son lit pour s’adosser au mur et ouvre la bouteille. Elle en avale une longue gorgée qui la fait grimacer et s’étouffer dans sa main. Face à un tel comportement, Aelle se retrouve sans voix. Non pas qu’elle soit choquée ou dérangée, ou qu’elle veuille tant se moquer qu’elle n’arrive pas à le faire. Non. C’est qu’elle comprend tout à coup qu’Ashley est réellement et sincèrement dans une humeur lamentable, ce soir. Et la première chose que la Poufsouffle trouve à faire, c’est de le lui faire remarquer :

« T’as passé une soirée de merde, hein ? »

Elle le dit sur un ton neutre mais Rockfield est tellement habituée à l’entendre se moquer ou répliquer méchamment qu’elle prend cette phrase comme une pique destinée à la blesser. Et blessée, elle l’est effectivement. Comment ne pas l’être alors qu’Aelle est ici ce soir au lieu d’être avec la famille de sorciers parfaite qu’elle a certainement ? Comment ne pas l’être alors qu’elle-même a passé la soirée à supporter les regards distants et lourds de jugement de ses parents et de son frère ? Frère qui lui a offert une bouteille « de vingt ans d’âge de ce rhum excellent que tu as goûté cet été et que tu avais apprécié » parce qu’il n’a aucune idée de ses goûts ou de ses passions et qu’il n’en a rien à faire d’elle. Alors oui, elle a de quoi être blessée.

« Ferme-là, Bristyle, réplique-t-elle en la foudroyant du regard, les doigts crispés autour de la bouteille. Je vais rester silencieuse à boire ma bouteille. Reste dans ton coin ou tire-toi, je m’en tape. Mais me fais pas chier.
Ah oui, commence Aelle, tu as vraiment passé une soirée de merde. »

Pendant un instant, Ashley s’imagine balancer la bouteille sur Aelle. Mais après ça, ses doigts se desserrent, son cerveau en décide autrement :

« Plutôt, oui, alors ne la gâche pas davantage. »

Aelle hausse les épaules, concluant ainsi la conversation tandis que sa colocataire avale une nouvelle gorgée du détestable breuvage. Ça n’a vraiment pas l’air de passer, songe l’ancienne Poufsouffle en avisant les traits de la blonde se froisser. Mais elle continue de boire. Et Aelle, de son côté, ne récupère pas son livre, trop occupée à observer l’autre fille afin d’essayer de comprendre ce qui peut bien lui arriver. Non pas que cela l’intéresse mais il faut dire que ce soir, Rockfield agit vraiment bizarrement. La preuve : elle lève de nouveau les yeux sur elle et lui demande, encore une fois :

« Et toi, ta soirée ? »

Sans doute espère-t-elle entendre qu’elle était aussi pourrie que la sienne. Aelle se fait un plaisir de la contredire.

« C’était génial.
T’es restée là ? » insiste l’autre après un moment d’hésitation, la tête tournée vers le tas de d’emballage de friandises sur le sol.

Aelle se contente de hausser les épaules mais cela semble suffir à Ashley comme réponse. Elle écarquille les yeux et son regard se fait légèrement méprisant.

« Me dis pas que t’es pas allée avec ta famille. »

Merde, songe Aelle, comment elle a deviné ?

« En quoi ça te concerne ? réplique-t-elle, les yeux comme des Avada Kedavra.
T’y es pas allée, » répète Ashley, hébétée, en la regardant comme si elle la voyait pour la première fois. Puis elle secoue la tête et rigole, mais son rire a quelque chose d’amer qu’Aelle trouve désagréable. « Meuf… T’y es pas allée de toi-même ? C’est quoi ton problème ? Il se passe quoi dans ta tête pour que tu préfères rester là ce soir ? Sérieux, j’suis sûre que toute ta famille est comme Narym, c’est à dire adorable et toi… Toi… »

Elle secoue la tête, incapable de comprendre. Au fond d’elle, elle songe amèrement que le monde est très mal fait. Aelle mérite une famille comme la sienne. Une famille qui ne la contacte que pour les fêtes, parce qu’envoyer un courrier par la poste dans leur monde moldu ultra connecté est trop compliqué pour eux. Une famille qui pense qu’elle passe sa journée à agiter une baguette magique pour faire sortir des lapins d’un chapeau pointu et qui sait qu’elle « étudie quelque chose dans son monde » sans pour autant savoir quoi exactement et sans s’y intéresser. Aelle mérite une famille comme cela tandis qu’elle, elle, Ashley Rockfield, mérite un grand frère comme Narym et une famille qui aurait fait partie du même monde qu’elle.

« J’y crois pas, » répète-t-elle en secouant la tête, la gorge nouée. Elle boit une nouvelle gorgée pour faire passer la pilule mais la pilule ne passe pas. « Non, il a dû se passer un truc. Tu dis que tu as passé une soirée géniale mais je te crois pas. »

Un sourcil se lève sur le front d’Aelle. Elle a les lèvres pincées et a tout perdu de la joie simple dans laquelle elle a flotté toute la soirée.

« Je me fiche que t’y crois ou non. »

Elle fait mine de repartir à sa lecture, mais personne dans la pièce n’y croit, pas même Zikomo qui suit leur échange sans intervenir, sagement assis sur un coin de la couette, ses pattes repliées sous lui. Esseulée sur son propre lit, Ashley continue de boire à la bouteille en observant sa colocataire. Au bout de la cinquième gorgée, le liquide ne lui brûle plus autant l'œsophage et elle sent déjà son esprit s’élever sous son crâne et sa vision se faire moins précise. Peut-être qu’Oliver avait raison, au final, peut-être que c’était un bon choix de cadeau : au moins peut-elle oublier sa famille merdique complètement amoureuse du fils prodige, du fils avocat, du fils parfait et moldu en buvant.

Après vingt minutes de silence, Ashley s’affale davantage sur le lit. Les jambes étirées dans une position confortable mais un peu étrange : un genou replié, l’autre pied appuyé contre le mur, et son buste renversé contre la tête de lit. Soudainement, elle se met à rire. Un rire qui n’a pas trop de raison d’être et qui attire l’attention d’Aelle, preuve que celle-ci n’était pas véritablement en train de lire. Ashley glousse un moment avant de se tordre la nuque pour lancer un regard à sa colocataire :

« C’est le Réveillon de Noël et on est là. On doit être les seules étudiantes de l’école encore là. C’est pitoyable.
Tu es pitoyable, Rockfield. Moi, je suis ici par choix.
Par choix, c’est ça ouais… D-désolée, mais j’te crois pas, » marmonne la blonde.

Elle lève le bras pour boire une nouvelle gorgée mais un Accio ! retentit soudain dans la petite chambre et elle sent la bouteille lui échapper sans pouvoir y faire quoi que ce soit. Aelle lève la main pour la réceptionner et lance un regard victorieux à Ashley qui grogne, frustrée de ne pas avoir eu ce qu’elle voulait. Elle roule sur le lit, le bras tendu.

« Rend la moi, braille-t-elle. C’est le cadeau d’mon frère.
Quel cadeau, commente Aelle sur un ton moqueur en lisant l’étiquette. Il doit beaucoup t’aimer, ton frère. »

Elle soutient le regard noir d’Ashley, le sien étant rempli de sarcarsme, tout en inclinant légèrement le menton pour laisser couler dans sa bouche une longue gorgée du liquide ambrée… Avant de s’étouffer dans sa main comme l’a fait sa colocataire plus tôt.

« Oh Merlin ! gémit-elle. Mais c’est quoi ça !
Ça c’est du rhum, marmonne Ashley en levant sa baguette magique.
Non ! » essaie de l’avertir Aelle, mais il est déjà trop tard.

Une formule magique, un mouvement hasardeux du poignet et voilà que la bouteille lui échappe. Elle vole un instant dans les airs et aurait atterri dans les doigts tendus d’Ashley si celle-ci n’était pas déjà enivrée. Mais Ashley est enivrée, alors la bouteille fait un tour sur elle-même, puis un second, répandant des lampées d’alcool sur la couette d’Aelle qui se lève en glapissant. La bouteille tombe par terre, le liquide s’échappant du goulot en un long filet moqueur. Aelle ouvre de grands yeux :

« Idiote ! » fait-elle en se précipitant pour nettoyer sa couette magiquement.

Insensible à son humeur, Ashley, elle, se laisse tomber sur le sol, non sans se cogner sur le bord de son lit au passage pour redresser la bouteille.

« Oh non, se plaint-elle, on en a perdu la moitié ! »

La moitié, remarque Aelle, n’étant en fait qu’un tiers, et encore. D’un coup de baguette, elle fait disparaître le liquide tombé sur le sol. Désormais assise sur le bord de son lit, elle peut à loisir lancer des regards noirs à Ashley qui se trouve quasiment à ses pieds et qui louche sur sa bouteille avec l’air de celle qui va bientôt se mettre à pleurer. Aelle soupire brusquement et ne se gêne pas pour insulter la jeune fille et lui expliquer en long, en large et en travers pourquoi il ne faut pas utiliser sa magie quand on est une idiote qui vient de s’enfiler la moitié d’une bouteille d’alcool. La moitié, remarque Ashley en souriant largement, n’étant en fait qu’un tiers, et encore.

« T’es marrante quand tu t’énerves, ricane la blonde qui n’a plus véritablement toute sa tête et que cela n’empêche de boire encore. Tu parles bien et longuem-ment en pensant qu’on t-t’écoute, et j’crois qu’tu l’crois vraiment, mais en fait on t’écoute pas vraiment.
Si t’étais pas bourrée, tu m’écouterai, » grommelle Aelle.

Ashley rigole encore et pendant un instant, sa colocataire envie son insouciance induite par l’alcool. Maintenant que Rockfield a commencé à boire, elle ne s’arrêtera pas de sitôt. Et puisqu’il n’y a personne d’autre dans l’école, Aelle n’a pas d’autres choix que de la surveiller, ou du moins surveiller qu’elle ne fasse pas n’importe quoi dans la chambre ou dans le bâtiment. Ce n’est pas par gaité de cœur qu’elle fait ça. C’est par obligation.

« T’es vraiment chiante ! se plaint-elle en se prenant la tête dans les mains. Tu pouvais pas aller ailleurs, te bourrer la gueule avec tes amis, je ne sais pas, moi.
À ton avis, i-ils sont où mes amis, baragouine Ashley en essayant d'accommoder sur elle. Hein, Bristyle, toi qu’est si futée, ou tu crois qu’y sont mes… Hips ! mes amis ?
Dans leur famille, réplique la jeune femme les dents serrés, et j’aurais peut-être dû aller dans la mienne aussi.
J’en étais sûre ! » Ashley brandit victorieusement la bouteille au-dessus de sa tête, sans faire fi des gouttes qui lui tombent sur le crâne. « J’en étais sûre que t’avais sci-sci-... Ciment décidée d’pas y’aller !
Je l’ai dit, grogne Aelle en la fusillant du regard, t’as rien deviné du tout, idiote. »

Et soudainement, sans prévenir, elle arrache la bouteille des mains d’Ashley et s’empresse de s’éloigner sur le lit jusqu’à pouvoir cogner son dos contre le mur. Elle affiche un petit sourire supérieur qu’elle fait disparaître derrière le goulot de la bouteille. La dernière fois avec Johnson, elle a passé la soirée au Pitiponk à boire des cocktails. Ce n’était ni franchement bon ni amusant, mais au moins avait-elle oublié la moitié de la soirée le lendemain en se réveillant. Si elle doit supporter Rockfield ce soir, autant s’assurer qu’elle l’oublie le lendemain, n’est-ce pas ? Et si elle était sincère avec elle-même, Aelle s’avouerait qu’elle profitait de l’occasion pour faire taire ses pensées tournés vers Narym et sa famille. Mais Aelle n’a jamais été sincère envers elle-même.

Les gorgées qu’avale Aelle semblent générer chez Ashley une euphorie sans précédent. La voilà qui rit à gorge déployée. Puis elle tend impérieusement la main en suppliant la Poufsouffle : « À moi, à moi, à moi ! », Poufsouffle qui doit déjà se remettre de ses deux gorgées et de sa tête qui tourne, et qui décide donc qu’elle n’est pas en état de refuser quoi que ce soit à qui que ce soit. Ashley récupère la bouteille et, étonnement, la lui rend après quelques gorgées.

La bouteille passe de main en main pendant quelques instants, sous le regard affligé et un peu amusé de Zikomo qui se promet de piquer la baguette d’Aelle et de s’enfuir avec si les choses finissent par se corser à cause de l’alcool. Mais pour le moment, rien ne se passe. Les filles boivent, Ashley rigole et dit ce qui lui passe par l’esprit sans que cela suscite la moindre réaction chez Aelle dont le regard se fait de plus en plus flou, jusqu’à ce que la blonde s’adresse directement à elle :

« Bristyle, eh Bristyle. Bristyle ! »

Aelle lui jette un regard ennuyé en faisant appel à sa sangle abdominale pour se pencher et tendre la bouteille à sa colocataire.

« Quoi ?
On… On… On joue à un j-jeu ?
J’veux pas jouer ‘vec toi, R’ckfield.
Allez ! Genre, on doit réussir à coller ces trucs, là… » Elle désigne les emballages de friandises au sol. « Sur l’mur ou l’plafond. Genre, avec la magie, t’vois ?
J’ai une tronche à jouer à ton jeu de merde ? Qu’est-c’tu… Qu’est-c’t’as pas compris ‘t à l’heure quand j’t’ai dit que…
Ça va être génial ! »

S’en suit une longue minute qui aurait été gênante si elles n’étaient pas alcoolisées durant laquelle Ashley essaie tant bien que mal de se mettre sur ses genoux en se traînant sur le sol, puis de ses genoux sur pieds, la tête qui pend entre ses bras comme si elle était incapable de la garder droite. Aelle la regarde faire en louchant, impressionnée qu’elle parvienne à tenir debout malgré la maladresse de ses mouvements et la fragilité de ses pieds qui ne parviennent pas à rester immobile. Ashely brandit une main impérieuse vers le plafond. Entre les doigts, elle tient l’emballage d’une Chocogrenouille vide. Sa jolie tenue de soirée ne ressemble plus à rien et sa coiffure s’est abîmée, sans parler de son maquillage qui lui coule sous les yeux.

« Premier essai !
Je joue paaas, » braille Aelle en secouant la tête avant de s’immobiliser soudainement en proie à une soudaine nausée.

Tandis qu’elle inspire profondément pour retrouver le contrôle de son estomac rempli de sucrerie qui ne supporte pas beaucoup l’alcool, Ashley semble réfléchir à la façon d’atteindre le haut plafond pour coller son papier, insensible au refus pourtant clair et net d’Aelle qui a du mal à savoir comment se débarrasser de sa colocataire. La blonde décide au bout d’une longue réflexion que c’est trop compliqué pour un premier essai. Elle préfère à la place monter sur le lit d’Aelle (avec ses pieds et tout le reste !) pour atteindre le mur.

« Eh ! crie Aelle en se sentant tomber sur le côté à cause du poids s’enfonçant dans le matelas. Fais gaffe ! »

Elle s’enchevêtre dans les jambes d’Ashley qui éclate de rire et essaie tant bien que mal de ne pas tomber. Aelle, elle, ne rigole pas, et tente de s’éloigner, une grimace de dégoût sur le visage. Pendant ce temps-là, un emballage de chocogrenouille vide se retrouve collé sur le mur grâce à un sortilège de glu maladroitement lancé. Ashley baisse un regard joyeux sur l’autre fille à moitié allongée sur le lit et qui n’arrive pas à forcer sur ses bras tremblants pour se remettre droit. Il faut dire que la pièce tourne beaucoup autour d’elle et qu’elle n’a pas avalé le moindre repas consistant aujourd’hui, contrairement à Ashley qui a mangé deux fois du rôti et trois fois du pudding.

Prise de pitié, la blonde se laisse tomber les fesses sur le matelas. Heureusement, Zikomo a depuis longtemps décidé de quitter le lit pour faire du bureau de sa compagne humaine son lieu de surveillance.

« T’es vraiment pas douée ! » se moque Ashley en riant, Aelle étant coincée contre le matelas juste devant elle, la tête dans les draps et les bras dépassant à moitié du lit.

Naturellement, les mains d’Ashley se verrouillent sur le col du pyjama d’Aelle et elle essaie ainsi de la relever, ce qui évidemment ne marche pas, mais Aelle trouve le moyen de brayer et de battre des mains pour s’extraire de sa poigne. Ashley se laisse tomber en arrière, un rire la secouant de part en part, mais Aelle, elle, ne rigole pas plus que tout à l’heure. Elle rampe jusqu’à l’autre bout du lit en baragouinant des menaces qui parviennent vaguement aux oreilles d’Ashley :

« S’tu m’touches encore, c’toi que j’vais coller au mur…
Ça vaaa, souffle la blonde en s’étirant pour récupérer la bouteille abandonnée sur la table de chevet. C’tait… C’était pour t-t’aider. T’pouvais pas respirer sur la couette ! »

Aelle se contente de la foudroyer du regard et de tendre la main. Joueuse, Ashley se penche et lui claque dedans, paume ouverte. L’autre recule brusquement, choquée, le visage tout froissé ; si elle essaie de paraître en colère, c’est loupé, songe Ashley.

« Pas ça ! l’engueule Aelle en présentant de nouveau sa main, avec hésitation cette fois-ci. La bouteille !
Aaaah, » fait Rockfield comme si elle avait compris.

Elle se penche de nouveau et cette fois-ci, enroule ses doigts autour de ceux d’Aelle. Mais au moment où elle se penche pour déposer ses lèvres sur ses phalanges, la Poufsouffle la repousse brutalement en arrière.

« Dégage ! »

Elle récupère sa main et la cache prudemment sous ses aisselles, accompagnée de sa copine, la gauche. Elle foudroie Ashley du regard, Ashley qui a un sourire de requin que les lèvres :

« Q-quoi, tu… Tu… Tu n’ai-aimes pas les baises-mains ? » articule-t-elle laborieusement, la bouche empâtée par l’alcool et le regard brillant.

Bourrée ou non, il ne faut pas embêter longtemps Aelle Bristyle. Celle-ci se tend en avant, aussi vive qu’un serpent, et arrache la bouteille des mains d’Ashley, non sans en répandre au passage sur la tenue de la jeune femme.

« Oh non ! s’exclame celle-ci en louchant sur son corps. T’es contente maint’nant ? »

Oui, Aelle est contente et elle garde jalousement la bouteille les dix prochaines minutes, en s’amusant de l’air outré de cette fille qu’elle n’apprécie pas beaucoup et dont la présence est encore plus désagréable maintenant qu’elle a bu. Ashley ne fait pas mine de récupérer son bien et supporte sans ne rien dire les sourires victorieux d’Aelle. Cette dernière n’a jamais autant souri que ce soir et, la blonde le découvre pour la première fois, n’a pas un visage désagréable à regarder quand il s’illumine, même s’il ne s’illumine que par moquerie.

La première raison pour laquelle Ashley ne tente aucune attaque surprise pour récupérer la bouteille, c’est qu’elle pense avoir suffisamment bu pour ce soir. La preuve étant que ses pensées font de la mélasse dans sa tête et qu’elle vient de trouver qu’Aelle était jolie, ou quelque chose comme cela. La seconde raison, c’est qu’elle n’a pas confiance en elle. Pas confiance en ses propres membres, pour commencer : elle est à peu près persuadée de tomber si elle essaie de se redresser ; et pas confiance en ses envies parfois étonnantes quand elle a bu qui pourraient bien la mener à proposer à Aelle Bristyle autre chose qu’un baise-main. Et cela, c’est absolument inacceptable. Absolument et complètement inacceptable. Inconcevable, même. Choquant. Détestable. Il est vraiment temps qu’elle arrête de boire, songe Ashley qui n’en serait pas à sa première bêtise induite par l’alcool.

« Tiens. »

Ashley louche sur la bouteille que lui tend Aelle et elle secoue la tête de droite à gauche.

« T’en veux plus ?! s’étonne sa colocataire.
Nope.
Pourquoi ?
T’as pas envie de savoir, marmonne Ashley en essayant vaguement de se relever et en abandonnant moins d’une seconde plus tard. Trop fatiguééééée, geint-elle en laissant tomber sa tête sur l'oreiller.
Ouais, bah dégage sur ton propre lit, » marmonne Aelle en buvant une nouvelle gorgée de rhum, consciente d’être clairement en train de dépasser ses propres limites.

Fidèle spectateur, Zikomo est témoin ce soir-là de l’incapacité des deux jeunes filles à être raisonnables : persuadée d’être trop bourrée pour continuer à boire, Ashley est néanmoins celle qui termine la bouteille et qui se plaint de ne pas en avoir assez, quand bien même est-elle trop alcoolisée pour réussir à se lever. Aelle, quant à elle, utilise la magie envers et contre toute raison, même si Zikomo lui souffle à plusieurs reprises de ne pas le faire ; « Je gère ! glousse-t-elle à son ami en brandissant sa baguette en bois de gingko. Je gère ! », son sourire étant la preuve qu’elle ne gère rien du tout.

*


J’essaie d’ouvrir les yeux. Puisque ma vision reste obscure, j’en conclus que je n’y suis pas parvenue. J’ai un troupeau d’éruptifs dans le crâne et l’estomac qui danse le rock. J’abandonne l’idée d’ouvrir les yeux et reste très immobile, le plus immobile possible pour ne pas que la pièce tourne autour de moi — je la sens tourner et c’est une sensation horrible, une sensation qui me donne l’impression de mourir et que je déteste et que je reconnais pour l’avoir subit il y a moins d’une semaine, même si c’était moins violent. Ma tête est prise dans un étau. Comme si un géant la tenait entre son pouce et son index en essayant de la réduire en charpie. Le moindre mouvement m’est insupportable. C’est comme si un gouffre s’ouvrait devant moi mais que j’étais incapable d’y tomber. Je reste suspendu là, et je me sens tellement mal que j’aimerais mieux me rendormir. Je m’efforce de trouver le chemin vers le sommeil, mais c’est à ce moment-là que ma main décide de se lever toute seule à côté de moi pour se poser sur mon ventre. Je grogne, d’un grognement qui me donne envie de vomir, et j’essaie de soulever mon bras, mais celui-ci est coincé sous quelque chose de beaucoup trop lourd.

C’est au bout d’une très longue poignée de secondes que je prends conscience que si mon bras gauche est coincé sous ce poids et que mon bras droit est coincé sous ma propre tête — je le sens à la douleur dans mon coude d’être resté trop longtemps dans cette position — alors, à moins qu’il ne m’ait poussé un troisième bras dans la nuit, cela signifie que j’ai un problème et que cette main qui bouge sur mon ventre ne m’appartient pas. Un grognement m’échappe. Il provient de quelque part sur ma gauche. Non, ce n’est pas mon grognement. Ce n’est pas le mien. Oh, Merlin !

J’ouvre brusquement les yeux, mouvement aussitôt suivi d’une flopée de jurons glissant hors de ma propre bouche, eux-mêmes suivis par une douleur si intense au niveau du crâne que je ne peux que me laisser retomber en arrière.

La forme allongée près de moi bouge encore. Maintenant que j’ai compris, je ne peux plus l’ignorer : je sens la tête de Rockfield sur mon bras ankylosé et sa main sur mon ventre dont le contact m’est si peu familier qu’il semble me brûler. La sorcière baragouine quelque chose, avant de rouler et de plonger son visage contre mon buste.

« Bouge-pas, souffle-t-elle d’une voix minuscule, si tu bouges, j’ai envie de vomir. »

Elle dit ça d’une voix précipitée, comme si le moindre mot accentuerait le risque de vomir. Je ressens le besoin impérieux de la dégager brutalement de moi, un besoin physique, un besoin urgent. Mais j’ai également envie de vomir et j’ai un tambour dans la tête. Je n’arrive pas à bouger, je n’arrive à rien faire, si ce n’est inspirer par le nez pour me retenir de dégobiller sur la tête d’Ashley qui, rappelons-le, est contre moi.

« Bouge. »

Une voix caverneuse sort de ma bouche. Oh, Merlin. Depuis quand n’ai-je pas bu un verre d’eau ? Je me sens misérablement mal.

« Bouge, répété-je lorsqu’un grognement venant de Rockfield me répond. Bouge ! »

Crier me retourne l'estomac mais le parfum de Rockfield qui s’infiltre dans mes narines et qui provient de ses cheveux qu’elle a niché juste sous mon menton, ce qui est une position au demeurant assez agréable même si je ne la supporte pas, me donne également envie de vomir, alors il faut faire un choix. À un moment ou un autre, il faut faire un choix, même lorsque l’on a un tel mal de tête que l’on préférerait mourir plutôt que de rester éveillée plus longtemps. Alors le choix, je le fais : je bloque ma respiration et me redresse en geignant tout en repoussant difficilement Rockfield. J’ai les bras engourdis, les yeux fermés et envie de vomir. Je n’arrive pas à la repousser efficacement, mais la gravité étant ce qu’elle est, la blonde roule et au moment où plus de la moitié de son corps dépasse du lit, ce qui était déjà quasiment le cas, elle est attirée vers le bas et s’écrase lamentablement sur le parquet.

C’est trop tard pour profiter de cette victoire. Je me lève tant bien que mal, trébuche sur Rockfield qui crie de douleur, me prends les pieds dans sa chaise qui est, je ne sais absolument pas pourquoi, abandonnée sur le sol, manque de me cogner la tête contre le chambranle de la porte de la salle de bains et parviens enfin à atteindre les toilettes.

Lorsque je ressors de la salle de bains, j’ai l’impression qu’une éternité s’est écoulée. J’ai bu des litres et des litres d’eau sans que cela ait fait diminuer l’intense douleur qui me scie la tête. Dans la petite chambre règne une odeur répugnante, mélange d’alcool et de sueur qui me retourne l’estomac. J’avise ma baguette sur le bureau. Comment est-elle parvenue ici ? Aucune idée. Je la récupère et ouvre magiquement la fenêtre, soupirant lorsqu’une agréable brise me caresse le visage. Rockfield s’est rendormie sur le sol dans la position dans laquelle elle est tombée, un bras au travers du visage.

« Il lui faudrait peut-être de l’eau. »

La voix me fait sursauter, mais il ne s’agit que de Zikomo qui émerge de sous la couette, les yeux papillonnant pour s’habituer à la lumière. J’invoque de l’eau, trop fatiguée pour lutter contre lui, et je fais léviter le verre à côté de la forme assoupie par terre.

« S’lut, Zik, je marmonne en me laissant tomber sur le matelas.
Tu as beaucoup bu, commente-t-il.
J’le sens bien, ouais. »

Je relève subitement la tête pour le regarder, mouvement qui m’arrache un gémissement de douleur. J’ai l’impression qu’on s’amuse à m’enfoncer quelque chose dans l’arrière du crâne.

« J’me rappelle pas d’ma soirée. »

C’est vrai, je ne me rappelle de rien. Le noir complet. Sauf certaines scènes mais elles sont si floues que je ne peux pas savoir si elles se sont réellement passées ou non. Ai-je réellement passé la soirée à boire avec Rockfield ? Avons-nous vraiment collé des choses aux murs ? Non, je ne pense pas. Je vois son visage s’approcher du mien, invention ou réalité ? Trop flou, ce doit être une invention. Les scènes s'enchaînent dans ma tête mais je n’arrive pas vraiment à m’arrêter dessus ou même à y croire. Je nous vois en pleine nuit, dans le noir, endormies dans cette position dans laquelle je me suis réveillée, et Rockfield qui me secoue encore et encore et encore en marmonnant que tout va bien, qu’il faut que je me réveille, que je fais un cauchemar ; il me semble sentir son bras autour de moi et entendre ses tentatives pour me réconforter. Mais ce n’est pas réellement arrivé, n’est-ce pas ? Non, je ne crois pas, ce n’est que l’alcool.

« Dors, Aelle, me conseille Zikomo en venant se blottir contre moi. Maintenant, tu dois te reposer. Allez, je veille sur toi. »

D’accord, Zikomo. Veille sur moi. Je m’abandonne en arrière, la tête sur l’oreiller. Avant de fermer les yeux, je remarque que sur le mur et sur le plafond se trouvent collés une dizaine d'emballages de sucrerie. Je me rendors dans un gloussement amusé, sans savoir pourquoi.